M. François Rebsamen, ministre. Qu’elles le fassent !

M. Olivier Cadic. C’est là un nouveau choc de complexification… On crée encore une nouvelle structure représentative pour des syndicats qui, rappelons-le, ne représentent que 5 % des salariés du privé !

M. Didier Guillaume. C’est la démocratie qui veut ça !

M. Olivier Cadic. En somme, on vient rajouter des contraintes dans la gestion des très petites entreprises, tout en déresponsabilisant les acteurs sociaux. Une fois encore, nous sommes totalement à côté de la plaque ! Que l’on ne vienne pas s’étonner ensuite que la courbe du chômage ne s’inverse pas…

M. François Rebsamen, ministre. Si cela suffisait à inverser la courbe du chômage…

M. Olivier Cadic. Dirigeant d’une PME depuis plus de trente ans, si cet article 1er devait être maintenu, je ne pourrais me résoudre à voter un texte qui s’éloigne des valeurs fondant la liberté d’entreprendre, sans lesquelles nous ne sortirons jamais la France de l’ornière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, que toutes les mesures que vous prenez en faveur des syndicats pour accroître leur présence dans les TPE et les PME vont pousser les entrepreneurs à embaucher ? C’est pourtant la principale préoccupation du Président de la République et la vôtre, si j’en crois l’intitulé de votre texte : « projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ».

Le nombre des demandeurs d’emploi a augmenté de plus de 600 000 depuis l’élection du Président Hollande, et cette tendance se poursuivra, malgré la multiplication des emplois aidés, des contrats d’avenir et la création de la prime d’activité, toutes mesures qui nous coûtent chaque année plus de 5 milliards d’euros, financés par l’emprunt, sans compter les aides diverses proposées aux chefs d’entreprise, qui n’embaucheront pas tant qu’ils n’auront pas suffisamment de commandes. Comprenez cela une fois pour toutes !

Quant à cette loi, elle va accroître les charges et les contraintes, déjà trop élevées, qui pèsent sur toutes les entreprises. Les TPE ne veulent pas voir des délégués syndicaux s’immiscer dans leur activité et venir les contrôler ! La CGPME et l’Union professionnelle artisanale vous ont pourtant alerté sur cette situation, mais vous ne voulez pas les entendre !

Vous ne savez sans doute pas que les entreprises, petites et grandes, demandent avant tout qu’on les laisse travailler et gérer leur personnel comme elles l’entendent, c’est-à-dire en embauchant quand elles en ont besoin et en licenciant quand la charge de travail diminue. C’est ainsi que les choses se passent aux États-Unis, où les contrats de travail ne comportent jamais de mention de durée. C’est ce que l’on appelle la flexibilité du travail, dont les syndicats et vous-même, monsieur le ministre, ne voulez pas entendre parler, croyant que la limitation des licenciements entraînera une diminution du chômage.

Or c’est le contraire qui se produit, car plus vous augmentez les contraintes pour les licenciements, moins les entreprises embauchent. C’est la cause principale de la croissance du chômage en France, qui ne s’arrêtera que lorsque vous mettrez en place des CDD illimités et des contrats de mission ou de projet. Tout le reste ne sert à rien ! Ces contrats pour la durée d’un chantier ont fait leur preuve dans le secteur du bâtiment. Il n’appartient qu’à vous de les généraliser, sans aucun coût pour les finances de l’État.

Le Sénat a profondément amendé votre texte pour le rendre plus susceptible de satisfaire les entreprises. J’espère que, cette fois, l’Assemblée nationale ne le modifiera pas. Dans le cas contraire, cela signifierait que le Gouvernement « gouverne » avec les syndicats, non avec les entreprises et encore moins avec les salariés.

Les syndicats refusent en effet toutes les initiatives pouvant favoriser les embauches. Ils refusent, par exemple, le relèvement des seuils sociaux, mesure que vous avez pourtant proposée et qui permettrait de procéder immédiatement à des milliers d’embauches. Ils refusent la flexibilité de l’emploi et préfèrent le recours à des contrats aidés, prétendument d’avenir, qui nous coûtent des milliards et ne servent à rien. Il en va de même de la nouvelle « prime d’activité » dont vous faites grand cas et qui résulte de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité : elle ne créera pas le moindre emploi. Inutile d’espérer une quelconque inversion de la courbe du chômage dans ces conditions ! Vous oubliez que, pour créer des emplois, il faut des entreprises qui embauchent. Il ne suffit pas de donner une prime aux chefs d’entreprise pour qu’ils recrutent.

