Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la prolifération des normes et la multiplication de leurs sources sont des thèmes récurrents, tant la France souffre d’un harcèlement textuel bien ancré… Le Forum économique mondial sur la compétitivité des économies place la France à la 130e place en matière de poids de la réglementation. Certes, on ne peut pas être bon partout, mais cette position n’est vraiment pas glorieuse.

M. Yvon Collin. Dans son rapport sur la simplification de l’administration française, publié en 2004, l’OCDE a souligné que le coût de la paperasserie s’élevait en moyenne à 11 % du PIB, selon le standard cost model.

Trop souvent, les entreprises doivent faire face à de nouvelles normes prescrites par l’État, d’une part, lorsqu’il exerce son pouvoir réglementaire et, d’autre part, quand il applique la loi. Elles doivent assimiler environ 3 000 nouvelles informations chaque année et se soumettre à de lourdes procédures administratives, qui entravent leur développement. Régulièrement, elles doivent communiquer leur chiffre d’affaires, attester de leur respect des normes environnementales ou des mesures paritaires, sans que les différentes administrations soient aujourd’hui en mesure de croiser et donc de coordonner les informations déjà transmises.

À cela s’ajoutent les normes européennes, dont nous mesurons parfois sur le terrain la contrainte qu’elles peuvent générer pour les acteurs économiques sans que soit toujours démontrée leur utilité. De la taille des cages pour palmipèdes gras au calibre des bananes, déterminé par « la longueur du fruit, exprimée en centimètres et mesurée le long de la face convexe, depuis le point d’insertion du pédoncule sur le coussinet jusqu’à l’apex » (Sourires.), on atteint souvent un niveau de précision décourageant pour les agriculteurs, qui, comme tout entrepreneur, aspirent à la simplification.

À ce niveau, plus qu’elle ne réglemente, l’administration tourmente ! C’est pourquoi il y a urgence à agir pour simplifier la vie des entreprises, des exploitations et des industries. C’est en particulier vital pour les petites entités, pour lesquelles le coût des formalités administratives est beaucoup plus lourd, faute de ressources humaines suffisantes pour les gérer. Le temps que consacrent ces dirigeants d’entreprise à mettre en application les normes est autant d’énergie perdue qu’ils pourraient consacrer à leur stratégie de développement.

Mes chers collègues, il faut reconnaître que les gouvernements qui se sont succédé depuis deux décennies ont tenté de résoudre ce problème, même si l’incantation a souvent pris le pas sur l’action.

Dès son arrivée au pouvoir, le Président Hollande a décidé d'amorcer un choc de simplification. La création, l’année dernière, du Conseil de la simplification pour les entreprises est le témoin concret de cette volonté de desserrer l’étau réglementaire qui pèse sur elles et, in fine, nuit à l’emploi. Je me réjouis également des annonces faites hier par le Premier ministre visant à alléger certaines formalités pour les TPE et les PME. Je pense en particulier à la simplification de l’accès aux aides publiques ou encore au développement du titre emploi-service entreprise. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques contient également des mesures intéressantes, que nous avons approuvées, notamment la mise en place d’un identifiant électronique unique et sécurisé pour les entreprises et l’allégement des obligations comptables pour les TPE durant leur période d’inactivité.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. C’est exact !

M. Yvon Collin. Tout cela va bien sûr dans le bon sens, mais ne résout pas la question du stock fossilisé de normes et de règles qui se sont accumulées. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, vous allez sans doute nous éclairer sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation des entreprises, qui affirme notamment : « une norme créée, une norme supprimée ou allégée ». Car, comme l’indique notre collègue Élisabeth Lamure dans le texte de sa question orale, la simplification réglementaire représente un enjeu de compétitivité et de croissance. J’ajoute que c’est aussi un enjeu d’attractivité internationale.

Comme je l’ai dit au début de mon intervention, l’État a une responsabilité dans la production de normes. Nous devons donc nous interroger sur la façon de ralentir cette inflation. Certes, la circulaire précitée pose une règle « désinflationniste », si je puis dire, mais il faut aussi s’attaquer au processus de production de la norme. À cet égard, je relève que le fameux rapport Lambert-Boulard souligne que, « pour chaque question, pour chaque problème, la réponse a été trop souvent l’instauration d’une loi nouvelle plutôt que la recherche d’une action plus efficace dans le cadre des lois existantes ». En effet, nous l’avouons, le législateur est également comptable de l’empilement normatif.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. C’est vrai !

