Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, il y a un an, lors de l’examen des budgets de votre ministère, je constatais que le mot « terrorisme » ne figurait dans aucun des documents budgétaires. Force est de constater que cette année ce terme est présent à de nombreuses reprises ; c’est une très bonne chose.

Je vous prévenais alors, monsieur le ministre, que les temps s’annonçaient difficiles, que votre tâche serait lourde et votre travail de longue haleine – nous étions un mois avant l’attaque de Charlie Hebdo – ; voilà pourquoi nous avions voté vos crédits. Aujourd’hui encore, bien évidemment, l’ensemble de notre groupe fera de même.

Je souhaite aussi, monsieur le ministre, vous exprimer notre soutien et vous assurer du respect que nous avons pour votre travail et pour celui de l’ensemble de vos services. À aucun moment, en ces difficiles temps de deuil, je ne soutiendrai l’idée que ces services auraient failli ; jamais je ne les mettrai en cause.

J’aimerais toutefois profiter des quelques minutes qui me sont attribuées pour attirer votre attention sur certains points.

Les fiches S, qui sont un document de travail, ont une durée de vie d’environ deux ans. Certes, il est impossible de ficher les personnes qui n’ont pas encore été condamnées ; nous connaissons cette difficulté. Néanmoins, Merah, Nemmouche, Coulibaly, les frères Kouachi et tous les autres terroristes sont bien sortis à un moment des écrans radar. Il faudrait par conséquent travailler à la mise en place d’un fichier permanent des personnes qui ont eu un lien direct ou indirect avec le terrorisme ; c’était l’un des souhaits de notre commission d’enquête à ce sujet. Si ce fichier devait fonctionner comme celui qui concerne les délinquants sexuels, il faudrait alors informer les personnes qui y sont inscrites qu’elles sont suivies ; si cela peut avoir des inconvénients, cela peut aussi présenter des avantages.

Je ne prétends pas connaître la solution à ce problème. En revanche, je sais que, un ou deux ans après être sortis des écrans radar, ces individus deviennent des terroristes. Ils ont du sang sur les mains : le sang de nos concitoyens. Il faudra bien trouver une solution. Je soumets cette réflexion à votre sagacité légendaire. Il est en effet nécessaire de résoudre le problème des personnes qui ont été ciblées puis lâchées. Il s’agit d’un problème ex post et non d’un problème ex ante au regard du fichage.

Le deuxième problème que je veux évoquer concerne les contrôles effectués par l’agence FRONTEX. Dans sa proposition n° 69, notre commission d’enquête souhaitait que ces contrôles puissent être aléatoires. En effet, aujourd’hui encore, les services nationaux sont informés de la date et de l’heure de leurs contrôles, ce qui rend évidemment ces derniers un peu moins performants que ne le seraient des contrôles aléatoires.

Par ailleurs, toujours au sujet des frontières, j’aimerais aussi évoquer la question du trafic d’armes. Nous ne pouvons déjà plus payer en espèces au-delà de 1000 euros, bientôt il faudra presque une carte d’identité pour acheter des cigarettes électroniques (Sourires.), mais on peut trouver des kalachnikovs absolument à tous les coins de rue pour une somme dérisoire. Je sais, monsieur le ministre, que vous entendez lutter contre le trafic d’armes à feu : pourriez-vous nous exposer brièvement l’état de votre travail à ce sujet ?

En matière de coopération internationale, une convention de sécurité intérieure a été signée à Ankara, le 7 octobre 2011, avec la Turquie ; il serait grand temps de la mettre en action. Cette convention dort dans les tiroirs de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale depuis plus de quatre ans. Pensez-vous qu’un jour ou l’autre nous pourrons étudier cette convention ? En effet, s’il est important de travailler avec la Turquie, cette coopération serait sûrement bien plus efficace dans le cadre d’une convention.

Je souhaite évoquer un autre sujet d’inquiétude : les financements du terrorisme. Je sais, monsieur le ministre, que ce sujet ne relève pas directement de votre ministère. Néanmoins, je voulais simplement vous rappeler que vous aviez rejeté l’an dernier un amendement que j’avais déposé relatif aux cartes prépayées ; vous estimiez alors que ce n’était pas au cœur des dispositifs. Je constate avec intérêt que cela l’est devenu aujourd’hui : j’ai eu le tort d’avoir raison trop tôt.

Je voudrais consacrer le reste de mon intervention au sujet de la prévention du terrorisme. Monsieur le ministre, nous pourrons travailler autant que nous voulons sur la répression, nous savons tous que le problème ne peut être résolu uniquement ainsi. La prévention est une nécessité absolue.

