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Nominations à trois organismes extraparlementaires

M. le président. La commission des lois a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Yves Détraigne membre du Conseil national de la sécurité routière, M. François Grosdidier membre du conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice et enfin, MM. François Grosdidier et Philippe Kaltenbach membres titulaires de la Commission nationale de la vidéoprotection.

Mes chers collègues, je vous renvoie à ma précédente déclaration concernant la note que j’ai adressée à ces différents organismes pour faciliter les travaux des sénateurs en commission, notamment, mais aussi en séance publique, à l’occasion des votes solennels, des explications de vote et des questions au Gouvernement.

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Situation de la Grèce et enjeux européens

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.

Je salue la présence dans cet hémicycle de plusieurs membres du Gouvernement et donne immédiatement la parole à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis revenu spécialement d’Autriche, où je participais à la négociation sur le nucléaire iranien, pour assister au conseil des ministres ce matin et à votre débat cet après-midi. Je repartirai ensuite pour Vienne et ne pourrai donc être présent, demain matin, à l’important colloque qui se tiendra au Sénat. Je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon absence.

J’ai toutefois tenu, aujourd’hui, comme le veut la tradition, à vous lire le discours que M. le Premier ministre Manuel Valls prononce au même instant devant les députés.

« Depuis soixante-dix ans, l’Europe, ce “vieux rêve”, est devenue une réalité pour nos pays et pour nos peuples. Ensemble, à force de volonté, nous avons su transformer notre histoire, sceller une paix durable et faire que, du sud à l’est, la démocratie s’enracine.

« C’est une magnifique construction, par des nations qui ont uni leurs forces et leurs destins pour peser davantage, économiquement, mais aussi politiquement et diplomatiquement.

« Bien sûr, l’Europe a ses insuffisances : des vides démocratiques qui restent à combler, des faiblesses diplomatiques, des difficultés économiques. Mais une chose est presque certaine : sans l’Europe, nous perdrions beaucoup de nous-mêmes. Dans un monde qui change extraordinairement vite, nos nations se trouveraient finalement assez esseulées. Affaiblies, elles risqueraient de perdre progressivement pied.

« Nous avons souhaité que le débat d’aujourd’hui ait lieu pour que le Parlement soit pleinement associé, car nous sommes à un moment crucial, pour la Grèce et le peuple grec, assurément, mais aussi pour nous et pour la construction européenne.

« Nous devons refuser une Europe du ressentiment, de la punition et de l’humiliation, une Europe où monteraient, ici, les sentiments antigrecs, et là, les sentiments antiallemands, où s’installeraient plutôt les égoïsmes et les populismes ; une Europe où les plus faibles risqueraient d’être livrés à eux-mêmes.

« L’Europe fait l’objet de nombreuses définitions, mais elle se caractérise par le respect des peuples et des individus.

« Il y a entre la Grèce et la France un lien historique extrêmement fort. La Grèce, c’est le berceau de l’Europe, par son histoire, sa culture et ce qu’elle nous a apporté : la démocratie. Au début du XIXe siècle, le chant de liberté du peuple grec prenant son indépendance a été entonné par plusieurs grands poètes, écrivains et artistes français.

« La Grèce est aussi dans l’Union européenne depuis 1981, grâce notamment à la France et, à l’époque, au président Valéry Giscard d’Estaing. Elle sortait alors de la dictature des colonels.

« On peut citer aujourd’hui quelques personnages incontournables de cette culture commune que nous nous sommes forgée, dans plusieurs domaines. Je pense notamment à Costa-Gavras et à son film Z, sur l’histoire de son pays, ou à Jacqueline de Romilly, cette académicienne française qui a dévoué sa vie à la langue grecque, si bien qu’elle a reçu, à titre honorifique, la nationalité grecque.

« La Grèce est donc une véritable passion française, mais elle entretient aussi des liens forts avec l’Europe. Nous devons être fidèles au passé de cette relation et tenter de construire son avenir. La Grèce a aussi conscience de ce que l’Europe lui a apporté.