Je veux aussi vous rappeler, monsieur le ministre, que le dialogue social dans une entreprise ne se fait pas uniquement avec les syndicats, qui ne cherchent qu’à empêcher les entreprises de licencier et à obtenir des augmentations, sans se demander si cela risque de compromettre l’activité de l’entreprise. Monsieur le ministre, ce sont les salariés, et non les syndicats, qui sont les véritables acteurs du dialogue social. Mais cela, vous ne voulez pas l’entendre !

Il faudrait que les chefs d’entreprise puissent répondre directement aux quatre besoins essentiels de leurs salariés : le besoin de savoir, le besoin de pouvoir, le besoin de considération et le besoin d’avoir. Telle doit être la gestion normale des salariés dans une entreprise. Vous ne connaissez pas l’entreprise, monsieur le ministre ; moi, j’y évolue depuis plus de cinquante ans, et je connais d’expérience les problèmes liés aux relations avec les syndicats et le personnel.

Le besoin de savoir des salariés doit être satisfait par l’information sur la situation exacte de l’entreprise, sur le compte d’exploitation, sur le bilan, sur l’utilisation du bénéfice, sur l’autofinancement restant, sur les dividendes distribués et sur le montant de la réserve de participation, dont on ne parle jamais. Seuls les chefs d’entreprise peuvent dispenser cette information. C’est ce que je faisais lorsque j’étais président de Dassault Électronique : chaque année, je réunissais les 600 membres du personnel pour leur présenter les détails des comptes d’exploitation et du bilan, avant de donner ces informations aux actionnaires et aux syndicats. Pour mieux appréhender les décisions liées au fonctionnement et à la gestion de l’entreprise, les salariés devraient pouvoir bénéficier d’une véritable formation économique.

Le besoin de pouvoir des salariés doit être satisfait par une répartition des responsabilités permettant à chacun de jouer un rôle dans l’entreprise, de participer à son fonctionnement et à son résultat.

Le besoin de considération est primordial pour les salariés. Chacun aime que l’on s’intéresse à lui, que l’on s’occupe de lui, qu’on le consulte, qu’on le récompense ou qu’on le sanctionne, qu’on lui dise bonjour,…

M. François Rebsamen, ministre. Tout à fait !

M. Serge Dassault. … qu’on lui procure un environnement et des outils de travail à sa convenance : tout cela relève de la fonction de chef d’entreprise.

Enfin, le besoin le plus important, celui d’avoir, ne peut être satisfait qu’au travers des trois autres.

Monsieur le ministre, il est de bon sens que les augmentations de salaires soient accordées en fonction de la situation économique de l’entreprise, et non parce qu’un syndicat l’a décrété. Il en faudrait davantage, bien évidemment, mais encore faut-il que les entreprises soient à même d’en supporter le coût.

Les augmentations de salaires peuvent aussi résulter de la participation, en fonction des résultats de l’entreprise. Pour être efficace, cette participation devrait être beaucoup plus importante que ne le permet la formule obligatoire, inchangée depuis 1967 et accordant au personnel une part beaucoup trop faible des bénéfices. Heureusement, il existe des formules dérogatoires permettant aux entreprises de distribuer à leur personnel une part beaucoup plus importante de leur bénéfice. Trop peu de chefs d’entreprise en ont compris l’intérêt aujourd’hui.

M. Jean Desessard. Vous l’avez dit !

M. Serge Dassault. Croyez bien que je déplore cette situation, mon cher collègue !

Un partage des bénéfices plus équitable entre dividendes et participation permettrait pourtant de transformer une situation de lutte des classes en un consensus social dans les entreprises.

Il serait utile d’aller jusqu’à l’égalité entre les dividendes versés aux actionnaires et la réserve spéciale de participation. C’est la formule que j’ai décidé d’appliquer voilà plus de vingt ans dans la société Dassault Aviation, à la grande satisfaction de tout le personnel, qui gagne ainsi de trois à quatre mois de salaire en plus du treizième mois.

