M. le président. L'amendement n° 169, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 18, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sans préjudice du neuvième alinéa de l’article L. 821–2

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Cet amendement vise à préserver l’hypothèse dans laquelle le lieu faisant l’objet de l’intrusion est désigné par référence aux personnes faisant l’objet de la demande prévue à l’article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’introduction mentionnée au I et portant sur un lieu privé à usage d’habitation est autorisée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Conseil d’État est immédiatement saisi. La formation collégiale, le président de la formation restreinte mentionnée à l’article L. 773–2 ou le membre qu’il délègue statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de cette saisine. La décision d’autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d’État n’ait statué, sauf si elle a été délivrée au titre du 4° de l’article L. 811–3 du présent code et que le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement, auquel le Gouvernement est attaché, est important pour l’équilibre du texte.

Conformément au souhait exprimé par un grand nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il convient de renforcer les garanties afférentes à l’introduction dans un lieu privé à usage d’habitation en exigeant la saisine immédiate du Conseil d’État lorsque cette introduction a été autorisée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, ou CNCTR. La saisine suspend l’exécution de l’intrusion ainsi autorisée, excepté en matière de terrorisme.

À travers cet amendement, le Gouvernement propose d’apporter une garantie très forte en termes de libertés individuelles, évoquées par les uns et les autres.

M. le président. Le sous-amendement n° 196, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 76, alinéa 3

1° Première phrase

Après les mots :

immédiatement saisi

insérer les mots :

par le président de la commission

2° Deuxième phrase

a) Remplacer le mot :

collégiale

par les mots :

spécialisée mentionnée à l'article L. 773-2 du code de justice administrative

b) Remplacer les mots :

à l'article L. 773-2

par les mots :

au même article

La parole est à M. le rapporteur pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements et sous-amendement.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Je salue cet amendement du Gouvernement que vient de présenter le ministre de l’intérieur en ce qu’il prévoit dans des cas tout à fait exceptionnels la saisine immédiate et obligatoire du Conseil d’État lorsque l’introduction dans un lieu privé – c’est une décision lourde de conséquences – a fait l’objet d’un avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Néanmoins, la commission des lois est en désaccord avec la solution proposée par le Gouvernement. En effet, elle enfermerait le Premier ministre dans une forme de schizophrénie. D’un côté, le Premier ministre délivre une autorisation pour mettre en œuvre une technique très intrusive et, de l’autre, il saisit le Conseil d’État pour annuler le recours à cette même technique.

L’analogie avec la saisine par le Président de la République du Conseil constitutionnel à propos d’un texte – celui-ci a été présenté en conseil des ministres – après son examen parlementaire a ses limites. En effet, en l’occurrence, nul besoin de saisir le Conseil constitutionnel de moyens d’annulation d’un texte, le Conseil devant examiner l’ensemble de la constitutionnalité de ce dernier. Il n’est prévu ni par la Constitution, ni par la loi organique, ni par aucun autre texte que la saisine du Conseil constitutionnel équivaut à une demande impérative d’annulation du texte dont il est saisi. À l’inverse, aux termes du code de justice administrative, une saisine du Conseil d’État correspond à une demande d’annulation ou à une demande de réparation d’un préjudice causé par un acte de l’administration.

Comment le Premier ministre peut-il demander l’annulation d’une autorisation qu’il a délivrée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ?

Cependant, je souscris à l’excellente intention du Gouvernent : offrir à tous nos concitoyens la garantie de la saisine du Conseil d’État en cas de recours à une technique de renseignement très intrusive décidé malgré un avis défavorable de la commission susvisée.

Par le biais du sous-amendement n° 196, la commission propose que ce soit le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et non le Premier ministre, qui saisisse le Conseil d’État dans les mêmes délais. Cette solution me semble bien plus pertinente, dans la mesure où le président de cette commission a des raisons d’argumenter dans le sens de l’annulation, contrairement au Premier ministre.

Par ailleurs, je rectifie ce sous-amendement afin de prévoir que, en cas d’indisponibilité absolue du président de la Commission, pour respecter le délai imposé, la saisine puisse être faite par l’un des membres de cette commission qui a le pouvoir de donner un avis.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 196 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, ainsi libellé :

Amendement n° 76, alinéa 3

1° Première phrase

Après les mots :

immédiatement saisi

insérer les mots :

par le président de la commission ou, à défaut, par l’un des membres de la commission parmi ceux mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1

2° Deuxième phrase

a) Remplacer le mot :

collégiale

par les mots :

spécialisée mentionnée à l’article L. 773-2 du code de justice administrative

b) Remplacer les mots :

à l’article L. 773-2

par les mots :

au même article

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 61 et 104.

Elle est favorable aux amendements identiques nos 83 et 160 rectifié.

La rédaction de l’amendement n° 66 rectifié bis pose quelques problèmes, notamment en ce qui concerne l’imputation à l’alinéa 11 de l’article 3 qui n’est pas correct du point de vue légistique. De surcroît, il me semble difficile que les dispositifs mis en œuvre pour la captation de données informatiques puissent comporter les distinctions que cet amendement implique matériellement. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 21 rectifié ter a paru extrêmement intéressant à la commission ; elle y est favorable.