« Sachons donc entendre les messages. Par leur vote, les Grecs n’ont pas voulu couper les ponts avec l’Europe et n’ont pas dit non à l’euro » J’ajoute, à titre personnel, que, si la réponse était claire, la question posée l’était moins ! « Car, au fond, beaucoup de Grecs savent combien les conséquences d’une éventuelle sortie de la monnaie unique seraient lourdes ; quand on prétend que l’on peut en sortir “ calmement ” ou “ sans drame ”, ce sont des formules qui masquent une réalité bien différente.

« Une sortie de l’euro, si elle devait advenir, se traduirait certainement par un affaiblissement des revenus et une explosion du prix des importations, y compris pour les biens de première nécessité, sans que celle-ci puisse être compensée par une augmentation des exportations, la Grèce exportant très peu. Il faudrait aussi vraisemblablement s’attendre à des conséquences politiques, sociales et d’ordre public que personne n’est finalement capable de prévoir. Ce n’est pas ce que nous voulons pour le peuple grec et ce n’est certainement pas l’image que nous voulons donner de l’Europe aux yeux du monde. En tout cas, telle n’est pas la position de la France !

« L’Europe a besoin de solidarité, mais aussi d’unité et de stabilité. Le maintien de la Grèce dans l’euro et dans l’Union européenne représente également un enjeu géostratégique et géopolitique de très haute importance. » Ce matin, je me suis d’ailleurs permis, en conseil des ministres, de revenir sur cet aspect.

« Je pense, bien sûr, à nos relations avec la Turquie, aux regains de tensions possibles dans les Balkans et à la frontière est de l’Europe. La Grèce, en raison de ses liens avec la Russie et le monde orthodoxe, est un acteur majeur du partenariat oriental. Je pense, également, aux enjeux migratoires. La Grèce est aujourd’hui, avec l’Italie, l’un des pays les plus exposés aux arrivées massives de migrants. La Grèce, membre de l’OTAN, est aussi l’avant-poste européen face à un Proche-Orient en plein embrasement.

« Affaiblir la Grèce, c’est donc affaiblir collectivement l’Europe, avec des répercussions notamment économiques – revenant d’une discussion avec les membres permanents du Conseil de sécurité, je puis vous assurer personnellement que cette inquiétude est partagée par les dirigeants des grands pays du monde.

« C’est pourquoi la France – et, au premier rang, le Président de la République –, tout à fait consciente de ce qui se joue, ne ménage pas ses efforts pour tenter de trouver des solutions et faire converger les points de vue.

« Nous agissons sans relâche pour que la Grèce tienne ses engagements, pour écouter le choix fait par ce pays tout en assurant la cohésion de l’Europe. C’est à cette condition seulement que nous parviendrons à un accord satisfaisant pour toutes les parties.

« Telle est, après tout, l’histoire de l’Europe : trouver des solutions communes, bâtir ensemble, dans le respect de gouvernements élus démocratiquement – le gouvernement grec tout comme celui des autres pays – et des sensibilités de chacun, qui ne sont pas les mêmes quand on est à Athènes, à Dublin ou à Lisbonne.

« Rien n’est facile, bien sûr. Les débats sont réels, les risques sérieux. C’est pour cela que la France, membre fondateur de l’Union européenne, puise en elle-même cette force qui en a toujours fait un garant du destin européen. C’est notre vocation. Nous ne pouvons pas nous dérober à nos responsabilités et c’est, bien entendu, au Président de la République d’assumer ce rôle en priorité.

« La France – c’est ce que l’on attend d’elle – essaye de tout faire, aux côtés de ses partenaires, en s’appuyant sur sa propre force, mais aussi, si c’est possible, sur la force du couple franco-allemand. Notre rôle n’est pas d’exclure, de casser ou de renverser la table, mais d’essayer de trouver des compromis, c’est-à-dire des solutions qui puissent rassembler les uns et les autres.

« Quand l’essentiel est en jeu – en l’occurrence, tel est le cas –, la France et l’Allemagne ont le devoir de se hisser à la hauteur de l’événement. Bien sûr, chacun peut avoir sa sensibilité – c’est surtout vrai de nos opinions publiques –, mais la force de cette relation, c’est de savoir avancer ensemble.

« Cette relation n’est pas exclusive, mais elle est tout de même singulière, car, ensemble, nous avons une capacité à entraîner. Nous sommes deux pays souverains, conscients de leurs responsabilités et c’est dans cet esprit que s’est tenue à l’Élysée, lundi soir, la réunion dont il a été rendu compte.

