Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, vous avez une équation fort difficile à résoudre – M. le secrétaire d’État chargé du budget l’a rappelé tout à l’heure. Il vous faut tout à la fois redresser la situation financière, faire des économies et financer vos priorités. Certes, l’opposition manie les chiffres de manière différente, mais force est de constater que je ne l’ai pas entendu formuler d’autres propositions : elle ne conteste pas le fait que les économies prévues sont bien réalisées. Je souhaite d’ailleurs rappeler à nos collègues de l’opposition que la réduction du rythme spontané de la dépense sociale représente un changement de paradigme.

Qui plus est, je note que le Gouvernement ne regarde pas uniquement les dépenses, il se fixe aussi un horizon crédible en matière de recettes.

Madame la ministre, vous arrivez à résoudre cette équation et je crois que nous le devons à votre opiniâtreté, à votre conviction et à votre rigueur. Depuis trois ans, vous avez une ligne de conduite : limiter, voire réduire, la charge sociale qui pèse sur les plus modestes et leur garantir un accès à la santé.

Le cadre financier est certes contraint, mais il est quelque peu meilleur en cette fin d’année 2015 que lors des deux années précédentes, d’un point de vue tant macroéconomique que microéconomique. Ainsi, une bonne nouvelle a été annoncée sur l’emploi…

M. Jean Desessard. Cela se verra aux élections régionales !

Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas crier victoire ! Ce serait immodeste et déplacé, mais il faut aussi accepter les bons signes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Delattre. Avec 600 000 licenciements, la « bonne » nouvelle est relative…

Mme Nicole Bricq. Les défaillances d’entreprises sont moins nombreuses et les chefs d’entreprise se saisissent petit à petit des outils qui ont été mis en place, notamment dans le cadre du pacte de responsabilité. Finalement, le climat des affaires s’améliore. C’est pourquoi mon propos se limitera à quelques articles qui ont une portée économique et financière, en particulier en lien avec la mise en œuvre de ce pacte.

Tout d’abord, les entreprises ont certainement compris et assimilé le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, qui avait donné lieu à beaucoup de débats il y a deux ans, un peu moins l’année dernière et quasiment pas cette année… Sachez monsieur Desessard que le CICE a sauvé et créé des emplois : l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, estime ainsi à 140 000 le nombre d’emplois créés en deux ans.

Mme Nicole Bricq. L’investissement n’est pas encore au rendez-vous, mais les marges retrouvées par les entreprises et le mécanisme de suramortissement que nous avons voté dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques devraient enclencher un cycle positif. En 2016, nous disposerons d’une étude complète du comité de suivi du dispositif, qui éteindra – j’en suis sûre – la querelle des contreparties.

L’effort inédit consenti par la nation au travers des projets de loi de financement de la sécurité sociale doit faire réfléchir ceux qui, sur les bancs de l’opposition, crient au scandale quand le Gouvernement propose, dans l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, de décaler de trois mois la mesure tendant à réduire les cotisations patronales de la branche famille. Ils savent très bien qu’il s’agit de financer d’autres dispositions prises en faveur des entreprises, dont le suramortissement que je viens d’évoquer.

Le rapporteur général a regretté ce report, mais il tient tout de même des propos d’une grande lucidité dans le rapport qu’il a présenté à la commission : « il s’agit autant d’un aménagement du financement de la protection sociale que d’une politique de l’emploi, dans la mesure où 90 % des salariés seront désormais concernés par des mesures d’allégements ou de réduction de cotisations ».

Dans une logique identique de soutien aux entreprises, j’ai proposé un amendement qui vise à réparer une erreur matérielle liée à une modification apportée par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Alors même qu’il a été déposé dans les délais réglementaires et que la commission des affaires sociales l’a examiné ce matin avec bienveillance, je viens d’apprendre, il y a seulement trente minutes, que la commission des finances l’a déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Lorsque j’exerçais des responsabilités à la commission des finances, j’étais présente pour examiner les amendements en temps et en heure, y compris le dimanche !