M. Yvon Collin. Certes, nous votons désormais des lois de simplification, mais c’est un peu le serpent qui se mord la queue : il faut une norme pour abroger une norme ! Dès lors, n’est-ce pas l’état d’esprit qu’il faudrait faire évoluer au niveau de l’État ? Il faudrait en effet trouver le point d’équilibre entre Colbert et Tocqueville, entre une société que l’on encadre pour mieux la protéger et une société que l’on responsabilise pour encourager son dynamisme et la liberté d’entreprendre. Dans le contexte économique actuel, dont nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est difficile, nos chefs d’entreprise ont besoin de stabilité et de visibilité, et surtout pas de coûts induits par un excès de normes.

M. Alain Chatillon. Très bien !

M. Yvon Collin. C’est pourquoi le groupe du RDSE vous encourage, monsieur le secrétaire d'État, à ne pas relâcher les efforts du vaste chantier qu’est le défrichage normatif. Nous vous faisons confiance pour vous y atteler ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à remercier Mme Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, d’avoir posé une question orale avec débat sur ce sujet particulièrement important, qui est au cœur des préoccupations non seulement du Gouvernement, mais aussi de la plupart de mes collègues, en particulier des membres du groupe UDI-UC du Sénat.

Monsieur le secrétaire d'État, les membres de la délégation aux entreprises ont eu l’occasion d’aller sur le terrain et de rencontrer de nombreux entrepreneurs de notre pays. Tous ont fait le même constat : ce sont pour l’essentiel les contraintes administratives qui constituent des freins au développement économique et donc au développement de l’emploi dans notre pays. Plus que le poids des charges, c’est bien l’inflation normative qui donne aux entrepreneurs le sentiment que, dans notre pays, de nombreux obstacles freinent le développement des entreprises et enrayent les énergies nécessaires à leur création.

Si vous avez déjà formulé un certain nombre de propositions, de concert avec le Premier ministre, nous pensons qu’il faudra aller au-delà, en particulier pour ce qui concerne l’emploi. On le sait bien – cela aussi nous a été dit très fréquemment –, il y a encore beaucoup de mesures à prendre pour simplifier le code du travail et lever les freins à l’embauche. Je pense en particulier aux contrats, au travail à temps partiel, la durée minimale de vingt-quatre heures étant considérée par beaucoup d’entrepreneurs comme assez limitative. Il importe que nous puissions permettre au plus grand nombre d’accéder à l’emploi.

En outre, comme l’a dit l’un des intervenants, nos façons de faire, par exemple dans le domaine agricole ou dans celui de la pêche, font naître des obstacles pour les entreprises, qui ont beaucoup de difficultés à faire avancer leurs dossiers.

Très récemment, j’ai eu l’occasion de recevoir les représentants d’un certain nombre d’entreprises du domaine des biotechnologies. Pour ces entreprises, les prescriptions réglementaires, notamment le passage obligé par un certain nombre de commissions ou la nécessité d’obtenir l’accord de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, laquelle n’a pas véritablement les moyens de répondre dans des délais rapides, constituent des obstacles. Au final, ces entreprises ont tendance à vouloir se délocaliser à l’étranger, alors même que nous souhaitons privilégier l’emploi dans notre pays.

Vous le voyez bien, il importe que notre action soit volontariste. Il importe que les propositions gouvernementales ne vaillent pas seulement pour un temps limité, mais qu’elles puissent être durables dans le temps, parce que les entrepreneurs demandent aussi de la stabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.

M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux à mon tour remercier Élisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises – instance à laquelle j’ai le plaisir d’appartenir –, d’avoir proposé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux d’une question orale avec débat sur ce sujet essentiel qu’est la simplification administrative au profit des entreprises.

En effet, monsieur le secrétaire d'État, que peut-on attendre en la matière d’une circulaire, par nature dépourvue de caractère contraignant ? J’espère que vous parviendrez à nous l’expliquer tout à l'heure. Pour ce qui me concerne, depuis mon élection au Sénat, en septembre 2014, je m’étonne constamment de la complexité des textes qui nous sont soumis. Je pense au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que nous avons examiné tout dernièrement en deuxième lecture et que nos élus locaux apprécient déjà… On peut aussi évoquer la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové comme un modèle de complexité, qui aura pour seule conséquence de bloquer davantage encore l’activité – non délocalisable, je le rappelle – du bâtiment.