La radicalisation est un sujet nouveau. Il faut donc former les formateurs ; c’est une question essentielle parce que nous n’avons pas droit à l’erreur. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une évaluation de l’ensemble des organismes en charge de cette formation, y compris, et surtout, de ceux qui viennent en aide aux familles. Beaucoup d’échos nous reviennent selon lesquels les familles de jeunes radicalisés sont isolées et mal encadrées.

Certes, si j’ai bien lu le détail des crédits, près de 600 millions euros d’aides doivent être versés aux associations. Toutefois, il n’est pas impossible que cela soit source d’un effet d’aubaine et que, bien évidemment, à terme, le résultat escompté fasse défaut.

Le travail de déradicalisation et de prévention est essentiel, faute de quoi nous continuerons à alimenter les réseaux de Daech, que ce soit sur notre territoire ou à l’étranger. Mme Latifa Ibn Ziaten et M. Mourad Benchellali répètent à longueur de journée qu’ils sont très isolés dans le travail de déradicalisation qu’ils accomplissent. Je pense, monsieur le ministre, qu’il faudrait mettre toutes ces bonnes volontés en réseau, les encadrer et les organiser. Il n’y a absolument pas de temps à perdre.

Cette maison accueille régulièrement, monsieur le ministre, une organisation dénommée « Talents des cités ». Chaque année, nous honorons le talent de jeunes issus des quartiers défavorisés. À cette occasion, notre hémicycle est blanc-noir-beur. Cette démarche est extrêmement intéressante ; à mon sens, il faudrait mobiliser les jeunes ayant reçu des prix « Talents des cités », les inciter à retrouver le chemin de ces territoires déshérités, à y réinvestir et à servir ainsi de bons exemples à des personnes qui, disons-le, sont quelque peu en perdition. Mettre en œuvre ces bonnes volontés, d’une façon qui ne soit pas vraiment institutionnelle, représente sans doute la meilleure chance que nous ayons de ramener des jeunes en voie de radicalisation à de meilleurs sentiments.

Je crois aussi qu’il nous faut utiliser tous les outils à notre disposition. Le Forum mondial contre le terrorisme, qui a été créé le 22 septembre 2011, juste après les attentats du 11 septembre, a ainsi développé un institut international implanté à Abu Dhabi, Hedayah, qui organise des programmes contre la radicalisation. Plutôt que de réinventer les choses, je crois qu’il faut utiliser ce qui existe déjà. Cet institut offre un certain nombre de programmes, tels des programmes de déradicalisation par le sport et des programmes de formation. J’estime qu’il faut s’en inspirer ; la France est d’ailleurs coprésidente de certaines commissions à l’intérieur de cet institut. Je tiens à préciser que, en dépit de son emplacement, il s’agit non pas d’un institut émirati mais bien d’un centre international auquel nous pouvons faire confiance.

Monsieur le ministre, la grande confiance que notre groupe a dans votre travail comme dans vos services fera mentir le proverbe normand que nous avons en partage : elle exclut pour l’instant toute petite méfiance ! (Sourires.) Nous voterons donc les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les dramatiques événements survenus au mois de janvier puis le 13 novembre dernier, nous sommes plus que jamais attentifs aux moyens qui sont alloués à la sécurité de nos concitoyens.

Il faut le dire : nos forces de police et de gendarmerie ont fait une nouvelle fois la démonstration d’un professionnalisme rare pour neutraliser les individus impliqués dans ces attentats.

Exposés quotidiennement dans leur mission, les agents des forces de l’ordre sont à pied d’œuvre, en première ligne, depuis de nombreux mois.

Ils attendent de nous, bien sûr, tout comme l’ensemble de nos concitoyens, une mobilisation à la hauteur de l’enjeu.

Lors de son discours devant le Congrès, le chef de l’État a annoncé des mesures fortes, dont la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017. Ces paroles vont une nouvelle fois se traduire en actes : bien évidemment, le groupe socialiste et républicain se félicite de l’amendement déposé par le Gouvernement, qui a d’ailleurs reçu le soutien unanime de la commission des finances.

Cet amendement a pour objet la création, en 2016, de 3 150 postes : 1 366 dans la police et 1 763 dans la gendarmerie. Ces créations d’effectifs s’accompagnent d’un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement d’un montant total de plus de 220 millions d’euros.