L’amendement n° 40 vise à réduire à un mois la durée d’autorisation de mise en œuvre de la technique de captation de données informatiques et à soumettre le renouvellement à une autorisation du juge judiciaire. Ce dernier point est contraire à la Constitution, puisque le juge judiciaire doit s’occuper de répression, de sanctions pénales, et non de l’appréciation de la légalité des mesures de police administrative. En outre, pour ce qui concerne le délai, cet amendement sera partiellement satisfait si les amendements nos 83 et 160, auxquels la commission émet un avis favorable, sont adoptés par la Haute Assemblée.

Mme Benbassa a souhaité contingenter le nombre de sonorisations à travers l’amendement n° 105. La commission est défavorable à cet amendement, car cette mesure risque de contraindre fortement l’activité des services, alors même que des besoins essentiels pourraient se faire sentir pour la protection d’intérêts fondamentaux de la nation ou pour la lutte contre le terrorisme, par exemple.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 169.

À l’inverse, elle est favorable à l’amendement n° 76, si toutefois le sous-amendement n° 196 rectifié est adopté.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me donner les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l’amendement n° 169 ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, cet amendement a pour objet de préciser que, dans les cas où la demande d’introduction dans un lieu privé est formulée sans que le service demandeur connaisse précisément le lieu, elle peut être faite en se référant simplement à la personne visée par la mesure, en application du droit commun.

Toutefois, cette précision semble inutile dans la mesure où les règles définies à l’article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure s’ajoutent à celles qui sont définies par les dispositions de droit commun de l’article L. 821-2 du même code et, par conséquent, ne s’excluent pas. Ces dispositions sont applicables par principe, comme l’est la disposition de cet article selon laquelle lorsque le lieu n’est pas précisé, la demande fait référence à la personne.

Enfin, l’article L. 853-3 crée une obligation de moyens en imposant de fournir « toute indication permettant d’identifier le lieu », c’est-à-dire les informations disponibles, qui peuvent être très réduites, voire inexistantes.

Monsieur le ministre, c’est un motif de pure légistique, et non de fond, qui a conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout d’abord, monsieur le président, compte tenu des explications et de l’interprétation de M. le rapporteur – il en sera rendu compte dans le Journal Officiel –, je retire l’amendement n° 169.

Je souscris d’autant plus volontiers au raisonnement de M. le rapporteur que les motifs pour lesquels la commission s’oppose à cet amendement ne compromettent pas la bonne interprétation du texte qui convient au Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 169 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’ensemble des amendements présentés portent sur les techniques les plus intrusives prévues par ce projet de loi, à savoir les mesures de sonorisation, de captation d’images et de données informatiques, pouvant s’accompagner de l’introduction dans un lieu privé d’habitation ou d’un système de traitement de données d’informations. Ils sont tous motivés par des craintes concernant les effets que ces techniques peuvent avoir sur les libertés individuelles.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, même s’il comprend parfaitement l’intention de leurs auteurs. Par conséquent, je me dois d’expliquer précisément les raisons à l’origine de cet avis.

Premièrement, le régime applicable aux mesures qui font l’objet de ces amendements est particulièrement encadré et beaucoup plus exigeant que celui qui prévaut pour les autres dispositions envisagées par le projet de loi. Ainsi, la mise en œuvre des techniques mentionnées aux chapitres III et IV visés à l’article 3 est strictement encadrée par une procédure qui permet un contrôle de la légalité et de la proportionnalité de la mesure. Une autorisation ne pourra être délivrée que si la finalité invoquée par le service à l’origine de la demande est parfaitement en adéquation avec les missions qui sont les siennes et s’il n’existe aucune autre alternative possible pour obtenir les renseignements.

Deuxièmement, l’autorisation est limitée à deux mois, contre quatre mois pour toutes les autres techniques.

Troisièmement, lorsqu’elle s’accompagne de l’introduction dans un lieu privé d’habitation ou un véhicule ou lorsqu’elle vise des professions protégées, elle nécessite un avis exprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement en formation collégiale sans que les procédures d’urgence soient applicables – j’y insiste – sauf dans certains cas très particuliers visant les professions protégées, l’autorisation étant alors limitée à un mois.

Quatrièmement, il ne vous a pas échappé, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est soucieux d’apporter des garanties supplémentaires en la matière. Pour ce faire, l’amendement n° 76 vise à la saisine automatique du Conseil d’État si le Premier ministre veut passer outre l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement en cas de techniques s’accompagnant d’une intrusion dans un lieu privilégié d’habitation. Dans cette hypothèse, sauf en matière de terrorisme, l’autorisation est, bien entendu, suspendue dans l’attente de la décision de la haute juridiction.

À cet égard, j’ai entendu Philippe Bas craindre que la saisine de la CNCTR par le Premier ministre lui-même n’engendre une forme de schizophrénie. Je ne le crois pas, d’une part, parce que la CNCTR peut s’autosaisir et ainsi accéder à la totalité des éléments, ensuite parce que le fait que ce soit le Premier ministre qui la saisisse permettra simplement à l’autorité juridictionnelle, à savoir le Conseil d’État, d’examiner la totalité des sujets comme il pourrait le faire par lui-même. En réalité, cette façon de procéder est assez neutre.