Il faudrait supprimer la pénalité instaurée par le Gouvernement au travers du forfait social au taux de 20 %. En s’appliquant aux entreprises qui distribuent de l’argent à leur personnel, ce forfait social diminue mécaniquement la part versée aux salariés, ce qui n’est guère social…

Il existe deux façons d’améliorer le dialogue social, monsieur le ministre : en renforçant le pouvoir syndical, ce qui ne résout rien, ou en favorisant l’information directe des salariés par les cadres, ce qui est très apprécié de tout le personnel.

En conclusion, monsieur le ministre, pour améliorer le dialogue social, il serait plus efficace de permettre que toutes les entreprises interviennent directement auprès de l’ensemble de leur personnel pour satisfaire ses besoins de savoir, de pouvoir, de considération et d’avoir, plutôt que de multiplier les contraintes syndicales qui bloqueront toutes les initiatives, ne résoudront rien et conduiront à supprimer encore davantage d’emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin ! Nous allons, au cours de la discussion de ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, examiner un titre II intitulé « Conforter le régime d’assurance chômage de l’intermittence ».

Pour en arriver là, que de temps et de mobilisations de salariés et d’élus il aura fallu ! Que de souffrances aussi ! Il aura fallu que le Gouvernement se saisisse de cette question pour permettre une sortie de crise, remettre du lien entre partenaires et faire en sorte que les employeurs et les salariés du secteur culturel ne soient plus exclus lors de chaque renégociation de la convention UNEDIC.

Les intermittents du spectacle sont, aujourd’hui plus que jamais, les garants de notre richesse et de notre diversité culturelles. La culture constitue l’un des piliers indispensables du pacte républicain : elle contribue à la cohésion sociale, à l’ouverture d’esprit et au « mieux vivre ensemble » ! Au-delà, n’oublions pas qu’elle participe à la vitalité économique de notre pays et de nos territoires.

Que deviendrait la culture sans celles et ceux qui la font et qui nous font vivre tant d’émotions ? Or leur situation, pour la majorité d’entre eux, est plus que précaire. Leurs droits sociaux sont peu ou mal appliqués et les faire respecter relève d’un véritable parcours du combattant !

Conscient du rôle essentiel de la culture, le Gouvernement a réaffirmé son engagement à travers l’annonce de la sanctuarisation du budget de la culture jusqu’à la fin du quinquennat. La stabilisation de l’avenir social de ces professionnels participe aussi de la volonté politique culturelle de ce gouvernement.

L’article 20 du texte, en inscrivant dans la loi les spécificités des annexes 8 et 10, s’attache non seulement à reconnaître les particularités de ce secteur, mais aussi à pérenniser les règles de ce régime d’assurance chômage. L’engagement du Président de la République trouve ainsi une traduction concrète.

Cet article marque aussi l’aboutissement d’une série de travaux menés par le Parlement sur ce sujet depuis 2003, qu’a évoqués M. le rapporteur pour avis, dont le rapport que j’ai rédigé, au nom de la commission de la culture du Sénat, avec Marie-Christine Blandin et intitulé « Régime des intermittents : réformer pour pérenniser ».

Nous avions formulé douze recommandations, inspirées par les nombreuses auditions que nous avons menées durant plus d’un an. Certaines ont été reprises dans le présent projet de loi. La mission d’experts a permis de bâtir un cadre stable, de partager les diagnostics et d’étudier les différentes propositions entre personnes concernées. Cela ne s’était jamais fait ! Cette avancée était très attendue. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’article en question.

Permettez-moi de souligner, avec beaucoup de satisfaction, l’avancée intervenue s’agissant du dossier des « matermittentes ». J’avais déposé, lors de l’examen de la loi du 4 août 2014 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un amendement qui avait été adopté par le Sénat, mais rejeté par l’Assemblée nationale. Je constate que son dispositif a été introduit par les députés dans le présent texte : cela montre que le Sénat fait tout de même de bonnes propositions !

Je voudrais, pour ma part, évoquer deux points.

Tout d’abord, si les contrats à durée déterminée d’usage, les CDDU, permettent de répondre aux besoins spécifiques du milieu du spectacle, ils sont encore trop souvent utilisés abusivement.

M. François Rebsamen, ministre. C’est vrai !

Mme Maryvonne Blondin. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons entendu des témoignages ahurissants, concernant notamment le secteur de l’audiovisuel, même si quelques améliorations sont intervenues.

