M. René Vandierendonck, corapporteur. Mes chers collègues, je sais votre attachement à la ruralité. Je me suis rendu aux assises de la ruralité, dans les Hautes-Pyrénées. Les chiffres diffusés par le site France Stratégie montrent que, du fait de l’étalement urbain, nous allons perdre, au train où vont les choses, l’équivalent en terres agricoles de la superficie de ce département dans les sept ans à venir. Est-il concevable que le SRADDET ne prenne pas en compte ce problème et laisse la tendance actuelle se poursuivre, sachant que le Sénat a apporté de solides garanties quant à l’ampleur de la concertation devant entourer la co-élaboration de ce document ? Je vous renvoie, à cet égard, à nos débats de la première lecture. Alors que se tiendra, à la fin de l’année 2015, la conférence de Paris sur le climat, allons-nous ignorer la question de la disparition des surfaces agricoles en mettant en œuvre nos politiques d’urbanisme ?

On m’opposera que cette question n’est pas du ressort des régions, mais si ces dernières n’agissent pas, en concertation avec les autres niveaux de collectivités territoriales, ce sont les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, qui s’en chargeront, sur la base du Grenelle 2, lequel représente, tous codes confondus, 1 000 pages de normes supplémentaires imposées aux collectivités territoriales !

Par conséquent, le SRADDET me semble tout à fait nécessaire.

J’ai été vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais, chargé de l’aménagement du territoire. Mme Létard présidait alors la commission de l’aménagement du territoire du conseil régional. C’est bien par la persuasion, en concertation bien sûr avec les territoires, que nous sommes parvenus à faire émerger treize contrats d’agglomération, des contrats de pays, sans nous substituer, à aucun moment, à qui que ce soit.

Mes chers collègues, ainsi conçu, le SRADDET est un document moderne, un instrument de décentralisation. Je le répète, si la région n’agit pas, de concert avec les autres collectivités, c’est la DREAL qui le fera, de manière technocratique !

Mme Catherine Génisson. Belle combativité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il convient de replacer le SRADDET dans un contexte d’ensemble.

Le Gouvernement propose de ne conserver qu’un seul schéma régional, deux tout au plus si l’on consacre un document spécifique au développement économique. L’introduction d’un troisième n’est pas de notre fait.

À l’heure actuelle, divers schémas, d’une efficacité variable, sont élaborés à l’échelon régional : coexistent ainsi les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les schémas régionaux de l’intermodalité, les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, les schémas régionaux de prévention, etc.

Le Gouvernement a donc proposé de procéder à une simplification. Cela répond à une demande des associations d’élus. Nous avons suggéré de rassembler dans un seul document tout ce qui est relatif à l’équilibre et à l’égalité des territoires. Cette thématique est très importante, en particulier au regard des territoires ruraux et de leur désenclavement. Elle recouvre l’habitat, l’intermodalité, le développement des transports, la maîtrise et la valorisation de l’énergie, la lutte contre le changement climatique, la prévention et la gestion des déchets, etc.

Ce document, monsieur Grand, n’est pas détaillé jusqu’au niveau de la parcelle. Il ne saurait donc imposer aux collectivités la construction d’immeubles là où elles souhaitent privilégier d’autres usages des terrains.

M. Jean-Pierre Grand. C’est pourtant ce qui va se passer !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au reste, certains des documents existants sont déjà prescriptifs, par exemple les schémas régionaux de l’intermodalité. L’introduction de règles générales n’est pas de nature à créer de nouvelles contraintes menaçant la libre administration des collectivités, en particulier en matière d’urbanisme, dans la mesure où ces règles ne s’appliqueront pas à l’échelon de la parcelle.

Je rejoins M. Hyest pour souligner l’importance du rôle des fonctionnaires,…

M. Bruno Retailleau. M. Hyest est lui-même un ancien fonctionnaire territorial !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … mais mieux vaut un schéma bâti par des élus, dans les conditions qui ont été définies, qu’une pluie de normes émanant de l’administration.

