M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Notre modèle de dialogue social est aujourd’hui à bout de souffle. Les obligations imposées par le code du travail en termes d’information, de consultation et de négociation ne correspondent plus à la réalité de l’entreprise, ni aux préoccupations des salariés. Cette réforme est devenue indispensable.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ce projet de loi répond à deux grandes ambitions : renforcer et rénover en profondeur le dialogue social, d’une part ; favoriser l’emploi et sécuriser les parcours professionnels, d’autre part. Nous ne pouvons que nous inscrire dans cette démarche.

Nos travaux ont permis d’apporter certaines améliorations. Nous avons ainsi précisé que les suppléants ne devaient siéger qu’en l’absence des titulaires. Leur laisser la possibilité d’assister aux réunions et d’y avoir une voix consultative ne nous semble, en effet, pas opportun. Je le répète, les suppléants sont là pour suppléer ; il n’y a donc pas lieu de prévoir leur présence systématique.

Je regrette toutefois que la commission ait à nouveau interdit aux suppléants de participer aux réunions qui traitent des orientations stratégiques de l’entreprise. Comme l’avait pourtant rappelé en première lecture Mme la rapporteur, cela ne représente qu’une ou deux réunions par an, ce qui, à mon avis, ne devrait pas affecter l’organisation et l’efficacité du travail dans l’entreprise, bien au contraire !

Nous avons également mis en place un dispositif électoral spécifique pour les agents de direction des organismes de protection sociale, comme la mutualité sociale agricole ou le régime social des indépendants, qui n’ont pas la possibilité de participer aux élections syndicales et, donc, d’être représentés.

Par ailleurs, le Sénat a proposé en première lecture de donner une base législative au CDI intérimaire. Les députés ont souhaité que ce dispositif fasse l’objet d’une expérimentation sur trois ans et l’ont juridiquement sécurisé. Je ne puis qu’approuver cette mesure, qui apportera une meilleure stabilité et facilitera l’accès au crédit et au logement de ces travailleurs. Puisse-t-elle être pérennisée !

De plus, nous sommes satisfaits par l’adoption à l’Assemblée nationale de deux amendements identiques du Gouvernement et de nos collègues du groupe RRDP – Radical, républicain, démocrate et progressiste – permettant aux personnes en congé parental d’éducation sabbatique, sans solde ou en disponibilité et qui perçoivent des revenus professionnels de bénéficier de la prime ou d’être pris en compte au titre des droits de leur conjoint.

Comme nos collègues du RRDP l’ont fort justement rappelé, il n’y a pas lieu de pénaliser ces femmes – car, très souvent, il s’agit de femmes – en les excluant de la prestation, alors même qu’elles exercent une activité professionnelle d’utilité publique durant leur congé parental.

Notre commission des affaires sociales, redoutant sûrement les effets d’aubaine, n’a maintenu cette exception que pour celles et ceux qui exercent une activité d’assistant maternel parallèlement à leur congé parental d’éducation. Dont acte !

Pour autant, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui reste insatisfaisant.

Nous regrettons tout particulièrement la suppression de l’article 1er, qui instituait les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Ces instances devaient permettre la représentation de l’ensemble des salariés et des employeurs des très petites entreprises. C’était sans aucun doute une avancée sociale.

En première lecture, pourtant, nous n’avions eu d’autre choix que de rejeter cette disposition, tant les modifications apportées par la majorité sénatoriale la dénaturaient. L’Assemblée nationale l’avait fort heureusement rétablie en nouvelle lecture, mais, considérant qu’il « serait stérile de réitérer un débat qui a déjà eu lieu il y a moins d’un mois », la commission des affaires sociales a tout simplement préféré supprimer cet article !

On peut regretter ce choix. Notre travail n’est-il pas d’examiner les lois dans le dialogue, et parfois la contradiction, entre les deux assemblées, au nom du bicamérisme ? Je ne pense donc pas tout à fait comme mon collègue Desessard ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

S’agissant de la création du compte personnel d’activité, que la Haute Assemblée avait malheureusement supprimée en première lecture, je me félicite que l’Assemblée nationale ait rétabli celui-ci et que notre commission des affaires sociales l’ait adopté sans modification. Je crains toutefois que les amendements de suppression aient raison – une fois de plus ! – de cette mesure, pourtant synonyme de progrès social, puisqu’il s’agit de créer un outil plus simple et plus lisible, permettant aux salariés de conserver leurs droits tout au long de leur vie professionnelle.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe RDSE ne pourra adopter le texte en l’état et devrait donc s’abstenir à l’issue de nos travaux, à moins que les votes sur les amendements ne nous réservent quelques belles surprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi, un texte présenté comme une grande réforme, mais qui, à l’évidence, fera pschitt !