Ne pourrait-on moduler les cotisations d’assurance chômage pour les employeurs en fonction du taux de recours aux CDDU ? Ou alors, pourquoi ne pas envisager la mise en place de contrats à durée indéterminée intermittents, ou CDII, dans la lignée de l’expérimentation sur le travail discontinu menée à la suite de l’accord national interprofessionnel de 2013 ? Toujours est-il, monsieur le ministre, que je salue la décision du Gouvernement d’organiser à l’automne une conférence pour l’emploi dans les métiers du spectacle.

J’évoquerai ensuite les difficultés et la complexité des relations avec Pôle emploi.

Encore une fois, les témoignages recueillis relèvent parfois de l’univers kafkaïen : agents peu ou mal informés des spécificités de ces contrats, rejet des dossiers non motivés, application des règles variant d’une région à l’autre, définitions multiples de ce qu’est un spectacle… Que de temps perdu et d’argent gaspillé !

Mes chers collègues, la particularité du fonctionnement de ce milieu professionnel ne doit pas servir de prétexte à la précarisation de ce dernier. La disposition juridique introduite offre aux intermittents une reconnaissance officielle et une valorisation de leur travail. Le vote de cet article est indispensable à la sécurisation de leur avenir social et à la poursuite d’une politique culturelle forte dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Aline Archimbaud et Françoise Laborde applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je compléterai l’intervention d’Aline Archimbaud sur le titre Ier du projet de loi en évoquant les titres suivants, notamment le compte personnel d’activité et la prime d’activité. Ces deux mesures constituent des avancées. S’agit-il de pas de fourmi ou de grands pas en avant ? Quoi qu’il en soit, les écologistes tiennent à les saluer.

En matière sociale, le mouvement écologiste a un objectif constant : regrouper et rendre universels les droits. L’émiettement de nos politiques sociales a prouvé son inefficience et son manque de visibilité auprès de nos concitoyens. Plutôt qu’un saupoudrage, avec une allocation pour tel public, un crédit d’impôt pour telle classe sociale, nous souhaitons l’avènement d’un revenu de base universel versé de façon inconditionnelle à tous les citoyens.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Un impôt négatif !

M. Jean Desessard. Nous le nommons pour notre part revenu universel ou revenu citoyen. Il constitue selon moi le meilleur moyen pour éviter à la fois la pauvreté et la concurrence entre les différentes classes sociales.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Michel Foucault et Milton Friedman réunis !

M. Jean Desessard. Dans cette optique, la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité est une bonne mesure. Nous proposerons un amendement visant à individualiser la prime, pour qu’elle dépende non pas des ressources du foyer, mais de celles des bénéficiaires.

Donner des droits tout au long de la vie, cumulables et qui se maintiennent indépendamment des situations professionnelles : c’est l’objectif du compte personnel d’activité. Les écologistes saluent la démarche amorcée par le Gouvernement, qui permettra de regrouper le compte personnel de formation, le compte épargne-temps et le compte de prévention de la pénibilité. À une certaine époque, on aurait pu parler de « passeport social ».

Un autre article important du projet de loi concerne l’assurance chômage des intermittents. Il tient compte de la situation particulière de ces derniers, en définissant le niveau professionnel comme lieu de négociation des accords, dans le cadre défini par le niveau interprofessionnel. Toutefois, mes collègues Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux présenteront un amendement tendant à clarifier l’articulation entre ces deux niveaux, qui nous semble malgré tout un peu floue, à tout le moins à préciser.

Si le cadre imposé pour les négociations est trop contraignant, il peut y avoir une remise en cause du régime de l’intermittence. L’activité des intermittents du spectacle rayonne sur de nombreux secteurs de l’économie. La solidarité interprofessionnelle doit donc être conservée. Voilà pourquoi nous proposerons de clarifier le cadre des négociations.

Nous proposerons également de rétablir un article supprimé en commission, qui visait à reconnaître les pathologies psychiques comme maladies professionnelles. Depuis trente ans, le monde du travail a fortement évolué. Burn-out : tel est le nom du mal du XXIsiècle, symptôme d’un marché qui met de plus en plus les salariés sous pression. Reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle, c’est commencer à réfléchir sur la finalité de notre système productif.