M. Jean-Claude Lenoir. On le constate déjà !

M. Michel Vaspart. Notre pays est dans une situation législative et réglementaire quasi paralysante. Il est urgent d’appeler à une simplification de cet environnement : c’est une absolue nécessité, que tout le monde attend. On finit par se demander d'ailleurs si, en France, on est capable de simplifier, en dehors des incantations et des postures.

Certes, la semaine dernière, vous avez annoncé un nouveau « train » de simplifications, certaines concernant les entreprises. Ces mesures sont-elles à la hauteur des enjeux ? Je voudrais bien pouvoir vous en faire crédit, car cet objectif de simplification est louable et je ne mets pas en doute votre bonne volonté. Mais de quels moyens usez-vous pour y parvenir ? Où est la volonté politique chez chacun de vos collègues du Gouvernement et dans leurs services respectifs, sur lesquels vous n’avez absolument aucune prise ?

Parmi les mesures annoncées la semaine dernière, une grande partie consiste à dématérialiser de nombreuses déclarations qui se faisaient jusque-là par écrit. L’administration, certes, se simplifie la vie, mais, pour les citoyens et les entreprises, quel en est le bénéfice ?

S’agissant de la simplification annoncée de la fiche de paie, attendue pour 2016, elle consiste en fait en un regroupement des cotisations patronales pour réduire le nombre de lignes apparaissant sur la fiche. En quoi le chef d’entreprise voit-il son quotidien simplifié avec une telle mesure ?

Dans ce contexte, la déclaration sociale nominative et l’accès aux marchés publics facilité ne sont que des gouttes d’eau dans un océan de complexité.

La Banque mondiale publie, chaque année, une évaluation des mesures administratives qui freinent l’activité des entreprises. La France arrive en 31e position, quand la Grande-Bretagne est au 8e rang et l’Allemagne au 14e. La performance de la France est qualifiée de « catastrophique » : notre pays occupe la 126e place en ce qui concerne l’enregistrement des droits de propriété, la 95e position pour le paiement des impôts et le 86e rang pour les permis de construire.

Le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, dont nous allons bientôt examiner, en première lecture, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, ajoute encore de la complexité. Si ce texte était voté en l’état, il y aurait, par exemple, des commissions territoriales capables d’accéder aux locaux des entreprises, davantage de représentants de salariés dans les entreprises de 50 salariés, et donc une amplification de l’effet de seuil, alors que nous avons exactement besoin du contraire, et deux administrateurs salariés dans toutes les entreprises employant plus de 1 000 salariés, contre 5 000 actuellement… Mais pour régler quel type de problèmes ?

Les simplifications administratives permettraient de substantielles économies ; monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez vous-même régulièrement un gain potentiel de 11 milliards d’euros d’ici à 2017. Le calcul de cette estimation m’échappe beaucoup, mais, si le chiffre est exact, que n’allez-vous plus vite ?

On peut comprendre que l’administration soit réticente, puisque, au fond, elle vit et se nourrit de la complexité.

M. Gérard Cornu. Eh oui ! C’est ça le problème !

M. Michel Vaspart. Inventer encore et toujours des règles, contrôler qu’elles sont respectées, faire porter des pénalités, voilà qui crée de l’emploi ! La simplification administrative peut pourtant aider les entreprises bien plus efficacement que n’importe quel type de subventions.

Les PME font l’objet de tous les éloges dans les discours publics. Dès lors, répondons à leurs principales préoccupations et demandes ! Ne disposant pas de département juridique, les PME passent trop de temps à accomplir des tâches administratives, quand elles ont besoin de développer leurs produits et leur clientèle, y compris à l’international.

