M. Francis Delattre. Après une belle éclaircie, la parité entre l’euro et le dollar demeure fragile. Les taux d’intérêt risquent de remonter, car la Réserve fédérale américaine a annoncé un relèvement de ses taux, sans en préciser la date d’effet. Or, dès lors que les taux remonteront aux États-Unis, l’effet se généralisera et le coût de notre endettement, encore aggravé par ce budget – comment prétendre qu’un déficit de 75 milliards d’euros est pratiquement neutre ? –, deviendra vite insupportable.

Vous prévoyez aussi une inflation à 1 %, alors qu’elle atteint aujourd’hui à peine à 0,1 %. Comment cela serait-il possible ?

Nous relevons une faible, très faible réactivité de notre économie. Si l’Europe, à travers le quantitative easing, injecte 60 milliards d’euros par mois dans le système bancaire européen pour relancer l’économie, la France n’en ressent aucun effet tangible.

Cependant, l’optimisme est de mise : la croissance revient, paraît-il. Mais la réalité nous rattrape lorsque l’INSEE annonce, le 14 août dernier, une croissance nulle au deuxième trimestre. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas grave ! Selon M. Sapin, « une croissance nulle conforte nos objectifs ». J’aurais aimé qu’il nous explique aujourd’hui comment !

Les mauvais chiffres sont donc positifs ! La croissance n’est pas là, mais elle est là, cachée sous le discours ministériel, bien au chaud…

L’inversion de la courbe du chômage « amorcée » après les dernières publications ne peut faire oublier votre bilan : 600 000 chômeurs supplémentaires depuis trois ans, sans compter le coût budgétaire des emplois aidés pour masquer le désastre, car il s’agit d’un véritable désastre !

À chaque nouvelle économique défavorable, la communication du Gouvernement est simple : tout va bien, tout va mieux, et les médias sont requis pour les couplets et le refrain.

Si notre pays parvient en fin d’année à atteindre 1 % de croissance, cela n’aura rien d’exceptionnel. Ce n’est pas avec ce chiffre que nous créerons de l’emploi, et nous continuerons simplement à financer notre modèle social par la dette, ce qu’illustre l’exemple des 24 milliards d’euros transférés dans la plus grande discrétion à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, autrement dit, financés par l’emprunt.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est n’importe quoi ! Je vous l’ai déjà expliqué quatre fois !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il faut lui expliquer dix-sept fois !

M. Francis Delattre. La réduction de l’impôt dont vous vous vantez dans tous les médias n’est en fait qu’une annonce trompeuse à l’approche des échéances électorales.

Après trois ans de hausse massive de taxes et impôts, nous voici dans une nouvelle ère, celle de la redistribution. Ainsi, vous annoncez une baisse de 2 milliards d’euros d’impôts pour 12 millions de foyers. Cela demeurera bien modeste et n’aura aucun effet ou presque sur la croissance.

Et même en prenant en compte cette diminution de 2 milliards d’euros, le produit de l’impôt sur le revenu passera, selon vos prévisions, de 69,6 milliards d’euros en 2015 à 72,3 milliards en 2016, soit une hausse de 4 %, sans oublier l’inévitable hausse des impôts locaux en raison de la baisse des dotations de l’État.

Quant aux prélèvements obligatoires dans leur ensemble, ils ne vont diminuer que de 0,1 point, passant de 44,6 % à 44,5 % du PIB.

Là apparaît bien l’illusion fiscale qui consiste à faire croire aux Français que les impôts diminuent, alors que le taux des prélèvements obligatoires reste stable. Cela relève de la prestidigitation !

Le Président de la République avait promis qu’il n’y aurait pas de hausses d’impôts et de taxes, mais je relève au minimum trois contrevérités : taxation pour le financement des centres techniques industriels, augmentation de la contribution à l’audiovisuel public et hausse de la taxe sur le diesel.

En fait, la concentration de l’impôt caractérise votre gestion : si l’assiette de l’impôt sur le revenu diminue pour revenir à son niveau de 2011 - 46 % des contribuables - , ce dont vous vous félicitez, vous oubliez de dire que ces contribuables devront s’acquitter de 72 milliards d’euros d’impôts en 2016, contre 51 milliards d’euros en 2011.

Diminuer le nombre de foyers fiscaux soumis à l’impôt sur le revenu n’est ni juste ni habile. Un bon impôt s’appuie sur de fortes bases et un taux faible. Participer, même modestement, à l’impôt est l’honneur du citoyen.