« Rien n’est facile, mais c’est à nous d’essayer de nous élever à la hauteur du moment. C’est ce que fait le Président de la République aux côtés de la chancelière allemande, lundi dernier, et encore hier soir, à Bruxelles, avec le ministre des finances et des comptes publics.

« Je veux d’ailleurs saluer l’action déterminée de Michel Sapin, qui n’a eu de cesse, depuis le début des négociations, dans des circonstances très difficiles, de multiplier les échanges et de tout mettre en œuvre pour faire partager la vision française et soutenir la Grèce.

« Et si nous nous mobilisons autant, ce n’est pas, comme j’ai pu l’entendre de la part de certains, parce que nous serions à la remorque de l’Allemagne, ou parce que nous serions indulgents vis-à-vis du gouvernement grec, mais parce que c’est aussi notre intérêt, parce que notre intérêt, c’est l’Europe !

« Mesdames, messieurs, pour bien comprendre la situation actuelle, nous devons revenir, en peu de mots, sur les dix dernières années.

« La Grèce a connu une forte croissance économique durant les années 2000, en partie d’ailleurs grâce à la stabilité offerte par l’appartenance à la zone euro, mais, disons-le clairement, elle n’a pas su moderniser son économie ni mener les réformes nécessaires, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Ainsi, au moment où a éclaté la crise économique, l’économie grecque était déjà très fragile, avec une dette publique et un déficit de la balance commerciale extrêmement élevés.

« Les mécanismes de prévention permettant d’anticiper une crise dans la zone euro n’ont pas fonctionné et il a été nécessaire d’inventer en urgence des mécanismes de gestion de crise. Sans la solidarité de ses partenaires européens, la Grèce aurait été en faillite en 2010. Nous avons évité cela, en lui apportant une assistance financière massive proche de 240 milliards d’euros et en mettant en place un programme de réformes pour le redressement de son économie, qui n’a pas été exécuté.

« La France, avec la majorité précédente, a soutenu ce plan. Si, aujourd’hui, nous acceptions ou proposions une sortie de la Grèce de la zone euro, nous serions en contradiction avec les orientations que la France a voulues pour l’Europe. Ce serait un aveu d’impuissance et, pour notre part, nous ne le voulons pas.

« Au prix de réels efforts, souvent douloureux pour la population – on parle d’une diminution de la production intérieure brute de 25 %, ce que personne ne doit sous-estimer –, l’économie grecque n’était certes pas guérie à la fin de 2014, mais la croissance était de retour et le budget public était en excédent primaire. Pour autant, le problème de la dette restait entier et les Grecs ne voyaient pas arriver concrètement le fruit de leurs efforts.

« Au début de l’année 2015, le gouvernement grec nouvellement élu a souhaité revoir les modalités du programme d’assistance, en particulier le détail des réformes nécessaires pour que la Grèce puisse recevoir le reste de l’aide financière prévue.

« Les discussions ont alors été longues et difficiles – je n’y reviendrai pas –, mais il y a deux semaines, vous savez sans doute que nous étions tout près d’un accord. Les institutions, que ce soit la Commission européenne, la Banque centrale européenne ou le Fonds monétaire international, avaient fait des propositions nouvelles, en fixant notamment des cibles budgétaires revues à la baisse. L’objectif était de permettre à la Grèce d’honorer ses engagements passés, mais aussi de renouer avec la croissance.

« Cependant, disons les choses telles qu’elles sont : le gouvernement grec a décidé d’interrompre de manière unilatérale…

M. Jean-Claude Lenoir. Hellas ! (Sourires.)

M. Laurent Fabius, ministre. … « les négociations – nous l’avons regretté – et d’organiser un référendum pour permettre à son peuple de s’exprimer souverainement. Ce choix, nous n’avons pas à le discuter. »

Cependant, l’ambivalence du résultat nous place dans une situation nouvelle que je veux décrire en quelques mots.

« Le sommet qui a eu lieu a permis au dialogue de reprendre, de réenclencher un processus et de rétablir le lien dont nous avions tous besoin pour avancer. Ce travail de dialogue doit se poursuivre. »

Ce matin, le premier ministre grec est intervenu devant le Parlement européen. Vous savez que des réunions se tiendront dans les jours qui viennent, mesdames et messieurs les sénateurs, aussi bien entre ministres des finances qu’entre chefs d’État ou de gouvernement. L’accord est à la fois difficile et à portée de main. Voilà le paradoxe !