À l’évidence, le Gouvernement veut passer en force pour imposer sa vision du dialogue social. L’affrontement idéologique recherché est destiné à resserrer les rangs de sa majorité politique. Ce faisant, il tourne le dos à une concertation destinée à servir l’intérêt général, et surtout celui des entrepreneurs et de leurs collaborateurs.

La création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles dans les entreprises de moins de onze salariés ne se justifie pas dans les TPE, les très petites entreprises. Cette fois, nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir supprimé l’article 1er dès le stade de l’examen en commission.

Sur le fond, cet article révèle deux conceptions radicalement différentes du dialogue social et de l’entreprise. Pour nous, le dialogue social met en relation employeurs et salariés, prioritairement au sein de l’entreprise,…

Mme Nicole Bricq. En tête à tête !

M. Olivier Cadic. … pour produire plus et mieux. Pour le Gouvernement et sa majorité, conforter le dialogue social, c’est accorder plus de droits et de privilèges aux syndicats.

À l’heure où nos entreprises crèvent littéralement sous les charges et les contraintes administratives, le Gouvernement souhaite ajouter encore une couche, qui n’aura d’autre effet que de complexifier le travail des entrepreneurs et de parasiter le dialogue direct qui est la norme au sein des TPE. On marche littéralement sur la tête !

Aussi, à un moment, il faut être capable de dire que ce n’est pas acceptable, que cela suffit ! Face au dogmatisme du Gouvernement, les Français entendront la voix de la raison, celle du Sénat.

Du reste, au cours de chacun de ses déplacements aux quatre coins de la France, la délégation sénatoriale aux entreprises entend sans cesse que, pour renouer avec la croissance, il faut simplifier, alléger, libérer les énergies et faire confiance aux entrepreneurs.

L’essentiel étant dit, je ne m’étendrai pas longuement sur le reste.

Concernant le compte pénibilité, comme nous l’avons déjà expliqué, nous adhérons totalement à la réforme de simplification portée par le présent texte. Depuis l’instauration du dispositif, nous réclamions la suppression de la fiche de déclaration individuelle. Nous sommes d’autant plus positifs que ce volet a toutes les chances d’être conservé dans le texte définitif. C’est sûrement « l’effet Tsipras » : confronté au principe de réalité, le Gouvernement fait marche arrière ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

En revanche, ce ne sera pas le cas des autres avancées portées par la version sénatoriale du texte. Ainsi, il est évident qu’ouvrir la voie à la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle pose un problème à la fois technique et éthique : technique, parce que, le burn-out étant multifactoriel, il est bien difficile, sauf cas exceptionnels, d’en isoler une origine exclusivement professionnelle ; éthique, parce qu’il semble bien dangereux d’imputer au travail et à l’entreprise tous les maux de la société. Là encore, deux conceptions antagonistes du travail et de l’entreprise s’affrontent.

Notre commission a supprimé l’article 19 bis. Toutefois, je crains que le dogmatisme en vogue à l’Assemblée nationale ne le rétablisse.

En ce qui concerne l’intermittence, il en est de même : nous soutenons totalement la rédaction de l’article 20 issu des travaux de notre commission des affaires culturelles, visant au remplacement de la négociation enchâssée par un dispositif de concertation renforcée imposant de recueillir les avis des partenaires sociaux du monde du cinéma, de l’audiovisuel et du spectacle. Malheureusement, l’Assemblée nationale reviendra, à nouveau, sur ce dispositif.

Autre problème, le compte personnel d’activité, dont l’article 21 prévoit la création et que le Sénat avait supprimé en première lecture. Nombre d’entre nous souhaitent qu’il en soit de même en cette nouvelle lecture, même si nous ne nous faisons aucune illusion quant à son rétablissement ultérieur. Néanmoins, il s’agit de réaffirmer, cette fois encore, que la création de ce compte risque de complexifier les tâches administratives des chefs d’entreprise de l’artisanat et du commerce de proximité, et cela quand, je le répète, nous sommes censés être en plein choc de simplification !

Enfin, concernant la question du financement des organisations patronales, abordée à l’improviste en première lecture au Sénat, nous continuons de nous opposer à une clef de répartition qui prendrait en compte le nombre de salariés des entreprises adhérentes. Nous sommes en cela parfaitement en phase avec la position de notre commission, qui a supprimé le recours à l’ordonnance sur ce sujet.

Le Parlement n’a pas à se dessaisir, surtout quand il constate que c’est pour favoriser une organisation patronale au détriment des autres !

Aussi, le groupe UDI-UC votera le texte issu des travaux du Sénat, qui modère la version sortie de l’Assemblée nationale, sans se faire d’illusions sur son devenir immédiat.

Pour finir, mes chers collègues, je tiens à adresser un message personnel d’espérance à nos compatriotes qui suivent nos débats et sont désespérés par la politique économique et sociale conduite à l’heure actuelle dans notre pays.

Parmi les vingt-huit pays de l’Union européenne, la France est 27e pour ce qui est du taux de syndicalisation. Si le Gouvernement avait eu du courage et de l’audace, il aurait, comme nous l’avions fait en première lecture, supprimé le monopole syndical de présentation au premier tour des élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise. Un amendement sera d’ailleurs défendu tout à l'heure en ce sens. Si les salariés le souhaitent, il faut qu’ils puissent assurer leur représentativité en dehors des syndicats.

La France est, avec la Belgique, l’Espagne et la Grèce, l’un des derniers pays à accorder une place prépondérante à l’État dans le dialogue social. La majorité des pays européens a fait le choix, incarné par l’Allemagne, d’un dialogue autonome entre syndicats et organisations patronales au niveau des branches. De leur côté, le Royaume-Uni, l’Irlande et les États baltes placent le dialogue entre les syndicats et l’employeur au sein de l’entreprise.

Seuls 17 % des salariés du privé sont couverts par des conventions collectives au Royaume-Uni. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce pays attire les entrepreneurs français, comme le titrait ce week-end Le Figaro, à la suite de la communication du rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure.

Notre code du travail, que nous enrichissons encore en ce moment, comprend 10 000 articles, contre 54 pour le code suisse. Le code du travail français compte 3 200 pages, alors que le code italien en compte 800, soit cinq fois moins. Et l’Italie a désormais pour objectif de le réduire à 80 pages !

Si ce gouvernement avait eu du courage ou de l’audace, il aurait engagé une refonte de ce code pour le limiter aux principes fondamentaux du droit du travail. Il aurait alors transféré la totale responsabilité du dialogue social au patronat et aux salariés – libres à eux de s’organiser comme ils le souhaitent.

Un jour viendra où, dans notre pays, un gouvernement aura ce courage et cette audace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. On verra !

M. Jean Desessard. Ici, Londres ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, intervenu le 30 juin dernier, nous sommes réunis aujourd’hui pour réexaminer, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Le groupe socialiste et républicain du Sénat s’était abstenu sur le texte en première lecture, car la majorité du Sénat avait dénaturé celui-ci en supprimant plusieurs dispositions voulues par le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Nous sommes passés de vingt-sept articles initialement à soixante-douze articles après la discussion au Sénat.

En l’absence de consensus, une nouvelle lecture s’imposait. Dès l’article 1er, la majorité sénatoriale avait trahi l’objectif initial du texte en réduisant la portée du dialogue social. Comme l’a mentionné le rapporteur de l’Assemblée nationale, Christophe Sirugue, la suppression de l’article 1er a suffi à acter le désaccord entre les deux chambres.

Je me réjouis que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ait rétabli l’article 1er dans la rédaction que les députés avaient adoptée en première lecture. En effet, la création obligatoire de commissions paritaires régionales interprofessionnelles permet de représenter les salariés et les employeurs des très petites entreprises. Ces commissions encadreront le dialogue social dans toutes les entreprises, y compris les plus petites d’entre elles. Avec elles, le dialogue sera effectif, plus clair et globalement plus responsable.

Il s’agit d’une avancée, non seulement pour les 4,6 millions de salariés des TPE, jusque-là non représentés, mais aussi pour les entreprises elles-mêmes. Comme je l’ai déjà souligné en première lecture, ces commissions permettront d’anticiper les conflits et de régler les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Le Sénat avait supprimé l’article proposant un rapport sur les TPE non couvertes par une convention collective. Je me réjouis que l’Assemblée nationale l’ait rétabli.

J’ai regretté qu’une partie de la droite sénatoriale se soit obstinée à détricoter le texte en modifiant profondément les dispositions concernant les instances représentatives du personnel.

En effet, les élus suppléants ne pouvaient plus siéger aux réunions, les cas d’expertise du comité d’entreprise avaient été revus à la baisse, la création de la DUP avait été assouplie et des non-syndiqués pouvaient se présenter dès le premier tour. Par ailleurs, le compte pénibilité avait fait l’objet d’un report complet, tandis que les comptes sociaux devaient être lissés sur cinq ans.

Le Sénat est également revenu sur les nombreuses avancées qui concernaient l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment dans les conseils d’administration, sur les listes des élections professionnelles et aux prud’hommes.

Ce recul n’était pas acceptable. La place des femmes doit évoluer : c’est l’une des priorités du Gouvernement depuis 2012.

Nous devons progresser en ce qui concerne l’égalité professionnelle dans les entreprises. Alors même que les femmes représentent aujourd’hui 47 % des personnes en emploi, les inégalités persistent encore, tant en matière salariale que dans l’accès aux responsabilités : les femmes gagnent en moyenne 19,2 % de moins que leurs collègues masculins et représentent moins d’un tiers des membres des conseils d’administration. Le projet de loi prévoit des mesures concrètes pour renverser la situation.

De plus, la majorité du Sénat a supprimé le monopole syndical de désignation des candidats au premier tour, alors que l’objectif est de revaloriser l’engagement syndical et de susciter des vocations. Comme vous le savez, en France, trop peu de salariés s’engagent dans un syndicat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Pourquoi, à votre avis ?

Mme Patricia Schillinger. Ils sont peu représentés et nous devons changer cette situation, en rattrapant le retard que nous avons pris par rapport aux autres pays européens.

Le groupe socialiste et républicain du Sénat a également regretté que la majorité du Sénat n’ait pas voulu reconnaître le burn-out en tant que maladie professionnelle, alors que ce mal touche un nombre important de salariés.

Je me réjouis que les députés aient rétabli les principales dispositions qu’ils avaient adoptées en première lecture.

En effet, à la suite des différentes mesures votées par le Sénat, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a rétabli des dispositions équilibrées et justes, permettant le dialogue social dans les entreprises. Il s’agit de rendre celui-ci plus moderne, plus performant et plus efficace.

Ce texte de loi permettra d’accorder de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants, de simplifier le dialogue social, de le rendre plus efficace et, surtout, de valoriser le travail.

Je souhaite, ici, rappeler quelques avancées essentielles de ce texte : la création d’une prime d’activité, qui encouragera l’activité et le retour à l’emploi ; la mise en place du compte personnel d’activité, qui scellera l’avènement de la sécurité sociale professionnelle réclamée par les syndicats depuis trente ans ; la création d’un nouveau mode de négociations pour les intermittents du spectacle sur les règles d’assurance-chômage, de manière à prévenir, au travers du dialogue social, la survenance de nouvelles crises ; enfin, le contrat « nouvelle chance », pour lutter contre le chômage de longue durée.

De plus, lors de la discussion de ce texte au Sénat, le Gouvernement a encore proposé des avancées qui traduisent le plan « Tout pour l’emploi », présenté par le Premier ministre en juin dernier.

Ces mesures concernent tout d’abord l’apprentissage. La période pendant laquelle le contrat peut être rompu unilatéralement est étendue à deux mois, au cours desquels la présence effective de l’apprenti dans l’entreprise est requise. Cette période est nécessaire pour qu’une relation de confiance réciproque puisse s’établir entre l’employeur et l’apprenti. Cela permettra aux deux parties de s’assurer de la pertinence de leur engagement.

Ces mesures concernent également le renouvellement du contrat à durée déterminée. Dans un contexte de reprise, les entreprises peuvent éprouver le besoin de renouveler un CDD ou un contrat d’intérim, le temps que leur carnet de commandes se consolide. Le Gouvernement a donc souhaité prévoir deux renouvellements, au lieu d’un actuellement.

Ainsi, tout est fait pour rassurer les TPE et PME. Le Gouvernement a, une fois de plus, montré qu’il voulait favoriser l’activité et l’emploi dans les entreprises. Les mesures permettant de faciliter l’embauche du premier salarié, d’assouplir l’utilisation des contrats de travail, de lever les inquiétudes liées aux recours devant les prud’hommes, de lutter contre la fraude ou d’encourager le franchissement des seuils visent à aider les entreprises et à favoriser l’emploi.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement renforce et modernise le dialogue social ; il favorise aussi l’emploi et sécurise les parcours professionnels. Ce texte marque véritablement un progrès social.

Je l’avais déjà souligné en première lecture, et je tiens à le redire aujourd’hui : jamais un gouvernement ne s’était engagé si fortement en matière d’emploi et de dialogue social.

M. Jean Desessard. Même le gouvernement Jospin ? (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous ne semblez pas absolument convaincue, chère collègue…

Mme Patricia Schillinger. Je suis très sérieuse !

Ce texte présenté aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des actions du Gouvernement en faveur du dialogue social.

Malheureusement, la rédaction proposée par le Sénat ne reflète pas les ambitions du Gouvernement. La commission des affaires sociales n’a pas modifié ses positions et a rétabli son texte. C’est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous voici réunis pour une nouvelle lecture de ce projet de loi relatif, selon son titre un peu pompeux, au dialogue social et à l’emploi.

Même si M. le ministre m’a quelque peu attendri en m’informant qu’un de mes amendements recevrait un avis favorable du Gouvernement,...

Mme Françoise Laborde. Vous en avez, de la chance !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … ce qui me va droit au cœur, je ne puis pour autant renoncer à lire ce que j’avais écrit.

Force est de constater que si le dialogue social que vous envisagez est à l’image du dialogue entre le Gouvernement et le Sénat, nous sommes assez « mal barrés », si vous me permettez cette expression.

En effet, les conditions d’examen de ce projet de loi depuis notre première lecture relèvent du coup de force permanent. Je passerai sur la procédure accélérée. En revanche, la CMP qui se réunit deux heures seulement après le vote solennel du Sénat, comme l’a relevé Mme la rapporteur, c’est, me semble-t-il, une première, un tel délai ne laissant que peu de temps à nos collègues députés pour s’imprégner des nombreux ajouts et enrichissements du Sénat !

J’en profite pour souligner que ces conditions d’examen acrobatiques justifient d’autant plus la Légion d’honneur décernée au chef de secrétariat de la commission des affaires sociales. Au-delà, je tiens à saluer le travail de toutes celles et tous ceux qui nous accompagnent dans ce marathon législatif. Aux courageux, la patrie reconnaissante !

J’ai affirmé précédemment que le Sénat avait été à l’origine d’enrichissements, car j’ai lu, monsieur le ministre, que vous aviez estimé, à l’Assemblée nationale, que nous avions « dénaturé » ce texte. Au contraire, grâce à l’énorme travail de Mme la rapporteur et de tous nos collègues, nous avions rendu ce texte audacieux, pour reprendre un terme à la mode !

Reprenons le fil de la discussion du projet de loi : la CMP ayant échoué, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale était convoquée séance tenante – sifflée, pourrait-on dire –, afin de rétablir un texte 100 % compatible avec la vision du Gouvernement.

Avec ce travail conduit au pas de charge, à la hussarde, vous aurez au total une loi sur le dialogue social qui n’aura fait consensus ni chez les partenaires sociaux ni au Parlement. Ce point mérite d’être souligné, car, au-delà de l’aspect formel, ce qui fait la force de la loi, c’est aussi le consentement des acteurs concernés. Or nous en sommes loin.

C’est sûrement une occasion ratée, car, vous le savez, monsieur le ministre, les salariés, les chefs d’entreprise, mais aussi les chômeurs attendent beaucoup de nous sur ce dossier de l’emploi et du dialogue social.

Vous le savez, le plafond symbolique des 6 millions d’inscrits à Pôle emploi a été atteint en mai dernier, selon les statistiques dévoilées à la fin du mois de juin par votre ministère. Le nombre de chômeurs de catégorie A dépasse quant à lui les 3,5 millions.

En outre, une récente note publiée dans INSEE Conjoncture nous apprend que, parmi les inactifs au sens du BIT, 1,5 million de personnes souhaitent exercer un emploi sans être comptées comme chômeurs au sens du BIT. Le nombre de personnes concernées par ce « halo du chômage » a encore augmenté de 71 000 au cours du deuxième trimestre...

Une fois ce constat effectué, nous ne pouvons pas rester les bras ballants ni nous contenter de nous mettre sous antidépresseurs. Après avoir regardé la vérité en face, il est indispensable de prendre les mesures fortes qui nous permettront, qui vous permettront, monsieur le ministre, de regarder les Français en face.

Une autre méthode était possible : celle qui a prévalu, par exemple, pour un texte qui recelait au moins autant de complexité ; je veux parler du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « projet de loi NOTRe ». Pour ce texte, un accord a été trouvé, alors même qu’il y avait une forte tension entre les objectifs du Gouvernement et ceux du Parlement ; les sujets de dissension ne manquaient pas, mais cette tension s’est finalement révélée positive.

Je suis persuadé que, si vous aviez appliqué une méthode similaire, en organisant un réel dialogue avec les commissions, le résultat aurait été beaucoup plus spectaculaire, sur le fond comme sur la forme. Si nous avions dépassé nos désaccords, c’est un texte plus fort qui serait sorti du Parlement.

Oui, nous avons des désaccords sur l’article 1er. La commission avait imaginé un système qui avait au moins le mérite de renvoyer l’élaboration du dispositif au dialogue social, comme c’est le cas dans d’autres secteurs. Vous n’en avez pas voulu, et le Sénat a donc supprimé les dispositions prévoyant l’institution de commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI. Vous vous entêtez à vouloir créer un dispositif qui crispe bien des chefs d’entreprise. Ceux-ci vous disent, comme à nous, qu’ils souhaitent se consacrer au développement de leur entreprise grâce à la richesse de leurs ressources humaines, et non pas contre elles.

Le Gouvernement est adepte des conférences. Vous souhaitiez une conférence des territoires, on s’en souvient. Puisque vous vouliez que le vote – déjà acquis depuis 2010 – des salariés de très petites entreprises, ou TPE, trouve un débouché concret, vous auriez pu instituer une conférence permanente nationale des TPE, afin de valoriser les bonnes pratiques et de faire avancer des chantiers. Vous auriez pu obtenir un large consensus sur cette question.

Dans un autre registre, oui, nous vous invitions à plus d’ampleur dans la simplification des seuils. Cependant, plutôt que de suivre votre ambition initiale – il faut reconnaître que vous aviez fait des déclarations ambitieuses en la matière –, vous défendez un texte au rabais. La commission a utilement rétabli, sur la proposition de Mme la rapporteur, un mécanisme de lissage des seuils. Nous vous proposerons de nouveau, dans le débat, de donner de la souplesse, au cas où – sait-on jamais ! – vous seriez frappé d’un éclair d’union nationale autour de l’objectif d’emploi…

Pour habiller quelque peu la chose, je veux dire le projet de loi, vous brandissez quelques mesures qui relèvent moins de la loi que de l’effet d’affichage. C’est le cas du compte personnel d’activité. Vous en faites un marqueur, alors que l’article renvoie à une loi ultérieure et que les travaux des experts que vous avez chargés de dessiner ce compte ont déjà commencé, sans attendre que nous ayons adopté le texte. C’est bien la preuve que nous n’avons pas besoin de ce texte pour agir concrètement.

L’article sur le burn-out est lui aussi un bon exemple. Un tel phénomène existe ; c’est incontestable. Il s’agit d’une sorte de mal du siècle, qu’il faut combattre. Néanmoins, je pense que, comme pour d’autres pathologies, ce n’est pas tant la loi que l’évolution des comportements qui sera efficace. Face à l’intensification du travail – 35 heures obligent – et à l’irruption des nouvelles technologies, les cadres doivent relier les hommes et non pas seulement relayer les ordres.

Bref, à défaut de faire vraiment du social de façon approfondie, vous faites du sociétal. C’est un travers très contemporain. Au fur et à mesure que le Gouvernement et le Parlement perdent leur capacité à intervenir réellement dans l’organisation et le fonctionnement de la nation, ils se concentrent sur le sociétal.

Compte tenu de la méthode employée et de nos oppositions sur le fond, nous pourrions nous demander « à quoi bon ? », comme l’a fait Jean Desessard. À quoi bon débattre à nouveau ? À quoi bon rétablir un certain nombre des dispositifs que le Sénat a votés ?

Nous voulons ainsi montrer que l’opposition prépare sérieusement, minutieusement, méthodiquement les mesures qui permettront de redonner confiance à la fois aux employeurs et aux employés.