M. Francis Delattre. Et que dire de l’amendement Ayrault, voté à l’Assemblée nationale, contre votre avis, par vos amis, et portant réforme de la CSG ? Encore un bel artifice ! M. Ayrault explique que ce projet, s’il est constitutionnel, ce dont je doute, ne se traduira pas par une hausse de la fiscalité, mais par « une création d’un impôt citoyen sur le revenu », alors que l’on sait pertinemment, grâce aux simulations, que les classes moyennes seront encore une fois les plus impactées !

Vous n’envoyez pas un bon signal à ceux qui travaillent, qui investissent, qui ont une famille et qui ont très souvent l’impression d’être victimes de vos choix fiscaux ! Si vous ne nous écoutez pas, écoutez M. Attali.

Que nous dit M. Attali ? Les retraités français s’enfuient au Portugal, à l’image de nos concitoyens que l’on qualifie de « riches ». Plus grave encore, monsieur le ministre, il en va de même des chercheurs, des professeurs, des artistes, des économistes : sur les sept Français qui figurent parmi les vingt-cinq meilleurs économistes du monde, un seul vit en France. Les directions financières s’en vont aussi : elles partent à Londres, où elles trouvent audace, financement, rapidité de décision, incitations fiscales et proximité avec tous les partenaires. Tout cela, ce n’est pas nous qui le disons, c’est M. Attali !

En Espagne, en Italie, en Belgique, en Allemagne, la rénovation fiscale est avancée. En France, notre niveau record de dépenses publiques – derrière le Danemark, il est vrai – ne laisse aucune marge de manœuvre, nous devrions tous en convenir.

Ce gouvernement communique, pour se consoler et évite de se comparer, pour ne pas avoir à se désoler. C’est l’essentiel d’une communication de tous les jours.

Les 16 milliards d’euros d’économies ne sont déjà plus là, mais ils n’ont jamais été là ! Dans leur majorité, ces économies seront en réalité portées par les collectivités territoriales et par quelques administrations sociales. L’État, qui devrait montrer l’exemple, annonce 5,1 milliards d’euros d’économies, dont 2,2 milliards ne sont pas documentés et 600 millions le sont peu, selon la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, membre de votre parti.

Telle est la réalité de votre gestion incertaine. Je citerai un exemple parmi d’autres : vous continuez de dire que vous souhaitez relancer l’apprentissage, qui a reculé de 20 % depuis votre élection, et, pour atteindre vos objectifs, vous ne trouvez pas mieux que de diminuer les ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie, alors que les CCI sont les principaux acteurs de la formation professionnelle.

Les échecs, c’est maintenant !

Déficits vertigineux, fiscalité confiscatoire, dette abyssale, paupérisation du pays… Mes chers collègues, même si la tâche est difficile dans un contexte de finances publiques dégradées, la fiscalité du capital pesant sur les entrepreneurs en France est à revoir. Elle est devenue un critère de décision primordial pour les chefs d’entreprise. La complexité de cette fiscalité, son instabilité, voire ses incohérences constituent autant de handicaps majeurs pour les entrepreneurs et pour l’objectif de relance de l’économie nationale.

Parce que les mesures impactant la fiscalité du capital sont nombreuses, complexes et instables, parce que cette fiscalité est au centre des préoccupations tout au long du cycle de vie d’une entreprise, il est temps de commencer à réformer certains dispositifs clés pour entamer la nécessaire démarche vers la relance des entrepreneurs en France, en rappelant que 5 000 entreprises moyennes et entreprises de taille intermédiaire allemandes exportent, contre 900 seulement dans notre pays.

Je ne vois rien de tel, monsieur le ministre, dans ce budget, sans fil directeur ni ambition pour redresser l’économie de notre pays. Il s’agira donc encore d’une occasion manquée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes devant un budget de continuité – plusieurs l’ont souligné avant moi –, mais aussi un budget sans relief, comme le titrait récemment un quotidien économique.

Le manque de relief caractérise effectivement ce budget pour 2016. Cela s’explique en partie par les conditions difficiles dans lesquelles il a fallu l’établir.