Toujours est-il que cela n’a pas d’importance et je ne me battrai pas sur le sujet. Ce qui compte, c’est que le Conseil d’État soit saisi ; vous souhaitez qu’il le soit selon une procédure différente de celle qu’a retenue le Gouvernement, mais, à un moment donné, il faut bien faire un choix.

Par conséquent, s’agissant du sous-amendement n° 196 rectifié de la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Ce qui importe, c’est que les garanties qui sont prévues soient confortées ; le reste peut faire l’objet d’un débat entre nous, mais ce n’est pas déterminant au regard de l’objectif que vise le Gouvernement à travers son amendement.

Le dispositif que nous proposons est de nature à apporter un certain nombre de garanties qui, selon nous, ne justifient pas les amendements visant à limiter les besoins opérationnels des services.

D’une part, c’est vainement que l’on invoquerait la restriction de l’usage de ces techniques au seul cadre judiciaire dès lors que le Conseil constitutionnel lui-même admet que les techniques de renseignement puissent être inspirées de celles qui sont mises en œuvre en police judiciaire – interceptions de sécurité, géolocalisation –, pourvu qu’elles le soient de manière adaptée et proportionnée, avec des garanties claires et encadrées. Or tel est bien le cas, comme je l’ai expliqué précédemment.

D’autre part, ces mesures ne sauraient être limitées à certaines seulement des finalités prévues par la loi, au risque de nuire à l’efficacité des services opérationnels et de ne pouvoir opérer une hiérarchisation entre les différents intérêts visés.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à l’amendement n° 61 de Mme Cukierman, qui ne me paraît pas conforme à l’état du droit.

J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 104 de Mme Benbassa.

Il n’apparaît pas davantage opportun de limiter à un mois la durée de ces autorisations, déjà limitée par rapport au droit commun applicable aux autres techniques, à savoir quatre mois renouvelables pour une même durée.

Comme je vous l’ai dit, pour ces techniques, la durée est portée à deux mois renouvelables chaque fois pour une même durée, et à un mois lorsqu’elles impliquent l’intrusion dans un véhicule ou dans un domicile. Ces durées, particulièrement réduites, ne sauraient l’être davantage, sauf à décider de priver les services de toute efficacité. Auquel cas, c’est à la technique elle-même qu’il faudrait renoncer.

Par la suite, sauf à multiplier les demandes d’autorisation, qui, de surcroît, le plus souvent, n’auront pas encore été mises en œuvre ou n’auront pas encore produit leurs effets, il est souhaitable de s’en tenir aux durées actuellement prévues par le projet de loi.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 83 de M. Hyest et 160 rectifié de M. Sueur.

Pour une raison identique, il n’est pas souhaitable de contingenter les mesures de ce type, dont le nombre sera par définition restreint, compte tenu de la difficulté de les mettre en œuvre, puisqu’elles nécessitent une intervention humaine.

Je réponds là à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Malhuret.

En tout état de cause, de telles techniques sont sans commune mesure avec les interceptions de sécurité, qui peuvent être opérées à distance, et leur nombre, je le dis très clairement devant le Sénat, sera nécessairement limité, pour des raisons consubstantielles à la nature de ces opérations, sans qu’il soit besoin de les contingenter.

La suppression de la possibilité de mettre en œuvre les techniques à l’encontre des professions protégées ne me paraît pas plus opportune.

S’agissant de la protection de certaines professions, le texte du Gouvernement a été très substantiellement enrichi à l’issue des débats devant l’Assemblée nationale et devant la commission des lois du Sénat. En ce domaine, je pense que nous sommes parvenus à un équilibre.

Je rappelle que l’article L. 821-5-2, dont le présent projet de loi prévoit l’insertion dans le code de la sécurité intérieure, prévoit, lorsque la demande de mise en œuvre d’une technique concerne un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste, que la CNCTR se réunit dans sa formation plénière pour rendre son avis, qu’elle est informée des modalités d’exécution des autorisations qu’elle délivre et que les transcriptions des renseignements ainsi collectés lui sont transmises.

En outre, la procédure d’urgence n’est pas applicable à ces professions.

Ces dispositions garantissent la conciliation nécessaire entre, d’une part, le respect du secret attaché à certaines professions et, d’autre part, la défense et la promotion des intérêts publics, y compris dans les finalités du renseignement.

De ce point de vue, M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a fait hier une intervention extrêmement limpide quant aux risques que comporterait la rupture de cet équilibre. Je partage tout à fait son point de vue.

Aller au-delà et interdire la mise en œuvre de ces techniques de renseignement dans les cabinets et locaux professionnels ne permettrait plus de garantir cette conciliation et apparaîtrait très disproportionné, car cela pourrait créer une sorte de sanctuaire particulièrement attractif, comme vous l’avez souligné hier, monsieur Raffarin, pour les personnes souhaitant porter atteinte aux intérêts de notre pays.

Enfin, M. Malhuret propose, par son amendement n° 66 rectifié bis, de soumettre au principe du privacy by design les captations de sons ou de données. C’est aujourd’hui techniquement impossible faute pour les dispositifs actuellement utilisés par les services de renseignement de pouvoir procéder à un tri de ces données pendant leur collecte. Cette opération ne peut s’effectuer que a posteriori.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83 et 160 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote sur l'amendement n° 66 rectifié bis.