Les orientations et les objectifs majeurs qui auront été fixés en concertation à l’échelon régional, y compris en matière de préservation des espaces agricoles, devront être pris en compte par l’ensemble des collectivités. M. Vandierendonck a insisté à juste titre sur le problème de la disparition des terres agricoles du fait de l’étalement urbain : en moyenne, la France perd l’équivalent de la superficie d’un département tous les neuf ans, et ce phénomène est encore plus accentué dans le sud de notre pays. C’est l’existence même du milieu rural et agricole qui est menacée ! À l’échelle mondiale, la surface disponible par habitant va passer de 0,8 hectare à 0,5 hectare. En 2035, l’indépendance alimentaire de la France et de l’Europe sera un problème majeur. N’oublions pas que, dans notre modèle agricole, on importe des protéines végétales pour les transformer en protéines animales. Il convient donc de préserver nos très précieuses terres agricoles. J’espère d’ailleurs que, à l’avenir, cette problématique sera prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement.

Si nous affirmons qu’il faut préserver la terre agricole et faire en sorte que les friches des centres-bourgs ou les friches industrielles ne soient pas systématiquement récupérées pour faire des lotissements, cette orientation ne s’appliquera pas parcelle par parcelle. Il reviendra à la commune ou à l’intercommunalité de décider de l’affectation de tel ou tel terrain. Le schéma ne descendra pas à ce degré de détail : je tiens à apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées à cet égard. Il devra comporter une cartographie retraçant de manière très synthétique les éléments à portée prescriptive. Il est nécessaire, me semble-t-il, d’harmoniser les procédures d’élaboration des schémas sectoriels auxquels il a été fait référence.

Le schéma n’est donc pas un document d’urbanisme et les règles générales qu’il fixera ne porteront pas atteinte, je le redis, à la libre administration des collectivités territoriales. Il n’a pas vocation à déterminer les règles d’utilisation des sols. Afin que les choses soient bien claires pour tout le monde, je précise que les spécifications infrarégionales devront porter sur de grandes zones, ce qui ne permettra pas d’imposer un quelconque objectif chiffré à d’autres niveaux de collectivités. Par exemple, le schéma donnera des orientations en matière d’habitat, mais ne pourra pas déterminer un nombre de logements sociaux à construire sur le territoire de quelque collectivité que ce soit. Sortons d’une ambiguïté qui a perduré beaucoup trop longtemps !

En conclusion, le schéma a vocation à devenir le document d’aménagement prenant en compte toutes les dimensions du développement durable, y compris le climat, l’air et l’énergie. Le Gouvernement souhaite que les schémas de cohérence écologique y soient intégrés. Vous avez raison, monsieur Vandierendonck : nous ne pouvons pas à la fois organiser la COP 21 et ne pas placer cette problématique au premier plan de nos préoccupations. En tout état de cause, il n’est pas possible de continuer à fonctionner avec des schémas parallèles, fussent-ils de grande qualité.

Je suis, comme le rapporteur, défavorable à l’amendement n° 29 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Il est vrai que d’importantes surfaces de terres agricoles, souvent de bonne qualité et situées à proximité des villes, ont disparu au cours des dernières décennies. J’appuie donc vos propos sur la nécessité de les préserver, madame la ministre. Cela s’impose d’autant plus que la population de la planète ne cesse de croître.

Cela étant, l’administration se fonde trop souvent sur ce motif pour refuser toute construction sur de toutes petites parcelles sans véritable vocation agricole, où l’on pourrait à peine manœuvrer une pirouette pour tourner le foin.

Vous dites que le schéma régional ne sera pas prescriptif à l’échelle de la parcelle, mais, s’il fixe des orientations trop strictes, je crains que cela empêche l’installation de jeunes dans certaines petites communes rurales, car ils ne trouveront pas de terrains pour bâtir.

De telles questions doivent-elles être traitées au travers d’un schéma régional, élaboré loin du terrain ? L’échelon communal ou intercommunal me semble plus pertinent pour définir l’utilisation des sols de manière à préserver les terres agricoles sans pour autant interdire de construire ailleurs. C’est pourquoi je voterai les amendements nos 29 rectifié bis et 247 rectifié ter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur Vandierendonck, peu d’Héraultais souhaitent aller s’installer dans votre région, tandis que beaucoup de gens du nord de la France veulent venir vivre chez nous.