Mon amendement vise à permettre à des jeunes de moins de 26 ans de bénéficier de l’aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise, l’ACCRE, et je souhaiterais, au regard de son objet et alors même que la modification avait été votée de manière consensuelle par le Sénat lors de l’examen de la loi « croissance et activité », que le Gouvernement reprenne cet amendement.

Je souhaiterais également saluer l’engagement constant du Gouvernement concernant la baisse de la contribution sociale de solidarité des entreprises, la C3S, dont les entreprises industrielles bénéficient à hauteur du quart. En 2015, 200 000 entreprises en ont tiré parti, elles seront 80 000 de plus en 2016. En effet, l’article 8 du PLFSS prévoit que, à compter de l’année prochaine, une PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 19 millions d’euros ne payera plus cette contribution.

En ce qui concerne le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui est en partie alimenté par la C3S, l’article 15 du PLFSS prévoit une refonte de l’architecture de son financement, qui permet également au Gouvernement de tirer les conséquences de l’arrêt de Ruyter de la Cour de justice de l’Union européenne. Le produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, y compris pour les Français qui exercent leur activité à l’étranger, est par là même réaffecté, ce qui a suscité des réactions et des amendements de la commission.

Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais je souhaite dire, dès l’abord, que nous soutiendrons le choix du Gouvernement de mettre un terme au contentieux, en affectant le produit des revenus du capital à la section non contributive du FSV. Il me paraît en effet prioritaire de préserver l’unité de la CSG. En outre, une somme comprise entre 250 et 300 millions d’euros serait dégagée par cette modification, ce qui est naturellement utile au FSV.

De son côté, la commission des affaires sociales estime que l’article 15 du PLFSS ne clôt pas le contentieux et le rapporteur général a proposé un amendement visant à supprimer la référence au « financement d’avantages non contributifs instaurés au bénéfice des retraités de l’ensemble des régimes ».

Au-delà de l’interprétation différente ainsi développée, cet amendement vient couper la route du Gouvernement et nous ne pourrons pas suivre la proposition de la commission. D’ailleurs, présentée comme plus sûre et dans l’intérêt de la France, cette mesure me semble, finalement et sans faire de procès d’intention, plus orientée par une motivation politique que juridique.

M. Gérard Dériot. Ce n’est pas l’habitude du rapporteur général !

Mme Nicole Bricq. Nous en reparlerons au moment de l’examen de l’article et de l’amendement.

Madame la ministre, lors de votre intervention liminaire, vous avez indiqué que vous présentiez un PLFSS « de progrès ». Je retiens ce terme ! Au sein du groupe socialiste, nous sommes des acteurs du progrès, en conséquence de quoi nous vous soutiendrons et nous voterons toutes les dispositions que vous nous proposez. Nous ne sommes certes pas des « godillots » – pour reprendre une expression parfois utilisée – et nous aurons bien évidemment des débats. Mais nous vous soutiendrons et nous vous remercions de l’opiniâtreté dont vous faites preuve pour défendre votre ministère, dans l’intérêt des Français les plus modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je m’associe aux compliments qui ont été adressés aux rapporteurs par mes collègues qui se sont succédé à cette tribune.

On a toujours beaucoup de plaisir et on s’enrichit toujours à lire les rapports sur les PLFSS, qui améliorent notre connaissance de ce sujet très complexe qu’est le budget de la sécurité sociale. Pour avoir précédé Jean-Marie Vanlerenberghe et Yves Daudigny dans la fonction de rapporteur général, je sais d’expérience combien il est difficile, pour nos collègues, de maîtriser ce sujet.

Nous sommes invités, à partir de ce soir, à examiner le PLFSS pour 2016, dont nous pouvions, selon moi, espérer qu’il témoigne d’une plus grande rigueur et de plus de réalisme de la part du Gouvernement. En effet, la lecture des annexes et des prévisions très volontaristes – pour ne pas dire optimistes – que le Gouvernement a retenues pour nous laisser présager des perspectives meilleures et un retour à l’équilibre beaucoup plus rapide qu’on ne pourrait l’imaginer nous laisse rêveurs et nous amène à nous interroger.

