M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez approuvé l’amendement Ayrault !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous avons pris une succession de mesures cohérentes et progressives, qui rendront notre système fiscal, année après année, beaucoup plus juste qu’il ne l’était en 2012. Ainsi, il y a maintenant un véritable impôt de solidarité sur la fortune et une tranche d’impôt sur le revenu à 45 %. Il y aura des droits de succession et de donation réellement efficaces. Il y a un impôt sur le revenu délesté des niches fiscales ayant perdu toute justification, des niches dont les bénéfices, de surcroît, étaient d’autant plus importants que les revenus étaient élevés. Il y a surtout un impôt sur le revenu réduit, et même parfois annulé, pour les classes moyennes et modestes, alors même que le nombre de ses redevables revient au niveau atteint en 2008. Il y a, enfin, davantage de ménages modestes exonérés d’impôts locaux. En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, il y aura en 2017 une fiscalité juste, qui protège les ouvriers, les employés, tous les travailleurs pauvres et les petits retraités,…

M. Roger Karoutchi. Vous nous servez le discours des années cinquante !

M. Didier Guillaume. C’est très important, la justice, monsieur Karoutchi !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … une fiscalité qui demande aux plus riches de prendre toute leur part du financement du service public.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous oubliez de dire que les impôts ont considérablement augmenté !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement et sa majorité ont un engagement sans faille en faveur de la justice fiscale, et ils le prouvent à chaque loi de finances ! Nous menons tous les combats de front : celui pour l’assainissement de nos finances publiques, celui pour la production et l’emploi et, à travers nos réformes fiscales, celui pour une société plus juste et plus égale. (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi soupirent.)

Avant de conclure, madame la présidente, je souhaite examiner trois critiques qui sont parfois formulées contre notre politique, et qui peut-être le seront de nouveau au cours de ce débat.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Remarquez que nous n’avons encore rien dit ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est que je vous vois venir, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)

Premièrement, pour ce qui concerne le déficit, on a commencé par nous reprocher de ne pas le réduire. Entre 2012 et 2014, pourtant, le déficit a bel et bien diminué : c’est contre toute logique arithmétique que certains ont prétendu qu’il augmentait ! On nous reproche aujourd’hui de ne pas le réduire assez vite, alors que sa baisse se poursuit plus vite que prévu. Mais il faut bien que vive le débat politique…

Deuxièmement, nous ne réaliserions pas d’économies, ou, plus exactement – car le reproche a évolué –, nous ne pourrions pas qualifier de « structurelles » les économies que nous réalisons.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet, ce sont des économies de constatation !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour ma part, je ne sais toujours pas ce que l’opposition entend par « économies structurelles ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Patience, on va vous expliquer !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À vrai dire, j’attends beaucoup de ce débat pour connaître les réformes qui, selon elle, mériteraient ce qualificatif.

Certains veulent faire descendre les impôts par l’ascenseur et les dépenses par l’escalier ; on imagine les conséquences sur le déficit !

M. Ladislas Poniatowski. C’est trop facile !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Troisièmement, l’impôt serait concentré sur les 10 % de ménages les plus aisés. À ce sujet, il faut rappeler que tout le monde acquitte un impôt sur ses revenus via la CSG, sans parler des impôts locaux et, bien entendu, de la TVA. Il est donc faux d’affirmer que seuls les ménages les plus aisés assumeraient la charge fiscale.

Il est tout aussi faux de soutenir que nous reporterions cette charge des classes moyennes vers les ménages les plus aisés, puisque, en 2016 comme en 2015, l’impôt des classes moyennes baissera grâce aux économies que nous réalisons. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il faut surtout rappeler une évidence : quand on a des revenus importants, on doit assumer un impôt élevé. L’opposition compte supprimer l’ISF : si c’est la seule réforme structurelle qu’elle projette, les Françaises et les Français apprécieront !

M. Vincent Capo-Canellas. Franchement, monsieur le secrétaire d’État, nous nous attendions à mieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je conclus – Mme la présidente m’a en effet invité à raccourcir mon propos – en demandant au Sénat d’approuver ce projet de budget qui assure le respect des engagements pris, ce projet de budget de réforme économique et sociale, ce projet de budget qui tient compte des priorités immédiates, en particulier celle d’assurer la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Yvon Collin et Joseph Castelli, ainsi que Mme la présidente de la commission des finances, applaudissent également.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il en faudra un peu plus pour nous convaincre !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir bien voulu abréger votre discours.