« La condition d’un accord, le Président de la République l’a souligné, c’est la solidarité. C’est aussi la responsabilité, celle des États-membres, mais aussi celle de la Grèce. La France et ses partenaires européens y sont légitimement attachés, en particulier ceux qui ont, au cours des dernières années, consenti des efforts importants, voire des sacrifices considérables. L’Europe ne peut pas être conçue comme un droit de tirage illimité. Ce sont des règles communes à respecter. Sans cela, il n’y aurait pas d’union possible !

« Compte tenu de ces éléments, la France a décidé de se mobiliser jusqu’au bout pour aider la Grèce, mais il faut aussi que le gouvernement grec veuille s’aider lui-même. C’est donc aussi au gouvernement grec d’être au rendez-vous de son histoire et de l’histoire européenne. C’est donc un moment de vérité.

« En définitive, les bases d’un accord complet, global et durable sont connues.

« Premièrement, des réformes détaillées sont nécessaires pour moderniser et redresser l’économie, bâtir un État solide, réactif, efficace, un État qui fonctionne vraiment, mais aussi pour avancer sur des questions essentielles telles que les retraites – sans toucher aux petites retraites – ou la TVA. Mener ces réformes est une condition essentielle à l’obtention d’un nouveau programme d’aide financière.

« Deuxièmement, il faut des moyens pour financer la croissance en Grèce, car, comme je l’ai dit, c’est d’abord cela que veulent les Grecs. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé un “ paquet ” de 35 milliards d’euros, qui devraient permettre d’apporter à l’économie grecque l’oxygène dont elle a besoin pour redémarrer.

« Troisièmement, une perspective claire sur le traitement de la dette est indispensable. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de sujet tabou : il est donc essentiel d’établir une trajectoire soutenable de la dette grecque pour les prochaines années. C’est indispensable pour avancer vers une solution durable à la crise actuelle.

« Il est aujourd’hui urgent de conclure cet accord sur le fondement de ces trois éléments. Il nous reste très peu de temps, puisque nous avons jusqu’à dimanche pour y parvenir.

« Ce matin, les Grecs ont formellement soumis la demande d’un nouveau programme d’aides dans le cadre du mécanisme européen de stabilité. »

À ce titre, ils ont présenté une lettre – que vous avez certainement lue – qui nous semble équilibrée, positive, et qui fait preuve d’une réelle volonté de réformes. Même s’il manque encore des précisions, des étapes importantes permettront au dialogue de se nouer.

« Ainsi, le gouvernement grec présentera jeudi prochain un programme complet de réformes précises à mener à court et à moyen termes. Samedi, sur le fondement de l’évaluation faite par les institutions, une nouvelle réunion de l’Eurogroupe se tiendra, avant que, dimanche, une nouvelle réunion des chefs d’État ou de gouvernement ne soit organisée.

« Nous disposons donc de très peu de temps puisque nous avons cinq jours. Sans exagérer, c’est en partie la destinée de l’Europe, comme construction politique, qui se joue. Nous devons donc nous engager avec le souci de l’action. Pour cela, nous voulons être très clairs : comme l’a dit le Président de la République, quelle que soit l’issue, l’Assemblée nationale aura à se prononcer.

« L’histoire de la construction européenne est une histoire progressive, faite d’avancées, de reculs, souvent d’à-coups. C’est finalement sa capacité à surmonter les crises qui a permis à l’Europe de grandir.

« Qu’on le veuille ou non, l’Europe politique est mise à l’épreuve dans l’incertitude et, s’agissant du peuple grec, souvent dans la douleur. Toutefois, beaucoup d’entre nous avons réclamé cette Europe politique, déçus que nous étions par une Europe qui se confondait uniquement avec un projet économique, lequel n’était d’ailleurs pas toujours couronné de succès. Or nous y sommes ! Il appartient à la France, au couple franco-allemand dans la mesure du possible, de se saisir de cette crise – qui est rude – pour en faire une chance. »

Je crois d’ailleurs me souvenir que le mot κίνδυνος (kíndunos) signifie, en grec ancien, à la fois le risque et la chance. Il nous appartient de faire de ce risque, que nous n’avons pas souhaité, une chance que nous devrons bâtir. Nous avons la perspective d’une zone euro renforcée, et donc d’une Europe plus forte.

