Mme la présidente. L'amendement n° 1237 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 619.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 167 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 150
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l'article 80 bis A demeure supprimé.

Article 80 bis A (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 80 bis (priorité)

Article 80 bis B (priorité)

(Non modifié)

Après l’article L. 3132-26 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-26-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-26-1. – Lorsque le repos dominical a été supprimé le jour d’un scrutin national ou local, l’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote. » – (Adopté.)

Article 80 bis B (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 81 (priorité)

Article 80 bis (priorité)

(Non modifié)

Après l’article L. 3132-27 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-27-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-27-1. – Le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 est applicable aux salariés privés du repos dominical en application de l’article L. 3132-26. » – (Adopté.)

Article 80 bis (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l’article 81 (priorité)

Article 81 (priorité)

Après l’article L. 3122-29 du code du travail, il est inséré un article L. 3122-29-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3122-29-1. – I. – Par dérogation à l’article L. 3122-29, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, le début de la période de travail de nuit peut être reporté jusqu’à 24 heures. Lorsqu’il est fixé au-delà de 22 heures, la période de nuit s’achève à 7 heures.

« II. – La faculté d’employer des salariés entre 21 heures et 24 heures est applicable aux établissements situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 lorsqu’ils sont couverts par un accord collectif de branche, d’entreprise, d’établissement ou territorial prévoyant cette faculté. Chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps.

« L’accord collectif mentionné au premier alinéa du présent II prévoit notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :

« 1° La mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;

« 2° Les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés et, en particulier, les mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;

« 3° La fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier, de leur changement d’avis. Pour les salariées mentionnées à l’article L. 1225-9, le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d’effet immédiat.

« III. – Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et 24 heures. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« IV. – (Supprimé)

« V. – Les articles L. 3122-37, L. 3122-38 et L. 3122-42 à L. 3122-45 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et 24 heures, dès lors qu’ils accomplissent sur cette période le nombre minimal d’heures de travail prévu à l’article L. 3122-31.

« Lorsque, au cours d’une même période de référence, le salarié a accompli des heures de travail en soirée en application de l’article L. 3122-29-1 et des heures de travail de nuit en application de l’article L. 3122-31, les heures sont cumulées pour l’application du premier alinéa du présent V et de l’article L. 3122-31. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. En parfaite cohérence avec le reste du texte, la partie consacrée au travail vise à casser la réglementation existante et les droits de salariés. Cela est particulièrement vrai pour l’article 81, aussi appelé « article Sephora », qui permet l’ouverture des magasins jusqu’à minuit dans les ZTI.

Cela a été dit mais je le rappelle, pendant de nombreux mois, l’enseigne Sephora a lutté pied à pied avec l’administration pour parvenir à ouvrir son magasin sur les Champs-Élysées après 21 heures.

Attaquée devant les tribunaux il y a deux ans par l’intersyndicale du commerce de Paris, Sephora avait multiplié les procédures judiciaires. Le 23 septembre 2013, la cour d’appel de Paris a interdit l’ouverture nocturne des magasins des Champs-Élysées et du XIIIe arrondissement de Paris et ordonné à la direction de cesser d’employer des salariés dans ces deux magasins entre 21 heures et 6 heures du matin. Le 26 septembre dernier, la Cour de cassation a confirmé cette interdiction. Elle a estimé, en se référant au code du travail, que « le recours au travail nocturne n’était pas inhérent à l’activité du parfumeur. Le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise ».

Ainsi, en inscrivant cet article dans la loi, vous décidez, monsieur le ministre, de donner tort à la justice et aux salariés, pour satisfaire aux exigences du PDG de Sephora, filiale du groupe LVMH, qui, rappelons-le, a affiché en 2014 un résultat net de 5,7 milliards d’euros, soit une hausse de 64 % ! La crise ne frappe pas tout le monde…

Une fois voté, l’article 81 permettra au magasin Sephora des Champs-Élysées d’ouvrir, en toute légalité cette fois-ci, jusqu’à minuit. Ce sera également possible pour tous les magasins situés dans ces fameuses ZTI.

Monsieur le ministre, si notre droit l’interdit, c’est bien que le travail de nuit est dangereux. Laissez-moi vous lire un court extrait d’un rapport d’étude sur le sujet.

