M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous avons choisi de ne pas appliquer cette règle, mais il faut la modifier pour l’avenir.

Par ailleurs, les dates de revalorisation, au nombre de cinq, sont différentes selon les prestations, de même que les indices pris en compte pour le calcul.

C’est pourquoi nous proposons deux choses. D’une part, il convient de retenir seulement deux dates de revalorisation : le 1er octobre, sans changement, pour les retraites et le 1er avril pour toutes les autres prestations. D’autre part, nous proposons de supprimer tout risque de régularisation négative, puisque la revalorisation se fera en fonction d’évolutions connues, et non plus prévisionnelles. (Mme Nicole Bricq opine.)

Cette réforme est neutre à long terme pour les finances publiques comme pour les particuliers. Elle aura, dans le contexte de très faible inflation que nous connaissons actuellement, un impact positif sur l’ensemble des finances publiques, de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros à court terme.

Enfin, je voudrais revenir rapidement sur les 7,4 milliards d’euros d’économies réalisées dans la sphère sociale en 2016, des interrogations s’étant fait jour sur ce point. Or je souhaite qu’il n’y ait pas d’ambiguïté s’agissant de la réalité de ces économies.

Les mesures en question se décomposent de la manière suivante : 3,4 milliards d’euros d’économies sur l’ONDAM ; 1 milliard d’euros correspondant à l’impact en 2016 de la modulation des allocations familiales, laquelle produit des effets croissants, et des mesures de la loi sur les retraites, telles que la réforme du cumul emploi-retraite ; 3 milliards d’euros résultant d’autres mesures.

Je veux ici en donner le détail :…

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … 500 millions d’euros d’économies sur les dépenses de gestion des organismes de protection sociale ; 500 millions d’euros au titre de la réforme des modalités de revalorisation des prestations, déjà évoquée ; 300 millions d’euros liés aux mesures de lutte contre la fraude et au ralentissement des dépenses d’action sanitaire et sociale des organismes ; 1 milliard d’euros d’économies attendues à la suite de la négociation entre les partenaires sociaux au titre de la réforme des retraites complémentaires, l’accord signé devant conduire à un résultat proche de cette prévision ; 800 millions d’euros de nouvelles économies dans le champ de l’assurance chômage – c’est ce qui reste à confirmer en fonction de l’évolution de la négociation.

Je viens de décrire dans le détail les propositions d’économies qui sont les nôtres. C’est sur la base de ces mesures qu’est fondée la trajectoire de redressement des comptes que nous vous proposons, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’ai noté que, lors de l’examen du texte, la commission des affaires sociales du Sénat a été favorable au plus grand nombre des dispositions du projet de loi, notamment celles qui ont un impact financier important. La commission reconnaît d’ailleurs que ces mesures vont dans le bon sens. Bien entendu, le rapporteur général s’interroge, et c’est son rôle, sur certaines de nos hypothèses, notamment concernant la progression de la masse salariale. Mais là aussi, dans la mesure où nos prévisions pour les deux dernières années se sont avérées justes, et au vu des avis du Haut Conseil des finances publiques ou des prévisions des organismes économiques indépendants, nos hypothèses sont tout à fait raisonnables, accordez-le-nous.

Dès lors, je m’étonne que la commission envisage d’adopter ce texte tout en en retirant les prévisions de recettes, de dépenses et de solde qu’il doit nécessairement comporter. C’est d’autant plus incompréhensible que cette décision serait, si je comprends bien, justifiée non pas par les mesures contenues dans ce projet de loi mais par celles qu’il ne comporte pas.

Mais dans ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, il vous revient de proposer et d’adopter les dispositions qui vous paraissaient propres à garantir la trajectoire de redressement des comptes sociaux à laquelle vous aspirez. Quelles sont ces mesures ? Nous aurons ce débat.

Enfin, il me faut rappeler que, si nous faisons ces économies, c’est pour nous donner les capacités de financer notre politique.