Ce nouvel effort budgétaire, qui vient répondre à une situation exceptionnelle, s’inscrit dans la continuité de ceux qui ont déjà été entrepris depuis le début du quinquennat.

Ces efforts ont été rendus indispensables par la chute brutale des effectifs entre 2007 et 2012. Il faut à mon sens rappeler que, durant le précédent quinquennat, près de 14 000 postes ont malheureusement été supprimés : 7 000 dans la police et 6 800 dans la gendarmerie. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Chiron. Il faut le dire !

M. Philippe Kaltenbach. Cela était une grave erreur. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire : un membre des Républicains, M. Alain Juppé, l’a reconnu. Il faudrait tout de même que nous soyons tous d’accord sur le constat : supprimer des postes dans la police et la gendarmerie a constitué une erreur, que nous payons aujourd’hui. (Mêmes mouvements.)

M. Alain Gournac. Après trois ans et demi, c’est une analyse tardive !

M. Philippe Kaltenbach. Le Gouvernement a bien saisi l’enjeu puisque, depuis 2012, des postes sont recréés. Les effectifs sont en hausse depuis le changement de majorité.

M. Philippe Dallier. Il n’y en a pas trace dans les crédits !

M. Philippe Kaltenbach. Cette hausse a pu être contestée ces derniers jours par l’opposition, qui s’est fait l’écho d’un article paru dans un grand quotidien national du soir – je ne le nommerai pas mais vous savez auquel je fais allusion –, article qui remet en cause la réalité de cette hausse.

Le critère d’évaluation qui fonde le raisonnement de cet article, à savoir les plafonds d’emplois, n’est pas pertinent. En effet, cette mesure varie en fonction de l’évolution des missions d’un ministère.

Les seuls chiffres fiables pour juger de l’évolution réelle des effectifs sont…

M. Philippe Dallier. … ceux du ministère ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Kaltenbach. … les schémas d’emplois exécutés, publiés chaque année, qui mesurent les gains ou les pertes nets d’effectifs dans un même périmètre ministériel.

M. Roger Karoutchi. Tout cela est trop technique ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Philippe Kaltenbach. J’en viens à des choses moins techniques, monsieur Karoutchi : je sais qu’elles vous gênent mais on ne peut les taire. À partir de 2013, premier budget voté par l’actuelle majorité, ces schémas d’emplois sont positifs pour la police comme pour la gendarmerie, conformément aux engagements du Président de la République. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Ah, les engagements du Président !

M. Philippe Kaltenbach. Il avait promis en effet de mettre la priorité sur la sécurité, ce qui s’est traduit, depuis 2013, par des augmentations d’effectifs dans la police comme dans la gendarmerie.

À la lecture de ces documents, on constate que, depuis 2012, il y a eu 1 172 créations d’emplois dans la police et 616 dans la gendarmerie, soit près de 1 800 emplois.

M. Philippe Kaltenbach. Vous me répondrez que ces effectifs sont encore insuffisants. (Exclamations amusées sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Si vous faites les questions et les réponses, alors ! (Sourires.)

M. Philippe Kaltenbach. De la part d’un groupe qui a légitimé pendant cinq ans la suppression de 14 000 postes, c’est plutôt cocasse ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Des efforts ont été accomplis ; ils s’amplifient, avec les 5 000 postes annoncés. C’est indispensable, car, pour assurer la sécurité de nos concitoyens, il faut des effectifs suffisants sur le terrain, des moyens, des agents pour le renseignement.

Tout cela doit se traduire sur le plan budgétaire. C’est le cas depuis 2013. C’est encore le cas dans ce budget que nous nous apprêtons à voter pour 2016.

À l’occasion des attentats du 13 novembre dernier, nous avons pu mesurer que, heureusement, la France disposait de services publics extrêmement efficaces, notamment dans les domaines de la sécurité et de la santé.

M. Alain Gournac. C’est la seule vérité !

M. Philippe Kaltenbach. Cela suppose des moyens. Le groupe socialiste et républicain a toujours défendu les services publics et leur rôle dans la société.

Oui, nous avons besoin de policiers, de gendarmes, d’infirmiers, d’enseignants. Cette réalité se traduit dans le budget qui est voté.

M. Philippe Kaltenbach. Pour toutes ces raisons et eu égard aux moyens supplémentaires qui résulteront de l’adoption de l’amendement du Gouvernement, le groupe socialiste et républicain votera les crédits de la mission « Sécurités » et soutiendra pleinement la politique menée par le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Faites-leur la leçon ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cela a été rappelé, cette année, l’examen de la mission « Sécurités » revêt un caractère très particulier en raison des événements dramatiques qui se sont déroulés à Paris et qui ont touché des victimes innocentes. Notre pays et le monde entier en sont bouleversés et affectés.