Telle est, présentée en quelques mots, notre analyse, globalement positive, de cette partie du projet de loi. Toutefois, notre vote final dépendra de l’équilibre du texte à l’issue de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’applaudis la première partie de votre intervention !

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi marque la volonté du Gouvernement de persévérer dans une logique de réforme mise en œuvre depuis 2012 et qui s’est déjà traduite dans les textes relatifs à la sécurisation de l’emploi et dans le projet de loi, toujours en débat, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

L’incapacité des partenaires sociaux à parvenir à un accord lors des négociations de janvier dernier a obligé le Gouvernement à prendre l’initiative de légiférer pour répondre à la nécessité de moderniser le dialogue social et d’améliorer l’efficacité économique. En effet, comme vous l’avez rappelé devant la commission des affaires sociales du Sénat, monsieur le ministre, « le dialogue social n’est pas seulement source de progrès pour les salariés, c’est aussi un gage de meilleur fonctionnement de l’entreprise et un facteur d’efficacité économique ».

Nous partageons l’idée que la démocratie sociale n’est pas l’ennemie de l’efficacité économique ; nous croyons même qu’elle en est l’alliée.

Sans revenir sur l’architecture du projet de loi, que mes collègues intervenus précédemment ont évoquée dans le détail, je souhaite insister sur un point particulier, qui a pu susciter des d’inquiétudes : l’impact de ce texte sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.

Je souhaite tout d’abord rappeler que ce projet de loi s’inscrit dans la poursuite de l’action engagée par ce gouvernement en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et pour rendre effective l’égalité professionnelle, au travers notamment de la loi du 4 août 2014.

L’un des apports majeurs de ce texte est la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des institutions représentatives du personnel. C’est une avancée notable et incontestable en direction de l’égalité professionnelle et de la juste représentation.

À partir du constat que les femmes sont aujourd’hui sous-représentées parmi les élus du personnel – selon l’INSEE, la proportion d’élues s’élèverait à un peu plus de 36 % si l’on se réfère aux procès-verbaux du premier tour, alors que les femmes représentent 47,9 % des personnes occupant un emploi –, l’article 5 du projet de loi tend à préciser que les listes de chaque collège électoral pour les élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise devront comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur représentation sur la liste électorale. Pour assurer son efficacité, cette mesure est assortie d’une sanction. En effet, la constatation par le juge du non-respect de ces prescriptions induira une perte de sièges pour les organisations réfractaires.

L’Assemblée nationale, sur proposition de sa délégation aux droits des femmes, avait ajouté un article 5 bis visant à étendre cette obligation de parité à la désignation des conseils de prud’hommes. La commission des affaires sociales du Sénat en ayant voté la suppression, le groupe socialiste et républicain présentera un amendement tendant à le rétablir, car il considère que le principe de parité doit pouvoir s’appliquer aux conseils de prud’hommes dans toutes les sections et tous les collèges, afin de tenir compte des évolutions sociétales, qui induisent une représentation de plus en plus importante des femmes dans tous les secteurs d’activité, y compris l’industrie et l’agriculture.

Les articles 13 et 14, qui simplifient et regroupent les informations et consultations annuelles obligatoires du comité d’entreprise et les négociations obligatoires en entreprise, ont fait débat, des craintes étant apparues s’agissant du maintien de l’obligation, pour les entreprises, de produire un rapport de situation comparée faisant le point sur les salaires et la situation professionnelle des femmes et des hommes dans les entreprises.

En effet, l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 ayant prévu la simplification et l’amélioration de l’efficacité des négociations portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et le développement de l’utilisation du rapport de situation comparée, ce dernier a été intégré dans la base de données économiques et sociales de l’entreprise.

Afin que l’effort, unanimement salué, de regroupement des consultations périodiques en trois consultations obligatoires n’amoindrisse pas la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes, une rubrique spécifique a été créée, par le biais de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, au sein de la base de données unique. Elle devra reprendre notamment le diagnostic et l’analyse qui figuraient dans le rapport de situation comparée. De plus, les informations transmises au comité d’entreprise devront inclure toutes les informations sur l’égalité professionnelle existantes.

Par ailleurs, la négociation obligatoire sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée intégrera la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Quant à la nouvelle négociation annuelle obligatoire sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle, elle s’appuiera sur les données relatives à la situation comparée incluses dans la base de données unique.