Au reste, je comprends que, à la veille d’une échéance électorale importante, il importe à certains d’apparaître relativement vertueux…

De fait, le Gouvernement essaie de démontrer qu’il est maître d’une situation qui semble cependant lui échapper, si j’en crois la situation sociale et économique de notre pays. Or lorsque l’économie va mal, lorsque la croissance n’est pas au rendez-vous, lorsque la masse salariale n’est pas aussi dynamique qu’attendu, les recettes sont à l’avenant, les dépenses galopent et il est d’autant plus difficile d’atteindre l’équilibre des comptes.

On constate que le déficit de l’assurance maladie, qui s’élevait à 5,9 milliards d’euros en 2012, passera à 7,5 milliards d’euros en 2015, si les prévisions du Gouvernement se confirment. Il faut donc s’attendre plutôt à un dérapage qu’au redressement que nous avions pu espérer, même si l’on est loin des niveaux élevés de déficit que nous avons connus par le passé.

Mme Nicole Bricq. Tant mieux !

M. Alain Vasselle. Malgré une amélioration de sa situation, la branche famille continuera d’accuser un déficit de 1,6 milliard d’euros.

Qu’aurions-nous pu faire pour améliorer les choses ? Je ne suis pas là pour jouer les moralisateurs ni pour donner des leçons à qui que ce soit, car je sais que l’exercice n’est pas facile.

Cela étant, ayant eu, par le passé, à présider la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, et ayant été rapporteur général du budget de la sécurité sociale, je reste persuadé que d’importantes marges de manœuvre subsistent pour ce qui concerne l’hôpital. Si la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », était censée permettre quelques progrès, ceux-ci restent, à mon sens, très nettement insuffisants. Il faudra aller beaucoup plus loin et nous devrons nous battre, pendant l’examen de ce texte, pour sensibiliser le Gouvernement à la nécessité de s’intéresser de plus près à l’hôpital.

À ce sujet, je veux de nouveau la question que j’avais déjà posée lorsque j’exerçais les responsabilités que je viens de mentionner : à quand la convergence des tarifs entre secteur public et secteur privé ?

M. Gilbert Barbier. Bonne question !

M. Alain Vasselle. Je veux maintenant évoquer brièvement la branche vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

Le gouvernement de François Fillon espérait les faire renouer avec l’équilibre en 2018. Cet équilibre devait être renforcé par la réforme – selon moi, il s’agit d’une demi-mesure – engagée, en 2013, par le Gouvernement, plus préoccupé, à mon sens, par les conséquences politiques de ses annonces sur son électorat que par les considérations économiques qui devraient dicter les choix de tout gouvernement.

Madame la ministre, après que le gouvernement précédent a décidé de priver le Fonds de réserve des retraites de sa recette de 1,3 milliard d’euros « en provenance du prélèvement social sur le capital et en prélevant avant l’échéance de 2020, 2,1 milliards d’euros par an du capital constitué », ces mesures, comme l’augmentation des cotisations de retraite que vous avez décidée en 2013, ne suffiront malheureusement pas à la branche pour retrouver un équilibre pérenne.

Ainsi que l’ont dit plusieurs de nos collègues, le Fonds de solidarité vieillesse restera quant à lui durablement déficitaire, pendant que la branche vieillesse atteindra un équilibre très fragile en 2017, qui se dégradera à nouveau à partir de 2018.

Notre système de retraite par répartition est-il à bout de souffle ? L’absence de courage qui caractérise cette réforme purement paramétrique ne peut que nous inciter à demander à nos gouvernants, quels qu’ils soient, de s’inspirer du régime suédois à comptes optionnels. Les réformes Balladur, Fillon, Bertrand et Woerth ont évité la catastrophe, mais chacun savait qu’elles ne seraient pas suffisantes à terme. Nos voisins allemands et italiens ont été plus volontaires et exemplaires.