« Les travailleurs de nuit ont le plus souvent le sentiment qu’une erreur de leur part pourrait avoir de graves conséquences. Leur travail comporte davantage de facteurs de pénibilité physique et de contraintes de vigilance et ils déclarent plus souvent risquer d’être blessés ou accidentés. Au total, alors que les capacités de résistance sont physiologiquement réduites la nuit, les effets négatifs du travail de nuit sur la santé à long terme tendent à se cumuler avec d’autres facteurs de risques liés à un travail plus difficile émotionnellement et physiquement. ».

Ce rapport n’est pas une publication à charge de la CGT, encore moins une tribune d’extrême gauche opposée à votre réforme. Il s’agit d’une publication sobrement intitulée Le travail de nuit et disponible sur le très officiel site du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social. Nous avons donc un peu de mal à vous suivre, monsieur le ministre.

À titre informatif, mais vous devez déjà le savoir, une exposition de quinze ans ou plus au travail de nuit accroît la probabilité d’être limité dans ses activités quotidiennes de 50 %. Pourquoi contourner une décision de justice avec cet article, alors que la puissance publique reconnaît que le travail de nuit est néfaste pour celles et ceux qui le pratiquent ?

Pourquoi rendre légal le travail de nuit alors que cela n’a aucun effet bénéfique sur l’emploi et l’économie ? Rappelons à ce sujet que le Virgin des Champs-Élysées était ouvert tous les jours sans interruption de 10 heures à minuit, et que cela ne l’a pas empêché de mettre définitivement la clef sous la porte il y a deux ans.

Ce n’est donc pas simplement parce qu’il entre en contradiction avec le projet de société que porte la gauche, celui de sortir du tout-marchand, que nous nous opposons au travail de nuit. Si nous y sommes résolument opposés, c’est d’abord parce qu’il est une souffrance supplémentaire pour les travailleurs, qu’il consiste en une dégradation de plus des conditions de travail et de vie des salariés, femmes et hommes, qui connaissent déjà tant de difficultés quotidiennes.

Les Françaises et les Français vous ont élus en 2012 pour tourner la page après dix ans de droite. Aujourd’hui, vous tournez non seulement le dos à cette espérance, mais vous allez plus loin dans la casse des acquis sociaux et du code du travail.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous nous opposons à cet article et invitons mes collègues des autres groupes de gauche à faire de même.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Je souhaite insister, à l’occasion de l’examen de cet article 81, sur les conséquences de ses dispositions plus spécifiquement sur le travail des femmes.

Permettez-moi une première remarque pour regretter l’absence de prise en compte de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce projet de loi. Je déplore vivement que l’étude d’impact soit particulièrement muette en la matière s’agissant des dispositions relatives au travail dominical.

Pourtant, votre gouvernement, monsieur le ministre, s’était engagé en 2012 à prendre en compte cette question transversale dans tous les textes.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que l’emploi des femmes est bénéfique à la croissance économique. ? D’après les chiffres cités dans l’édition 2015 des chiffres clés de l’égalité réelle publiée par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, selon l’OCDE, si la parité entre les sexes dans la participation au marché du travail était réalisée au cours des vingt prochaines années, l’emploi des femmes représenterait plus de 0,4 point de croissance du PIB par habitant.

Je regrette, d’ailleurs, que la commission spéciale ait adopté pour principe de supprimer systématiquement de ce texte tous les rapports. Je pense notamment à celui qui était prévu à l’article 11 nonies. Il s’agissait d’un rapport du Gouvernement portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, mais aussi sur les écarts de prix selon le sexe du consommateur et enfin sur les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes.

L’article 81 prévoit la création de zones où le travail du dimanche sera la règle et banalisera le travail de nuit rebaptisé « travail en soirée », ce qui aura des conséquences lourdes pour les femmes. On change les dénominations, mais on ne change pas les conditions dans lesquelles s’exerce le travail : le travail en soirée est moins pénible que le travail de nuit, mais cela n’empêche que c’est du travail de nuit !

Nous savons, en effet, que 56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes, et qu’elles sont largement majoritaires parmi les employés du commerce : les hôtes et hôtesses de caisse, comme on les appelle maintenant, sont à 70 % ou à 80 % des femmes.