Enfin, la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels prend en compte la mixité des métiers et reprend la mention explicite de l’obligation d’établissement d’un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle, en l’absence d’accord collectif sur ce sujet.

Considérant que ces dispositions, améliorées par les apports de l’Assemblée nationale, lèvent les réserves qui avaient pu être émises et que ce projet de loi permettra d’améliorer de manière significative la qualité du dialogue social et constitue une avancée notable en faveur de l’égalité professionnelle, nous le soutenons sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Je tiens tout d’abord à saluer la qualité de l’ensemble des interventions et à me féliciter du ton employé par les uns et les autres.

Madame la rapporteur, je vous sais gré du soutien que vous apportez à certaines des mesures de ce texte, telles que l’élargissement du périmètre de la DUP et du champ des entreprises concernées. Cette disposition nouvelle, pragmatique, qui relève d’une volonté commune de simplification, permettra de regrouper certaines instances représentatives du personnel, afin de rendre plus lisible le dialogue social.

Vous avez évoqué une absence de cap. Au contraire, ce projet de loi maintient le cap fixé par le Gouvernement, en faisant confiance aux partenaires sociaux, que certains gouvernements précédents avaient pu négliger. Le dialogue social, je le redis, est la marque de fabrique de ce quinquennat.

Vous avez également évoqué un manque de vision et de cohérence. Pourtant, ce texte répond à des exigences claires. Nous entendons renforcer le dialogue social. C’est pourquoi nous permettons au personnel des entreprises de moins de onze salariés d’être représenté. Vous nous accusez de provocation : la véritable provocation serait de ne pas respecter le Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel la représentation de tous les travailleurs doit être assurée. Le dialogue social doit être plus efficace, plus vivant et porter sur la stratégie de l’entreprise.

Nous avons beaucoup simplifié le compte pénibilité. En effet, pour qu’un droit soit efficace, il faut qu’il soit simple et compréhensible. Il s’agit d’une mesure de justice, au regard des inégalités entre salariés en matière d’espérance de vie.

Madame Laborde, je vous remercie de votre soutien : nous partageons la volonté de faire du dialogue social un moyen de renforcer notre démocratie sociale et la compétitivité de nos entreprises ; ce n’est pas du tout contradictoire.

Monsieur Gabouty, vous avez reconnu que certaines mesures allaient dans le bon sens. Votre réserve principale porte sur les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, mais c’est justement parce qu’elles fonctionnent dans le monde de l’artisanat que nous avons souhaité les étendre aux TPE. J’ajouterai – c’est une divergence que j’ai avec Mme la rapporteur – que ce n’est pas sur ce point que les négociations ont achoppé. Au contraire, cette mesure figurait parmi les propositions faites par les organisations patronales. Il s’agit de mettre en place non pas des comités Théodule, mais des instances modernisées pour discuter de stratégie d’entreprise, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, afin de remédier à ce « mal français » que constitue l’inefficacité du dialogue social.

Je vous remercie, madame Schillinger, de votre soutien. Vous avez évoqué la transformation du marché du travail. Je pense moi aussi que renouveler le dialogue social, c’est donner de nouveaux droits aux salariés. À cet égard, la création des CPRI constitue une grande avancée. Cela fait longtemps que les partenaires sociaux essaient de moderniser le dialogue social, sans toujours y parvenir. En cas d’échec des négociations, il est normal que la démocratie politique reprenne la main. Les partenaires sociaux n’y ont d’ailleurs pas vu une provocation. Vous avez observé à très juste titre que si, en France, le dialogue social est vu comme une contrainte par certains chefs d’entreprise, il est valorisé dans d’autres pays. J’espère que nous parviendrons à changer les pratiques et les mentalités.

Monsieur Watrin, je ne suis pas du tout d’accord avec vous, ce qui ne vous surprendra pas. Non, il ne s’agit pas d’un texte consacrant un recul des droits des salariés. Les CPRI représentent au contraire un grand pas en avant. Je reconnais être partisan des évolutions plutôt que de la révolution.

Il est faux de prétendre que le présent projet de loi fait quasiment disparaître les CHSCT. Au contraire, les enjeux de santé au travail seront mieux pris en compte. Ainsi, tous les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés seront couverts par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. À l’heure actuelle, comme vous le savez, trois représentants des salariés, dont un cadre, siègent au CHSCT. Le projet de loi vise également à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’entreprise. Je le dis, être de gauche, ce n’est pas se contenter de l’existant, être conservateur (Mme Laurence Cohen proteste.), c’est vouloir renforcer le dialogue social, rechercher le consensus ; c’est par le compromis que l’on avance et que la société se réforme.

