Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, sur l'article.

Mme Anne Emery-Dumas. L’article 96 vise à permettre à l’autorité administrative de suspendre temporairement l’activité d’un prestataire de services établi hors de France en cas d’infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail.

En effet, le droit actuel a été conçu dans la perspective d’entreprises françaises exerçant sur le territoire national. Or on a assisté, ces dernières décennies, à un développement de l’extraterritorialité des sièges d’entreprises, qui détachent des salariés, souvent pour des durées très courtes. Par conséquent, les sanctions prévues sont inapplicables : comment fermer temporairement une entreprise qui pratique le travail illégal en France alors qu’elle est située à l’étranger ? Comment appliquer des procédures pénales pour des infractions de travail illégal à l’encontre d’entreprises étrangères alors que le droit du travail est territorial ?

Du point de vue législatif, nous avons adopté en juin 2014 la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, qui renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive à des travailleurs détachés. Elle a traduit par anticipation en droit français le compromis européen qui avait été trouvé pour renforcer la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, faisant l’objet de nombreuses fraudes, comme l’a rappelé M. Christian Favier. Nous avons donc accompli un premier pas important.

Aujourd’hui, l’article 96 a pour objet d’introduire quatre nouveaux articles dans le code du travail, afin de permettre à un inspecteur du travail d’enjoindre par écrit à un employeur établi à l’étranger et détachant des salariés en France de faire cesser une situation dans laquelle sont constatées des infractions d’une particulière gravité : non-respect manifeste du salaire minimal légal, dépassement important des limites de durée maximale du travail quotidienne ou hebdomadaire, hébergement collectif indigne des travailleurs, manquement au repos quotidien minimal de onze heures consécutives ou au repos hebdomadaire.

L’employeur disposera d’un délai, qui sera fixé par voie réglementaire, pour présenter ses observations, régulariser la situation constatée et apporter à l’administration les éléments tangibles de la mise en conformité.

Si l’employeur ne réagit pas, l’administration pourra ordonner la cessation d’activité pour un mois, renouvelable si l’infraction persiste. Le non-respect de cette interdiction d’activité vaudra à l’employeur une amende de 10 000 euros par salarié.

Il est important de souligner que la décision de suspension d’activité n’entraîne ni rupture ni suspension du contrat de travail des salariés, qui sont avant tout les victimes de cette situation de fraude et d’exploitation.

Ces dispositions sont complétées par des mesures concernant le transport routier et le transport fluvial, qui instaurent l’obligation d’un contrat de transport écrit. Un nouvel article du code du travail précisera que le destinataire du contrat de transport est clairement le donneur d’ordre. Cette disposition est particulièrement importante, puisqu’elle implique que toutes les obligations de déclaration, de désignation d’un référent, de signalement des infractions à l’encontre des droits des salariés chez un sous-traitant lui incomberont. Il sera ainsi financièrement solidaire du paiement de la rémunération des salariés du prestataire étranger qui n’aura pas respecté nos règles légales et conventionnelles en la matière. En outre, les sanctions financières lui seront applicables.

Dans le secteur du bâtiment, une carte d’identification professionnelle est créée, pour le coût modique de 2 euros par salarié, à la charge des entreprises concernées. On ne saurait donc parler d’une charge excessive ; il s’agit avant tout de protéger les entreprises en situation régulière.

Ce projet de loi poursuit donc notre offensive méthodique visant à une remise en ordre de certains secteurs gangrenés par le travail illégal. C’est une action indispensable, pour les travailleurs étrangers exploités comme pour nos salariés nationaux victimes du dumping social. Elle est salutaire pour nos entreprises, notamment les PME et les très petites entreprises, victimes de cette sous-traitance frauduleuse et de cette concurrence malhonnête qui se répand dans nos territoires.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 957 rectifié n’est pas soutenu.

L'amendement n° 147 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet et Médevielle, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Roche, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5

insérer les mots :

ou au 3° de l’article L. 8271-1-2

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Les articles 96 et 97, relatifs au détachement de travailleurs, tendent au renforcement des dispositions de la loi de juillet 2014.

Au travers de cet amendement, Mme Gatel soulève la question du contrôle sur les chantiers en dehors des horaires et des jours de semaine. La pratique montre en effet que les infractions en matière de détachement de travailleurs s’observent tout particulièrement le soir ou le week-end, quand les inspecteurs du travail ne sont pas disponibles.