Par ailleurs, pensez-vous que les mesures tendant à rendre universelle la protection du risque maladie, si louables soient-elles dans leurs objectifs, ainsi que le dispositif imaginé pour faciliter l’accès à moindre coût à une complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante-cinq ans seront de nature à améliorer la santé financière de notre régime de sécurité sociale ? Ces mesures sociales auront un coût, soit pour la branche maladie, soit pour les intéressés eux-mêmes.

Par ailleurs, anticiper le transfert de la dette des branches maladie, famille et vieillesse, pour un montant de 23,6 milliards d’euros, afin d’en libérer l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dont ce n’est pas la vocation, est a priori vertueux, dans la perspective d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Notre collègue Francis Delattre s’est exprimé très clairement sur le sujet. Cependant, vous n’aurez pas pour autant résolu le déficit structurel des branches que je viens de citer, car la dette se sera reconstituée à hauteur de 38,4 milliards d’euros en 2019.

Madame la ministre, que ferez-vous de cette dette, contrainte par les dispositions de la loi organique, qui ne vous permettra pas de prolonger la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et ne pourra vous faire échapper à une nécessaire augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS ? Vous en reportez courageusement la décision au-delà de 2017…

Pour terminer, je veux évoquer la maîtrise des dépenses de médicaments et les mesures médico-sociales.

Alors que le médicament représente 15 % des dépenses de l’assurance maladie, vous continuez à faire supporter à l’industrie pharmaceutique plus de 50 % des efforts d’économie. Les grossistes-répartiteurs sont également mis à contribution, à travers la réduction tarifaire. Ne sommes-nous pas arrivés à la limite économique de ce que peut supporter cette activité sans que soit porté atteinte à l’emploi, à la recherche et à l’innovation ?

Enfin, les handicapés ne sont-ils pas les principaux oubliés du PLFSS – notre collègue Philippe Mouiller y a fait allusion –, alors que de nombreuses familles sont réduites à se tourner vers nos voisins belges pour trouver une solution au problème de l’accueil de leurs enfants handicapés ? Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à l’appel au secours de ces familles ?

Madame la présidente, je vous remercie de votre tolérance, car j’ai dépassé d’une minute le temps qui m’était alloué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. C’est exceptionnel !

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la situation de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale nous oblige, cette année, à mobiliser tout notre discernement.

On constate, en 2014, une stabilisation des accidents du travail et des maladies professionnelles et une diminution du nombre de journées d’incapacité temporaire ou permanente. Ces informations sont relativement bonnes, après des années difficiles, particulièrement pour les maladies professionnelles. Ces incontestables progrès sont dus aux interventions des pouvoirs publics, aux aides financières et aux conseils des caisses de sécurité sociale, aux organismes spécialisés, ainsi qu’aux employeurs et aux salariés, qui sont les premiers concernés.

La prévention est devenue une priorité, à travers notamment les plans de santé au travail, le troisième venant d’être adopté de manière consensuelle par le Gouvernement sur proposition des partenaires sociaux. Il est important de souligner les progrès accomplis depuis plusieurs années grâce à cette prise de conscience et ces efforts partagés.

Parallèlement, la gestion de la branche a été remise en ordre et est redevenue satisfaisante, ce qui doit être souligné compte tenu du contexte général. Après un excédent de 691 millions d’euros en 2014, il est prévu que la branche dégage un nouvel excédent, de 603 millions d’euros, en 2015.

Mes chers collègues, un tel excédent n’a pas manqué d’attirer l’attention, ce qui m’amène à évoquer deux points, madame la ministre.

Premièrement, à la suite de l’accord qui vient d’intervenir entre les organisations patronales et trois syndicats sur le financement des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO, il a été observé que la revalorisation des cotisations des employeurs prévue à cet effet serait intégralement compensée par une baisse des cotisations que ceux-ci acquittent sur la branche AT-MP en 2019.

Comme vous le savez, les associations de victimes et plusieurs de nos collègues députés se sont vivement émus de cette perspective. Je dois dire que je m’interroge moi-même à son sujet… Aussi, j’espère que vous pourrez nous donner un certain nombre d’informations sur ce point.