La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi de finances pour 2016 commence dans un contexte assurément particulier, à la veille de la discussion du projet de loi relatif à l’état d’urgence.

Le Président de la République a fait part au Congrès, lundi dernier, de son intention de modifier certains équilibres du budget pour 2016, notamment en matière de sécurité. La majorité sénatoriale l’approuve d’autant plus sur ce point que, voilà un an, elle avait souligné l’insuffisance des moyens alloués à notre défense et à notre sécurité lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Voilà trois jours, le Président de la République a ajouté que, désormais, « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ». Cette formule visait-elle à balayer d’avance toute critique portant sur le respect par la France de ses engagements européens en matière de redressement des comptes publics ?

M. Claude Raynal. Évidemment non !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On peut s’interroger… En tout cas, la commission des finances attend que le Gouvernement tire, par voie d’amendement, les conséquences de ces déclarations. M. le ministre vient de nous indiquer que le coût des créations de postes annoncées serait de l’ordre de 600 millions d’euros en 2016, ce qui représente 0,03 % du PIB et 0,15 % des dépenses du budget de l’État. Il paraît évident qu’une augmentation aussi modeste de nos dépenses peut être financée par des économies, sans que nous ayons à nous soustraire à nos engagements européens.

D’ores et déjà, j’estime, à l’instar de la majorité des membres de la commission des finances, qu’il n’est pas acceptable d’opposer la nécessaire remise à niveau des moyens de nos armées, de nos forces de l’ordre et de nos services de contrôle aux frontières, une remise à niveau que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années,…

M. Daniel Raoul. Après avoir supprimé des milliers de postes ? Quel culot !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et les indispensables réformes que notre pays doit encore accomplir pour réduire sa dépense publique.

Au mois de septembre dernier, présentant le présent projet de loi de finances, M. Sapin a affirmé que le budget de 2016 serait celui des engagements tenus.

M. Michel Sapin, ministre. En effet !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Or le présent projet de loi ne tient pas ses promesses en matière de redressement des finances publiques. En juillet dernier, pourtant, la Commission européenne a seulement suspendu la procédure pour déficit excessif engagée à l’encontre de notre pays, qui fait partie – faut-il le rappeler ? – des mauvais élèves de la classe européenne ; si nous avons bénéficié d’un report à 2017 de l’objectif de réduction du déficit public sous les 3 % du PIB, c’est en échange d’efforts accrus sur le plan de la diminution de notre déficit structurel.

Seulement voilà : la réduction de notre déficit devrait se limiter à 0,1 point de PIB cette année. Le principal effort serait donc fourni en 2016, avec un déficit public ramené de 3,8 % à 3,3 % du PIB, avant d’être réduit à 2,7 % l’année suivante. Cette évolution positive résulterait non pas de réformes structurelles – je reviendrai sur ce point dans quelques instants –, mais de l’accélération de la croissance, estimée à 1,5 % en 2016, et d’une élasticité des recettes de 1,3, sur le fondement de laquelle le Gouvernement anticipe de bonnes rentrées fiscales. Bref, pour respecter ses engagements européens, l’exécutif compte sur un retour quasi providentiel de la croissance.

La commission des finances n’a pas souhaité remettre en cause cette perspective, dont la réalisation serait, de l’avis général, une bonne nouvelle, ni contester l’hypothèse d’une inflation atone, limitée à 1 % en 2016. Elle entend cependant mettre en garde contre les dangers qu’il y a à s’en remettre à la conjoncture, estimée de manière peut-être trop optimiste, pour atteindre ces objectifs. Je vois, monsieur le secrétaire d’État, que vous hochez la tête : pourtant les risques sont bien réels,…

M. Roger Karoutchi. C’est certain !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … qu’il s’agisse d’un ralentissement de la croissance des pays émergents, d’une contraction du commerce mondial ou de l’instabilité des marchés financiers, sans oublier les risques spécifiques en matière de sécurité que court malheureusement notre pays.