« Cependant, ce n’est possible que si l’on répond à l’urgence !

« De réels progrès ont été faits au cours des dernières années pour renforcer la zone euro. Elle est plus robuste qu’il y a encore quelque temps. Prenons l’exemple du Mécanisme européen de stabilité ou de l’Union bancaire.

« Pour autant, le travail sur l’approfondissement de la zone euro n’est absolument pas achevé. Au travers de cette crise, toute une série de questions se posent en filigrane : le gouvernement économique de l’Europe, l’agenda de convergence économique et fiscale, les avancées convergentes en matière sociale – qu’il s’agisse des salaires ou de la lutte contre toute forme de concurrence déloyale –, l’utilisation de la monnaie unique au service de la croissance et de l’emploi et, enfin, la représentativité démocratique.

« Tous ces enjeux sont devant nous. Après l’urgence, nous aurons aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, à y répondre ! La France, comme toujours, devra prendre des initiatives pour que l’Europe tienne sa place, avance, et continue de bâtir son histoire. »

Néanmoins, cela suppose d’abord que nous sachions apporter les réponses qui conviennent à la crise grecque et qui tiennent compte, à la fois, du vote intervenu dimanche, du souci exprimé par les autres pays de la zone euro, ainsi que de la nécessité de trouver des solutions qui permettent à tous d’avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez d’évoquer un certain nombre de questions qui me semblent importantes, afin d’éclairer le débat, d’apporter des réponses et de dégager de véritables conclusions. Nous avons, du reste, parfois eu du mal à les discerner dans vos propos, monsieur le ministre…

Tout d’abord, je parlerai du référendum grec. Évidemment, personne ne met en cause la légitimité du recours au référendum dans cet hémicycle, et certainement pas moi qui, à l’époque du traité de Lisbonne, m’étais justement plaint de l’absence de recours à la voix du peuple ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

En premier lieu, à force de sacraliser ce que l’on appelle la voix du peuple grec, on a oublié les conditions de cette consultation populaire. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe – qui n’a rien à voir avec les institutions de l’Union européenne – a formulé un certain nombre de remarques relatives à la précipitation avec laquelle elle a été organisée.

Quel aurait été le résultat du référendum de 1992 sur le traité de Maastricht, mes chers collègues, si le peuple de France n’avait disposé que d’une seule semaine de réflexion ?

M. Pierre Laurent. Cela fait cinq années que les Grecs y réfléchissent !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans la misère, de surcroît !

M. Bruno Retailleau. Quelle aurait été également la réponse du peuple de France s’il n’avait disposé que d’une seule semaine de réflexion lors du référendum de 2005 ?

Si nous sommes respectueux de l’expression de la souveraineté populaire grecque, nous le sommes tout autant de l’expression démocratique des autres pays. La voix du peuple grec vaut bien les voix des peuples baltes, du peuple slovaque, et des autres peuples européens.

M. Pierre Laurent. Ces peuples n’ont, eux, jamais été consultés !

M. Bruno Retailleau. Aujourd’hui, le gouvernement de M. Tsipras demande très clairement que le contribuable européen mette à nouveau au pot commun pour financer le programme démagogique sur lequel il a été élu il y a cinq mois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Pierre Laurent. Et Goldman Sachs ?

M. Bruno Retailleau. Puisque l’on invoque souvent non seulement l’idée démocratique, mais également l’idée de solidarité, nous ne devons pas oublier, mes chers collègues, qu’il existe cinq autres pays de la zone euro, dans lesquels le niveau de vie des habitants est inférieur à celui des Grecs ! Ces pays sont pourtant également appelés à la rescousse financière !

M. Jean-Pierre Bosino. En Afrique, c’est pire !

M. Bruno Retailleau. Pour finir, je dirai un mot sur la notion de souveraineté, à laquelle je suis très sensible. En effet, ceux qui invoquent ce concept pour parler de démocratie devraient aller au bout de leur raisonnement et réclamer une souveraineté pleine et entière, y compris l’exercice de la souveraineté monétaire.