M. Claude Malhuret. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je veux bien que vous soyez défavorables à mon amendement, mais n’utilisez pas l’argument de l’impossibilité technique. C’est tellement simple : il suffit que le dispositif d’interception se coupe automatiquement au moment où prend fin la communication avec l’extérieur. Un étudiant en première année d’informatique serait capable d’élaborer le code pour une telle procédure !

Certes, nous ne sommes pas tous spécialistes en informatique, mais n’en profitez pas pour prétendre que c’est techniquement impossible ! Trouvez un autre argument !

Je le répète, il est très simple de mettre fin à la surveillance au moment où la communication est coupée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, dans votre amendement, vous proposez non pas que l’enregistrement soit coupé quand la conversation sort du lieu privé, mais exactement le contraire !

En effet, voici ce que vous écrivez : « Les dispositifs techniques utilisés à cette fin garantissent que les seules informations captées sont celles effectivement échangées lors d’une conversation sortant du lieu privé. » (M. Claude Malhuret s’exclame.)

Or vous nous avez dit à l’instant qu’il existait des dispositifs à la portée de n’importe quel étudiant de première année en informatique permettant de couper l’enregistrement quand la conversation sort du lieu privé.

M. Claude Malhuret. Quand la conversation se termine !

M. Philippe Bas, rapporteur. Excusez-moi, mais je n’y comprends plus rien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 40 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'article.

Mme Cécile Cukierman. Quitte à me répéter, je tiens à poser une nouvelle fois la question que j’ai posée hier avant le vote de l’article 2.

L’article 2 et l’article 3 prévoient le déploiement de nouvelles techniques dont l’acquisition requerra forcément des moyens financiers et l’utilisation des ressources humaines de manière à pouvoir traiter et analyser efficacement les informations recueillies, ces milliers de données ainsi captées, et éviter une surveillance généralisée.

Si nous autorisons ces techniques, c’est bien pour qu’elles soient utilisées !

À la suite des événements tragiques qu’a connus notre pays au mois de janvier, l’ensemble des spécialistes – y compris du renseignement – ont reconnu la difficulté d’anticiper de tels attentats au vu de l’immense masse de données à traiter et ont souligné la nécessité de pouvoir mieux les analyser.

Les méthodes de travail devront certainement évoluer pour être plus performantes et la ressource humaine être plus disponible.

Aussi, monsieur le ministre, je vous repose la question : l’étude d’impact du projet de loi étant muette à ce sujet, pouvez-vous nous indiquer le coût de l’ensemble des mesures visées aux articles 2 et 3 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la sénatrice, le Premier ministre et moi-même avons répondu à plusieurs reprises, et de façon extrêmement précise, à cette question. Néanmoins, je vais derechef vous indiquer l’ensemble des éléments dont vous estimez avoir besoin.

Le Premier ministre, dans son discours, et moi-même, tant devant l’Assemblée nationale que devant le Sénat, avons pris des dispositions dès le mois de janvier pour assurer le financement de l’ensemble des mesures de lutte contre le terrorisme, notamment l’allocation de moyens aux services de renseignement.

En ce qui concerne les moyens humains – et je sais à quel point votre groupe est attaché à ce que les services aient les moyens de fonctionner –, nous avons pris la décision, dès le début du quinquennat, d’augmenter de 432 les effectifs de la direction générale de la sécurité intérieure.

À la suite des événements du mois de janvier, le Gouvernement a considéré que cet effort devait être conforté. Aussi, il a été décidé de créer, au cours de la période 2015-2017, 1 500 emplois supplémentaires au sein du ministère de l’intérieur, qui se répartiront comme suit : 500 emplois supplémentaires pour la direction centrale du renseignement territorial – 150 emplois pour les services de renseignement territorial de la gendarmerie nationale et 350 emplois pour les services de la police nationale –, 500 emplois, en plus des 432 déjà prévus, pour la direction générale de la sécurité intérieure. Les 400 autres emplois seront répartis entre les différents services du ministère de l’intérieur : la direction centrale de la police aux frontières, le service de protection de hautes personnalités, la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité de la direction centrale de la police judiciaire, afin que nous puissions répondre à tous les enjeux de la lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, nous avons besoin de crédits dits « hors T2 ». Il a été décidé d’allouer, pour la même période, une enveloppe de 233 millions d’euros, dont 98 millions sont d’ores et déjà mobilisés pour 2015. Ces crédits serviront à l’équipement numérique des services et à la modernisation des infrastructures informatiques du ministère de l’intérieur.

Au moment du retour des trois djihadistes de Turquie, les défaillances du système CHEOPS avaient été évoquées : il est vrai qu’il n’avait pas été modernisé depuis quinze ans. C'est la raison pour laquelle nous investissons massivement dans la modernisation des systèmes informatiques.

Nous avons aussi décidé d’acquérir des véhicules et de doter le Renseignement territorial des moyens élémentaires dont il a besoin, des appareils photo, par exemple.

Telle est très précisément notre action : elle représente un effort considérable destiné à permettre à nos services de travailler dans de bonnes conditions.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles 2 et 3, qui avaient été appelés par priorité.

Nous reprenons le cours normal de la discussion des articles et en revenons à l’article 1er.