Quid des conséquences de cette généralisation du travail du dimanche et en soirée pour les familles monoparentales ? Nous en avons déjà beaucoup parlé.

Le texte initial ne prévoyait aucune disposition en leur faveur, malgré des difficultés bien connues d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, la double journée étant malheureusement encore trop souvent majoritairement supportée par les femmes.

Quid des besoins en garde d’enfants, quand on connaît le manque cruel de places d’accueil ? Quid aussi des conditions de transport ? Je vous renvoie au rapport sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun – actes qui, on le sait, sont particulièrement fréquents la nuit – publié le 16 avril dernier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les mesures de compensation introduites nous apparaissent relever de vœux pieux et ne pas faire le poids au regard de tous les éléments négatifs que je viens de souligner.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 74 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 169 rectifié est présenté par Mme Lienemann.

L'amendement n° 481 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 789 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 74.

Mme Évelyne Didier. Un rapport présenté en 2010 par le Conseil économique, social et environnemental relevait le développement tendanciel du travail de nuit habituel, celui-ci concernant désormais un salarié sur cinq. Il soulignait les risques pour la santé des salariés, les perturbations de la vie sociale et familiale, évoquant un véritable enjeu de santé publique. Le CESE concluait que le travail de nuit devait rester une exception et que sa mise en place devrait être plus strictement encadrée afin de mieux prendre en compte la santé des travailleurs et les impératifs de la sécurité au travail.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 169 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Jusqu’à présent, l’autorisation exceptionnelle du travail de nuit se justifiait par les nécessités de l’exercice d’activités particulières. Cela n’a toutefois pas empêché une expansion considérable du recours au travail de nuit depuis 1992, date à laquelle, prétendument au nom de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, on a autorisé le travail de nuit des femmes.

Au travers du présent texte, on change franchement de logique, le travail de nuit étant désormais justifié non plus par la nature des activités exercées, mais par de simples critères géographiques : la présence de nombreux touristes dans certaines zones rendrait nécessaire l’ouverture des commerces au-delà de 21 heures.

Le sujet est grave : il y va de la santé des salariés concernés. On ne nous fera pas croire que c’est dans la joie et l’allégresse que ces derniers vont choisir de travailler tard le soir.

J’insiste sur le fait que le logement est souvent très cher dans ces zones touristiques. Les salariés habitent donc souvent loin de leur lieu de travail, et il faut ajouter au temps de travail des temps de transport importants, à des horaires où, chacun en conviendra, la sécurité et le confort ne sont pas optimaux.

Je ne peux accepter une telle régression sociale, qui ne se justifie en rien. Il s’agit d’une véritable dérive ; on aura beau attribuer à ces salariés des points de pénibilité au titre de la retraite, la mise en œuvre de ce dispositif va affaiblir encore un peu plus des gens déjà faibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 481.

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, en France, la période dite de travail de nuit commence à 21 heures et se termine à 6 heures.

Le recours au travail de nuit doit satisfaire à trois critères : il doit être exceptionnel, prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.

Travailler de nuit suppose la conclusion préalable d’un accord collectif. À défaut d’accord, c’est l’inspecteur du travail qui peut autoriser le travail de nuit d’un salarié.

Si le travail de nuit nécessite la réunion de tant de conditions, c’est parce qu’il est avéré que cette forme de travail est nuisible pour la santé : désocialisation, risques cardio-vasculaires, prédisposition au cancer… Le site internet du ministère de travail mentionne explicitement ces risques.

Pourtant, en toute connaissance de cause, le Gouvernement a fait le choix d’autoriser les magasins situés en zones touristiques internationales à ouvrir jusqu’à minuit. Dans ces zones, la période de travail de nuit pourra donc ne débuter qu’à compter de minuit, au lieu de 21 heures aujourd’hui. Je ne savais pas, au demeurant, qu’il s’agissait là d’un article « Sephora » : je remercie Mme David de m’avoir en quelque sorte « mis au parfum » ! (Sourires.)

M’interrogeant sur l’utilité économique d’une telle ouverture tardive des magasins, j’ai fini par comprendre qu’il s’agissait certainement de s’adapter au décalage horaire subi par les riches touristes chinois, qui ne parviennent pas à dormir avant minuit… (Nouveaux sourires.) Que ne ferait-on pour eux !