La moindre variation, fût-elle très faible, des hypothèses retenues par le Gouvernement suffirait à faire déraper le déficit ou la dette, laquelle pourrait bien atteindre les 100 % du PIB. Or le projet de loi de finances ne prévoit aucune marge de sécurité (M. le secrétaire d’État le conteste.) pour tenir compte des incertitudes qui entourent les prévisions de croissance pour 2016 et qui ne peuvent être levées à ce jour.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. M. le rapporteur général est un homme angoissé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, je suis non pas angoissé, mais réaliste !

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé, avant les événements récents, qu’il poursuivrait son plan d’économies dites « tendancielles ». J’observe que ses 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans sont comme un dogme qui ne varie jamais, alors même que les hypothèses économiques ont sensiblement évolué.

L’effort de 5,1 milliards d’euros annoncé sur les dépenses de l’État en 2016 n’est pas documenté, comme la Cour des comptes l’a signalé, tandis que les mesures nouvelles non financées se multiplient, au point que les crédits de certaines missions budgétaires dépassent d’ores et déjà de plusieurs centaines de millions d’euros les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques.

De même, l’annonce par le Président de la République de moyens supplémentaires dévolus à l’indispensable renforcement de notre sécurité n’est accompagnée d’aucune mesure d’économies sur d’autres missions, ce qui ne peut qu’aggraver le constat que nous dressons.

M. le ministre et M. le secrétaire d’État se félicitent d’avoir su maîtriser la dépense publique. Las, les chiffres montrent que le projet de budget pour 2016 bénéficie d’abord d’économies de constatation, sur lesquelles le Gouvernement n’a manifestement aucune prise.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est incroyable !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je pense en particulier à la faiblesse de la charge de la dette dans un contexte de taux d’intérêt bas au niveau mondial.

Sans compter que, pour la première fois, et indépendamment des 8 500 recrutements supplémentaires sur deux ans que le Président de la République vient d’annoncer dans la police, la gendarmerie, la justice et les douanes, les effectifs de l’État repartent à la hausse de plus de 9 000 emplois. Certes, l’honnêteté commande d’ajouter qu’une partie de cette augmentation résulte de la priorité donnée à la défense nationale,…

M. Michel Sapin, ministre. Pas une partie, la totalité !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … une priorité au demeurant nouvelle, puisque, je vous le rappelle, l’année dernière, le Sénat a rejeté, sur la proposition de la commission des finances, les crédits de la mission « Défense » en raison de leur insuffisance. Par ailleurs, 900 créations de postes sont liées à la crise des migrants. Toujours est-il que la moitié de l’augmentation des emplois provient d’autres ministères. Or fixer des priorités n’interdit en aucune manière d’opérer des redéploiements.

Nous sommes évidemment très favorables à une nouvelle révision de la loi de programmation militaire, après celle qui est intervenue au mois de juillet dernier, compte tenu de la faiblesse des moyens alloués à nos armées, qui ont supporté jusqu’ici l’essentiel des réductions d’effectifs.

Si le Gouvernement ne parvient pas à contenir les effectifs des autres ministères, c’est tout simplement que l’État se montre incapable de réexaminer ses missions, qu’il exerce de plus en plus mal. Il préfère conserver de nombreux emplois, geler le point d’indice de la fonction publique et, parfois, faire face à des difficultés de recrutement liées à la faible attractivité de la fonction publique. Des marges de manœuvre existent pourtant, comme le démontre l’enquête que la commission des finances a commandée à la Cour des comptes sur la masse salariale de l’État.

Ainsi, il n’est pas acceptable que, du fait de la multiplication des régimes dérogatoires, un quart seulement des agents de l’État travaillent à temps plein. C’est pourquoi je défendrai, au nom de la commission des finances, plusieurs amendements visant à faire converger les temps de travail dans les secteurs public et privé, à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique, à geler l’avancement automatique et à requérir des efforts supplémentaires des opérateurs de l’État, dont la Cour des comptes nous a rappelé qu’ils avaient vu leurs effectifs augmenter de 50 % en quatre ans.