Article 3 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi relatif au renseignement
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

Les titres Ier à IV du livre VIII du code de la sécurité intérieure sont ainsi rédigés :

« TITRE IER

« DISPOSITIONS GÉNÉRALES

« Art. L. 811-1. – (Supprimé)

« Art. L. 811-1-1. – La politique publique de renseignement concourt à la stratégie de sécurité nationale ainsi qu’à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation. Elle relève de la compétence exclusive de l’État.

« Art. L. 811-2. – Les services spécialisés de renseignement sont désignés par décret. Ils ont pour missions, en France et à l’étranger, la recherche, la collecte, l’exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu’aux menaces et aux risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Ils contribuent à la connaissance et à l’anticipation de ces enjeux ainsi qu’à la prévention et à l’entrave de ces risques et de ces menaces. Ils exercent leurs missions sous réserve des attributions de l’autorité judiciaire en cas de crime ou de délit.

« Ils agissent dans le respect de la loi, sous l’autorité du Gouvernement et conformément aux orientations déterminées par le Conseil national du renseignement.

« Art. L. 811-3. – Dans l’exercice de leurs missions, les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques mentionnées au titre V du présent livre pour le recueil des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation suivants :

« 1° L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ;

« 2° Les intérêts essentiels de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ;

« 3° Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;

« 4° La prévention du terrorisme ;

« 5° La prévention :

« a) Des atteintes à la forme républicaine des institutions ;

« b) Des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l’article L. 212-1 ;

« c) Des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ;

« 6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;

« 7° (Supprimé)

« 8° (Supprimé)

« Art. L. 811-4. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et après information de la délégation parlementaire au renseignement, désigne les services, autres que les services spécialisés de renseignement, relevant des ministres de la défense et de l’intérieur ainsi que des ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes, qui peuvent être autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du présent livre dans les conditions prévues au même livre. Il précise, pour chaque service, les finalités mentionnées à l’article L. 811-3 et les techniques qui peuvent donner lieu à autorisation.

« Un décret détermine les modalités de mise en œuvre des techniques mentionnées au titre V du présent livre dans les établissements pénitentiaires, ainsi que les modalités des échanges d’informations entre, d’une part, les services mentionnés à l’article L. 811-2 et au premier alinéa du présent article et, d’autre part, l’administration pénitentiaire pour l’accomplissement de leurs missions. Il définit les conditions dans lesquelles l’administration pénitentiaire peut demander à ces services de mettre en œuvre, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II, une technique de renseignement au sein d’un établissement pénitentiaire et avoir connaissance des renseignements recueillis utiles à l’accomplissement de ses missions.

« TITRE II

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX TECHNIQUES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT SOUMISES À AUTORISATION

« CHAPITRE IER

« De l’autorisation de mise en œuvre

« Art. L. 821-1. – La mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil de renseignement mentionnées au titre V du présent livre est soumise à autorisation préalable du Premier ministre délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Ces techniques ne peuvent être mises en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités.

« Art. L. 821-2. – L’autorisation mentionnée à l’article L. 821-1 est délivrée sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou des ministres chargés de l’économie, du budget ou des douanes. Chaque ministre peut déléguer cette attribution à trois représentants de l’autorité publique habilités au secret de la défense nationale et placés sous son autorité.

« La demande précise :

« 1° La ou les techniques à mettre en œuvre ;

« 1° bis (nouveau) Le service chargé de mettre en œuvre la ou les techniques ;

« 2° La ou les finalités poursuivies ;

« 3° Le ou les motifs des mesures ;

« 3° bis La durée de validité de l’autorisation ;

« 4° La ou les personnes, le ou les lieux ou véhicules concernés.

« Pour l’application du 4°, les personnes dont l’identité n’est pas connue peuvent être désignées par leurs identifiants ou leur qualité et les lieux ou véhicules peuvent être désignés par référence aux personnes faisant l’objet de la demande.

« Lorsqu’elle a pour objet le renouvellement d’une autorisation, la demande expose les raisons pour lesquelles ce renouvellement est justifié au regard de la ou des finalités poursuivies.

« Art. L. 821-3. – La demande est communiquée au président ou, à défaut, à l’un des membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement parmi ceux mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 831-1, qui rend un avis au Premier ministre dans un délai de vingt-quatre heures. Si la demande est examinée par la formation restreinte ou plénière de la commission, le Premier ministre en est informé sans délai et l’avis est rendu dans un délai de soixante-douze heures.

« Les avis mentionnés au présent article sont communiqués sans délai au Premier ministre. En l’absence d’avis transmis dans les délais prévus au même article, celui-ci est réputé rendu.

« Art. L. 821-4. – L’autorisation de mise en œuvre des techniques mentionnées au titre V du présent livre est délivrée par le Premier ministre pour une durée maximale de quatre mois. Le Premier ministre ne peut déléguer cette attribution individuellement qu’à des collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale. L’autorisation comporte les motivations et mentions prévues aux 1° à 4° de l’article L. 821-2. Toute autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions que celles prévues au présent chapitre.

« 1° à 4° (Supprimés)

« Lorsque l’autorisation est délivrée après un avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, elle indique les motifs pour lesquels cet avis n’a pas été suivi.

« L’autorisation du Premier ministre est communiquée sans délai au ministre responsable de son exécution ainsi qu’à la commission.