S’agissant maintenant des compensations, les établissements implantés dans ces zones touristiques internationales devront être couverts par un accord collectif, et il est prévu un doublement du salaire entre 21 heures et minuit, ainsi qu’un repos compensateur. Mais quid des frais de garde des enfants des salariés, quid des frais supplémentaires de transport ?

M. Jean-Claude Requier. Le taxi est prévu !

M. Jean Desessard. Oui, mais le taxi coûte très cher lorsqu’il faut rentrer en banlieue !

Mme Éliane Assassi. Tout le monde n’est pas sénateur !

M. Jean Desessard. Instaurer de telles conditions de travail n’est guère souhaitable, fût-ce pour inciter les touristes chinois à dépenser leur argent en France. Nous souhaitons donc également la suppression de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 789 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements visent à supprimer la possibilité de travailler en soirée dans les zones touristiques internationales.

Il a semblé à la commission que le maintien d’une activité commerciale, avant minuit, dans certains lieux et certains domaines d’activité spécifiques répond à une demande touristique importante.

Il est par ailleurs prévu un encadrement strict de ces heures de travail et un régime social très favorable aux salariés, grâce notamment aux contreparties introduites à l’Assemblée nationale.

En conséquence, l'avis de la commission spéciale est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je voudrais rappeler que nous parlons ici des zones touristiques internationales, et non du droit commun. Dans ces zones très bien délimitées a été identifié un potentiel d’activité économique justifiant d’étendre les horaires d’ouverture des magasins.

Au sein de ce périmètre, nous proposons de décaler le début du travail de nuit de 21 heures à minuit, l’intervalle de temps compris entre ces deux horaires relevant du travail en soirée.

Tel qu’il est rédigé, le texte prévoit des compensations en matière de reconduite au domicile, de salaire – le payer-double – et de prise en charge de divers frais pouvant être engagés par le salarié.

Je vous invite à vous pencher sur les dispositions actuelles du code du travail en matière de travail de nuit. Les rapports que vous avez justement cités concernent le travail de nuit, tel qu’il est pratiqué dans les services et l’industrie, et non le travail en soirée. L’article L. 3122-39 du code du travail dispose ainsi que « les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ».

Nous ne parlons pas aujourd’hui du travail posté exercé toute la nuit : le champ du dispositif est beaucoup plus circonscrit, et nous mettons en place un régime de compensation réelle à tous égards mieux-disant que le droit actuel. Dans ces conditions, occupez-vous plutôt de ce dernier et proposez des amendements qui permettent de l’améliorer !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est à vous de le faire, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. En tout cas, ne parlez pas de recul social,…

M. Emmanuel Macron, ministre. … puisque les compensations que nous prévoyons sont supérieures à ce qui existe actuellement !

Je vous renvoie au rapport d’août 2014 de la DARES : en moyenne, la compensation salariale est de 8 %, et encore s’agit-il là du travail de nuit, et non du travail en soirée entre 21 heures et minuit ! Soyons sérieux ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Il faut remettre les choses en perspective !

Je voudrais maintenant revenir sur le sujet, autrement plus important, de l’articulation entre travail de nuit, travail en soirée et travail de jour. Aujourd’hui, le travail de nuit peut commencer à 21 heures. Cependant, la jurisprudence récente a créé des inquiétudes, qui ont conduit certains d’entre vous à proposer par voie d’amendement d’étendre ces dispositions à l’ensemble des zones touristiques.

La jurisprudence récente en matière de travail de nuit a amené les tribunaux à considérer que la mise en place du travail de nuit dans les commerces au moyen d’accords ne remplit pas les conditions prévues par l’article L. 3122-32 du code du travail, notamment car elle ne peut se justifier par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité.

Ainsi, il n’est plus possible, même lorsqu’un accord collectif a été conclu pour mettre en place le travail de nuit, d’employer des salariés la nuit dans les commerces. Toutefois, la définition de la période de nuit permet une certaine flexibilité ; c’est sur ce point que je voulais attirer votre attention.

Dans le cas général, le travail de nuit correspond à la période de 21 heures à 6 heures du matin. Selon la jurisprudence, l’article L. 3122-29 du code du travail permet de définir « une autre période de neuf heures consécutives comprises entre 21 heures et 7 heures, incluant en tout état de cause l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, par accord collectif ». Il est donc possible, pour toute entreprise et quel que soit son secteur d’activité, de décaler le début de la période de nuit à 22 heures : la seule condition est la conclusion d’un accord collectif. Dans ce cas, le travail effectué de 21 heures à 22 heures n’est pas du travail de nuit. La jurisprudence n’a pas remis en cause cette possibilité.

