M. Alain Fouché. Ce n’est pas nous qui le faisons ! C’est M. le secrétaire d’État !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. J’interviendrai, quant à moi, sur l’amendement du Gouvernement.

Vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, de supprimer, à l’alinéa 9 de l’article 2, les mots « Sans préjudice des compétences attribuées par la loi aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements, » et les mots « , sous réserve des missions incombant à l’État ». Ce faisant, vous considérez – je rebondis là sur les propos de Jacqueline Gourault – qu’en matière d’aide aux entreprises, nos intercommunalités, lesquelles ont compétence en matière de développement économique, devront se soumettre…

M. Jacques Mézard. … au schéma prescriptif élaboré par le conseil régional : cela figure dans l’exposé des motifs de votre amendement.

M. Michel Bouvard. Donne-moi ta montre, je te dirai l’heure !

M. Jacques Mézard. Je vous signale, cher François Patriat, puisque vous êtes président de conseil régional, que nos intercommunalités ont une compétence en matière économique résultant d’une volonté générale et unanime. Or le Gouvernement vient nous dire qu’il faut supprimer les mots « sans préjudice des compétences attribuées par la loi aux autres collectivités territoriales… » C’est tout de même fort de café !

Il est cependant précisé dans l’exposé des motifs de cet amendement : « sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les métropoles ».

Les métropoles – c’est-à-dire Lyon, disons-le clairement ! – ont donc le droit de tout faire, mais les autres intercommunalités doivent se soumettre au pouvoir régional.

M. Alain Fouché. C’est exactement cela !

M. Jacques Mézard. Voilà la réalité ! (Mme Éliane Giraud s’exclame.) C’est la réalité, madame ! Nous ne pouvons pas l’accepter.

M. François Patriat. On ne va pas comparer Sarlat et Lyon !

M. Jacques Mézard. Il ne s’agit pas de cela ! Pour ma part, j’ai voté pour la métropole de Lyon et je l’assume ! Je considère en effet, je l’ai encore dit précédemment, qu’il faut des métropoles fortes. Mais si vous voulez mettre systématiquement toutes les autres collectivités, dotées des compétences qui leur sont dévolues par la loi, sous le contrôle des conseils régionaux, je vous dis non !

M. Alain Fouché. Tout à fait, c’est intolérable !

M. Jacques Mézard. Ce qui est en jeu ? Vous voulez du pouvoir !

M. Jacques Mézard. D’ailleurs, lorsqu’on écoute les présidents de conseil régional, comme nous l’avons fait en les auditionnant au sein de la commission spéciale, on constate que le mot qui revient constamment dans leur bouche est « pouvoir ».

M. Bruno Sido. Exact !

M. Jacques Mézard. C’est ce que veut le Gouvernement,...

M. Alain Fouché. Nous, nous n’en voulons pas !

M. Jacques Mézard. ... mais, quant à moi, je le refuse.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que l’on nous réponde s’agissant des conclusions de l’excellente et récente étude de France Stratégie, un organisme qui dépend de Matignon, étude intitulée : « Réforme territoriale et cohérence économique régionale ». Ses auteurs ont en effet constaté qu’il y avait, au sein des nouvelles régions, des départements où les forces centrifuges sont dominantes et d’autres qui sont isolés au sein de leur propre région.

Je peux vous en donner un exemple, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous sommes tous deux élus de la même région, même si nous ne nous y sommes jamais rencontrés. (Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. André Reichardt. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jacques Mézard. Vous le savez, si je vous invite, je vous dirai la même chose, donc, vous n’avez pas envie de venir… (Sourires.)

Les pouvoirs publics devront s’interroger sur l’opportunité de mettre en place des politiques permettant de favoriser les liens économiques avec le reste de la région.