Il s’agit d’abord de financer notre politique de santé et de protection sociale, sans sacrifier les droits des assurés, mais en les renforçant. Plusieurs mesures, présentées par Marisol Touraine, visent ainsi à améliorer les prestations versées aux assurés.

Je prends l’exemple de la santé. L’ONDAM est fixé pour 2016 à 185,2 milliards d’euros, soit 3,3 milliards d’euros de plus qu’en 2015, mais aussi 3,4 milliards d’euros de moins que le montant qui aurait été atteint en cas d’évolution spontanée. Ce sont là de vraies économies. Bien évidemment, lorsque l’on dépense moins que le niveau auquel nous amènerait l’évolution tendancielle des dépenses sans mesure nouvelle, il y a nécessairement un effort d’économie.

S’agissant de l’assurance maladie, je souligne que, depuis 2012, l’objectif de dépenses a été respecté chaque année. L’avis du comité d’alerte d’octobre confirme cette maîtrise pour 2015 et valide la construction de l’ONDAM 2016.

L’objectif d’augmentation de 1,75 % est exigeant ; c’est d’ailleurs le taux le plus bas depuis la création de l’ONDAM en 1997, mais il est fixé en garantissant le respect de la qualité des soins aux assurés.

Par ailleurs, nous mettons en œuvre des mesures en faveur de nos concitoyens. Je pense notamment à la suppression des cotisations minimales d’assurance maladie des exploitants agricoles et des travailleurs indépendants. Il s’agit d’une proposition issue du rapport, remis au Premier ministre, des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier sur le régime social des indépendants. Elle s’inscrit dans une refonte plus globale des cotisations sociales payées en cas de revenu très faible. Nous proposons ainsi d’améliorer les droits à la retraite des travailleurs indépendants dont les revenus sont les plus faibles.

Dans ce domaine, le Gouvernement a fait preuve non seulement de réactivité, mais aussi d’anticipation. Ainsi, il a déjà mis en œuvre la plupart des mesures recommandées en 2014 par vos collègues MM. Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy dans leur rapport. Il s’agissait notamment de mettre en place la régularisation anticipée des cotisations sociales dès que le revenu de l’année précédente est connu. Ce système est aujourd’hui en vigueur, et a été très bien accueilli par les assurés.

Ces économies nous permettent aussi de financer notre politique économique, en poursuivant la baisse des prélèvements sur les entreprises et les ménages.

Ce PLFSS met en œuvre les mesures du pacte de responsabilité applicables en 2016, telles qu’elles ont été présentées voici dix-huit mois, à savoir la baisse de la C3S – la contribution sociale de solidarité des sociétés – et des cotisations familiales, afin de favoriser l’emploi et de permettre une amélioration des marges des entreprises.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale du projet de loi de finances, nous attachons en effet un prix élevé à la stabilité des orientations données en matière de prélèvements obligatoires.

S’agissant de l’existant, notre politique est simple et consiste à maintenir les dispositifs qui fonctionnent. Je pense notamment au crédit d’impôt recherche, mais aussi au CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la transformation en allégement de cotisations peut constituer une perspective à terme. Pour autant, ce crédit d’impôt ne doit pas être remis en cause, alors même que les entreprises se l’approprient pour de bon :…

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … les chiffres relatifs aux créances de 2015 le montrent.

Nous mettons en place depuis deux ans une politique économique qui suit un cap clair, et nous nous y tenons.

Nous prévoyons de réaliser pas moins de 9 milliards d’euros d’allégements supplémentaires pour les entreprises en 2016, auxquels contribuent deux mesures comprises dans ce PLFSS.

Il s’agit tout d’abord de la baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires inférieurs à 3,5 SMIC qui sera réalisée à compter du 1er avril prochain. Pour conserver une enveloppe globale constante, ce décalage tient compte des mesures décidées cette année en faveur des entreprises et dont elles bénéficient déjà, pour certaines, dès 2015, je pense notamment au suramortissement des investissements.