Je voudrais rappeler que, dans le rapport d’information que nous avons consacré à la question du financement de la branche AT-MP, Catherine Deroche et moi-même avions préconisé, pour le retour à l’équilibre de cette branche, une augmentation des cotisations patronales, mais nous avions suggéré qu’une diminution de celles-ci puisse intervenir lorsque la dette serait apurée et l’équilibre de la branche, assuré. Toutefois, nous n’avions pas imaginé que cette baisse puisse servir de compensation dans une négociation, notamment sur les retraites complémentaires.

On nous annonce un chiffre de 700 millions d’euros. Je veux rappeler qu’une augmentation d’un dixième des cotisations patronales sur la branche AT-MP représente 500 millions d’euros !

Deuxièmement, il est écrit, dans l’annexe B du projet de loi, que « compte tenu de la conjonction d’un déficit persistant de la branche maladie et, à l’opposé, d’un excédent croissant de la branche AT-MP depuis l’année 2013, un transfert de cotisations de 0,05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général sera mis en place en 2016 puis en 2017, afin d’améliorer le solde de la branche maladie de 250 millions pour chacune de ces deux années, soit 500 millions au total ». Je dois dire que les arguments développés dans l’annexe ne m’ont pas totalement convaincu ; ils mériteraient certainement une étude plus approfondie.

La ponction prévue vient s’ajouter au reversement traditionnel de la branche AT-MP à la branche maladie, reversement justifié par la sous-déclaration systématique des accidents et de la non-reconnaissance de l’origine professionnelle de nombreuses maladies. Ce transfert, en hausse continue depuis 1997, s’élèvera encore cette année à 1 milliard d’euros. Je rappelle que, dans son rapport, Noël Diricq avait fixé un plafond à 1,3 milliard d’euros.

Madame la ministre, ces trois prélèvements très importants sur une trésorerie saine depuis peu risquent de porter gravement atteinte à celle-ci. Il est de notre devoir de vous alerter sur ce point.

Je rappelle que, dans notre rapport d’information, Catherine Deroche et moi-même avions fait un principe de la préservation de l’équilibre de 1898. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser la date de sa conclusion, l’accord qui a alors été trouvé est tout à fait moderne. Il s’agit notamment d’assurer le financement par les entreprises, mais aussi de n’imputer à la branche que les dépenses qui lui incombent. Il me semble souhaitable que l’on s’en tienne là.

L’effort de prévention des accidents du travail ne doit pas être relâché, surtout si le travail atypique, générateur de beaucoup d’accidents, continue à se répandre.

Madame la ministre, je n’aurai pas le temps d’aborder le problème de l’amiante. Ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque ! Je veux quand même vous dire que nous approuvons le retour, après deux années de dotation nulle, d’une dotation de 10 millions d’euros pour le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, même si ce montant reste très largement en deçà des préconisations de la mission commune d’information du Sénat sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante. La dotation totale de la branche au FIVA atteindrait 430 millions d’euros, pour une dépense estimée à 525 millions d’euros.

Après avoir connu de grandes difficultés, qui avaient amené certains à programmer sa disparition, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, est revenu à l’équilibre. Il devrait même être en excédent de 12 millions d’euros en 2015.

Toutefois, le projet de loi prévoit un résultat négatif de 42 millions en 2016, malgré de nombreuses sorties du dispositif, la revalorisation quasi nulle des allocations en raison de la faible inflation, le non-versement du capital-décès aux ayants droit et la limitation de l’accès à la retraite anticipée par l’obligation d’avoir travaillé dans un établissement figurant sur une liste de sites.

La branche devra inévitablement supporter ces nouvelles charges, à moyen et à long terme.

C’est pourquoi je considère qu’il serait grandement imprudent de laisser une gestion annuelle du risque accidents du travail-maladies professionnelles s’installer ou, plus exactement, se réinstaller. Il importe surtout de ne pas distraire des finances de la branche les moyens nécessaires à la prévention et à l’amélioration de la réparation versée aux victimes.