Que proposez-vous en réalité, monsieur le secrétaire d’État, au travers de cet amendement ? Vous avez affirmé tout à l’heure en le présentant qu’il ne créerait aucun problème, dans la mesure où les élus régionaux auraient les moyens de préserver les équilibres. Or, si seuls quatre élus sur les deux-cent quatre élus régionaux proviennent de notre département, dont deux seraient issus de l’opposition et deux de la majorité, que voulez-vous donc qu’ils fassent ? (Exclamations en haut des travées du groupe socialiste.) Ce n’est pas la peine de ruminer là-bas ! (Sourires.) Il faut dire les choses telles qu’elles sont ! Je vous décris la réalité, du concret !

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons donc pas accepter votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Nous nous situons à un moment très important de la discussion de ce projet de loi, car l’avenir de nos territoires dépend de ce que nous allons décider pour eux, ainsi que de l’économie et de la vitalité qu’ils vont connaître demain.

Si on se réfère un peu au passé – je m’intéresse à ce qui se passe dans les territoires depuis quelques décennies déjà, comme en témoignent mes cheveux blancs –, on s’aperçoit que les territoires ruraux sont parvenus à progresser grâce à la concrétisation d’une multitude de petits projets. (M. Jackie Pierre s’exclame.) Or ces derniers ont souvent résulté, dans un premier temps, de l’action des communes et du département. Ensuite, les intercommunalités, aidées là encore par les départements, ont commencé à intervenir. Les régions, enfin, ont plutôt représenté un apport éventuel de capitaux pour certains projets.

Jusqu’à présent, les régions n’ont, en revanche, jamais été perçues comme porteuses de ces projets, qu’ils soient touristiques ou qu’ils concernent les petites entreprises, PME ou PMI. Les porteurs de projets s’adressent plutôt au maire et au conseiller général pour présenter leurs projets et rechercher les financements envisageables.

Je m’interroge beaucoup sur la manière dont cela va se passer demain. Je crois, en effet, que la vitalité des territoires résultera aussi de la multitude de petits projets. Or j’ai un petit peu peur, dans la mesure où les conseillers régionaux sont pour la plupart méconnus des gens sur le terrain. J’ai été moi-même conseiller régional pendant treize ans, je peux vous dire que je sais de quoi je parle et que nos concitoyens ne vont pas voir leurs élus régionaux ! (M. Michel Bouvard s’exclame.)

Certes, ils pourront désormais s’adresser à la région grâce aux nouveaux moyens de communication. Cependant, compte tenu de la taille des régions, on se doute que les gens ne feront pas trois cents ou quatre cents kilomètres pour rencontrer les responsables touristiques ou ceux du développement économique.

Je crains un peu que tout l’accompagnement assuré par les conseillers départementaux, au travers du maillage territorial, que le conseil et les opportunités qu’ils offraient pour chaque projet, ne disparaissent. Ces élus étaient de véritables avocats pour les projets ! Je me demande, par conséquent, quels sont ceux qui soutiendront demain de tels projets et ceux qui aideront leurs créateurs, dans l’hypothèse où ce sont les conseils régionaux qui se verraient confier cette compétence.

Par ailleurs, lorsque l’on parle de compétence « partagée », par exemple en matière de tourisme, je me demande ce que cela peut signifier. (M. Michel Bouvard opine.) C’est pourquoi je suis également très dubitatif sur ce point.

Il me semble que l’amendement proposé par notre collègue Alain Fouché est un bon amendement. Je m’apprête à le voter, mais j’apprécierai obtenir des explications sur la manière dont se développeront concrètement les multiples projets qui font l’avenir de nos territoires.

Je suis un peu effrayé par la taille des grandes régions et par la distance qu’un responsable régional du tourisme ou du développement économique devra parcourir. Celui-ci ne mettra jamais les pieds dans certaines zones, car elles se situent à trois cents kilomètres de là où il évolue. Où se situeront donc les projets ?

C’est pourtant bien souvent parce que l’on connaît parfaitement le territoire que l’on est en mesure de conseiller les gens et que l’on peut déterminer la pertinence d’un projet. Je crains donc qu’il n’y ait encore moins d’activité économique à l’avenir dans tous ces secteurs, parce qu’ils seront trop éloignés des Régions et trop méconnus.