Il s’agit ensuite de la baisse de la C3S, qui se poursuit. Nous avons fait le choix d’un abattement, qui est porté à 19 millions d’euros. Cela favorise les TPE et PME, puisque 80 % des entreprises qui en restaient redevables en seront exonérées. Par ailleurs, ce ciblage permet de faire bénéficier les entreprises industrielles d’une proportion importante de l’exonération,…

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … soit 250 millions d’euros.

Enfin, nous menons aussi cette politique pour financer notre modèle social et en assurer la pérennité.

Vous ne manquerez pas de relever que, comme l’année dernière, c’est l’État, et non la sécurité sociale, qui supportera intégralement les baisses de recettes.

Là encore, les engagements qui ont été pris sont tenus. Comme l’année dernière, la compensation sera réalisée par le transfert au budget de l’État de certaines dépenses aujourd’hui retracées dans les comptes de la sécurité sociale, dans une logique de rationalisation. Il s’agit notamment du transfert du reste des dépenses liées aux allocations logement.

Cet effort supplémentaire de plus de 5 milliards d’euros explique pourquoi, malgré l’ampleur des économies, le solde nominal de l’État se réduirait de l’ordre de 1 milliard d’euros en 2016.

Alors que certains leaders de l’opposition entendent « baisser les impôts par l’ascenseur, et les dépenses par l’escalier » – ce qui ne manquerait pas de creuser les déficits –, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que nous, nous sommes en mesure, avec la volonté de prendre les mesures d’économie sans renoncer à nos priorités, de réaliser simultanément des baisses de prélèvements et des déficits publics.

Dans le cadre de l’article concerné, nous traitons aussi les suites de l’arrêt dit « de Ruyter » de la Cour de justice de l’Union européenne, sur lequel je me suis exprimé de manière très détaillée auprès de votre commission. Je ne préciserai devant vous que deux points supplémentaires, mais ils sont d’importance.

D’abord, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin de garantir que les personnes qui entrent dans le champ de cet arrêt puissent, pour le passé, bénéficier d’un remboursement des prélèvements effectués à tort, en application de la décision du Conseil d’État. Vous avez sans doute pris connaissance de la communication réalisée par la direction générale des finances publiques au mois d’octobre dernier. La procédure est en cours.

En outre, un certain nombre de parlementaires nous ont interpellés sur la situation de certains redevables qui, dans l’attente de l’issue des contentieux, ont tardé à déposer leurs réclamations. M. le député Philip Cordery m’a ainsi écrit, parmi d’autres, afin que soit prise en compte la situation des personnes qui sont devenues assujetties en 2012.

J’ai donc demandé à l’administration fiscale de permettre à ces personnes – comme elle peut le faire, sur la base d’une disposition réglementaire en vigueur – de déposer le cas échéant une demande de remboursement au titre des prélèvements qu’elles auraient payés en 2012.

Ensuite, et j’insiste sur ce point, rien ne nous interdit juridiquement de soumettre les non-résidents aux prélèvements sur le capital, ni de prélever un impôt sur l’ensemble des redevables, y compris ceux qui ne sont pas affiliés en France, dès lors que ces recettes ne participent pas au financement de prestations réservées aux assurés de la sécurité sociale en France.

M. Yves Daudigny. Voilà qui est très précis !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons que notre système de protection sociale puisse continuer d’assurer aux générations futures les mêmes garanties que celles dont nous bénéficions aujourd’hui.

Ce texte y contribue très largement en sécurisant notre trajectoire de réduction du déficit public, en introduisant des mesures en faveur de l’activité et de la croissance, mais aussi en créant les conditions d’un rétablissement progressif de la confiance des assurés, puisque les résultats constatés depuis plusieurs années confortent plus que jamais nos prévisions pour les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la crise a conduit l’ensemble des pays européens à accroître leurs dépenses sociales dans une première phase, laissant le système de protection sociale jouer son rôle d’amortisseur, puis à organiser leur reflux.