La commission des finances proposera aussi, afin de réaliser des économies ciblées, par exemple, de supprimer de nouveaux contrats aidés dans le secteur public et de renforcer au contraire les contrats aidés dans le secteur marchand. En effet, ces derniers débouchent tout simplement sur un taux d’insertion dans l’emploi durable beaucoup plus favorable. Elle proposera également de prendre en compte le taux de recours prévisible à la prime d’activité.

Au total, les amendements adoptés par la commission des finances qui tendent à la réduction de crédits représentent près de 5 milliards d’euros, ce qui permettra, compte tenu des allégements qui seront proposés en recettes, d’améliorer sensiblement le solde budgétaire.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, alors que les efforts de l’État sont à ce stade difficiles à mesurer, la réduction en valeur des dotations budgétaires versées aux collectivités territoriales est bien réelle : 10,7 milliards d’euros en trois ans !

Pour 2016, l’effort de 3,5 milliards d’euros qui leur sera demandé sera bien supérieur à celui qui est requis de l’État en pourcentage de leur poids dans les dépenses publiques. La baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a pourtant des effets redoutables sur l’investissement public local, qui représente près de 60 % de l’investissement public.

La réduction brutale des dotations mettra en difficulté financière de nombreuses collectivités locales, qui se verront contraintes, tant leurs budgets sont rigides, de réduire les investissements ou d’accroître malheureusement la pression fiscale. C’est pourquoi la commission des finances proposera de modérer cette baisse des dotations à hauteur de 1,6 milliard d’euros, montant qui correspond très exactement à la somme des dépenses contraintes mises à la charge des collectivités selon les estimations du Conseil national d’évaluation des normes.

J’en viens désormais au volet « recettes » du projet de loi de finances.

Depuis trois ans, nos concitoyens n’ont cessé de constater une hausse de la pression fiscale. Les statistiques sont là : le taux des prélèvements obligatoires a bondi de 42,6 % du PIB en 2011 à 44,9 % en 2014 ! Le Premier ministre lui-même a fini par l’admettre en mentionnant une augmentation de la fiscalité qui a créé « une forme de rupture entre les Français et l’impôt ».

Si l’imposition très lourde des entreprises a récemment connu une décrue avec la mise en œuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, et du pacte de responsabilité, les ménages paient toujours au prix fort le coût des ajustements budgétaires reposant principalement sur des efforts en recettes.

Depuis le début du quinquennat, ces ménages ont en effet supporté une hausse de 7 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, alors même que le nombre de contribuables n’a cessé de se réduire. Les effets ne se sont pas fait attendre : les contribuables dits « aisés » s’exilent de plus en plus à l’étranger, comme en témoigne un rapport remis par le Gouvernement qui mentionne une hausse de 40 % des départs à l’étranger en 2013 par rapport à 2012.

Les familles ont également été particulièrement visées par la politique fiscale du Gouvernement avec à la fois la baisse progressive du plafond du quotient familial et la modulation des allocations familiales. C’est pourquoi la commission des finances proposera de modifier la réforme de la décote prévue à l’article 2 du présent projet de loi de finances. Outre la complexité de cette nouvelle réforme, la mesure conduit à une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu sur un nombre toujours plus réduit de contribuables, au risque de porter atteinte dangereusement au principe de consentement à l’impôt. Nous proposerons une réforme alternative consistant à alléger l’impôt des contribuables qui en paient la plus large part et qui n’ont subi que des hausses jusqu’à présent, et à relever le plafond du quotient familial, afin de restituer un peu de pouvoir d’achat aux familles.

Par ailleurs, le budget pour 2016 – il faut le constater – est le budget de l’immobilisme en matière fiscale,…

M. Richard Yung. Il faudrait savoir ce que vous voulez ! (M. Michel Sapin opine.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … car aucune réforme n’est engagée pour donner de la lisibilité à un système fiscal complexe et contre-productif.

Au début de l’année 2014, l’Inspection générale des finances a suggéré de supprimer 192 taxes à faible rendement, proposition que vous aviez approuvée, monsieur le secrétaire d’État, et qui représenterait, selon vous, 1 milliard d’euros. Or le Gouvernement ne nous invite qu’à en supprimer trois dans le présent projet de loi de finances ! Au nom de la commission des finances, je vous proposerai évidemment d’aller plus loin, mes chers collègues, en supprimant plusieurs petites taxes supplémentaires, dont certaines ne concernent aucun redevable !