Tout d’abord, la prudence s’impose quant à la prévision de croissance retenue : le chiffre de 1,5 % reste aléatoire, eu égard aux résultats du premier semestre – 0,7 % au premier trimestre et 0 % au second…

Il en va de même de l’inflation : si l’hypothèse retenue de 1 % n’est pas vérifiée, les conséquences peuvent être inquiétantes sur nos recettes.

Se pose aussi la question de l’emploi. Le Président de la République nous annonce depuis plusieurs années l’inversion de la courbe du chômage, ce que nous attendons impatiemment. Certes, le mois de septembre fait apparaître une amélioration, et elle était bienvenue, mais l’examen attentif des chiffres nous oblige à tempérer le discours : le nombre de demandeurs d’emploi continue de croître, de même que le chômage des seniors, et si la baisse du chômage des jeunes semble significative – 14 000 demandeurs en moins sur les 25 000 au total –, n’est-elle pas le fruit des contrats aidés et autres dispositifs largement développés par le Gouvernement ? Hélas, nous pouvons le craindre…

Le plus grave, selon moi, est de constater, si l’on examine l’évolution de la courbe du chômage dans notre pays par rapport à celle de la moyenne des pays de l’euro, qu’elle a tendance à se rapprocher. Voilà qui est inquiétant, car c’est le signe que ce sont des dépenses que l’on génère ainsi.

Quant au déficit de la balance commerciale, de 45 milliards d’euros sur les douze derniers mois et de 40 milliards l’année prochaine, il reste à un niveau préoccupant.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On a connu pis !

M. Michel Canevet. Un mot des recettes. Cela a déjà été dit, le nombre de contribuables à l’impôt sur le revenu va, hélas ! diminuer.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais pas le produit !

M. Michel Canevet. Seuls 46 % des ménages vont payer l’impôt sur le revenu, alors que le produit de cet impôt, contrairement à ce que disait Richard Yung voilà quelques instants, va augmenter de 3 milliards d’euros entre l’année prochaine et cette année.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est faux ! De 2 milliards seulement ! Pensez à la suppression de la PPE !

M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d’État, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 69,6 milliards d’euros en 2015 et 72, 3 milliards dans ce projet de loi de finances. La réalité, la voilà ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UDI-UC.)

Ce qui risque de se passer, monsieur le ministre, c’est que l’exil fiscal, phénomène dont on voit bien qu’il a sérieusement augmenté entre 2012 et 2013 – la hausse a atteint 33 % –, risque de croître encore. Ainsi, de plus en plus de contribuables partiront à l’étranger, parce qu’ils auront le sentiment d’être matraqués en France.

Je le dis, tout le monde devrait payer l’impôt dans notre pays, c’est important. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, tous les ménages ne paient pas d’impôt : seuls 46 % sont dans ce cas. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Daniel Raoul. Et la CSG, c’est quoi ?

M. Michel Canevet. Tout le monde paie des taxes, mais seulement certains paient l’impôt sur le revenu. Or il me paraîtrait logique que, même symboliquement, tout le monde paie cet impôt.

Je voudrais aussi évoquer la compétitivité et l’emploi, seuls susceptibles de nous sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons. Nous nous réjouissons, monsieur le ministre, du CICE, qui permet une baisse des charges des entreprises.

M. Michel Sapin, ministre. Je croyais que ce budget était « sans relief » !

M. Michel Canevet. Nous nous félicitons aussi du crédit d’impôt recherche, qui constitue un dispositif important.

Toutefois, à notre sens, cela ne suffit pas. En effet, le CICE conduit à une baisse des salaires, tout simplement parce qu’il ne touche que les bas salaires, ce qui risque d’être préjudiciable à l’économie de notre pays. Une baisse généralisée des charges sociales, compensées bien entendu par une augmentation à due proportion de la TVA, serait préférable. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Daniel Raoul. Il y avait longtemps !

M. Michel Canevet. Notre objectif est non pas d’accroître les difficultés dans lesquelles se trouve notre pays, mais bien d’y remédier. Selon nous, c’est ainsi que l’économie se développera.

M. Francis Delattre. Très juste !

M. Michel Canevet. S’agissant des dépenses, nous nous inquiétons de l’évolution de la masse salariale, qui représente aujourd'hui, et c’est beaucoup, 40 % des dépenses des ministères et compte pour 286 milliards d’euros dans les 1 000 milliards d’euros de la dépense publique.

Nous pensons que l’on peut faire beaucoup mieux.