Dès lors, dans ce contexte extrêmement tendu, parler de chiffres devient un exercice difficile. Nous ne pouvons que témoigner notre respect et notre reconnaissance à l’égard de l’ensemble des forces de sécurité – gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers –, des professionnels de santé, en particulier les urgentistes, des personnels des services de l’État et des collectivités territoriales, sans oublier les bénévoles, tous ceux qui ont œuvré et œuvrent encore au quotidien avec dévouement et conscience professionnelle pour la sécurité des personnes et des biens.

Nous sommes conscients de cette grande solidarité, qui nous invite à la modestie. C’est pourquoi, malgré tout le respect que je dois à mon collègue qui vient d’intervenir, pour ma part, je ne citerai aucun chiffre.

M. Claude Raynal. Il vaut mieux pas !

M. Philippe Kaltenbach. C’est parce qu’ils ne sont pas à votre avantage !

M. Marc Laménie. Je le répète, il faut rester modeste et, surtout, solidaire.

M. Alain Gournac. C’est une parole sage !

M. Philippe Kaltenbach. Quand les chiffres ne sont pas bons, on n’en parle pas !

M. Marc Laménie. Les métiers difficiles liés à la sécurité doivent s’adapter constamment à des contraintes exceptionnelles. La lutte contre le terrorisme est devenue la principale priorité des Français, comme l’ont rappelé avec conviction et passion Philippe Dominati et les autres rapporteurs.

À cela s’ajoute une crise migratoire très importante.

Nos forces de sécurité exercent leur métier avec passion, au risque de leur vie. Chaque année, les Journées nationales d’hommage aux gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers qui se déroulent sous votre autorité, monsieur le ministre, dans nos départements, en métropole et outre-mer, en liaison avec les représentants de l’État, sont des moments importants. Associant nos concitoyens, les élus et les forces vives de la nation, elles nous permettent de prendre conscience plus vivement encore des missions de ces agents, des dangers qu’ils vivent au quotidien et nous rappellent le respect que nous leur devons.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » atteignaient 17,9 milliards d’euros en crédits de paiement. À ce montant, il convient d’ajouter 340 millions d’euros prévus par l’amendement du Gouvernement à l’article 24 et destinés à créer 3 150 emplois en 2016, dans le cadre de la mission « Sécurités ».

Le budget de la gendarmerie nationale s’élève à plus de 8 milliards d’euros. Dans le département des Ardennes – vous le connaissez bien, monsieur le ministre, puisque vous y venez régulièrement et que vous avez inauguré la caserne de gendarmerie de Rethel l’été dernier –, comme dans d’autres territoires, les petites brigades manquent souvent d’effectifs et les postes ne sont pas toujours tous pourvus. Les renforts de réservistes actifs – en tant que membre de la réserve citoyenne, je peux apporter mon modeste témoignage ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain) – sont variables, compte tenu des contraintes budgétaires.

Sur le terrain, les gendarmes font de leur mieux pour rencontrer les maires, les interlocuteurs de proximité – acteurs économiques, sociaux, enseignants, etc. – afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens, notamment dans les territoires ruraux. Pour les maires des petites communes, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les urgentistes et l’ensemble des services de l’État constituent des interlocuteurs de proximité ; à ce titre, nous devons les soutenir.

Il faut lutter contre la délinquance – je pense à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », votée en 2011 –, contre l’insécurité sous toutes ses formes, notamment en faisant de la sécurité routière une priorité.

Monsieur le ministre, nous comptons sur votre engagement de donner à l’ensemble des services, brigades et communautés de brigades, escadrons motorisés, pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, ou PSIG, les moyens humains nécessaires et les moyens de fonctionner, qu’il s’agisse du matériel, du renouvellement des véhicules, notamment les motos, etc. La tâche reste immense, d’autant que les missions de gendarmes, tous grades confondus, restent très variées. Elles s’inscrivent de plus en plus dans le cadre d’interventions à caractère judiciaire, social ou familial. Le statut militaire des gendarmes doit toujours être préservé, compte tenu de leur engagement, mais aussi de leur attachement au devoir de mémoire.