En second lieu, j’évoquerai les acteurs du débat.

Si le contenu d’une négociation compte évidemment, les hommes et les femmes qui négocient comptent tout autant, car ils contribuent à établir la crédibilité du processus et à instaurer la confiance. Or, depuis les nombreux mois que cette négociation a débuté, quel a été le comportement du chef du gouvernement grec ? M. Tsipras a continuellement exigé davantage de solidarité de l’Europe, tout en acceptant moins de responsabilités pour son gouvernement !

Mme Marie-France Beaufils. Que dire alors de l’attitude de la « troïka » ?

M. Bruno Retailleau. Nous pensons que l’Europe est une solidarité et que cette solidarité appelle une responsabilité. L’une ne peut exister sans l’autre ! Elles constituent les deux faces d’une même réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-France Beaufils. C’est inacceptable !

M. Bruno Retailleau. Comme le font tous les populistes, d’où qu’ils viennent, M. Tsipras a constamment recours à la rhétorique de la provocation et du chantage. Chose facile évidemment, il a installé dans l’esprit de son propre peuple l’idée que ce dernier était la victime de ses bienfaiteurs ! En réalité, l’Union européenne a servi de bouc émissaire commode de la crise grecque.

Je veux simplement rappeler deux réalités qui sont aussi – je le crois – deux vérités. Premièrement, la Grèce a bénéficié du plan de restructuration de sa dette qui est l’un des plus importants de l’histoire du capitalisme : 240 millions d’euros d’aides sous forme de prêts.

M. Pierre Laurent. Cet argent est allé dans les poches des banques !

M. Bruno Retailleau. En 2012, cette restructuration a coûté 110 milliards d’euros, notamment à des banques. Il est donc important de le souligner : l’Europe a manifesté sa solidarité !

Mme Michelle Demessine. Mais qui a réellement bénéficié de cet argent ?

M. Bruno Retailleau. Qu’a donc fait M. Tsipras durant cinq mois ? Il a discuté, joué de faux-semblants et revêtu l’habit de Robin des Bois ! Seulement, c’était un Robin des Bois au service des armateurs…

M. Pierre Laurent. Vous confondez avec M. Samaras !

M. Bruno Retailleau. … et peut-être même au service de l’église orthodoxe, paradoxalement ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont vos amis !

M. le président. Mes chers collègues, en grec, le mot silence se dit : σιγή [sigè] ! Veuillez poursuivre, monsieur le sénateur.

M. Bruno Retailleau. Quittant la scène grecque pour revenir sur la scène européenne, force est de constater que, malheureusement, la voix de la France a manqué. Souvenons-nous, par comparaison, des crises qui ont secoué la France durant le précédent quinquennat : alors que l’ancien président de la République assurait le leadership de la France, notre pays frappe aujourd’hui par son absence de leadership sur toutes les grandes questions européennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Malheureusement, faute de faire entendre sa voix au service d’une position équilibrée, la France a en quelque sorte enfermé l’Allemagne et la Grèce dans un face-à-face ; ce n’était rendre service ni à la Grèce ni à nos partenaires allemands. Résultat : le couple franco-allemand est affaibli, comme le constatent nombre d’observateurs non seulement en France et en Allemagne, mais aussi dans bien d’autres pays. Au demeurant, cet affaiblissement est la grande tentation originelle du mandat de François Hollande.

Selon moi, ce manque de leadership a deux raisons.

En premier lieu, il vient d’une complaisance idéologique de la gauche vis-à-vis du gouvernement grec, qui porte l’étendard de la gauche radicale. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Par une sorte de réflexe nostalgique, un peu romantique, la gauche lui trouve de nombreuses circonstances atténuantes !

En second lieu, cette situation découle de l’affaiblissement de la voix de la France. Quand on peine à tenir ses propres engagements européens, quand on ajoute les déficits aux déficits et l’endettement à l’endettement, au point de devenir le champion du monde de la dépense publique, on a évidemment plus de mal à jouer le rôle de l’arbitre. Moyennant quoi, la France n’a jamais été aussi isolée sur la scène internationale (M. le ministre des affaires étrangères et du développement international rit.), et les Français eux-mêmes doutent de la capacité du Président de la République à dénouer la crise grecque.