Nous sommes donc d’autant plus inquiets des conséquences de l’application de l’accord sur l’évolution des carrières des fonctionnaires : décidée très récemment par Mme Marylise Lebranchu, elle risque d’avoir un impact particulièrement négatif. Nous pensons que, par une meilleure maîtrise du GVT, le glissement vieillissement technicité, et des évolutions de carrière, nous pourrions, dans ce budget, réaliser des économies.

Voilà, monsieur le ministre, les remarques dont je voulais vous faire part. Il y aurait bien entendu d’autres choses à dire, mais nous aurons l’occasion, au cours de ce débat, de le faire. Ce qui est important, c’est d’instaurer la confiance dans notre pays. Or ce budget n’est pas de nature à le permettre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur les recettes, plus particulièrement les recettes fiscales, qui se chiffreront en 2016, d’après le projet de loi de finances, à 286 milliards d’euros, soit 8 milliards d’euros de plus que l’année dernière.

Je note à cet égard que le produit de l’impôt sur le revenu augmentera de 2,8 milliards d’euros et que la lutte contre la fraude fiscale rapportera 2 milliards d’euros, soit une somme importante. Quant à la TVA, elle progressera de 3,2 milliards d’euros,…

M. Francis Delattre. Il vaudrait mieux attendre pour le dire !

M. François Marc. … ce qui conduit bien sûr certains à s’interroger sur les hypothèses retenues. Sont-elles réalistes ? Au fond, l’anticipation du taux d’élasticité se fait-elle sur des bases correctes ?

Mes chers collègues, j’ai pour ma part le sentiment, compte tenu de ce que nous disent les économistes, que le Gouvernement a eu raison d’anticiper un tel niveau de recettes. En effet, quand la confiance réapparaît, comme c’est le cas aujourd'hui,…

M. François Marc. … l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB s’améliore sensiblement.

On sait que tenir ses engagements, c’est d’abord s’assurer de la crédibilité et de la sincérité des hypothèses macro-économiques. Sur ce point, le Gouvernement est incontestablement sur la bonne trajectoire, une trajectoire reconnue comme valide par le Haut Conseil et, ces derniers jours, par les autorités européennes. Je pense qu’il faut en tenir compte.

J’en viens à l’impôt sur le revenu, dont le produit progressera, je le disais, de 2,8 milliards d’euros, soit une augmentation de 4 %. Les raisons sont connues : les dividendes progresseront, ce qui signifie que les entreprises vont mieux – c’est certainement un élément de satisfaction pour chacun d’entre nous – et des plus-values mobilières seront générées, ce qui, là, pose question.

Cela m’amène à évoquer le quantitative easing. Tout le monde sait aujourd'hui que la facilitation monétaire introduite tant aux États-Unis qu’en Europe a eu tendance à gonfler la bulle boursière et à générer ces plus-values de valeurs mobilières. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment, monsieur le ministre, sur l’effet du quantitative easing, supposé accroître l’inflation, mais qui échoue à y parvenir et crée des bulles spéculatives. Ne serait-ce pas, pour l’avenir, un sujet d’interrogations ?

Il y a lieu de noter, mes chers collègues, que, malgré un budget contraint, le choix a été fait de favoriser la justice fiscale et le pouvoir d’achat des ménages. Je pense à la mise en œuvre de la baisse de l’impôt sur le revenu : 8 millions de ménages supplémentaires bénéficieront d’une réduction. Au total, vous l’avez dit ce matin, monsieur le ministre, 12 millions de ménages, soit les deux tiers des ménages français payant l’impôt sur le revenu, bénéficieront en 2016 d’une baisse de cet impôt, ce qui est très important.

Faut-il le rappeler à nos collègues ? En 2016, le pourcentage de ménages payant l’impôt sur le revenu sera le même que celui qui était constaté avant la crise. Il n’y a donc pas d’alourdissement de l’impôt pour les classes moyennes ! (MM. Francis Delattre et Philippe Dallier protestent.)

Pour ce qui concerne l’imposition des revenus, je voulais également me réjouir de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un nouvel article 2 bis, qui fait écho à un sujet souvent évoqué ici, l’assujettissement à l’impôt des indemnités type « parachute doré », actuellement non imposables jusqu’à six fois le plafond annuel de sécurité sociale. Ce plafond sera donc divisé par deux, ce qui permettra de soumettre à l’impôt des revenus relativement importants, ce qui est une bonne chose.