Par conséquent, il est indispensable de soutenir nos forces de police et de gendarmerie, les sapeurs-pompiers et tous ceux qui s’engagent pour la sécurité des habitants, en particulier les personnes les plus fragiles, en leur accordant les moyens humains suffisants et, surtout, bien répartis géographiquement, dans les territoires urbains comme dans les territoires ruraux. Si certains départements sont particulièrement attractifs, d’autres le sont malheureusement moins et la répartition de certains postes se révèle très difficile.

Cette année encore, il faut souligner le mérite de l’ensemble des forces de sécurité et des personnels. Nous devons retrouver la confiance qui unit l’État, les collectivités territoriales et l’ensemble des intervenants et des partenaires. Il faut toujours garder en mémoire qu’il s’agit d’une responsabilité collective, partagée et citoyenne.

Cela a été rappelé avec passion avant moi : les enjeux sont nombreux et la tâche reste d’envergure – ce qui vaut pour cette année valait déjà pour les années antérieures. C’est pourquoi nous devons rester confiants et positifs. Mes collègues et moi-même voterons donc les crédits de la mission « Sécurités », mission que l’on pourrait également appeler « Solidarité ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (M. Guillaume Arnell applaudit.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui plus que jamais, la sécurité de notre pays et de nos concitoyens est au cœur des préoccupations des Français. Le projet de loi de finances pour 2016 les prend pleinement en considération, à la hauteur des enjeux qui s’imposent à nous.

C’était déjà le cas hier. Avec constance, depuis trois ans, le Gouvernement a fait de la sécurité des Français une priorité dans la lutte contre la délinquance de droit commun et contre la menace terroriste.

Je rappelle que les crédits de la mission « Sécurités » pour 2015 étaient globalement en hausse. Le budget de la police avait augmenté de 0,5 %, avec 9,69 milliards d’euros, celui de la gendarmerie de 0,4 %, avec 8 milliards d’euros.

L’exigence de responsabilité nous impose d’opérer des choix très différents de ceux qui ont prévalu jusqu’à une période récente.

La révision générale des politiques publiques a supprimé 13 338 postes de policiers et de gendarmes depuis 2007. Suivant une logique différente de celle du précédent quinquennat, en 2015, comme en 2014 d’ailleurs, 405 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés.

Afin de répondre efficacement à l’évolution de la menace terroriste, nous nous sommes dotés de moyens juridiques efficaces : le Parlement a débattu en 2012, 2014 et 2015 de différents textes visant à adapter notre législation aux spécificités de cette criminalité particulièrement dangereuse.

De nombreux projets d’attentats ont ainsi pu être déjoués notamment grâce à ces dispositifs et au travail incommensurable des forces de l’ordre, dont le dernier à Toulon deux jours avant cette macabre nuit du 13 novembre dernier.

Malgré toutes ces mesures nouvelles, l’année 2015 s’achève aussi tristement qu’elle a commencé, faisant au moins 130 morts et des centaines de blessés. Je tiens à m’associer ici à la douleur des familles des victimes. Il n’y a pas de mots suffisamment forts pour qualifier une telle barbarie. Je tiens également à saluer l’action des forces de l’ordre et des professionnels de secours et de santé, qui se sont encore une fois montrés exemplaires.

Pour faire face à ce monstre qu’est le terrorisme, la France, avec la compréhension de la Commission européenne, prévoit de ne pas tenir ses engagements budgétaires face à la nécessaire augmentation des dépenses de sécurité en pareille situation. Comme le Président de la République l’a affirmé avec force lors de son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre dernier : « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ».

Aussi, ce sont 5 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires qui seront créés et 9 200 suppressions de postes de militaires prévues entre 2017 et 2019 qui seront gelées. Au total, la mobilisation de ces nouveaux moyens conduira à une dépense supplémentaire sur le budget de l’État estimée à 600 millions d’euros en 2016. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels !

À cet égard, je constate avec satisfaction que la commission des finances a adopté à l’unanimité l’amendement du Gouvernement visant à compléter les crédits de la mission « Sécurités » dans le projet de budget 2016 et que, dans la foulée, elle a confirmé ce vote positif en émettant un avis favorable sur les crédits de la mission ainsi modifiés.

Je salue également le rapport pour avis d’Alain Marc et le choix de la commission des lois de se déclarer favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans attendre le dépôt formel de l’amendement du Gouvernement.

À la suite de ces attentats, les musulmans de France redoutent de nouveau – et à raison – les amalgames, la stigmatisation et les actes islamophobes. Des lieux de culte, des commerces ont déjà été vandalisés et des personnes agressées verbalement et physiquement. Il me semble impératif d’encourager la mobilisation récente des musulmans contre ces amalgames et contre une terreur qui se réclame de l’islam et dévoie cette religion. Je pense notamment à l’annonce faite par le président du Conseil français du culte musulman, le CFCM, de mettre en place une « habilitation » des imams pour promouvoir « un islam tolérant et ouvert » en France.