M. Alain Vasselle. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Madame la présidente, j’interviens car je ne sais plus du tout où l’on se trouve dans le débat. Vous avez commencé à donner la parole pour des explications de vote sur l’amendement n° 263. Or je constate que certains de nos collègues interviennent indifféremment sur tous les amendements en discussion commune. Il n’y a donc plus d’ordre dans l’examen des amendements.

Pour ma part, je réservais mon intervention pour l’amendement n° 597 rectifié bis. Dès lors, j’aimerais, madame la présidente, que vous annonciez très clairement quel est l’amendement actuellement en discussion. Par ailleurs, j’aimerais que vous arrêtiez tout collègue qui dériverait et donnerait une explication de vote sur un amendement qui n’arrive dans la discussion qu’au troisième ou quatrième rang. C’est ainsi que l’on pourra examiner les amendements dans l’ordre. Faute de quoi, on ne sait plus où l’on se situe dans le débat.

M. Bruno Sido et Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’une discussion commune !

M. Alain Vasselle. Je suis désolé de vous dire cela, madame la présidente, mais on est un peu perdu dans notre méthode de travail !

Mme la présidente. Monsieur Vasselle, vous avez raison lorsque vous affirmez qu’il faut examiner les amendements dans l’ordre normal de leur discussion. Cependant, je vous rappelle que les amendements dont il est question ici font l’objet d’une discussion commune.

M. Bruno Sido. Eh oui !

Mme la présidente. Par conséquent, chacun à tour de rôle se laisse emporter par la discussion commune et cherche à donner de la cohérence à son intervention.

La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. Madame la présidente, j’ai entendu les propos de notre collègue Alain Vasselle. Afin de ne pas prendre la parole à deux reprises, je ne m’exprimerai et ne donnerai mes arguments que sur l’amendement n° 655 du Gouvernement, même si, comme vous l’avez dit, la discussion commune de ces quatre amendements se justifie. En effet, chacun d’entre eux récrit l’alinéa 9 de l’article 2 et crée un débat autour de la portée des mots « Sans préjudice des compétences ». Si on peut donc intervenir sur chacun des amendements, je choisis, pour ma part, de le faire uniquement sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Reprenons l’ordre de la discussion des amendements.

Personne ne demande plus la parole sur l’amendement n° 263 ?...

Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l'amendement n° 597 rectifié bis.

M. Bruno Sido. Monsieur Vasselle, je vous remercie d’avoir remis un peu d’ordre dans nos débats. En effet, je voulais intervenir sur le précédent amendement, puisque tout le monde intervenait sur les suivants… (Rires sur les travées de l'UMP.)

Je souhaiterais apporter mon soutien à l’amendement n° 597 rectifié bis de M. Fouché, car il me paraît excellent, et non pas parce que ce dernier est président d’un conseil départemental. M. Patriat, qui, comme dans la chanson de Georges Brassens, criait : ″Maman !″, pleurait beaucoup, doit reconnaître la réalité de ce qui se passe dans les départements lorsqu’un projet économique se développe.

En toute honnêteté, si une collectivité locale – Mme Gourault a raison – est contactée, le projet sera très rapidement présenté en préfecture. À vrai dire, c’est le préfet qui devient chef d’orchestre, même s’il n’a pas un sou à donner ! (M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur, hausse les épaules.) Oui, monsieur Hyest, c’est ainsi que cela se passe, à tout le moins dans nos petits départements,… peut-être pas dans la puissante Seine-et-Marne !

C’est donc le préfet qui rassemble autour d’un projet collectivités, département, région, intercommunalité, chambres de commerce et d’industrie, etc.

À mon sens, tout le monde doit se réunir autour des projets économiques, car il manque souvent de l’argent sur la table…

M. Bruno Sido. … – M. Fouché pourra en témoigner. En somme, on n’est jamais trop nombreux pour les mener !

On devrait, par conséquent, ajouter a minima régions et départements comme coresponsables en matière de développement économique. On pourrait même ajouter – je partage ainsi l’avis de Jacqueline Gourault – les intercommunalités, puisque la loi leur en attribue la compétence. On pourrait dès lors sous-amender l’amendement de M. Fouché en y ajoutant les intercommunalités ou les regroupements de communes. (M. Jean-François Husson s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je tiens simplement à dire qu’à ce stade de la discussion et de nos échanges, je m’apprête à voter en faveur de l’amendement de notre collègue Fouché. En effet, je ne parviens pas à concevoir que l’on ait pu attribuer la compétence en matière le développement économique à la seule région, en rendant opposable le schéma régional de développement économique.