Selon l’INSEE, le pouvoir d’achat ne progresse que de 57 euros par an pour les ménages modestes. Selon moi, il est important que les revenus très élevés, notamment les parachutes dorés, soient davantage sollicités.

J’en viens à l’impôt sur les sociétés et à l’autre priorité du Gouvernement, à savoir la poursuite de la stratégie fiscale visant à augmenter la compétitivité de nos entreprises.

Rappelons dans un premier temps que l’évolution spontanée de l’impôt sur les sociétés, en France, en 2016, devrait se traduire par une augmentation de son produit, à hauteur de 8,5 %. C’est le résultat de la reprise de l’activité et de la baisse des charges. On a donc ici un facteur d’élasticité très élevé, ce qui constitue incontestablement un élément positif.

Pour autant, le rendement global de l’impôt sur les sociétés diminuera, en grande partie en raison du CICE, puisque, en 2016, la créance sur les salaires, pour les entreprises, se chiffrera à 19,4 milliards d’euros. Dès lors, avec l’effet du pacte de responsabilité et la réduction des autres fiscalités – je pense à la C3S, pour 5,5 milliards d’euros d’ici à 2017, ainsi qu’à la réduction de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés –, les entreprises bénéficieront au total de 33 milliards d’euros de baisses d’impôts en 2016, et ce chiffre atteindra 41 milliards d’euros en 2017.

Je souhaite en suite me féliciter de l’intensification de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale abusive. De ce point de vue, mes chers collègues, les résultats commencent à apparaître, même si certains ont semblé en douter tout à l’heure. Je me réjouis pour ma part de voir l’investissement repartir et le pouvoir d’achat d’un certain nombre de salariés, notamment les plus modestes, s’améliorer.

J’en viens enfin à la question de la modernisation et de la simplification du système fiscal. Incontestablement, le choix d’un prélèvement à la source, suivi de la mise en chantier du dispositif, devrait aboutir en 2018 à un système plus clair et plus lisible, qui permettra la réduction des aléas financiers des ménages, une meilleure réactivité des politiques économiques et un gain d’efficience pour l’administration. Monsieur le ministre, les efforts entrepris pour moderniser et simplifier notre système fiscal vont dans le bon sens. On peut féliciter le Gouvernement d’avoir agi dans cette direction.

En somme, je dirai que les hypothèses, s’agissant des recettes, sont réalistes, ce qui n’a pas toujours été le cas au cours des exercices antérieurs. Rappelez-vous des écarts constatés, voilà quelques années, en la matière !

Nous avons le souci d’une justice fiscale accrue et d’une meilleure solidarité, grâce à l’impôt sur le revenu. Nous veillons également à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, au travers du levier de l’impôt sur les sociétés et du CICE. Nous avons enfin la volonté de moderniser notre système fiscal.

Tous ces éléments relatifs aux recettes nous conduisent à soutenir activement le Gouvernement dans son effort. On a pu dire qu’il n’y avait rien de nouveau dans ce budget, qu’il était sans surprise.

M. Philippe Dallier. « La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise » !

M. Francis Delattre. Et c’est le ministre qui l’a dit ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. François Marc. Mes chers collègues, quand un arbre tombe, cela fait du bruit, mais, quand la forêt pousse, on ne l’entend pas. Précisément, la forêt est en train de pousser : la confiance s’améliore et nous sommes dans la bonne direction ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Excellente intervention !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça pousse lentement !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, vous l’avez souligné, c’est dans le contexte dramatique que connaît notre pays, victime de la barbarie de Daech et de la dérive sectaire d’un islam dévoyé qu’il faut éradiquer, que nous examinons le projet de loi de finances pour 2016.

Les décisions prises par le Président de la République viendront impacter le budget, et peut-être les événements auront-ils un effet sur la croissance et, donc, sur les recettes de l’État. Mais on ne peut transiger avec la sécurité de nos concitoyens : nous devons donner à nos armées les moyens d’agir.

Tout en m’inscrivant pleinement dans la volonté d’unité nationale et de soutien aux mesures annoncées au Congrès, je ne peux souscrire, monsieur le ministre, à la mise entre parenthèses du pacte de stabilité.