L’amendement a donc pour objet de conférer aux agents des douanes – qui sont plus disponibles le soir et le week-end en raison des spécificités de leur charge de travail – le pouvoir d’établir les mêmes constats que les inspecteurs du travail pour ce qui concerne les conditions de travail des salariés détachés. Il s’agit d’une mesure strictement technique, déjà mise en œuvre dans d'autres pays européens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à rendre possible la constatation par un agent des douanes d’un manquement grave d’un prestataire étranger à l’ordre public social. Il se fonde sur une intention louable, puisqu’il s’agit de renforcer la lutte contre la concurrence sociale déloyale en augmentant le champ des agents habilités à relever un tel manquement.

Cela étant, il pose plusieurs difficultés. Si les agents des douanes peuvent intervenir, de manière générale, pour dresser des procès-verbaux en matière de travail illégal – ils sont effectivement mobilisés dans le cadre de la commission nationale de lutte contre le travail illégal –, les procédures prévues à cet article sont spécifiques à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE. Pour des raisons de simplicité juridique, l’agent constatant le manquement doit dépendre des services de la DIRECCTE – le texte ne vise actuellement que les contrôleurs et les inspecteurs du travail –, car seul le directeur de la DIRECCTE est habilité à prononcer ensuite la suspension de l’activité du prestataire ou à lui infliger une sanction administrative s’il n’obtempère pas.

Selon la commission, cet amendement pourrait donc s’avérer contreproductif en suscitant une confusion juridique, alors que nous devons mettre en œuvre des mécanismes simples, rapides et dissuasifs pour lutter contre les détournements du détachement des travailleurs.

La commission demande donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1294, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique à tous les secteurs où les dispositions du code du travail sur les repos minimaux et les durées maximales du travail ont été adaptées au travers de lois et/ou de décrets spécifiques et/ou de dispositions équivalentes à certains secteurs d’activités. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. L’article 96 donne des pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés à l’inspection du travail en cas de « manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national », notamment en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.

Or, pour certains salariés, comme le personnel navigant du transport aérien, les dispositions du code du travail visées par l’article 96 ne sont pas applicables en l’état et ont fait l’objet d’adaptations par le biais de règles spécifiques incluses dans le code des transports ou le code de l’aviation civile. En raison de sa rédaction limitée aux articles généraux du code du travail, l’article L. 1263-3 du code du travail créé par l’article 96 ne s’applique donc pas à la violation des règles spécifiques à certaines professions en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.

Cela est regrettable à plusieurs titres : d’une part, cela institue une entorse à l’égalité des entreprises et des citoyens devant la loi ; d’autre part, et plus concrètement, les salariés dont les professions sont régies par ces dispositions spécifiques comptent parmi ceux qui, en raison de conditions particulières de travail souvent pénibles, ont justement le plus besoin des protections relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos.

De plus, les salariés des entreprises de transport, dont l’organisation du travail fait souvent l’objet, dans notre pays, de décrets particuliers, sont parmi les plus susceptibles d’être détachés en France par une entreprise étrangère, en raison de leur mobilité. Cette situation est spécifiquement visée par l’article 96. Il serait donc paradoxal, sinon incompréhensible, qu’ils soient exclus du champ des dispositions protectrices de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission comprend l’intention des auteurs de l’amendement, qui souhaitent que les dispositifs prévus à l’article 96 s’appliquent à tous les secteurs d’activité, sans exception, y compris ceux qui ne sont pas couverts par les règles générales en matière de repos et de durée maximale du temps de travail mentionnées à l’alinéa 2.

Toutefois, il faudrait que les secteurs d’activité spécifiques et leurs bases légales soient cités précisément, car on ne peut pas prononcer l’arrêt d’activité d’un prestataire ou une sanction administrative sans des références juridiques claires et incontestables.

En outre, le dispositif de l’article 96, qui constitue une avancée décisive, pourra être amélioré ultérieurement.

Pour l’heure, la commission sollicite le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1295, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

ne pouvant excéder un mois

par les mots :

indéterminée

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Afin de lutter efficacement contre la concurrence sociale déloyale, une suspension pour une durée indéterminée des prestations dont bénéficient les entreprises concernées apparaît plus dissuasive. Une durée d’un mois nous semble insuffisante.