M. Roland Courteau. C’est vrai aussi pour l’Aude !

M. Jean-Pierre Grand. Cela tient au fait que, chez vous, tout est bétonné !

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas vrai ! Le Pas-de-Calais est un des départements les plus ruraux de France !

M. Jean-Pierre Grand. Pour notre part, au fil des années, nous avons agi pour préserver nos espaces naturels. Que l’on ne nous fasse pas passer pour des barbares : dans l’élaboration de nos schémas, nous avons tenu le plus grand compte du respect de la nature, de l’environnement, de notre milieu rural, de notre patrimoine.

Monsieur le rapporteur, aujourd’hui, nous vivons un véritable drame à cause de la loi qu’un précédent ministre de l’environnement a fait voter. Dans les communes urbaines ou périurbaines du sud de la France, les morcellements s’apparentent à une véritable déforestation. Voilà un sujet qu’il faudrait aborder !

M. René Vandierendonck, corapporteur. C’est typiquement un thème qui relève du SRADDET !

M. Jean-Pierre Grand. Cela me paraît bien plus urgent que de permettre à une superstructure régionale de venir nous donner des leçons en matière d’urbanisme. Parce que c’est à cela qu’on aboutira : vous le savez comme moi, si on donne un nouveau pouvoir à un politique, il l’utilise !

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Jean-Pierre Grand. Votre proposition est une fausse bonne idée. Dans le sud de la France, en Languedoc-Roussillon, dans la métropole de Montpellier, nous voyons arriver tous ces gens du nord qui veulent venir vivre chez nous, attirés par la qualité de la vie, un environnement préservé, la présence de la Méditerranée.

Mme Cécile Cukierman. La misère est moins pénible au soleil !

M. Jean-Pierre Grand. Nous n’avons absolument pas l’intention de mettre en péril le patrimoine que nous ont légué nos parents.

Monsieur le rapporteur, c’est un très mauvais procès que vous nous faites ! Je vous invite à venir voir ce qui se passe chez nous : vous comprendrez que, en matière d’environnement, nous n’avons de leçon à recevoir de personne !

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, corapporteur.

M. René Vandierendonck, corapporteur. Considérons des données objectives : seulement 20 % du territoire national est couvert par un SCOT. Grâce au Sénat, on en revient à ce que nous avions voté il y a un peu plus d’un an, c’est-à-dire à une minorité de blocage pour l’adoption du plan local d'urbanisme.

Le SRADDET sera co-élaboré de manière concertée. Ce n’est pas parce que le président de région préside la CTAP que le rapport de force lui est nécessairement favorable ! Il trouve face à lui toutes les intercommunalités, les représentants des départements, etc. Croyez-moi, il y aura concertation !

Le SRADDET couvrira ce qui relève vraiment de l’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas d’une invention diabolique : la loi confie la compétence en matière d’aménagement du territoire à la région depuis 1985 ! Si nous souhaitons lui donner une certaine opposabilité, c’est pour garantir la poursuite d’objectifs d’intérêt général que je sais que vous partagez, mon cher collègue. Je n’ai jamais eu la prétention de vous donner une quelconque leçon ! J’ai seulement affirmé que si le Nord-Pas-de-Calais n’avait pas adopté un des tout premiers SRADDT, nous n’aurions pas de parcs naturels régionaux et nous n’aurions pas obtenu l’inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Il faut donc dédiaboliser le SRADDET. Mme la ministre le sait, j’aurais aimé que nous puissions avoir le débat sur la déconcentration en même temps.

M. André Reichardt. Très bien !

M. René Vandierendonck, corapporteur. Il aurait été intéressant, en effet, de discuter de la régionalisation, dans la concertation, de la compétence en matière d’aménagement du territoire, en prenant en compte les rôles respectifs des différents services déconcentrés de l’État, tels que les directions départementales du territoire, les DREAL, etc. Mais ce débat, nous finirons bien par l’avoir un jour !

Aujourd’hui, ne boudons pas notre plaisir : il s’agit d’une étape importante. (Vifs applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Je souhaite revenir sur les propos de Mme la ministre. Nous avons bien compris que le SRADDET a vocation à fixer des orientations et des objectifs et qu’il ne pourrait pas énoncer de règles prescriptives. Il était important de le dire.