Je vous proposerai également d’adopter plusieurs amendements en matière de fiscalité de l’épargne, d’une part, et en faveur du développement et de la transmission des entreprises, d’autre part.

À ce titre, je vous rappelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la commission des finances avait adopté la première un mécanisme d’amortissement dégressif pour les investissements productifs dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015 – je crois d’ailleurs que cette disposition avait été adoptée à la quasi-unanimité, ce qu’il faut souligner –, mécanisme que le Gouvernement avait écarté à l’époque pour des raisons de coût, avant de proposer, quelques mois plus tard, un dispositif relevant du même esprit, mais beaucoup plus coûteux dans le cadre de la discussion de la loi Macron.

Il faut davantage écouter le Sénat, car il a parfois raison avant l’heure !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De même, l’article 3 du présent projet de loi de finances abaisse le seuil d’application de la TVA sur les ventes à distance, mesure qui rejoint ainsi l’une des propositions du groupe de travail sur l’économie numérique créé par la commission des finances.

Nous vous proposerons d’aller plus loin et d’instaurer un régime particulier de déclaration pour les revenus tirés de l’économie collaborative qui échappent aujourd’hui à l’impôt. Nous vous proposerons aussi d’engager des travaux pour enfin prélever la TVA à la source et remédier ainsi à l’évaporation fiscale liée au commerce électronique.

Ces propositions – je le souligne – résultent directement du travail réalisé par un groupe composé de collègues de différentes sensibilités politiques qui interviendront sans doute sur ce thème. Elles permettront d’éviter des fraudes et l’érosion de certaines recettes, qui pourraient évidemment servir utilement à financer les dépenses nouvelles, auxquelles nous souscrivons tous.

Enfin, le Gouvernement indique que l’avenir est au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourtant, le présent projet de loi de finances prévoit seulement un rapport sur le sujet et une mise en œuvre de la mesure en 2018 !

Il ne s’agit d’ailleurs que de l’un des exemples de réformes ou de charges reportées après la fin du quinquennat…

M. Didier Guillaume. Mais c’est ce que nous ferons lors du prochain quinquennat ! (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’Assemblée nationale voulait, semble-t-il, accélérer les réformes fiscales. En effet, elle a adopté l’amendement déposé sur l’initiative de Jean-Marc Ayrault qui visait à introduire un abattement de CSG en lieu et place d’une partie de la prime d’activité, et sur lequel nous reviendrons. Je remarque du reste que le Gouvernement n’a pas proposé la suppression de cette disposition en seconde délibération.

Par ailleurs, dans l’urgence, alors même que chacun s’accorde sur la nécessité d’une remise à plat de la fiscalité énergétique, l’Assemblée nationale a voté une révision des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. La commission des finances vous proposera sa suppression, non pas sur le principe, mais au bénéfice d’un débat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, lors duquel nous examinerons la question de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour conclure, je dirai que ce projet de budget pour 2016 ne prépare pas l’avenir, car il maintient les dépenses publiques sans prévoir de réforme de structure, il n’apporte aucune réponse à des sujets majeurs pour l’économie française et pour sa compétitivité, et il ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, qui subiront de nouvelles hausses de la fiscalité, notamment à la suite de l’adoption du projet de loi de finances rectificative : je pense en particulier à la hausse de la CSPE.

Aussi, la commission des finances proposera de modifier profondément ce projet de loi de finances pour 2016 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut légiférer pour donner au Gouvernement les moyens juridiques et financiers dont il a besoin pour agir.

Il s’agit de lui donner des moyens nouveaux pour répondre à une situation nouvelle.

Il s’agit également de lui donner des moyens pour assurer la continuité de l’État, de nos services publics et de notre modèle social en toutes circonstances.

Il s’agit enfin de lui donner des moyens pour mettre en œuvre sa politique.

Comme l’a dit M. le président du Sénat, la réponse à ceux qui veulent abattre la démocratie, c’est le fonctionnement de nos institutions !