En premier lieu, je considère que la solidarité de l’Europe ne doit pas seulement s’exprimer par des mots. Elle devrait aussi se traduire par une contribution de nos partenaires européens à l’engagement de la France en Afrique comme au Proche-Orient. Lorsque le coût des OPEX, dont nous connaissons les problématiques de financement, dépasse le milliard d’euros, il n’est pas incongru de considérer que nos partenaires devraient participer à l’effort que consent la France non pas seulement pour se protéger elle-même, mais pour protéger l’ensemble du continent.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Michel Bouvard. Au-delà de cette pétition de principe, je pense surtout que la réduction de nos déficits ne peut pas seulement être lue comme l’obligation de satisfaire à nos engagements européens. C’est d’abord parce que le poison de la dette est à terme une menace pour notre souveraineté et notre capacité à satisfaire à l’avenir aux besoins d’investissement fondamentaux que nous devons respecter le pacte de stabilité.

Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, qui considérait la souveraineté comme un marqueur de son action politique, rappelait à juste titre en 2009 ce que les déficits répétés et la dette, qui est la traduction de leur cumul, portaient comme périls pour la souveraineté nationale.

De 95,6 % en 2014 et 96,3 % en 2015, notre taux d’endettement exprimé en pourcentage du PIB atteindra 96,5 % en 2016. Entre le deuxième trimestre de 2014 et le deuxième trimestre de cette année, la dette se sera accrue de 77,8 milliards d’euros, pour atteindre 2 105,4 milliards d’euros. À 79 %, il s’agit de la dette de l’État, en progression de 5 %, contre seulement 3 % pour les collectivités locales, soit une progression moindre, mais une progression aussi.

Certes, la croissance de la dette ralentit. Certes, l’engagement de la loi de programmation des finances publiques est respecté – je vous en donne volontiers acte, monsieur le ministre. Il n’en reste pas moins que la France figurait l’an dernier parmi les États les plus endettés de l’Union européenne : sa dette publique s’élevait à 95,6 % du PIB, contre 92,9 % en moyenne pour la zone euro, et 86,2 % pour l’ensemble de l’Union européenne.

La hausse de 100 points de base sur l’ensemble des courbes des taux – j’admets qu’il s’agit d’une hypothèse théorique, mais elle a l’avantage de prendre en compte de manière uniforme l’ensemble des obligations d’État, quelle que soit leur maturité, et permet donc d’intégrer le risque financier – conduirait à une augmentation de la charge de la dette de 2,4 milliards d’euros dès cette année, et de 7,4 milliards d’euros à l’horizon 2017.

Je suis donc convaincu, monsieur le ministre, que nous devons procéder à des arbitrages permettant de satisfaire aux exigences de la lutte pour notre sécurité et de la réduction de nos déficits.

Je mesure évidemment la difficulté de cet exercice, puisque la loi de finances n’est toujours pas, malgré les souhaits exprimés par de nombreux parlementaires au moment de l’élaboration de la LOLF, le lieu de l’ensemble des décisions budgétaires et fiscales, ce qui rend sa construction plus difficile.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est vrai !

M. Michel Bouvard. Le rapport général fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2016 contient, en page 116, un intéressant tableau retraçant le coût des mesures nouvelles annoncées depuis le vote du projet de loi de finances pour 2015 : l’impact est évalué à 1,5 milliard d’euros dès cette année, et à 6 milliards d’euros en 2016. Or les mesures de lutte contre le terrorisme annoncées au mois de janvier dernier ne pèsent, dans ce total, que pour 400 millions d’euros en 2015 et 425 millions d’euros en 2016.

Les crédits des missions inscrits dans la loi de finances pour 2016 sont en progression de 338 millions d’euros, compte non tenu non seulement des décisions qu’il faudra prendre à la suite du congrès de Versailles, mais également de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Cette progression est le signe de la difficulté à arbitrer entre nos priorités, et à remettre en cause un certain nombre de schémas anciens.

Sommes-nous certains que les 47 138 postes créés dans l’éducation nationale depuis 2012 apporteront une réponse au glissement de notre pays dans les classements PISA, qui mesurent le niveau d’acquisition des connaissances et donc l’efficacité de notre système éducatif, alors même que la Cour des comptes vient de démontrer le coût très élevé du lycée dans notre pays, l’un des plus élevés parmi les pays européens ?

Était-il opportun d’engager des dépenses supplémentaires à hauteur, en 2015, de 410 millions d’euros pour l’État et de 574 millions d’euros pour les caisses d’allocations familiales au titre de la réforme des rythmes scolaires,…