Monsieur le secrétaire d'État, je fais un rêve – c’est la deuxième fois dans cet hémicycle – : je fais le rêve que l’Assemblée nationale et le Sénat consacrent une partie du temps législatif à la suppression et à la réécriture des lois et règlements, après recensement de tout ce qui bloque le développement et la création d’emplois en France. C’est à ce prix et à ce prix seulement que celles et ceux qui, au quotidien, entreprennent retrouveront le souffle, l’espoir et la confiance, gages du retour de notre pays vers le chemin de la croissance et de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux moi aussi remercier Mme Lamure d’avoir posé cette question orale, au nom de la délégation aux entreprises, tout particulièrement parce qu’elle nous permet de mettre en valeur l’action du Gouvernement, notamment de M. Mandon, en matière de simplification.

Votre question, madame Lamure, est intéressante : la circulaire du 17 juillet 2013 s’apparente en quelque sorte à l’article 40 de la Constitution, lequel limite le droit d’amendement des parlementaires. Mais faut-il aller aussi loin dans son application ? Bien que jeune parlementaire, j’ai cru comprendre que l’article 40, bien plus qu’un simple instrument du parlementarisme rationalisé, est parfois perçu comme un instrument de blocage des initiatives parlementaires.

Je devine, sous votre question, une volonté d’application stricte de la circulaire et du principe nouveau qu’elle crée : une norme supprimée pour chaque norme nouvelle. Je devine aussi une inquiétude : la circulaire ne serait peut-être pas suffisamment appliquée… Certes, je ne suis pas certain que le Gouvernement fasse réaliser des études d’impact sur l’augmentation des normes à gager, mais peut-être M. Mandon me contredira-t-il sur ce point.

En tout état de cause, si l’on regarde l’action du Gouvernement de manière objective, il apparaît que celui-ci supprime davantage de charges qu’il n’en crée. Ce choix n’est d'ailleurs pas allé sans provoquer de débats chez les socialistes. Je ne vois donc pas de procès à intenter au Gouvernement sur ce sujet.

Au-delà de tout clivage, tous s’accorderont à dire que l’administration est un vaste labyrinthe, onéreux pour l’État, décourageant pour les entreprises, fatigant pour les particuliers. Simplifier, c’est accéder à une revendication citoyenne, tout en répondant aux impératifs budgétaires imposés par la conjoncture économique.

Le format participatif qu’a choisi le Gouvernement permet d’associer les acteurs de tous les milieux – chefs d’entreprise, particuliers, préfets, administrations centrales ou déconcentrées… – pour une meilleure efficacité. Au total, sur près de 900 propositions de simplification formulées, 350 sont déjà appliquées, dont 142 nouvelles depuis 2014, pour 3,3 milliards d’euros d’économies d'ores et déjà réalisés et 11 milliards d’euros espérés in fine.

Pour preuve de cette efficacité, je relève ce qu’ont pu déclarer certains entrepreneurs sur l’action de M. Mandon : « Jusqu’à aujourd’hui, aucun gouvernement n’avait pris de pareilles mesures », a ainsi déclaré Corinne Vieillemard, présidente de l’association Femmes chefs d’entreprises en Essonne. José Ramos, à la tête d’une entreprise de BTP en Île-de-France, a confirmé ces propos : « Il y a effectivement un vrai sentiment de simplification. L’une des mesures, celle de la non-rétroactivité fiscale, est un plus pour l’image et l’attractivité ».

Pour autant, j’estime qu’il ne faut pas être trop extrémiste dans la volonté de simplification : je crains que, sous couvert de simplification, certains veuillent simplement s’attaquer au modèle social français. Pour illustrer cette pensée par l’absurde, permettez-moi de citer Marc Simoncini, l’un des leaders du numérique français, qui indique que la complexité française avait aussi protégé l’Hexagone de concurrents allemands et permis à des pépites d’émerger sur le marché national avant de partir à la conquête du monde. Un minimum de complexité administrative peut parfois protéger nos entreprises.

Méfions-nous donc de la simplification comme idéal. Je prendrai l’exemple des oppositions récentes à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité : étaient-elles pragmatiques ou idéologiques ? Les principales doléances des entreprises, en ce qui concerne la pénibilité, tournaient autour du recensement des salariés exposés et de l’établissement des fiches individuelles, jugés trop compliqués. Mais n’était-ce pas un moyen, pour certains, de s’opposer à ce nouveau droit des salariés sans le dire ? Du côté des entreprises, pour le MEDEF et l’Union professionnelle artisanale, c’est le principe même de la fiche individuelle qui posait problème. Un accueil positif de cette mesure de simplification était de toute façon à exclure.