La France ne fait pas exception à cette règle, avec trois singularités notables : notre pays était déjà, avant la crise, caractérisé par un niveau de dépenses élevé et par des déséquilibres structurels ; il a non seulement accompagné le mouvement d’augmentation des dépenses, mais l’a amplifié par des dépenses supplémentaires ; il a engagé beaucoup plus tardivement que ses partenaires, en 2015, un processus de maîtrise des dépenses.

C’est pourquoi les finances sociales restent un enjeu majeur de la crise des finances publiques que connaît notre pays, avec des dépenses très élevées, une dette préoccupante, une croissance toujours aussi atone et, surtout, un chômage massif.

Seul point positif à cette absence de reprise : le niveau toujours très bas des taux d’intérêt, qui modère le coût de notre endettement.

La tendance est à l’amélioration des comptes – c’est vrai, j’en donne acte au Gouvernement –, mais de façon limitée au regard de l’effort massif demandé depuis trois ans, en termes de prélèvements obligatoires, aux ménages et aux entreprises : en 2015, plusieurs milliards d’euros de recettes nouvelles, mais une réduction du déficit de seulement 400 millions d’euros.

En 2016, les administrations de sécurité sociale, les ASSO, retrouveraient l’équilibre, avec un excédent de 1,3 milliard d’euros – pour 582,6 milliards d’euros de dépenses –, contre un déficit de 6,2 milliards d’euros en 2015.

Ce redressement spectaculaire appelle quelques précisions.

Tout d’abord, ce chiffre comprend les contributions positives de la CADES et du Fonds de réserve pour les retraites. Sans elles, le déficit atteint 14,7 milliards d’euros.

Ensuite, 5 milliards d’euros de dépenses auront été transférés à l’État au titre de la compensation du pacte de responsabilité : le déficit des ASSO diminue de 0,4 point de PIB, celui de l’État de 0,1 point.

Enfin, il faut signaler – pour mémoire – qu’en 2008, avant la crise, ce même solde était positif de 14 milliards d’euros.

Venons-en au PLFSS proprement dit.

En 2016, le déficit de l’ensemble régime général et FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, serait de 9,7 milliards d’euros, pour 352 milliards d’euros de dépenses.

Ce montant comprend 3,7 milliards d’euros pour le FSV, qui reste et – si l’on en croit les perspectives pluriannuelles – restera le symbole du financement de la protection sociale par le déficit.

Le ralentissement des dépenses est réel, s’agissant en particulier des risques famille et vieillesse, à la suite des réformes récentes. En revanche, le déficit de la branche maladie se maintient à un niveau particulièrement élevé, malgré un ONDAM dont le taux de progression est encore réduit. Le constat est simple : les comptes ne se redressent que là où un effort bien réel a été supporté par les assurés.

J’évoquerai plus particulièrement trois mesures de ce projet de loi.

Ce projet porte la deuxième étape du pacte de responsabilité.

Cette évolution me paraît acter un changement de la nature des allégements de charges : il ne s’agit plus seulement de soutenir l’emploi, il s’agit également de financer autrement la protection sociale, en pesant moins sur les salaires.

Cette évolution reste néanmoins mesurée. Les cotisations sociales représentaient 55 % des recettes en 2014, elles en représenteront 55,4 % en 2016.

On peut regretter que la réduction des cotisations famille n’intervienne qu’à compter du 1er avril 2016, alors qu’elle avait été annoncée pour le 1er janvier. Le Gouvernement a fait valoir que des mesures supplémentaires avaient été prises en faveur des entreprises, ce qui est exact, même si celles-ci n’ont pas été présentées comme alternatives au pacte de responsabilité. La question qui nous est posée est donc très simple : pour financer ce milliard supplémentaire, faut-il augmenter d’autant les prélèvements – alors que la mesure à compenser vise à les réduire – ou réduire les dépenses – et, dans ce cas, lesquelles ?