« La demande et l’autorisation sont enregistrées par les services du Premier ministre. Les registres sont tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Art. L. 821-5. – En cas d’urgence absolue et pour les seules finalités mentionnées aux 1° et 4° de l’article L. 811-3, le Premier ministre, ou l’une des personnes déléguées mentionnées à l’article L. 821-4, peut délivrer de manière exceptionnelle l’autorisation visée au même article sans avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Il en informe celle-ci sans délai et par tout moyen.

« Le Premier ministre fait parvenir à la commission, dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter de la délivrance de l’autorisation, tous les éléments de motivation mentionnés à l’article L. 821-4 et ceux justifiant le caractère d’urgence absolue au sens du présent article.

« Art. L. 821-5-1 (nouveau). – En cas d’urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l’opération ultérieurement, les appareils ou dispositifs techniques mentionnés aux articles L. 851-6 et L. 851-7 peuvent, de manière exceptionnelle, être installés, utilisés et exploités sans l’autorisation préalable visée à l’article L. 821-4 par des agents individuellement désignés et habilités. Le Premier ministre, le ministre concerné et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement en sont informés sans délai et par tout moyen. Le Premier ministre peut ordonner à tout moment que la mise en œuvre de la technique concernée soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits sans délai.

« L’utilisation en urgence de la technique concernée fait l’objet d’une autorisation délivrée, dans un délai de quarante-huit heures, dans les conditions définies au présent chapitre, après avis rendu par la commission au vu des éléments de motivation mentionnés à l’article L. 821-4 et ceux justifiant le recours à la procédure d’urgence au sens du présent article. À défaut, le Premier ministre ordonne l’interruption immédiate de la mise œuvre de la technique concernée et la destruction sans délai des renseignements ainsi collectés.

« Art. L. 821-5-2 (nouveau). – Lorsque la demande de mise en œuvre d’une technique mentionnée au titre V du présent livre concerne un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ainsi que leurs véhicules, bureaux ou domiciles, l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est examiné en formation plénière. L’article L. 821-5 n’est pas applicable. L’article L. 821-5-1 n’est pas applicable, sauf s’il existe des raisons sérieuses de croire que la personne visée agit aux ordres d’une puissance étrangère, ou dans le cadre d’un groupe terroriste ou d’une organisation criminelle.

« La commission est informée des modalités d’exécution des autorisations délivrées en application du présent article.

« Les transcriptions des renseignements collectés en application du présent article sont transmises à la commission, qui veille au caractère nécessaire et proportionné des atteintes le cas échéant portées aux garanties attachées à l’exercice de ces activités professionnelles ou mandats.

« Art. L. 821-6. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse des recommandations et saisit le Conseil d’État dans les conditions respectivement prévues aux articles L. 833-3-2 et L. 833-3-4.

« Art. L. 821-7. – (Supprimé)

« CHAPITRE II

« Des renseignements collectés

« Art. L. 822-1. – Les procédures prévues au présent chapitre sont mises en œuvre sous l’autorité du Premier ministre dans des conditions qu’il définit.

« Le Premier ministre organise la traçabilité de la mise en œuvre des techniques autorisées en application du chapitre Ier du présent titre et définit les modalités de la centralisation des renseignements collectés.

« À cet effet, un relevé de chaque mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement est établi. Il mentionne les dates de début et de fin de cette mise en œuvre ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui peut y accéder à tout moment.

« Art. L. 822-2. – I. – Les renseignements collectés par la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement autorisée en application du chapitre Ier du présent titre sont détruits à l’issue d’une durée de :

« 1° Trente jours à compter de leur recueil pour les correspondances interceptées en application de l’article L. 852-1 et les paroles captées en application de l’article L. 853-1 ;

« 2° Six mois à compter de leur recueil pour les renseignements collectés par la mise en œuvre des techniques mentionnées au chapitre III du V du présent livre, à l’exception des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 ;

« 3° Trois ans à compter de leur recueil pour les informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1.

« Pour ceux des renseignements qui sont chiffrés, le délai court à compter de leur déchiffrement.

« En cas de stricte nécessité et pour les seuls besoins de l’analyse technique, les renseignements collectés qui contiennent des éléments de cyberattaque ou qui sont chiffrés, ainsi que les renseignements déchiffrés associés à ces derniers, peuvent être conservés au-delà des durées mentionnées au présent I, à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées.

« II et III. – (Supprimés)

« IV. – Par dérogation au I du présent article, les renseignements qui concernent une requête dont le Conseil d’État a été saisi ne peuvent être détruits. À l’expiration des délais prévus au même I, ils sont conservés pour les seuls besoins de la procédure devant le Conseil d’État.

« Art. L. 822-3. – Les renseignements ne peuvent être collectés, transcrits ou extraits pour d’autres finalités que celles mentionnées à l’article L. 811-3.

« Les transcriptions ou les extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite des finalités pour lesquelles les renseignements ont été collectés.

« Art. L. 822-4. – Les opérations de destruction des renseignements collectés, les transcriptions et les extractions mentionnées aux articles L. 822-2 et L. 822-3 sont effectuées par des agents individuellement désignés et habilités. Elles font l’objet de relevés tenus à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

« Art. L. 822-4-1. – (Supprimé)

« Art. L. 822-5. – (Supprimé)

« Art. L. 822-6. – Le présent chapitre s’applique sans préjudice du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.