Concernant toujours le CHSCT, madame Archimbaud, cette instance est et restera bien le lieu privilégié de discussion des questions relatives à la qualité de vie et à la santé au travail. Il conservera, même au sein de la DUP, toutes ses prérogatives, notamment la possibilité d’ester en justice et celle de commander des expertises. Comme vous, je suis convaincu qu’une bonne qualité de vie au travail est un atout pour l’entreprise. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé des travailleurs comme pour la compétitivité des entreprises. C’est d’ailleurs pour cela que la qualité de vie au travail devient un sujet à part entière d’une des trois négociations obligatoires. Il n’y aura pas de recul sur cette question.

Monsieur Cadic, l’échec des négociations ne marque pas la fin du dialogue social comme méthode. Je pense que le président du Sénat serait d’accord avec moi sur ce point. Il est légitime que le Gouvernement reprenne la main en recherchant un point d’équilibre au travers de ce projet de loi. Votre défiance envers les syndicats me semble un peu caricaturale. Il faut savoir raison garder !

Votre intervention, monsieur Lemoyne, fut de qualité. Il semble que vous soyez partisan de la révolution dans le domaine social. (Sourires.) Pour ma part, je le répète, je préfère les évolutions à la révolution. Dans mon esprit, il n’est pas du tout question d’inverser la hiérarchie des normes. Le dialogue social dans les entreprises est riche, bien vivant : 36 000 accords ont été signés dernièrement. Il existe aussi une négociation interprofessionnelle. En la matière, c’est la règle de droit qui rassure et l’absence de loi qui inquiète. Il est donc nécessaire de définir un cadre.

Si nous avons placé l’article concernant les CPRI en tête du projet de loi, c’est parce que ces instances répondent au principe constitutionnel de représentation de tous les salariés. Elles sont adaptées aux spécificités des très petites entreprises. Des missions de médiation ont été mises en œuvre, à titre expérimental, par les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat, les CPRIA, dans deux grandes régions, dont Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela fonctionne plutôt bien. Peut-être faut-il préciser la formulation du dispositif afin d’apaiser les inquiétudes des chefs d’entreprise pour ce qui concerne l’accès aux locaux des entreprises. La commission s’est attelée à cette tâche.

En ce qui concerne le compte personnel d’activité, l’annonce de sa mise en place n’a rien à voir avec la préparation du congrès du parti socialiste ! Il s’agit plutôt d’inventer ensemble, comme l’a dit M. Desessard, une forme de droit universel ouvert tout au long de la vie professionnelle et portable.

Si je partage la volonté de M. Dassault de faire bénéficier les salariés d’un intéressement et de meilleures rémunérations via la participation, je n’entends pas nier le rôle des corps intermédiaires.

Mme Blondin a prononcé un véritable plaidoyer pour la culture. Le Gouvernement partage sa préoccupation.

Monsieur Desessard, nous souhaitons comme vous regrouper et rendre universels les droits des salariés : c’est le sens de la mise en œuvre du compte personnel d’activité.

En ce qui concerne les intermittents, j’aurai l’occasion d’apporter des précisions sur la manière dont la négociation « enchâssée », selon la formule désormais consacrée, est menée. Avec la ministre de la culture, j’ai réuni l’ensemble des partenaires sociaux, à l’échelon tant interprofessionnel que professionnel. L’équilibre que nous avons trouvé est fragile, mais il est réel.

Je remercie Mme Emery-Dumas d’avoir rappelé un aspect du texte qui avait échappé même aux plus grands défenseurs des droits des femmes : l’accord national interprofessionnel de 2013 a effectivement prévu l’intégration du rapport de situation comparée au sein de la base de données économiques et sociales unique. Il n’est bien sûr pas question de porter atteinte à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Tous les items figurant dans le rapport de situation comparée seront étudiés ; le texte le prévoit expressément. La pénalité encourue par les chefs d’entreprise qui ne s’engageraient pas dans la voie de la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est maintenue. Des progrès ont été faits dans cette direction, il n’est pas question de reculer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)