La communauté urbaine de Lyon, devenue métropole, a vu son plan local d'urbanisme annulé. Nous avons donc dû le refaire : cela nous a pris trois ans,…

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Eh oui !

Mme Annie Guillemot. … et il a également fallu élaborer le plan local d'urbanisme et d’habitat, le PLUH. Nous avons commencé la révision de celui-ci en 2012. Il ne sera opposable qu’en 2017. Si le nouveau schéma régional comporte des prescriptions, en matière d’habitat, qui ne sont pas compatibles avec ces documents, nous serons contraints de tout recommencer !

Dans la mesure où Mme la ministre nous confirme que ce schéma ne comprendra pas de prescriptions particulières dans ce domaine, je retire l’amendement n° 247 rectifié ter.

M. René Vandierendonck, corapporteur. Très bien.

M. le président. L'amendement n° 247 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 675, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer les mots :

et d’amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à supprimer la mention de l’amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux, pour répondre à une demande pleinement justifiée de l’Association des maires de France. Il s’agit d’alléger les orientations stratégiques expresses du SRADDET. Cela répond également à la question sur le devenir des maisons de services au public qui avait été posée cet après-midi par l’un d’entre vous.

M. le président. L'amendement n° 279, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

l’offre de services

insérer les mots :

, en particulier

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Dans l’esprit de nos amendements précédents, nous souhaitons affirmer nettement que l’un des objectifs du SRADDET est bien le développement de l’offre de services dans l’ensemble des différents territoires d’une région, mais que les territoires ruraux méritent de faire l’objet, ainsi que nous l’avons maintes fois répété, d’une attention toute particulière à cet égard : ils appellent en effet des politiques réellement volontaristes en matière de services.

De débats en colloques, de réflexions en propositions, nous avons pu relever des initiatives du type « nouvelles ruralités », qui promeuvent le potentiel et le dynamisme des territoires ruraux. Néanmoins, le manque de moyens, d’intérêt et d’investissements, ainsi que la disparition de services publics approfondissent le sentiment d’abandon de nos concitoyens qui y résident.

Accusée de ne devoir son salut qu’aux dotations, à la « perfusion nationale », la ruralité, considérée comme espace résiduel, sans capacité de développement, serait ainsi condamnée « au vide et au vert ».

Or les territoires ruraux ne sont ni des réserves foncières pour exfiltrer les populations dont on ne veut plus en ville ni des terrains de jeu pour les citadins, et les gens qui y vivent ne sont pas des conservateurs nostalgiques ne voyant dans ces espaces qu’un patrimoine à muséifier.

Ces territoires sont porteurs de solidarité et de qualité de vie, ils prennent toute leur place dans l’espace national dès lors que celui-ci n’est plus perçu comme binaire, mais comme un ensemble de territoires en réseau, qui s’enrichissent mutuellement. Et j’ajoute au passage que le trait d’union entre ces territoires peut être une ligne de chemin de fer.

L’ensemble des infrastructures et des services doit permettre de garantir un service universel de base à tout territoire. Cela est possible malgré les contraintes européennes et un environnement très concurrentiel pour certains de ces services.

Cet amendement vise à clarifier cet alinéa et à lui donner tout son sens.

M. le président. L'amendement n° 280, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

ruraux

insérer les mots :

à handicaps naturels et dans les zones urbaines fragiles

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans la continuité de ce que vient d’expliquer ma collègue Cécile Cukierman, cet amendement vise à préciser la nature des territoires exigeant des actions spécifiques.

Si les zones rurales requièrent une attention particulière en matière de désenclavement et d’amélioration des services mis à la disposition des populations, elles ne sont pas seules dans ce cas.

Le schéma qui nous est proposé fixera les orientations à moyen et long terme en matière de logement, de transports, d’énergie, de lutte contre le changement climatique, de lutte contre la pollution de l’air ainsi, qu’en matière de gestion des déchets ; d’autres domaines pourront aussi être couverts.

Le nouveau schéma rappelle le rôle de la région comme garante de l’égalité des territoires. Ce rappel est d’autant plus nécessaire que les régions se sont agrandies : les centres de décision régionaux pourraient ne pas prendre en compte certaines spécificités des territoires, ce qui aurait in fine pour conséquence d’accentuer les inégalités territoriales.