« TITRE III

« DE LA COMMISSION NATIONALE DE CONTRÔLE DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT

« CHAPITRE IER

« Composition et organisation

« Art. L. 831-1. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est une autorité administrative indépendante.

« Elle est composée de neuf membres :

« 1° Deux députés et deux sénateurs, désignés, respectivement, pour la durée de la législature par l’Assemblée nationale et pour la durée de leur mandat par le Sénat, de manière à assurer une représentation pluraliste du Parlement ;

« 2° Deux membres du Conseil d’État, d’un grade au moins égal à celui de conseiller d’État, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;

« 3° Deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour ;

« 4° Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques, nommée sur proposition du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« Le président de la commission est nommé par décret du président de la République parmi les membres mentionnés aux 2° et 3°.

« Le mandat des membres, à l’exception de ceux mentionnés au 1°, est de six ans. Il n’est pas renouvelable.

« Les membres du Conseil d’État ou de la Cour de cassation sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

« La commission peut suspendre le mandat d’un de ses membres ou y mettre fin si elle constate, à la majorité des trois quarts des autres membres, qu’il se trouve dans une situation d’incompatibilité, qu’il est empêché d’exercer ses fonctions ou qu’il a manqué à ses obligations.

« En cas de vacance d’un siège de membre, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à l’élection ou à la nomination d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.

« Art. L. 831-2 (nouveau). – La formation plénière de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement comprend l’ensemble des membres mentionnés à l’article L. 831-1.

« La formation restreinte de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est composée des membres mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l’article L. 831-1.

« Ces formations sont présidées par le président de la commission.

« CHAPITRE II

« Règles de déontologie et de fonctionnement

« Art. L. 832-1. – Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de la commission ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité.

« Art. L. 832-2. – Le président de la commission ne peut être titulaire d’aucun mandat électif et ne peut exercer aucune autre activité professionnelle.

« La fonction de membre de la commission est incompatible avec tout intérêt, direct ou indirect, dans les services pouvant être autorisés à mettre en œuvre les techniques mentionnées au titre V du présent livre ou dans l’activité de l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ainsi qu’aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. La fonction de membre est également incompatible avec tout mandat électif, à l’exception de ceux des membres mentionnés au 1° de l’article L. 831-1.

« Art. L. 832-3. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement établit son règlement intérieur.

« Les avis sur les demandes mentionnées à l’article L. 821-2 sont rendus par le président ou un autre membre mentionné aux 2° et 3° de l’article L. 831-1.

« Toute question nouvelle ou sérieuse est renvoyée à la formation restreinte ou plénière. La formation restreinte et la formation plénière ne peuvent valablement délibérer que si respectivement au moins trois et quatre membres sont présents. Leurs décisions sont prises à la majorité des membres présents.

« En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.

« La formation plénière se réunit au moins une fois tous les deux mois. Elle est informée des avis rendus sur les demandes mentionnées à l’article L. 821-2 lors de sa plus proche réunion.

« Art. L. 832-4. – La commission dispose des moyens humains et techniques nécessaires à l’accomplissement de ses missions ainsi que des crédits correspondants, dans les conditions fixées par la loi de finances. Ces crédits sont inscrits au programme de la mission “Direction de l’action du Gouvernement” relatif à la protection des droits et des libertés fondamentales. Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne lui est pas applicable. La commission présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

« Le secrétaire général de la commission assiste le président. Il est nommé par le président de la commission.

« La commission peut bénéficier de la mise à disposition de fonctionnaires et magistrats et recruter, au besoin, des agents contractuels, placés sous son autorité.

« Art. L. 832-5. – Les membres de la commission sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal et utiles à l’exercice de leurs fonctions.

« Les agents de la commission doivent être habilités au secret de la défense nationale aux fins d’accéder aux informations et documents nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

« Les membres et les agents de la commission sont astreints au respect des secrets protégés par les articles 413-10 et 226-13 du même code pour les faits, actes et renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

« Les travaux de la commission sont couverts par le secret de la défense nationale.

« CHAPITRE III

« Missions

« Art. L. 833-1. – La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille à ce que les techniques de recueil de renseignement soient mises en œuvre sur le territoire national conformément au présent livre.

« Art. L. 833-2. – Les ministres, les autorités publiques et les agents publics prennent toutes mesures utiles pour faciliter l’action de la commission.

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action de la commission :

« 1° Soit en refusant de communiquer à la commission les documents et renseignements qu’elle a sollicités en application de l’article L. 833-2-1, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;

« 2° Soit en communiquant des transcriptions ou des extractions qui ne sont pas conformes au contenu des renseignements collectés tel qu’il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible ;

« 3° Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application de l’article L. 832-5.