C’est pourquoi la commission des affaires sociales s’est sagement gardée de présenter des amendements sur ce calendrier des allégements.

Ce projet de loi comporte également, comme à l’accoutumée, des mesures de redéploiement de recettes, ce que d’aucuns appellent la « tuyauterie du PLFSS ».

Cette année, ces redéploiements prennent une ampleur particulière en raison de la solution proposée par le Gouvernement pour se mettre en conformité avec l’arrêt « de Ruyter » de la Cour de justice de l’Union européenne.

Je ne reviens pas sur le détail de cette affaire, sinon pour rappeler que l’intéressé était résident fiscal en France, mais non affilié au régime français de sécurité sociale. C’est donc bien des non-affiliés que nous parlons et de prélèvements de 250 à 300 millions d’euros, selon les informations que vous nous avez transmises, monsieur le secrétaire d’État.

Pour se mettre en conformité avec l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, le Gouvernement a décidé, à l’article 15, d’affecter le produit de tous les prélèvements sociaux sur les revenus du capital au FSV au titre des prestations non contributives, à la CADES et à la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce qui représente un total de transferts de 18 milliards d’euros.

Malgré ce véritable chamboulement, cette solution me paraît fragile, pour deux raisons principales.

En premier lieu, dans son arrêt, la Cour exclut clairement une affectation de ces recettes au financement de la sécurité sociale ou à l’apurement de sa dette – ce à quoi une affectation à la CADES contrevient clairement.

Deuxièmement, dans le règlement communautaire de 1971, la distinction entre prestations contributives et non contributives n’est pas aussi claire que le laisse entendre la proposition du Gouvernement.

Selon moi, une affectation de ces recettes au budget de l’État aurait été préférable, plus sécurisée. À défaut, une clarification du règlement de 1971 est impérative.

L’article 17 procède, quant à lui, à une anticipation du calendrier de transfert de dette de l’ACOSS à la CADES. Il s’agit d’une mesure de bonne gestion, qui laisse entier le problème du stock de dettes que les déficits alimentent chaque année : d’ici à la fin de la période couverte par la programmation, une dette de 30 milliards d’euros sera reconstituée à l’ACOSS. Une décision devra donc être prise en 2017. Les paramètres sont connus : reporter la dette sur les générations futures, ou augmenter la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

S’agissant de la programmation pluriannuelle, l’annexe B du projet de loi, qui lui est en principe consacrée, ne comporte que très peu d’éléments au-delà de l’année 2016, et rien sur l’ONDAM, ce qui n’est pas conforme aux dispositions organiques qui lui sont applicables.

Cette annexe prévoit un retour à l’équilibre retardé et différé après 2019, malgré des hypothèses d’inflation et d’évolution de la masse salariale comparables à celles qui prévalaient avant la crise, et donc très optimistes.

Voici, madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, mes chers collègues, les principales observations de la commission des affaires sociales.

Sur les orientations générales du texte, la commission propose au Sénat l’adoption des première et deuxième parties relatives aux comptes des années 2014 et 2015. Cette position n’est en rien une approbation de la politique menée : il s’agit d’un exercice clos et d’un exerce en voie de l’être.

En revanche, les équilibres généraux pour 2016 ne sont pas satisfaisants, contrairement aux propos que vous avez tenus à cet égard, monsieur le secrétaire d’État. Cette insatisfaction n’a pas tant pour cause le contenu de ce texte – qui est somme toute très technique et qui va d’ailleurs dans le bon sens – que ce que nous n’y trouvons pas, à savoir des mesures fortes et des objectifs pluriannuels, propres à rétablir l’équilibre à court terme, dans deux branches en particulier : la vieillesse et l’assurance maladie.