Certes, j’ai bien compris que la commission des lois avait élaboré une nouvelle rédaction de ce dispositif qui permet de ne plus rendre opposable ce schéma, et ai bien entendu l’intervention de Jacqueline Gourault, qui faisait référence au rôle important que jouent aujourd’hui les intercommunalités aux côtés des autres collectivités territoriales. Cependant, je suis surpris de constater qu’il n’est jamais fait référence au département dans l’article 2 de ce texte ! Sauf à considérer que lorsque l’on cite « les collectivités territoriales », les départements sont aussi concernés.

La commission des lois a pourtant éprouvé le besoin de préciser que les groupements sont les interlocuteurs des régions en matière de développement économique. Pour prendre un autre exemple, comment comprendriez-vous, mes chers collègues, que le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, soit élaboré par la région sans qu’aucune concertation ne soit engagée avec les groupements de communes, les communes et les départements ? (M. Jean-Claude Lenoir opine.)

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Alain Vasselle. Il me semble que l’élaboration progressive de ce projet de loi, initialement engagée par le Gouvernement, ne peut être défendue. Aussi, je remercie la commission des lois d’avoir fait un peu le ménage dans ce texte afin de le rendre plus cohérent et plus compréhensible. (M. André Reichardt s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il est tard,…

MM. Jean-François Husson et Jean-Claude Lenoir. Non !

M. Ronan Dantec. … mais, sans doute est-ce dû à la fatigue, nous sommes en train de dire que la région, qui est une collectivité territoriale pourtant élue, constitue une menace pour les territoires qui la composent ! (Mais non ! sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-François Husson. On travaille ensemble, main dans la main !

M. Ronan Dantec. C’est ce que nous avons entendu ! (Exclamations sur les mêmes travées.) À un moment donné, il faut tout de même s’interroger sur les propos qui sont tenus dans cet hémicycle.

M. Alain Vasselle. Vous êtes en train d’instaurer une tutelle de la région sur d’autres collectivités !

M. Ronan Dantec. Certains s’expriment comme si la France actuelle fonctionnait bien au niveau territorial, comme si aucune fracture territoriale profonde n’existait ! À entendre certains, si on laisse le système tel qu’il est, tout ira pour le mieux ! On fait comme si on vivait dans la France d’une autre époque.

Or, si nous n’élaborons pas de planification régionale et de véritable stratégie, cela ne fonctionnera pas ! Il existe des territoires dans lesquels de grandes villes évoluent, dans lesquels des stratégies régionales permettent aux villes moyennes présentes dans ces zones d’influence de bénéficier de dynamiques économiques, de filières économiques claires, avec la volonté que l’ensemble du territoire régional en profite.

Si nous n’engageons pas un tel mouvement, si nous pensons que par miracle – parce que région, département et intercommunalités se trouveront sur un pied d’égalité –, tout va fonctionner (M. Jean-François Husson s’exclame.), nous nous trompons ! Une planification est nécessaire. (M. Jean-François Husson opine.)

Nous devrions ouvrir une discussion sur les péréquations,…

M. Michel Bouvard. Ça recommence !

M. Ronan Dantec. … c’est-à-dire sur les territoires de la région qui produisent la richesse. Comment cette richesse peut-elle profiter à l’ensemble du territoire régional ?

Nous devrions également nous interroger sur l’obligation de résultat à laquelle la région est astreinte sur l’ensemble de son territoire.