Tel est le droit actuel qui s’applique partout, quels que soient les changements de jurisprudence récents, qui ont suscité beaucoup d’interrogations. C’est la raison pour laquelle je serai amené à émettre un avis défavorable sur les amendements visant à étendre les mesures relatives au travail en soirée dans les zones touristiques internationales au reste du territoire.

Nous parlons donc ce soir exclusivement d’une plage horaire comprise entre 22 heures et minuit, et des seules zones touristiques internationales, sachant que, comme je viens de l’indiquer, dans le droit commun, on peut décaler, sur la base d’un accord collectif, le début du travail de nuit de 21 heures à 22 heures. L’autorisation d’ouverture durant cette tranche horaire en zone touristique internationale sera soumise à la conclusion d’un accord entre les parties : pas d’accord, pas d’ouverture. Enfin, j’ai rappelé toutes les mesures de compensation que nous avons prévues, qui sont plus favorables pour les salariés que celles qui existent aujourd’hui dans la loi pour le travail de nuit, y compris dans le secteur industriel.

Le dispositif proposé me semble donc des plus protecteurs pour les salariés. À la lumière de ces explications, je confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, à une heure quarante-cinq ce matin, il n’est pas utile de vous départir du calme dont vous avez fait preuve tout au long de notre discussion.

M. Jean Desessard. C’est un effet du travail de nuit !

Mme Annie David. Vous nous rappelez le droit existant : j’espère que vous ne nous faites pas l’offense de penser que nous ne le connaissons pas ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

Le droit du travail dispose aujourd'hui que le travail de nuit commence à 21 heures et qu’il doit être assorti de compensations. Cependant, monsieur le ministre, il est jusqu’à présent destiné à assurer la continuité des services publics nécessitant une présence humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre – hôpitaux, transports, etc. – et de l’activité dans quelques secteurs industriels de moins en moins représentés, malheureusement, dans notre pays, telles la sidérurgie ou la papeterie, où les machines doivent fonctionner en permanence, ce qui nous ramène d’ailleurs à la question du travail dominical, que j’ai abordée ce matin.

Oui, le travail de nuit existe déjà, mais il était jusqu’à présent réservé à certaines activités bien particulières. Ce que vous nous proposez, c’est d’ouvrir le champ du recours au travail de nuit. Certes, dans un premier temps, seuls les magasins situés dans des zones touristiques internationales seront concernés, mais cela constitue déjà un élargissement de ce champ à d’autres activités que celles que je viens de citer. Les salariés de ces magasins termineront leur journée de travail à minuit.

Le travail de nuit est actuellement bien encadré, selon des horaires différents de ceux qui nous sont présentés au travers de cet article. Vous pouvez bien protester, monsieur le ministre, avec toute la véhémence dont vous êtes capable, il n’en reste pas moins que vous élargissez le travail de nuit à de nouveaux domaines d’activité.

Les salariés concernés seront soumis à des conditions de travail pénibles. Vous semblez ne pas avoir entendu ce que, les uns et les autres, nous vous avons dit : le travail de nuit nuit gravement à la santé des salariés. Apparemment, cela ne dérange personne ! On écrit en gros sur les paquets de cigarettes que fumer nuit à la santé, mais travailler de nuit est également néfaste.

Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission, vous vous êtes interrogé sur l’utilité du code du travail : il sert notamment à édicter des règles protégeant les salariés contre les abus que certains patrons – je dis bien certains – pourraient avoir envie de commettre. C’est le rôle principal du code du travail, dont un article précise d'ailleurs que l’employeur est responsable de la santé de ses salariés et qu’il ne doit pas avoir des exigences qui nuiraient à celle-ci. Cet aspect des choses ne semble pas vous préoccuper, monsieur le ministre, puisque vous étendez le champ du travail de nuit, même si, par une astuce sémantique, vous rebaptisez celui-ci « travail en soirée ». Ce faisant, vous allez gravement porter atteinte à la santé des salariés concernés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.