C’est pourquoi nous pensons que le texte gagnerait en clarté si l’article 6 prévoyait explicitement que la région met en place des actions spécifiques en faveur non seulement des territoires ruraux, mais aussi de ceux qui présentent des handicaps naturels, tels les territoires de montagne, ou encore des zones urbaines fragiles.

En effet, c’est à l’échelon des régions que les moyens nécessaires pourront être déployés, étant entendu que, pour garantir l’égalité des situations sur l’ensemble du territoire, il convient parfois d’appliquer un traitement inégal.

Ainsi, s’agissant de la montagne, comment ne pas prendre en compte ses conditions naturelles particulières, qui compliquent l’accès aux services publics, à la santé, à l’éducation ou à la culture, et qui, de fait, renchérissent les investissements à réaliser ?

Comme cela avait été justement souligné en première lecture, le nouveau découpage régional accentuera inévitablement les risques d’oubli, voire d’abandon d’espaces qui ne sont ni totalement ruraux ni urbains, mais qui, éloignés de tout, connaissent des difficultés particulières.

C’est bien au sein des régions que les moyens nécessaires à la mise en place de politiques spécifiques en direction des territoires les plus fragiles pourront être mis en place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, corapporteur. Je crois pouvoir discerner ici une certaine convergence.

Prenons d’abord acte du fait que la notion d’égalité des territoires apparaît en tant que telle et que, pour une fois, sans que ce soit l’apanage de tel ou tel parti politique, la ruralité n’est plus la variable d’ajustement. C’est plutôt une bonne chose.

Eu égard à ce que vous appelez « désenclavement des services au public », M. Hyest m’a convaincu de donner un avis favorable sur l’amendement n° 675. (Exclamations sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)

Sur les amendements nos 279 et 280, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 279 et 280 ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je crois qu’il faut que j’apporte une précision parce que je perçois certains mouvements de déception.

L’idée qui sous-tend l’amendement n° 675 est bien que l’offre de services, en particulier en milieu rural, ne doit pas être décidée au niveau de la région. Nous sommes attachés à ce qu’il y ait un schéma de services publics, ou de services au public – M. Hyest a eu raison de souligner la différence – en milieu rural, et qu’il y ait un schéma de ce type par département.

Nous défendons par ailleurs les maisons des services publics, ou maisons de services au public.

Si cette notion est introduite dans le schéma régional, je vous le dis franchement, j’aurai quelques craintes pour les services en milieu rural, parce qu’il est impossible d’être suffisamment précis à ce niveau.

Le schéma régional peut fixer de grandes orientations. Par exemple, comment développer les bourgs littoraux ruraux ? Aujourd’hui, un certain nombre de règles d’urbanisme entravent un tel développement, alors qu’on y trouve ce qu’on appelle des « dents creuses ». On empêche ainsi ces bourgs d’être structurés, selon une orientation générale. Il faut ensuite voir avec les services de l’État comment faire droit à ce type de demandes dans de grandes régions comme la Normandie, la Bretagne ou le Nord-Pas-de-Calais. Pour y avoir quelques origines, je sais que le Pas-de-Calais est un département très rural, monsieur Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Alors, pourquoi ses habitants veulent-ils tous venir chez nous ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les régions dessinent les grandes orientations, mais il ne faut pas s’y tromper : nous avons besoin d’un schéma départemental de services au public, ou de services publics, pour nos communes rurales.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 675.

M. André Reichardt. J’ai un peu de mal à comprendre le raisonnement. On parle bien d’un schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires. Qu’y a-t-il de gênant à mentionner, parmi les grandes orientations qu’il dessine, l’« amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux » ?

L’adjectif « ruraux » est peut-être de trop, car les territoires ruraux ne sont pas les seuls, en effet, à avoir besoin d’actions en faveur de l’égalité des territoires. L’amendement n° 279 vise d’ailleurs à préciser qu’il s’agit de l’offre de services « en particulier » dans ces territoires ruraux.

Je ne vois vraiment pas ce qui gêne dans cette mention et, madame la ministre, les explications que vous nous donnez me paraissent insuffisantes.