C’est sous cette forme que le débat devrait être posé ! (M. Jean-François Husson s’exclame.) Or nous sommes en train de procéder à l’inverse, en réduisant notamment la capacité de planification régionale. Comme si, par miracle, cela allait permettre au Cantal et à la Lozère de connaître un développement économique miraculeux… (M. Jean-François Husson s’exclame de nouveau.) Cela n’est pas sérieux !

Jacques Mézard et moi-même sommes d’accord sur le fait que certains départements se situent probablement dans des espaces économiques qui ne correspondent pas au nouveau découpage territorial. L’État aurait dû introduire de la souplesse, mais ne l’a pas fait. À mon sens, il s’agit d’une erreur, car cette souplesse aurait permis de trouver de la cohérence.

Si davantage de pression n’est pas exercée aujourd’hui sur les régions et sur leur obligation de résultat, avec la mise en place d’outils qui les rendent prescriptives, alors le morcellement de la France se poursuivra. En effet, sans cette action, c’est la compétition entre les territoires qui triomphe. Maintenir le système en l’état contribue effectivement à renforcer la compétition libérale entre les territoires. Nous savons tous que cela ne peut pas durer ainsi. C’est pourquoi je suis extrêmement surpris par certaines des interventions que l’on a entendues ce soir.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos débats jusqu’à zéro heure trente, afin d’achever l’examen des quatre amendements en discussion commune. (Assentiment.)

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je voudrais dire un mot sur l’amendement présenté par M. Fouché. Au risque de paraître un peu brutal, quel est l’objectif visé à travers cet amendement ?

Si cet amendement vise la confusion, l’objectif est atteint ! S’il vise l’effacement de toute la construction territoriale engagée depuis trente ans maintenant, le but est également atteint ! Je vous rappelle, mes chers collègues, que la mission principale des régions, dès leur création en 1982, était le développement économique ! Vous voulez revenir sur trente années de décentralisation, qui ont pourtant été partagées tant par la gauche que par la droite.

La droite, quand elle était au pouvoir, a-t-elle renié la compétence économique des régions ? (M. Alain Fouché s’exclame.) Jamais ! Aussi, chers collègues de l’UMP, vous qui avez toujours tenu pour nécessaire une clarification des compétences régionales et départementales, ne remettez pas en cause celle qui est prévue par le projet de loi en matière économique ; vous seriez responsables d’une confusion totale qui empêcherait nos concitoyens de comprendre qui fait quoi. Aujourd’hui, chacun voudrait bien connaître le métier des différents niveaux de collectivités territoriales, de même que leurs ressources et leurs dépenses.

J’ajoute que la rédaction actuelle de l’article 2 du projet de loi est équilibrée : elle n’attribue pas à la région toute la compétence économique, puisque l’article L. 1511–3 du code général des collectivités territoriales n’est pas supprimé. Ainsi, au-delà des communes, l’ensemble du bloc intercommunal – et pas seulement, monsieur Mézard, les métropoles – demeurera compétent en matière d’investissement immobilier et de foncier. Je vous rappelle que l’article L. 1511–3 du code général des collectivités territoriales dresse la liste des formes sous lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides : subventions, rabais sur le prix de vente, etc.

Mes chers collègues, j’insiste : nul ne songe à retirer aux établissements publics de coopération intercommunale, même quand il ne s’agit pas de métropoles, la compétence qui leur est aujourd’hui reconnue ; la loi MAPTAM l’a confirmée et l’amendement n° 655 du Gouvernement ne la remet aucunement en cause. Supprimer la formule « sans préjudice des compétences attribuées par la loi aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements », ce n’est nullement revenir sur la loi MAPTAM !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je m’emploierai d’abord à flétrir l’argumentation de M. Dantec. Mon cher collègue, nous ne sommes pas opposés à l’intervention des élus régionaux, et prétendre que nous serions hostiles aux régions est sans aucun rapport avec la réalité ; je pense que vous avez mal compris le point de vue qui a été défendu. (Mme Evelyne Yonnet s’exclame.)

J’appuie sans réserve la position de M. Fouché, dont l’amendement comporte un mot très important : « coresponsables ». Je pense qu’il faut être pragmatique : en matière de développement économique, sur le terrain, on a besoin à la fois de la région et du département. Telle est la raison d’être de l’amendement n° 597 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Comme vous voudrez, mais la commission demande un scrutin public sur cet amendement !