J’en viens justement aux dispositions relatives à l’assurance maladie, qui constituent l’objet de près d’une trentaine d’articles du PLFSS.

On y trouve plusieurs sujets déjà abordés lors de la discussion du projet de loi relatif à la santé, mais cette fois sous l’angle du financement des mesures. Je pense notamment à l’article 42, qui s’inscrit dans le mouvement de réforme de la filière visuelle, engagé à travers les amendements que le Gouvernement a présentés lors de l’examen de la loi « santé ». Plusieurs de ces articles présentent un aspect très technique ; je ne m’y attarderai donc pas.

Je relève toutefois l’article 44, qui prévoit la pérennisation de l’expérimentation conduite par l’ARS Pays de la Loire sur l’organisation de la permanence des soins ambulatoires, ainsi que sa possible extension à toute ARS volontaire. Voilà une bonne mesure, qui peut effectivement contribuer à améliorer l’accès aux soins, et aussi à faire des économies ! Ces dispositions me paraissent très intéressantes et montrent qu’il est possible d’imaginer des solutions sur ce sujet épineux.

Je me concentrerai sur les quatre articles dont la portée me semble la plus importante.

La principale mesure de ce texte est incontestablement la création d’une « protection universelle maladie », communément appelée « PUMA », prévue par l’article 39.

Cette PUMA n’a d’universel que le nom : elle ne prévoit aucune disparition des quatorze régimes et quatre-vingt-trois opérateurs qui forment notre protection sociale. Il s’agit finalement d’une réforme administrative d’ampleur pour les caisses.

Concrètement, le droit à la prise en charge des frais de santé au moyen des prestations en nature de l’assurance maladie sera garanti à toute personne majeure résidant durablement et légalement en France, et ce sans condition supplémentaire.

On ne peut qu’approuver le principe : cette mesure devrait simplifier la vie des assurés sociaux. Nous nous interrogeons cependant sur les modalités de son application. La tâche des différents régimes et des administrations, en matière de mise en œuvre informatique et de rédaction de textes réglementaires, apparaît en effet considérable.

Le directeur général de la CNAM, la Caisse nationale de l’assurance maladie, nous a par exemple indiqué que quatre millions d’ayants droit majeurs figurent parmi les affiliés du régime général, et qu’il faudra organiser leur basculement vers l’affiliation directe.

Nous souhaitons donc, madame la ministre, que vous puissiez nous dire dans quelle mesure tous les régimes – je dis bien « tous » ! – sont bien en capacité de mettre en œuvre ce dispositif, et surtout de quels moyens et de quel accompagnement ils pourront bénéficier.

Une deuxième réforme d’ampleur est celle de la nouvelle tarification des soins de suite et réadaptation, ou SSR, à l’article 49. Cette réforme, dont le principe fait consensus, tend à mettre en place une nouvelle forme de tarification constituée de deux parties : une dotation forfaitaire et une part de rémunération fondée sur l’activité. En cas de succès, cette réforme de la tarification pourrait incontestablement servir de modèle à d’autres établissements.

Malheureusement, les bases sur lesquelles les nouveaux tarifs doivent être établis apparaissent incertaines ; elles sont fortement contestées par les établissements privés lucratifs. De fait, les tarifs proposés se fondent sur des études nationales de coût, dont l’article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à renforcer la fiabilité. On comprend l’inquiétude que suscite cet article pour des établissements dont la pérennité dépend de la réforme, alors que, encore une fois, le principe d’une réforme de la tarification des SSR est accepté par tous. Nous proposons donc au Sénat des amendements destinés à lever ces incertitudes.

Deux mesures importantes concernent enfin non pas la sécurité sociale, mais les organismes complémentaires. D’ailleurs, madame la ministre, nous nous interrogeons sur leur place au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale, même si cela a le mérite d’introduire les complémentaires dans la sphère publique budgétaire.