Le Gouvernement, en la matière, a su marier droit nouveau et esprit de simplicité pour sortir de cette querelle. Sans abandonner le dispositif, il a annoncé une simplification du compte pénibilité, sur la base d’un rapport corédigé par MM. Christophe Sirugue, Michel Davy de Virville et Gérard Huot. Les chefs d’entreprise n’auront plus à remplir de fiches individuelles : ils devront seulement déclarer à la caisse de retraite leurs salariés exposés, en appliquant un « référentiel » fixé par la branche. C’est à la caisse de retraite que reviendra la tâche d’informer le salarié sur les points qu’il a accumulés. Parallèlement, l’entrée en vigueur des six critères de pénibilité restants est prorogée de six mois au 1er janvier 2016. Voilà l’exemple réussi d’une bonne simplification, d’une norme qui crée un droit nouveau, qui est juste, lisible, efficace.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je plaide pour une simplification pragmatique, et non idéologique. À mon sens, c’est ainsi qu’il faut aborder la circulaire de juillet 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près de deux mois, nous étions dix sénateurs de la délégation aux entreprises, conduite par notre présidente Élisabeth Lamure, à faire le voyage de Londres. Nous y avons rencontré nos compatriotes qui ont fait le choix d’entreprendre outre-Manche. En les écoutant, nous avons mesuré le poids d’une amertume partagée et constaté combien les règles françaises freinent le développement et la croissance de nos entreprises. Plusieurs d’entre eux ont dénoncé un tissu législatif français rempli de mesures dont personne n’interroge l’efficacité. Par comparaison, ils nous ont indiqué que la simplification administrative arrive en tête des priorités annuelles données à l’administration britannique.

Pour prévenir l’inflation législative et, par voie de conséquence, l’augmentation des coûts pour les entreprises, le Premier ministre David Cameron a imposé un garde-fou : le gouvernement britannique a ainsi instauré en janvier 2011, comme l’a justement rappelé notre présidente Élisabeth Lamure, une règle baptisée « one-in, one-out ». Autrement dit, si vous imposez aux entreprises une mesure légale qui leur coûte une livre sterling de plus, vous devez, en contrepartie, supprimer un texte existant pour leur permettre d’économiser une livre sterling.

La création de l’Office of Tax Simplification a permis de prendre en compte le point de vue des entreprises dans les efforts de rationalisation et de simplification de la stratégie fiscale britannique. Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Les parlementaires ont tenu parole. Ils ont fait mieux encore, en générant un solde positif d’allégement de charges en faveur des entreprises de 963 millions de livres sterling en deux ans, la déflation législative en prime.

Le dispositif « one-in, one-out » a été en vigueur durant les deux premières années de la législature du gouvernement de coalition des conservateurs et des libéraux démocrates. Puis, en juillet 2013, il a été remplacé par la règle « one-in, two-out » : à chaque fois qu’une nouvelle réglementation génère un coût d’une livre sterling pour l’entreprise, les services de l’État doivent lui en faire économiser deux. Il s’agit d’un principe d’amélioration continue, simple et efficace.

Deux fois par an, le Gouvernement doit publier la liste des nouvelles règles qui vont entrer en vigueur dans les six prochains mois et celle des règles qui disparaîtront dans le même temps, accompagnée d’une évaluation de l’économie prévue.

Un Small Business Act, voté en mars dernier, reprend expressément la philosophie du « one-in, two-out » en imposant un objectif de dérégulation. De plus, ce Small Business Act prévoit que toute réglementation pesant sur la vie des affaires doit faire l’objet d’une évaluation régulière afin de vérifier qu’elle est toujours efficace et nécessaire et non devenue un « fardeau inutile ».

Au moment où le Royaume-Uni passait à la règle du « one-in, two-out », la France initiait un texte plus modeste, mais relevant du même état d’esprit. Il s’agit de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation. Cette circulaire du Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, conditionne l’adoption de tout projet de texte réglementaire créant des charges pour les entreprises à une mesure de simplification équivalente pour « endiguer l’inflation normative ». Avec beaucoup d’à-propos, ma collègue présidente Élisabeth Lamure a estimé opportun de connaître le bilan d’application de cette circulaire, après deux ans de mise en œuvre.