Certes, nous le savons, les pénalités sont appliquées en cas de retards ou de non-résiliation du contrat, mais des arrangements sont souvent trouvés. De fait, la suspension de la prestation pour une durée d’un mois n’aurait pas suffisamment d’effet.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’indication de durée qui figure à l’alinéa 4 de l’article 96.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement soulève une question intéressante.

L’arrêt d’un chantier du BTP en cas de risque de chute de hauteur, d’ensevelissement ou lié à l’amiante, tel que défini à l’article L. 4731-1 du code du travail, peut être à durée illimitée si l’employeur ne sollicite pas de reprise.

Les auteurs de l’amendement souhaitent implicitement aligner les deux dispositifs sur ce point.

Toutefois, en pratique, tout prestataire étranger s’efforcera de régulariser au plus vite sa situation s’il fait l’objet d’une décision d’arrêt d’activité prévue à l’article 96. D'ailleurs, le donneur d’ordre fera pression sur lui en ce sens.

En outre, si le prestataire est récalcitrant, ce qui peut arriver, la DIRECCTE prendra une amende de 10 000 euros par salarié, dont le montant n’est pas plafonné et peut être très élevé. Au reste, rien ne l’empêchera de prendre une seconde décision d’arrêt d’activité, en modifiant ses visas et considérants afin d’éviter qu’on ne l’accuse d’imposer une double peine pour un même comportement fautif.

Enfin, le plafond de durée d’un mois pourrait être perçu par la Commission européenne comme une garantie juridique essentielle, à même d’empêcher que l’on puisse reprocher à notre pays d’entraver la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.

La commission est donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1295.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1296, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

l’autorité administrative compétente, sur le rapport motivé d’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5

par les mots :

les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5, sur la base d’un rapport motivé

II. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

L’autorité administrative

par les mots :

L’agent de contrôle

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Selon la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, il revient aux agents de contrôle indépendants de prononcer une amende envers un employeur qui n’aurait pas respecté une décision administrative. Cette convention s’adresse aussi bien au secteur de l’industrie qu’à celui du commerce.

Pour rappel, le système d’inspection du travail est chargé d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents et à d’autres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application desdites dispositions.

De plus, le système d’inspection du travail fournit des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales.

Enfin, l’inspection du travail porte à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.

Par conséquent, comme ladite convention le prévoit, il revient aux inspecteurs du travail de prononcer les amendes. En effet, on ne peut pas considérer que l’autorité administrative soit complètement indépendante.

C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que seuls les agents de contrôle puissent dresser amende.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le partage des rôles entre les agents de contrôle et le directeur de la DIRECCTE a semblé équilibré à la commission : les premiers opèrent les constatations, le second prononce la sanction. On évite ainsi que les agents soient juges et parties.

La commission est donc défavorable à l’amendement.

Mme Pascale Gruny. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1297, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclu directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Afin de responsabiliser les entreprises en matière de respect des droits des travailleurs détachés, nous pensons qu’il est indispensable de renforcer les sanctions auxquelles sont soumis les contrevenants.

D’un côté, nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits, et, mécaniquement, plus les marges sont grandes.

D’un autre côté, une partie des consommateurs sont de plus en plus sensibles aux comportements « éthiques » des entreprises. D’ailleurs, ils sont de plus en plus sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant ou en utilisant des produits dont le prix est toujours plus bas.

Dans ces conditions, nous pensons qu’il est nécessaire de responsabiliser au maximum les entreprises. Si certains progrès sont enregistrés, ils restent trop timides. Lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde, et donc plus dissuasive.

L’employeur risque de voir les contrats de travail concernés requalifiés de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement entre le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

En outre, plus la sanction est visible, plus il apparaît difficile, pour les entreprises, de se placer en situation illégale.

J’ai ainsi défendu l’amendement n° 1297, ainsi que l’amendement n° 1298, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1297 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1297 prévoit que les salariés d’un prestataire étranger ne respectant pas l’ordre public social et les dispositions de l’article 96 deviennent automatiquement salariés du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.

Cette proposition a semblé sévère à la commission, car il existe déjà beaucoup de dispositifs pour responsabiliser les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

Je pense notamment au dispositif de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum au salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non.