Tel est notre objectif et je sais, madame la ministre, qu’il est aussi le vôtre. Soyez assurée que nous soutiendrons tous les efforts que vous consentirez pour parvenir à l’atteindre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Gérard Dériot et François Fortassin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de financement des établissements médico-sociaux pour 2016 manifeste, malgré les difficultés du moment et la nécessité de venir à bout d’une dette héritée considérable, alors que l’inflation est quasi nulle, une triple volonté et s’inscrit parfaitement dans les objectifs maintes fois réaffirmés de la politique gouvernementale.

Il s’agit, d’abord, de résorber sans faiblir la dette sociale accumulée. Les résultats sont éloquents et donnent la mesure de l’effort accompli, sans déremboursements ni augmentations de franchises.

Il s’agit, ensuite, de relever le défi du vieillissement. C’est tout l’enjeu du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Il s’agit encore d’avancer avec détermination vers la construction d’une société toujours plus « civilisée », au sens qu’Edgar Morin donne à cette expression, d’un monde qui offre à tous, et particulièrement aux plus vulnérables, les moyens d’accéder à leur autonomie maximale, de participer autant que faire se peut à la vie sociale et d’exercer leur citoyenneté.

Ainsi, au-delà des déclarations, les moyens mis en œuvre sont la traduction de cet acte de foi : évolution du budget consacré aux établissements médico-sociaux en hausse de 1,9 % – c’est-à-dire une progression supérieure à celle de l’ONDAM général, fixée à 1,75 % –, soit 405 millions d’euros sur une enveloppe globale de 19,5 milliards d’euros ; augmentation de 0,75 % du budget destiné à améliorer la qualité de vie, d’accompagnement et d’épanouissement des résidents dans les divers établissements ; accélération, à hauteur de 100 millions d’euros, du processus de médicalisation des établissements ; volonté manifeste d’augmenter le nombre de places d’accueil ou de suivi des personnes en situation de handicap à travers une enveloppe supplémentaire de 300 millions d’euros sur trois ans en investissement permettant de créer, en établissements et services, 25 500 places de plus à destination des personnes âgées et plus de 14 000 places à destination des personnes en situation de handicap.

Le transfert des dotations de fonctionnement aux établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, du budget de l’État vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, affirme l’engagement de garantir une évolution des crédits d’accompagnement des travailleurs handicapés conforme à celle de l’ONDAM médico-social et assure une prise en compte globale des besoins de nos concitoyens travaillant dans les ESAT, ainsi que des réponses sociales et sanitaires à leur apporter.

La généralisation progressive des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, attendue par les gestionnaires d’établissements comme par les grandes associations œuvrant en faveur tant des personnes âgées que des handicapés, permettra d’organiser une approche moins arithmétique des projets et des besoins, une approche non seulement quantitative – beaucoup plus sécurisante que le prix de journée –, mais également qualitative du projet de chacun des établissements.

Un crédit d’amorçage de 15 millions d’euros, assorti de dispositions réglementaires particulières, viendra progressivement améliorer l’adéquation entre offre de places et besoins exprimés pour mettre enfin un terme à l’exode forcé d’un certain nombre de nos concitoyens, notamment vers la Belgique. Il s’agit non pas de contraindre ceux qui y vivent à revenir, mais bien de faire cesser le flux de ceux qui, faute de places en France, doivent s’exiler à leur corps défendant. Ce flux représente chaque année une somme d’une vingtaine de millions d’euros. Le crédit d’amorçage est donc parfaitement adapté.

Force est de constater, madame la ministre, que vous avancez avec détermination sur le chemin que vous avez tracé, celui de la justice sociale, d’une meilleure prise en compte des besoins et des aspirations de nos concitoyens dans une société que vous voulez plus juste et plus accueillante pour tous.

Force est encore de constater que vous avez fait vôtre l’objectif phare du rapport de Denis Piveteau intitulé Zéro sans solution en vous donnant les moyens de l’atteindre.

Je ne résiste pas à la tentation de citer George Bernard Shaw : « certains regardent le monde tel qu’il est et se demandent : pourquoi ? D’autres dessinent le monde tel qu’ils voudraient qu’il soit et se disent : pourquoi pas ? » Je crois que vous avez adopté cette seconde attitude et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)