C’est dans ce contexte, alors que nous avons besoin de l’unité nationale pour protéger notre diversité et nos différences, que nous entamons la discussion budgétaire. Le budget, c’est la matérialisation de notre communauté de destin, de notre vivre ensemble. En cela, il dépasse la seule question des équilibres budgétaires.

Durant les vingt prochains jours, nous allons renouveler le consentement à l’impôt, fixer la quotité et l’assiette de la contribution publique par laquelle tous ceux qui vivent sur notre territoire contribuent au bien commun. Tous ensemble, le rapporteur général, les quarante-huit rapporteurs spéciaux, les quatre-vingt-deux rapporteurs pour avis, vous tous, mes chers collègues, nous allons aussi examiner les choix budgétaires du Gouvernement, la pertinence de ses priorités.

Nous nous prononcerons sur le fondement du texte transmis ce matin par l’Assemblée nationale, ce texte que la commission des finances examine en détail depuis le début du mois d’octobre. Nous nous prononcerons aussi à l’aune des modifications qui seront apportées en cours de discussion au Sénat pour traduire les mesures annoncées par le Président de la République et que vous venez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de nous confirmer. (M. Michel Sapin opine.)

Ce budget, c’est le budget d’un gouvernement qui agit, d’un gouvernement qui, depuis 2012, s’attache à reconstituer des marges de manœuvre pour l’action publique, qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit dans la cohérence et la transparence !

M. Philippe Dallier. C’est magnifique ! (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Nous avons des priorités à financer, ce que ce budget nous donne les moyens de faire par la fiscalité ou les dépenses des missions.

Les priorités immédiates sont la sécurité, la défense nationale et la justice, c’est-à-dire fournir un effort de guerre pour préparer la paix !

Les priorités pour construire la France de demain sont l’éducation, l’innovation, la compétitivité et la jeunesse.

La jeunesse a besoin d’espoir, et qu’on lui en donne particulièrement aujourd’hui ! En tout point dans ce budget transparaît la priorité accordée par le Gouvernement à cette jeunesse : les désormais 43 000 créations de postes dans l’éducation nationale, 100 millions d’euros supplémentaires en faveur des universités, l’aide « TPE jeunes apprentis », à laquelle, j’en suis sûre, M. le président du Sénat sera sensible, lui qui, avec le bureau, veut ouvrir notre institution à l’apprentissage, l’ouverture de la prime d’activité aux jeunes actifs âgés de moins de vingt-cinq ans, les moyens permettant d’accueillir 110 000 jeunes dans le cadre du service civique en 2016, la mise en place du dispositif des « contrats territoire-lecture », l’ouverture des musées nationaux aux publics scolaires, ainsi que le retour des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse au niveau atteint avant la révision générale des politiques publiques, la RGPP. En aidant la jeunesse, nous préparons l’avenir !

Autre priorité : la recherche d’une société plus juste et équilibrée par le soutien au pouvoir d’achat, la consolidation de notre modèle social et la recherche de l’équilibre entre les territoires.

Sur ce dernier point, j’évoquerai l’augmentation de 4 % des crédits de la politique de la ville. J’évoquerai également l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’effort de baisse des dotations, avec la dotation de soutien à l’investissement local de 1 milliard d’euros, l’élargissement du bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, aux dépenses d’entretien de bâtiments publics pour 150 millions d’euros, ou encore le fonds de soutien aux collectivités victimes des emprunts toxiques, dont les crédits vont doubler.

J’évoquerai, enfin, l’occasion manquée que constitue la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Le Sénat a travaillé pour mettre en lumière toutes les injustices du dispositif actuel. Permettez-moi de rappeler le rapport élaboré au mois d’octobre 2013, au nom de la commission des finances, par Jean Germain, alors rapporteur d’une proposition de loi présentée par le groupe communiste républicain et citoyen, tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

On nous propose aujourd’hui une réforme qui fixe une dotation unique par habitant quelle que soit la taille des communes. Je veux saluer là encore l’engagement de notre ancien collègue Jean Germain et de Mme la députée Christine Pires Beaune, car cette réforme, qui prend en compte les charges, est une réforme juste. Toutefois, elle ne s’appliquera pas en 2016, sans doute parce qu’elle a été mal préparée et mal expliquée.