La commission a estimé qu’il fallait appliquer les dispositifs votés avant d’en créer de nouveaux, d'autant que le décret d’application relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal n’a été pris que le 30 mars dernier.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1297.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1298, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de cinq années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Depuis la loi relative à la sécurisation de l’emploi, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit trois ans après le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il n’a pas semblé utile à la commission de relever ce délai de prescription pour les salaires non payés à des travailleurs détachés, car les prestataires étrangers sont très mobiles et se déplacent vite sur le territoire. Le véritable enjeu, c’est que les agents de contrôle puissent intervenir rapidement sur les chantiers où interviennent des prestataires indélicats.

En outre, l’adoption de cet amendement créerait une inégalité de traitement permanente entre les salariés détachés et ceux qui ne le sont pas.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1299, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Nous pensons que, pour être plus efficace en matière de lutte contre les fraudes et les abus liés au détachement de salariés ou à l’accueil de personnel détaché, le dispositif de l’article devrait s’accompagner de mesures volontaristes de transparence.

De ce point de vue, le bilan social, obligatoirement réalisé par les entreprises employant plus de 300 salariés, constitue un document de grande valeur informative pour les salariés et les représentants du personnel. Il récapitule les principales données chiffrées qui permettent d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social. Il compile des informations concernant l’emploi, les conditions de travail, de santé et de sécurité, la formation ou encore les relations professionnelles.

Il peut aussi être un outil supplémentaire d’encadrement des détachements. En effet, sur le fond, ces travailleurs étrangers détachés ne doivent surtout pas être considérés comme des « salariés fantômes » au sein de l’entreprise donneuse d’ordre ou sous-traitante. On le sait, la pratique du détachement, couplée à cette situation de quasi-clandestinité, incite en elle-même les entreprises à la fraude et à la dissimulation, en contradiction avec la législation sociale nationale et aux dépens de ces travailleurs détachés, qui ne disposent que de peu de possibilités de recours : souvent, ils ne parlent même pas la langue du pays d’accueil.

Par ailleurs, les salariés « permanents » de l’entreprise donneuse d’ordre, qui prennent part à la vie de l’entreprise et à sa gestion, via les représentants du personnel, doivent, selon nous, pouvoir être informés de l’emploi de travailleurs détachés par leur entreprise et être ainsi en mesure de le contrôler.

Aussi, de manière à donner aux inspecteurs du travail les moyens et les outils nécessaires pour lutter efficacement contre la fraude et le dumping social, nous souhaitons, à des fins de transparence, que l’accueil comme l’envoi de travailleurs détachés soient mentionnés dans le bilan social de l’entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a jugé que l’amendement était satisfait par l’article 3 de la loi relative à la concurrence sociale déloyale. Cet article est d’ailleurs issu de l’adoption au Sénat, en séance publique, d’un amendement du groupe CRC, le 2 mai 2014…

Mme Laurence Cohen. Nous avons de la suite dans les idées ! (Sourires.)

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission sollicite donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 1299 est-il maintenu ?

M. Christian Favier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1299 est retiré.

L'amendement n° 1300, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Au dernier alinéa de l’article L. 8224-5 du code du travail, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. La mise en place d’une « liste noire » d’entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal permettra de mieux identifier les entreprises qui fraudent et de les sanctionner plus sévèrement.

Néanmoins, une entreprise ne peut figurer sur une telle liste que pour une durée maximale de deux ans. Il nous semble que cette durée n’est pas suffisamment dissuasive.

Si nous voulons lutter efficacement contre la prestation de services illégale et la concurrence déloyale, il faut renforcer certaines mesures. C’est pourquoi nous proposons de faire passer la durée d’inscription sur la « liste noire » de deux à cinq ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Concernant l’amendement précédent, il semble que les décrets d’application de la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale n’avaient pas encore été pris lorsque nos collègues du groupe CRC l’ont déposé.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1300 tend à relever de deux à cinq ans la durée d’inscription sur une « liste noire » d’une entreprise condamnée pour travail dissimulé.

Le Sénat s’est déjà exprimé sur ce point lors de l’examen de la proposition de loi relative à la concurrence sociale déloyale. Ce texte n’étant entré en vigueur que très récemment, nous estimons qu’il faut attendre avant d’en modifier le dispositif.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?