Le groupe UDI-UC souhaiterait ainsi évaluer les économies qu’a permis de réaliser cette démarche et savoir s’il n’est pas temps, à notre tour, d’imposer l’élimination de deux règles chaque fois que nous en créerons une nouvelle.

Face à la Commission européenne, le gouvernement britannique milite, vous le savez, pour un secteur public plus léger qui n’étrangle pas la croissance par des réglementations excessives. Cette idée fait son chemin. Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déclaré devant le Parlement : « Nous allons légiférer mieux et nous allons donc légiférer moins ». Voilà qui devrait nous inspirer ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie à mon tour Élisabeth Lamure de sa question orale très judicieuse.

La simplification administrative, on en parle beaucoup, on en fait des formules, on évoque un « choc », mais pour quel résultat ? J’ai été artisan-commerçant avant d’être parlementaire. J’ai pu connaître les joies du formalisme administratif, des contacts avec des administrations tatillonnes, ce temps passé à tout autre chose qu’au développement de mon activité. Depuis cette époque, je sais que c’est devenu encore bien pire avec de nouvelles lois et règles diverses, auxquelles s’ajoutent les graves dysfonctionnements du régime social des indépendants, le RSI, pourtant censé simplifier les choses.

Depuis que je suis parlementaire, je crois avoir toujours entendu la petite musique de la simplification. Plus on a complexifié, en légiférant trop – nous en sommes tous coupables –, plus on a parlé de simplification. Des rapports, des études, ont été commandés, tous pleins de bon sens. En 2002 a même été créé un secrétariat d’État à la réforme de l’État, spécialement chargé de la simplification. C’est l’époque du lancement des fameux projets de lois d’habilitation interministériels, c’est-à-dire fourre-tout : chaque ministère était prié de proposer quelques mesures de simplification dans son domaine que le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État compactait dans un texte inégal et disparate. L’exercice s’est poursuivi au fil des années ; l’actuel gouvernement en a d’ailleurs repris la méthode. Est-ce suffisant ? Comment peut-on imaginer simplifier efficacement en se bornant à récolter auprès des services des ministères des mesures qu’ils acceptent de simplifier, selon leur bon vouloir ?

La circulaire du Premier ministre, qui sert de base à cette discussion, procède de la même logique. Je suis très curieux d’entendre votre réponse sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État. Je vous ai entendu toujours très positif et volontariste, mais il faut bien faire les constats qui s’imposent : toutes ces dernières années, droite et gauche confondues, ont encore alourdi le droit applicable aux entreprises – mais aussi à l’ensemble de nos concitoyens –, les faits sont implacables.

Vous annonciez, lundi dernier, une nouvelle vague de simplifications. Très bien ! Parmi les mesures annoncées se trouvent des éléments concernant la surtransposition de directives européennes au-delà des exigences bruxelloises, ce que la France a trop souvent tendance à faire et ce qui la pénalise par rapport à ses voisins. C’est le cas, par exemple, s’agissant des rapports de sécurité à fournir sur les sites à risque classés Seveso ou de la mesure des expositions des salariés à des substances dangereuses. Malheureusement, dans votre annonce, il n’est pas question d’éviter de surtransposer en s’alignant sur les normes les moins contraignantes. Il s’agit seulement d’identifier les surtranspositions, de les justifier et d’en évaluer l’impact. Pourquoi continuer de procéder à des surtranspositions qui pénalisent les entreprises françaises ? L’avantage compétitif de ces dernières est déjà restreint au sein de l’Union européenne du fait de notre droit social – bien français, lui.

Si droite et gauche sont responsables – nous devons tous plaider coupable –, permettez-moi toutefois de relever quelques modèles de complexités instaurés depuis 2012 à l’encontre de nos entreprises, avant et après le fameux « choc de simplification » annoncé par le Président Hollande...

Sur la plus haute marche du podium, sans conteste, se trouve la loi ALUR, chef-d’œuvre de complexité mâtiné d’idéologie. On peut également citer la loi relative à l’économie sociale et solidaire, dont les articles 19 et 20, créant un droit d’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, étaient tout simplement impraticables. Le décret d’application a été attendu par les entreprises et leurs conseils pendant plusieurs mois, sans explications... Il aura fallu attendre votre collègue Macron, qui a fini par reconnaître qu’il fallait revoir la rédaction de ces articles dans son projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.