« Art. L. 833-2-1 (nouveau). – Pour l’accomplissement de ses missions, la commission :

« 1° Reçoit communication de toutes demandes et autorisations mentionnées au présent livre ;

« 2° Dispose d’un accès permanent et direct aux relevés, registres, renseignements collectés, transcriptions et extractions mentionnés au présent livre, à l’exception de ceux mentionnés à l’article L. 854-1, ainsi qu’aux dispositifs de traçabilité des renseignements collectés et aux locaux où sont centralisés ces renseignements en application de l’article L. 822-1 ;

« 3° Est informée à tout moment, à sa demande, des modalités d’exécution des autorisations en cours ;

« 4° Peut solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de ses missions, à l’exclusion des éléments communiqués par des services étrangers ou par des organismes internationaux ou qui pourraient donner connaissance à la commission, directement ou indirectement, de l’identité des sources des services spécialisés de renseignement ;

« 5° Peut solliciter du Premier ministre tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services qui relèvent de leur compétence, en lien avec les missions de la commission ;

« 6° (nouveau) Peut solliciter du Premier ministre tous les éléments relatifs à la mise en œuvre des techniques prévues au titre V du présent livre dont elle a connaissance, sans que cette mise en œuvre soit intégralement retracée dans les relevés et registres mentionnés au présent livre.

« Art. L. 833-3. – De sa propre initiative ou lorsqu’elle est saisie d’une réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, la commission procède au contrôle de la ou des techniques invoquées en vue de vérifier qu’elles ont été ou sont mises en œuvre dans le respect du présent livre. Elle notifie à l’auteur de la réclamation qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer leur mise en œuvre.

« Art. L. 833-3-1 (nouveau). – I. – Lorsqu’elle rend un avis sur la demande d’autorisation pour la mise en œuvre d’une technique de renseignement prévue aux chapitres Ier à III du titre V ou qu’elle en contrôle la mise en œuvre, la commission vérifie que la mesure relève de la police administrative et qu’elle respecte l’article L. 801-1.

« La commission veille également au respect de la procédure de délivrance de l’autorisation ainsi qu’à celui de l’autorisation délivrée par le Premier ministre.

« II. – Lorsqu’elle contrôle la mise en œuvre d’une technique de renseignement prévue au chapitre IV du titre V, la commission vérifie que les mesures mises en œuvre respectent les conditions fixées à l’article L. 854-1, les mesures règlementaires prises pour son application et les décisions d’autorisation du Premier ministre.

« Art. L. 833-3-2 (nouveau). – I. – La commission adresse, à tout moment, au Premier ministre, au ministre responsable de son exécution et au service concerné une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre d’une technique soit interrompue et les renseignements collectés détruits lorsqu’elle estime que :

« - une autorisation a été accordée en méconnaissance du présent livre ;

« - une technique a été mise en œuvre en méconnaissance du présent livre ;

« - la collecte, la transcription, l’extraction, la conservation ou la destruction des renseignements collectés, y compris dans le cadre du II de l’article L. 854-1, est effectuée en méconnaissance du chapitre II du titre II.

« II. – La commission fait rapport au Premier ministre du contrôle prévu au II de l’article L. 833-3-1 en tant que de besoin, et au moins une fois par semestre.

« Art. L. 833-3-3 (nouveau). – I. – Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations.

« II. – Le Premier ministre apporte une réponse motivée, dans les quinze jours, aux recommandations et aux observations que peut contenir le rapport prévu au II de l’article L. 833-3-2.

« Art. L. 833-3-4 (nouveau). – Le Conseil d’État peut être saisi d’un recours prévu au 2° de l’article L. 841-1 soit par le président de la commission lorsque le Premier ministre ne donne pas suite aux avis ou recommandations de la commission ou que les suites qui y sont données sont insuffisantes, soit par au moins trois membres de la commission.

« Art. L. 833-4. – La commission établit chaque année un rapport public dressant le bilan de son activité.

« Le rapport public de la commission fait état du nombre :

« - de demandes dont elle a été saisie et d’avis qu’elle a rendus ;

« - de réclamations dont elle a été saisie ;

« - de recommandations qu’elle a adressées au Premier ministre et de suites favorables données à ces recommandations ;

« - d’observations qu’elle a adressées au Premier ministre et d’avis qu’elle a rendus sur demande ;

« - d’utilisation des procédures d’urgence définies aux articles L. 821-5 et L. 821-5-1 ;

« - de recours dont elle a saisi le Conseil d’État et de recours pour lesquels elle a produit des observations devant lui.

« Ces statistiques sont présentées par technique de recueil de renseignement et par finalité.

« Art. L. 833-5. – La commission adresse au Premier ministre, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.

« Ces observations peuvent être communiquées à la délégation parlementaire au renseignement, sous réserve du respect du dernier alinéa du I et du premier alinéa du IV de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

« Art. L. 833-6. – La commission répond aux demandes d’avis du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat et de la délégation parlementaire au renseignement.

« Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut consulter l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou répondre aux demandes de celle-ci.

« TITRE IV

« DES RECOURS RELATIFS À LA MISE EN ŒUVRE DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT SOUMISES À AUTORISATION

« Art. L. 841-1. – Le Conseil d’État est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du présent livre.

« Il peut être saisi par :

« 1° Toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure prévue à l’article L. 833-3 ;

« 2° La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues à l’article L. 833-3-4.

« Lorsqu’une juridiction administrative ou une autorité judiciaire est saisie d’une procédure ou d’un litige dont la solution dépend de l’examen de la régularité d’une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement, elle peut, d’office ou sur demande de l’une des parties, saisir le Conseil d’État à titre préjudiciel. Il statue dans le délai d’un mois à compter de sa saisine.

« Art. L. 841-2 (nouveau). – Le Conseil d’État est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, des contentieux résultant de la mise en œuvre de l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’État et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État. »