Mme Jacqueline Gourault. Cela me paraît nécessaire !

M. Jean-Claude Lenoir. Lorsque, demain, les régions auront été agrandies – remarquez que je ne parle pas tant pour la mienne, la Normandie, qui sera maintenue dans ses limites historiques naturelles –, il va de soi qu’il sera extrêmement difficile de faire appel à l’intelligence et aux moyens de la région pour soutenir une initiative locale dans tel ou tel département. C’est pourquoi il me paraît de bon sens que l’on puisse faire jouer à la fois la compétence de la région et celle du département.

Ce n’est pas sans une vive émotion que je vous fais observer, mes chers collègues, que celui qui présente cet amendement a partagé de nombreux moments de la vie d’un homme qui a beaucoup compté au Sénat : René Monory, que j’ai eu l’honneur de servir également, et dont le pragmatisme fut si fécond dans le département de la Vienne ; de ce pragmatisme, je retrouve la marque dans l’amendement n° 597 rectifié bis.

M. Alain Fouché. Merci, mon cher collègue !

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d’État, je m’associe à la question que vous a posée M. Mézard au sujet du fameux rapport de France Stratégie. De fait, à la lecture de ce rapport, quelques départements s’interrogent ; c’est le cas du Cantal, mais aussi de l’Orne. Quoi qu’on en dise, ce rapport laisse penser que certains départements n’ont pas grand-chose à faire dans la région au sein de laquelle ils se trouvent depuis déjà des siècles. Ainsi, on laisse entendre que l’Orne, qui est en Normandie, pourrait glisser vers le sud pour rejoindre les Pays de la Loire.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement doit clarifier sa position, car ce rapport ne vient pas d’un cabinet privé, mais d’un service placé sous son étroite responsabilité. Notre trouble serait-il fondé, et aurions-nous lieu de craindre des intentions malignes au moment où la nouvelle organisation régionale est en train de se mettre en place ? Je voudrais vraiment que vous assuriez M. Mézard et moi-même que ce rapport, si savants que soient ses auteurs, ne correspond pas forcément à une intention du Gouvernement !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Mes chers collègues, je suis obligé de vous rappeler que nous sommes en deuxième lecture. En première lecture, le Sénat a été convaincu, certes non sans mal, qu’il fallait attribuer aux régions la compétence économique principale.

M. Michel Bouvard. « Principale » !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Principale, absolument, car les intercommunalités aussi disposent d’une compétence économique ; vous savez bien, mes chers collègues, que le développement économique et l’aménagement du territoire font partie, depuis longtemps, des compétences obligatoires de toutes les intercommunalités, en sorte que les communes doivent transférer à l’intercommunalité la compétence économique opérationnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. En première lecture, nous avons résolument mis l’accent sur l’association de tous à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Le Sénat a adopté une position, et rejeté l’amendement de M. Fouché.

On a donné l’exemple du Futuroscope, mais pourquoi le Futuroscope a-t-il vu le jour ? Ce n’est pas une affaire de compétences départementales ou régionales ; c’est parce qu’il était défendu par une personnalité exceptionnelle, René Monory !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

M. Alain Fouché. Sans doute, mais nous avons continué après lui !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Mon cher collègue, le projet était sorti de terre.

M. Alain Fouché. Center Parcs, en revanche, ce n’est pas René Monory !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Dans mon département, nous avons attiré Disney, ce qui est beaucoup plus fort ; un deuxième parc a même été construit, avec 5 000 emplois à la clé !

M. Alain Fouché. Ce n’est pas un bon argument !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Quoi qu’il en soit, si l’on ne croit pas à une meilleure répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales, tout notre travail est inutile.

Notre désaccord avec l’Assemblée nationale vient de ce que les députés en tiennent pour une simple consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements dans la préparation du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, alors que nous voulons une co-élaboration de ce schéma, notamment avec les intercommunalités.