Il faut sans doute voir plus modestement dans le rattachement de ces mesures une question de calendrier, puisque le régime des complémentaires d’entreprise obligatoires sera généralisé au 1er janvier prochain.

L’article 21 est celui qui pose le plus de difficultés. Il s’agit de prévoir un mécanisme d’appel d’offres. Après le passage à l’Assemblée nationale, c’est devenu une labellisation des contrats de complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. L’enjeu est de tirer les conséquences de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, qui, en prévoyant l’obligation de contrats collectifs pour les salariés, les fait basculer à l’âge de la retraite sur des contrats individuels beaucoup plus chers.

Je note à ce propos qu’il existe de multiples dispositifs permettant aux personnes de plus de soixante-cinq ans ayant des revenus modestes d’accéder à une complémentaire santé, à commencer par la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et l’aide pour une complémentaire santé, l’ACS, dont le seuil d’accès a d’ailleurs été modifié l’année dernière pour les personnes de plus de soixante ans.

Je remarque également que les mécanismes de mutualisation des risques sont les seuls véritablement susceptibles de faire baisser les primes pour les plus de soixante-cinq ans et que certains existent déjà, notamment pour les mutuelles de la fonction publique.

J’observe, enfin, que l’article pose des questions relatives à l’emploi dans le secteur des assurances complémentaires.

Dès lors, la commission des affaires sociales vous propose de supprimer cet article et d’attendre sagement le rapport demandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Je le souligne, son analyse semble partagée par la grande majorité des groupes politiques de notre assemblée.

La commission des finances propose pour sa part un autre mécanisme que celui qui est prévu à l’article 21. Cette solution paraît de nature à mieux atteindre l’objectif ; nous la soutiendrons.

L’article 22 offre un droit d’option aux salariés en contrat court entre la complémentaire d’entreprise et un chèque permettant l’adhésion à un contrat individuel responsable. À quelques semaines de l’entrée en vigueur des dispositifs collectifs négociés par les entreprises, cette mesure paraît malvenue. En effet, s’il est souhaitable de garantir la couverture complémentaire des salariés en situation atypique, pour ne pas dire précaire, il ne saurait être question de remettre en cause l’équilibre des accords déjà négociés, et ce au moment même où ils doivent entrer en application. La commission des affaires sociales s’en remettra finalement, pour améliorer ce dispositif, aux amendements identiques déposés par nos collègues de la majorité et de l’opposition.

Ainsi que je vous l’ai indiqué à propos des équilibres généraux, il n’est possible aujourd’hui de résorber le déficit que par une baisse des dépenses, ce qui a été entrepris. Aussi la commission des affaires sociales et la commission des finances proposeront-elles un dispositif que nous avons adopté l’année dernière et qui paraît plus que jamais nécessaire : la mise en place de trois jours de carence pour l’ensemble des personnels hospitaliers.

Cette mesure législative devrait, selon nous, s’accompagner de plusieurs mesures d’ordre réglementaire ou de gestion, dont l’adoption incombe au Gouvernement ; je les détaillerai au moment de l’examen de l’ONDAM.

Je conclus. Le soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale a été l’occasion de célébrer un modèle parfois fantasmé. La sécurité sociale d’aujourd’hui n’a que peu à voir avec celle des origines, qui, je le rappelle, mobilisait en tout et pour tout environ 15 % de la richesse nationale. Loin de s’éloigner d’un âge d’or, elle a, au contraire, connu une expansion continue.

La population française augmente ; elle vieillit et bénéficie de soins plus efficaces et plus sophistiqués. C’est précisément pour faire face à ces besoins légitimes que notre système de protection sociale doit évoluer, s’adapter, interroger son organisation et ses pratiques dans une logique de solidarité, que nous ne renions pas, mais aussi d’équité entre les Français et entre les générations.

Vaste programme, me direz-vous… Et, j’en conviens, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peut sans doute pas y répondre seul. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)