J’ai bien compris qu’il est, au-delà, possible d’avoir un schéma départemental des services publics, mais en quoi un schéma régional, qui fixerait aussi une orientation générale en matière de gestion économe de l’espace, pourrait-il ne pas parler de grandes orientations en matière d’amélioration de l’offre de services ? Quoi qu’il en soit, il est évident que la gestion économe de l’espace ne va pas se faire non plus spécifiquement au niveau régional. Il faudra une capillarité au niveau infrarégional.

Dès lors, pourquoi faut-il faire disparaître de cet article 6 un aspect qui me paraît tout de même fondamental en termes d’égalité des territoires : la recherche d’une offre de services de qualité pour tous, pour ne pas dire une offre égale.

Plus qu’une explication de vote, c’est une demande d’information complémentaire que je formule.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Moi aussi, je m’interroge sur la motivation de cet amendement n° 675.

Vous nous proposez, madame la ministre, de supprimer de l’alinéa 7 les mots « d’amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux », au motif, si j’ai bien compris, qu’il était prévu un schéma de services au public au niveau départemental. (Mme la ministre opine.) Soit. Mais vos explications me paraissent quand même un peu contradictoires ; en tout cas, je ne les saisis pas bien.

D’une manière générale, je ne me fais aucune illusion sur les conséquences de la réforme territoriale sur les territoires ruraux : ce sera catastrophique, je l’ai dit et répété. Dans les grandes régions, leur représentation sera presque nulle et, faute de moyens supplémentaires, nous serons dans l’incapacité absolue de régler les difficultés qui sont les nôtres.

Qu’attendons-nous en effet ? Des services au public, bien sûr, mais aussi des décisions en matière de désenclavement. Il en est question dans cet article, et vous ne demandez pas que ce ne soit plus le cas. Je reste toutefois dubitatif quant à la capacité des nouvelles régions de faire quoi que ce soit en matière de désenclavement…

Quant aux maisons de santé et aux maisons de services au public, c’est le sucre d’orge que vous avez mis pour les territoires ruraux,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Annie Guillemot. La ministre mérite mieux que ça !

M. Jacques Mézard. … et je ne suis pas de ceux qui peuvent le gober ! Je ne dis pas qu’elles sont inutiles, mais ce n’est pas l’essentiel de nos problèmes, surtout quand nous serons éloignés de plusieurs centaines de kilomètres des métropoles régionales. De quoi aurons-nous alors besoin ? De conserver de la matière grise ! Or vous faites tout pour nous l’enlever. (Mme la ministre manifeste son désaccord.)

Mais si, c’est la réalité ! C’est ce qui passe en ce qui concerne l’enseignement supérieur ou encore les cadres du privé et du public, qui sont aspirés depuis des années par les métropoles régionales actuelles ; et ce sera encore pire avec les grandes régions !

Donc, la matière grise et les emplois d’encadrement partent et ils partiront encore plus !

Nous avons aussi besoin, évidemment, de pouvoir accéder à nos territoires. On nous dit qu’on fait le nécessaire pour les « zones blanches » – c’est dans un article de la loi Macron – ou pour le très haut débit, etc. Il n’en reste pas moins qu’il y a un retard considérable. Ces deux mesures ont été instaurées parce que l’exécutif a voulu montrer qu’il faisait quelque chose pour l’égalité des territoires.

On a dû se creuser la tête et on s’est dit que faciliter la création de maisons de santé et de maisons de services au public allait apporter une solution au problème. Mais cela ne suffit pas ! (Mme Annie Guillemot proteste.)

Que ça vous plaise ou non, c’est la réalité, et on a le droit de le dire ici ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je ne comprends donc pas la motivation de l’amendement du Gouvernement, et je fais miennes les remarques qui viennent d’être formulées par mon collègue André Reichardt : pourquoi supprimer ce membre de phrase ? Vous nous dites que l’établissement d’un schéma de services au public est de la compétence départementale… Mais il y a d’autres moyens pour traiter les problèmes d’inégalité des territoires et, en particulier, pour lutter contre la fragilisation des territoires ruraux.

Monsieur Hyest, vous approuvez cette suppression, mais je vous avoue que je n’en ai pas bien saisi le but. Mais je suppose qu’il s’agit d’aller dans le bon sens…

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur.