M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 469, 732 rectifié et 910 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’amendement du Gouvernement n’est pas rédigé exactement de la même manière. C’est pourquoi je demanderai aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer au profit de la rédaction du Gouvernement. Je précise d’ailleurs qu’une modification a été apportée par rapport au texte, tel qu’il avait été voté par l’Assemblée nationale, sur un point technique.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Mes chers collègues, il faut s’interroger sur les fondements et sur la réalité de cette colère, à laquelle M. le corapporteur vient de faire écho.

En l’espèce, il s’agit de généraliser un mécanisme qui est déjà appliqué, sans aucun problème vraiment sérieux, par le secteur hospitalier, les biologistes, les pharmaciens – cette profession a été mentionnée –, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes et de nombreux autres spécialistes – cette liste n’est certainement pas complète –, pour plus de 50 % de leurs actes, et ce jusqu’à 100 %. En outre, ce mécanisme est déjà appliqué par les médecins en faveur des bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU.

De surcroît, nous débattons non pas d’une mesure isolée – Mme la ministre a insisté sur ce point –, mais d’un faisceau de dispositions destinées à lutter contre le renoncement aux soins et les discriminations, qui, aujourd’hui encore, sont une réalité pour nombre de nos concitoyens.

Le tiers payant généralisé s’inscrit dans un ensemble cohérent, qui prend place à la suite des mesures prises depuis 1999 et la création de la CMU.

Je veux bien comprendre l’inquiétude des médecins : je pourrais faire état, dans cet hémicycle, des alarmes, sinon de la colère qu’exprime mon propre médecin traitant.

Cependant, il faut dire combien les conséquences évoquées – la fin des professions libérales, la déresponsabilisation des patients ou la mainmise des complémentaires – s’apparentent à de mauvais procès. Vraisemblablement, certains invoquent ces motifs avec sincérité. D’autres, c’est clair, les emploient à des fins idéologiques, pour des raisons, nous le savons, relevant du calendrier professionnel, ou peut-être encore – c’est de bonne guerre ! – dans un but politique.

Mme la ministre a également insisté sur ce point : nous faisons nôtre la nécessité d’assurer aux médecins le paiement de l’intégralité des sommes qui leur sont dues, et ce dans un délai raisonnable, qui devra être respecté. Si nous soulignons cette nécessité avec vigueur, nous appuierons avec toute notre force et notre conviction la mise en place de ce dispositif, tel qu’il est proposé par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Contrairement à M. le corapporteur et à M. Daudigny, je n’ai pas préparé mon intervention à l’avance. Toutefois, je tiens à dire que les membres du groupe Les Républicains soutiennent totalement la commission sur ce point.

Tout d’abord, cet article impose un dispositif aux médecins, au lieu de dialoguer avec eux. Mieux vaudrait tenter de convaincre les 40 % à 60 % de ces professionnels qui n’ont pas recours au tiers payant et établir avec eux ne serait-ce qu’un calendrier. L’informatisation des cabinets médicaux et la généralisation de la carte Vitale ont bien été opérées de manière progressive. Ces chantiers ont pris de longues années.

Ensuite, plusieurs orateurs ont tracé une comparaison entre les médecins et les pharmaciens. Toutefois, en la matière, ces deux professions ne sont absolument pas dans la même situation. En général, les pharmaciens ne travaillent pas seuls : si j’en crois ce que plusieurs d’entre eux m’ont dit, la plupart du temps, ils disposent d’un assistant chargé exclusivement de la tenue des comptes et vérifiant à ce titre si les remboursements ont bien été effectués. Ce travail exige beaucoup de temps ; il représente parfois une journée complète par semaine.

Enfin, j’évoquerai la question des assurances, notamment des complémentaires. C’est un domaine que je connais : certains le savent, j’ai travaillé dans ce secteur, et ce pendant près de trente ans.

Selon les clauses souscrites au titre de la complémentaire maladie, l’on n’est absolument pas remboursé de la même manière. Selon que l’on sera assuré à la MAAF, chez Groupama ou ailleurs, on ne percevra pas exactement le même montant. Tout dépendra du contrat souscrit par chaque individu et des diverses options qui auront été privilégiées.

Informatiquement, je ne vois absolument pas comment il sera possible de tenir compte des particularités de chaque assurance complémentaire maladie, au titre de la carte Vitale ou chez le médecin. Les assureurs ne verseront jamais que ce qu’ils ont prévu de rembourser. Mais la situation sera ingérable pour les médecins ! Quant aux patients, ils s’exposeront à de très graves déceptions. Ils ne comprendront pas pourquoi 3 ou 10 euros supplémentaires sont mis à leur charge, alors qu’ils croyaient bénéficier d’un remboursement intégral. Dès lors, ils qualifieront leur médecin et leur assureur de voleurs !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne tiens pas à rouvrir le débat. Aussi, je n’aborderai pas les questions techniques, qui font actuellement l’objet d’importantes discussions. À mon sens, en dépit de la complexité qu’ils peuvent parfois présenter, ces enjeux ne peuvent constituer le cœur du sujet.

Cela étant, j’entends dire que le renoncement aux soins concernerait uniquement les populations les plus en difficulté ou les plus fragiles. Ce n’est pas exact ! Il ne m’appartient pas, pas plus qu’à qui que ce soit, de juger des problèmes financiers, généraux ou ponctuels, auxquels un patient peut se heurter pour accéder à des professionnels de santé.

En moyenne, le renoncement aux soins et le report de soins touchent 17 % de la population. Cette proportion atteint même 25 % pour les personnes souffrant d’affections de longue durée.

Enfin, un tiers des personnes qui perçoivent entre 1 000 et 1 300 euros par mois renonceraient à des soins. Certes, les revenus en question ne sont pas élevés, mais ils sont supérieurs au seuil en deçà duquel est accordée l’aide à la complémentaire santé.

Mme Aline Archimbaud. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Imaginer que l’ensemble des problèmes de renoncement aux soins a été résolu, au motif que nous avons imposé l’usage du tiers payant en faveur des patients qui disposent de cette aide, c’est avoir une vision faussée de notre société.

On ne peut opposer, d’une part les plus modestes, vivant sous le seuil de pauvreté, et, de l’autre, les couches moyennes et modestes de la population, qui, je le répète, n’accèdent pas toujours facilement aux soins.

Je tenais à apporter cette précision. On ne peut laisser prospérer l’idée selon laquelle un tiers payant social suffirait à résoudre toutes les difficultés. Au fond, l’universalité de l’assurance maladie passe par l’universalité des droits, indépendamment de la situation financière des uns et des autres.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de Mme la ministre, qui font écho à certaines enquêtes dont j’ai eu connaissance.

Ainsi, parmi les actifs, la première catégorie à négliger le budget consacré à la santé, c’est, curieusement, celle des fonctionnaires. Cette situation s’explique par le fait que nombre d’entre eux ne perçoivent que de petits revenus.

Le tiers payant généralisé permettrait à nos concitoyens de prendre conscience de l’atout que représente la santé. Car il faut se soigner ! Or face aux loyers, aux frais d’alimentation, aux charges liées à la rentrée scolaire, le poste de dépenses le plus délaissé dans le budget des familles, c’est la santé. Cette situation est très préoccupante.

À cet égard, il faudrait se poser la question suivante : en définitive, n’est-il pas plus onéreux de renoncer à des soins que de se soigner lorsque c’est nécessaire ? Je le répète, une étude publiée il y a deux ans montre que les fonctionnaires sont les plus nombreux à renoncer à des soins, pour eux comme pour leur famille.

Bien entendu, je soutiens l’article 18, que la commission a supprimé, et je le voterai des deux mains !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Une seule suffira ! (Sourires.)

M. le président. Madame Génisson, l’amendement n° 469 est-il maintenu ?

Mme Catherine Génisson. Madame la ministre a repéré une légère différence de rédaction entre l’amendement proposé par le gouvernement et celui qu’a présenté le groupe socialiste.

Nous avons en effet ajouté au texte issu de l’Assemblée nationale la demande d’un rapport d’étape, un an après la mise en place du tiers payant généralisé, non pas pour le plaisir de demander un rapport, mais parce que le sujet le mérite.

Nous disposerons ainsi d’un état de l’application progressive de cette mesure, telle qu’elle est décrite dans le texte de l’amendement, afin de rassurer les professionnels, et nous pourrons montrer que le système fonctionne, en détaillant la situation des médecins traitants qui l’appliquent. Ce rapport suivra celui que vous avez sollicité pour le 31 octobre 2015, madame la ministre, et qui devra établir l’état de la situation en vigueur et la description du dispositif de généralisation.

Je retirerai avec plaisir mon amendement si vous acceptez de modifier le vôtre en ce sens. Je le retirerai d’ailleurs même si vous refusez ! (Rires.)

Les relations que nous entretenons avec les professionnels de santé bénéficieraient, me semble-t-il, d’un tel rapport.

M. le président. L’amendement n° 469 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous remercie de votre engagement et de la bonne volonté dont vous faites preuve, madame la sénatrice ! (Sourires.)

Je ne souhaite pas modifier le texte de l’amendement du Gouvernement. En revanche, je prends l’engagement devant la représentation nationale que le rapport prévu comportera des éléments à destination des professionnels de santé, et pas seulement des assurés. L’évaluation ne saurait tenir compte du seul point de vue des patients. Elle devra également s’attacher à celui des professionnels.

M. Gilbert Barbier. S’agit-il du rapport de 2019 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Non, de celui qui est attendu en 2017 et qui couvrira la période 2015-2017.

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 732 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Je crois avoir été claire : nos exigences vont au-delà de la proposition du Gouvernement. Il ne nous semble toutefois pas souhaitable d’affaiblir cette mesure, car elle va dans le bon sens. Nous acceptons donc bien volontiers de retirer l’amendement n° 732 rectifié au profit de l’amendement n° 1199 du Gouvernement, afin de lui ménager une chance d’être adopté.

M. le président. L’amendement n° 732 rectifié est retiré.

Madame Archimbaud, l’amendement n° 910 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Mes chers collègues, même si j’ai été coupée dans mon élan tout à l’heure, vous aurez certainement compris que le groupe écologiste apportait son soutien à la mise en place du tiers payant généralisé. Les différences rédactionnelles nous semblant très faibles, nous retirons notre amendement.

M. le président. L’amendement n° 910 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 1199.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 258 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 145
Contre 190

Le Sénat n’a pas adopté.

L’article 18 demeure donc supprimé.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais exprimer mes regrets au sujet de ce vote. Je le répète, la généralisation du tiers payant est l’un des éléments les plus importants de cette loi de modernisation de notre système de santé. La modernisation, c’est l’innovation au service de nos concitoyens !

Je regrette que le Sénat ait fait le choix de supprimer cette disposition essentielle, et je compte sur la suite du parcours parlementaire de ce texte pour lui donner une nouvelle chance.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. J’exprime quant à moi ma satisfaction que le Sénat ait répondu à la demande des médecins sur ce sujet !

Demande de réserve

Article 18 (supprimé)
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Demande de réserve (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve de l’examen de l’article 21 bis et des amendements portant article additionnel après l’article 21 bis, afin qu’ils soient examinés le lundi 28 septembre, à la reprise de la séance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission émet bien entendu un avis favorable.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...

La réserve est ordonnée.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame la ministre.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Demande de réserve (début)
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Discussion générale

5

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, lors du scrutin n° 258 portant sur l’amendement n° 1199 à l’article 18 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui vient d’avoir lieu, M. Alain Richard souhaitait s’abstenir, et non voter pour.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

6

Demande de réserve (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 18 bis (supprimé)

Modernisation de notre système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

Discussion générale
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Articles additionnels après l’article 18 bis

Article 18 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 1129 rectifié, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Masseret et Cazeau, Mmes Blondin et Jourda et MM. Karam et S. Larcher, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement présente un rapport au Parlement, avant la fin de l’année 2016, indiquant les modalités selon lesquelles il est possible d’instaurer la couverture maladie universelle complémentaire à Mayotte.

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à rétablir l’article 18 bis dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

En effet, la situation sanitaire parfois préoccupante des départements d’outre-mer va de pair avec un contexte économique difficile. C’est ainsi que le taux de chômage global est deux fois plus élevé en moyenne – pour ne pas dire trois fois ! – qu’en métropole. Quant au taux de chômage des jeunes, il oscille entre 40 % et 70 % selon les départements.

Aussi, il n’est guère étonnant que les quatre départements d’outre-mer les plus anciens – la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion – regroupent quelque 12,5 % des bénéficiaires de la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, alors qu’ils ne représentent que 3 % de la population française totale.

Mayotte, pour sa part, ne dispose pas de la CMU-C. En effet, l’île n’était pas un département lorsque cette couverture complémentaire a été instituée en 1999. Néanmoins, les besoins actuels de Mayotte en ce domaine sont tout aussi importants que ceux des autres départements d’outre-mer.

Il est donc proposé ici que le Gouvernement réalise une étude pour déterminer les modalités selon lesquelles Mayotte pourrait bénéficier de la CMU-C.

Cette disposition, vous l’aurez compris, mes chers collègues, est primordiale pour nos territoires ultramarins, qui comptent un nombre important de personnes défavorisées : plutôt que d’avancer les frais pour la consultation médicale, certaines d’entre elles préfèrent renoncer à se soigner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur de la commission des affaires sociales. Depuis l’accession de Mayotte au statut départemental en 2011, un processus d’extension du droit en vigueur en métropole a été engagé, notamment pour ce qui concerne le droit relatif à la sécurité sociale.

D’une manière générale, les corapporteurs ne sont pas favorables à la multiplication des demandes de rapports, ainsi que vous avez pu le constater tout au long de la semaine, mon cher collègue – une dizaine de rapports ont été demandés.

L’extension de la CMU-C à Mayotte a été annoncée par le Président de la République en août 2014. L’heure n’est donc plus à s’interroger sur les possibilités d’une telle extension. Au demeurant, la demande de rapport prévue dans cet amendement n’est pas de nature à accélérer le processus engagé.

En conséquence, la commission est défavorable à la demande d’un rapport supplémentaire, mais elle aimerait que Mme la ministre nous donne des éléments d’information sur l’extension de la CMU-C au département de Mayotte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le Président de la République a annoncé l’extension de la CMU-C à Mayotte, et nous partageons, monsieur le sénateur, votre souhait de transposer dans ce département le système de protection sociale qui existe dans les autres départements français. Il est temps de procéder au rapprochement des dispositifs existants.

Néanmoins, pour ce qui concerne la CMU-C, un certain nombre de difficultés se posent, qui sont bien identifiées. Des conditions techniques doivent être remplies ; je pense, par exemple, à la fiabilisation de l’état civil, élément indispensable à la certification des NIR, les numéros d’identification au répertoire, qui permettent la délivrance des cartes vitales. Un travail en la matière a commencé l’année dernière.

Je pense, également, à l’informatisation de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, dont le nouveau siège n’est pas encore construit, ou à la fiabilisation des déclarations de ressources, alors que la première déclaration d’impôt sur le revenu de droit commun porte, à Mayotte, sur les revenus de 2014.

Toutefois, plus fondamentalement, cette extension devra accompagner l’évolution du système de santé qui existe aujourd'hui sur l’île et qui devrait se traduire par la généralisation du ticket modérateur, lequel n’est, pour l’instant, quasiment jamais acquitté, ainsi que par l’apparition, par voie de conséquence, d’une offre locale de complémentaire santé.

Or il importe de ne pas bouleverser du jour au lendemain une organisation des soins qui repose essentiellement sur l’hôpital public, où les soins et les médicaments sont actuellement dispensés gratuitement aux assurés sociaux.

L’extension de la CMU-C pose, enfin, la question de l’alignement progressif des cotisations acquittées.

En ouvrant la perspective d’étendre à Mayotte la CMU-C, le Président de la République a aussi indiqué qu’un rapport serait nécessaire pour bien identifier l’ensemble des difficultés que je viens d’évoquer, et peut-être d’autres encore.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Cela a été souligné, la situation sanitaire à Mayotte est extrêmement préoccupante. Malgré des évolutions récentes, l’offre publique de soins y est très insuffisante. Elle est assurée presque exclusivement par l’hôpital, qui est quasiment saturé par l’accueil des immigrés en situation irrégulière, l’offre libérale étant pour ainsi dire inexistante.

L’île ne compte qu’une vingtaine de médecins libéraux sur le territoire pour 212 000 habitants. Avec les personnes en situation irrégulière, le taux est de 90 médecins pour 100 000 habitants.

La raréfaction des ressources médicales s’explique principalement par le manque d’attractivité du territoire, dû au coût élevé de la vie et à l’insécurité en ce qui concerne les atteintes aux biens, ainsi que, depuis peu, aux personnes.

Plusieurs rapports ont été publiés. Lors de son déplacement à Mayotte en août 2014, le Président de la République a pris des engagements. Les actions entreprises pour contenir les prix et endiguer la montée de la délinquance doivent être poursuivies, car la situation continue de s’aggraver.

Si la future loi de modernisation de notre système de santé a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire, outre-mer compris, nous savons bien que les territoires ultra-marins requièrent une attention particulière ; c’est tout spécialement le cas de Mayotte.

Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement au sujet de quelques solutions qui pourraient être mises en œuvre.

Tout d’abord, il serait possible d’étendre à l’océan indien le dispositif expérimental prévu à l’article 39 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui ouvre l’accès aux études médicales et de santé à partir d’un cursus de licence. Cette mesure ouvrirait des débouchés pour les étudiants de licence, renforcerait l’attractivité du centre universitaire de Mayotte pour les bacheliers issus des lycées mahorais et contribuerait au développement d’une offre locale de formation supérieure.

Ensuite, il serait souhaitable de pérenniser l’aide exceptionnelle attribuée au conseil départemental de Mayotte en direction des non-assurés sociaux et de porter cette dotation financière à 3,5 millions d’euros pour maintenir le niveau des prestations et de prise en charge de proximité assuré par le service de protection maternelle et infantile de Mayotte.

De fait, ce service dont l’activité est cruciale dans un département où, comme chacun sait, le nombre de naissances est très élevé, et qui constitue le premier niveau de prise en charge pour de nombreux enfants et pour le suivi des femmes enceintes, est aujourd’hui dans une situation financière qui compromet l’exercice même de ses missions, en raison notamment de l’absence d’aide médicale d’État.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, de grâce, faites respecter les temps de parole !

Mme Dominique Gillot. Enfin, il faudrait réfléchir à l’implantation de structures médico-sociales pour les personnes âgées dépendantes, puisque la population de Mayotte, aujourd’hui extrêmement jeune, commencera bientôt à vieillir.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Dominique Gillot. Comme vous, madame la ministre, monsieur le corapporteur, je pense que la réalisation d’une étude supplémentaire destinée à préciser les modalités de l’instauration de la CMU-C à Mayotte n’est pas suffisante. Il est maintenant important d’agir !

M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue !

Mme Dominique Gillot. C’est pourquoi j’ai tenu à me faire l’écho de la position de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui a été obligé de quitter le Sénat pour prendre son avion. Je demande au Gouvernement de décider d’un calendrier.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Pour détendre un peu l’atmosphère, je ferai remarquer à M. Cornano que, si j’étais à sa place, je serais quelque peu inquiet : puisque Mme la ministre a donné son accord pour un rapport sur les modalités selon lesquelles il sera possible d’instaurer la CMU-C à Mayotte, cette mesure n’est pas près d’être prise ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1129 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme Catherine Procaccia. Un rapport de plus !

M. le président. En conséquence, l’article 18 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 18 bis (supprimé)
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Article 18 ter (nouveau)

Articles additionnels après l’article 18 bis

M. le président. L’amendement n° 913, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 18 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ouvre également droit à la couverture complémentaire mentionnée au premier alinéa du présent article le bénéfice du droit mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles. »

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er septembre 2016.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Les auteurs de cet amendement proposent une simplification administrative destinée à faciliter l’accès aux droits.

Les droits à la CMU-C sont théoriquement ouverts dans un délai de deux mois après le dépôt du dossier de demande complet et pour une période d’un an renouvelable. Or la constitution d’un dossier complet est complexe pour les demandeurs, surtout pour le public visé, particulièrement touché par la précarité.

L’instruction annuelle de la demande par la caisse d’assurance maladie entraîne des lourdeurs administratives, de graves difficultés pour les équipes des CPAM et des coûts de gestion importants, ainsi qu’un taux de non-recours qui reste très élevé : en d’autres termes, un certain nombre de nos concitoyens n’ont pas accès aux soins, ou très tardivement, de sorte que leurs pathologies s’aggravent, et avec elles leur coût social.

Ces coûts sont évitables pour une partie des bénéficiaires de la CMU-C : ceux qui sont allocataires du RSA socle. En effet, les conditions de ressources du second dispositif sont inférieures à celles du premier. D’ailleurs, aux termes de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, les allocataires du RSA socle sont « réputés satisfaire aux conditions » ouvrant droit au bénéfice de la CMU-C.

Mes chers collègues, nous vous proposons de tirer toutes les conclusions de ce lien entre le RSA socle et la CMU-C en rendant automatiques l’ouverture et le renouvellement des droits à la seconde pour les allocataires du premier.

D’après les informations que nous avons recueillies, les systèmes informatiques permettront, dans les semaines à venir, aux CPAM et aux caisses d’allocations familiales, chargées respectivement de la CMU-C et du RSA socle, d’échanger les informations nécessaires à la mise en place de cette mesure. Il serait inutile et coûteux, sur le plan humain et financier, que les CPAM recommencent le travail de vérification des ressources déjà réalisé par les CAF. L’adoption de cet amendement serait donc une source d’économies, en plus d’offrir à des personnes qui n’y parviennent pas aujourd’hui la possibilité de faire ouvrir leurs droits.

Cette mesure est aussi la première proposition du rapport du Défenseur des droits sur les refus de soins des bénéficiaires de la CMU-C. Dans ce document remis au Premier ministre en mars 2014, le Défenseur des droits explique que « pour les allocataires du RSA socle, qui bénéficient d’un droit à affiliation partiellement automatique à la CMU-C sous réserve de l’accomplissement de certaines formalités, le taux de non-recours s’élevait à plus de 28 % en 2010 ».

Depuis lors, le phénomène de non-recours lié à la grande complexité administrative des démarches s’est aggravé, puisque, selon le fonds CMU, le taux de non-recours à la CMU-C parmi les allocataires du RSA socle atteignait 36 % en 2013, ce qui est considérable.

J’ai souvent défendu cette proposition, notamment lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale ; on m’a répondu, non sans raison, que cette question serait traitée dans le cadre du projet de loi relatif à la santé. Nous y sommes !