Dans mon département, la population, qui est à plus de 90 % de confession musulmane, a toujours eu une lecture de l’islam en accord avec les lois de la République. Une délégation de cadis de Mayotte, conscients des dérives actuelles, s’était d’ailleurs rendue le 13 décembre 2014 en métropole pour promouvoir la lutte contre le processus de radicalisation.

Toutefois, comme partout ailleurs, l’île n’est pas à l’abri d’une radicalisation. La jeunesse de la population, rendue vulnérable par le chômage et la précarité, constitue un terreau réceptif aux dérives fondamentalistes véhiculées par les nouveaux moyens technologiques.

J’incite également les musulmans de France à revoir en profondeur et sans tarder leur organisation.

Reconnaissant que, dans une République laïque, il n’appartient pas à l’État de se prononcer sur l’organisation interne des cultes, monsieur le ministre, vous avez annoncé en conseil des ministres le 25 février dernier un plan d’action articulé autour du dialogue avec la communauté musulmane, la sécurité des lieux de culte et la formation des imams. La réunion plénière de la nouvelle instance de dialogue avec le culte musulman s’est tenue le 15 juin 2015. Certes, cette question relève d’une autre mission budgétaire, mais puisqu’elle est directement liée à cette situation, pourriez-vous tout de même nous préciser ce qu’il est ressorti de ses travaux ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Pour conclure, monsieur le ministre, le budget particulier que vous nous présentez marque une nouvelle fois la volonté du Gouvernement de faire face aux risques terroristes après les attentats dont la France a été victime et à la criminalité de droit commun. Aussi, je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Guillaume Arnell et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » étant marqué par les événements tragiques que nous avons connus récemment, j’ai souhaité axer mon propos sur l’action d’un service de la gendarmerie nationale, parfois méconnu, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle, la SDAO. Ce service a été installé à la suite de la réforme d’ampleur du renseignement intérieur en 2013. Les ressources consacrées à cette mission sont maintenant plus clairement identifiées et mieux structurées. Par ailleurs, cette réforme a conduit à impliquer de nouveau le renseignement territorial dans la lutte contre le terrorisme.

La création de la SDAO était une nécessité. Effectivement, et comme la délégation parlementaire au renseignement l’avait souligné dans son rapport pour l’année 2014, la réforme entreprise en 2008 avait eu pour conséquence la marginalisation de la gendarmerie nationale dans la politique de renseignement de proximité. C’était une erreur à laquelle le Gouvernement a remédié en 2013.

Les moyens de la gendarmerie nationale ont été renforcés dans le cadre du plan global de lutte contre le terrorisme annoncé le 21 janvier 2015. C’est ainsi que 150 gendarmes doivent rejoindre le SDAO. Le Président de la République a annoncé le 16 novembre un renforcement considérable, sur le plan tant des effectifs que de l’investissement, des services de la gendarmerie nationale : 67 millions d’euros sont consacrés au recrutement de 1 763 personnes. Par ailleurs, 93 millions d’euros permettront d’accélérer la modernisation de la gendarmerie en termes d’équipements. Ces nouveaux moyens permettront à la SDAO de continuer d’agir, en collaboration avec le Service central du renseignement territorial, le SCRT, face à une menace terroriste plus présente que jamais.

Cette nouvelle structure de collecte et d’analyse au sein de la gendarmerie nationale permet de valoriser les activités de coordination, particulièrement avec le SCRT. À l’heure actuelle, des structures communes, appelés « bureaux de liaison départementaux », rassemblant des personnels issus de la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, du SCRT et de la SDAO, permettent un partage de l’information et une coordination très souhaitable. Des échanges de personnels s’effectuent d’ailleurs régulièrement entre les services et la collaboration avec la DGSI s’est considérablement renforcée. Or on sait qu’il pouvait y avoir là quelques failles…

Par ailleurs, le décret désignant le second cercle des services habilités à recourir aux techniques ou à certaines techniques couvertes par la loi du 24 juillet 2015 intègre bien la SDAO.

J’évoquerai également le remarquable travail des équipes de la gendarmerie au nouveau Pôle judicaire de la gendarmerie nationale à Pontoise, en particulier celui du Centre de lutte contre les cybercriminalités numériques. Ce dernier concentre de nombreux moyens humains, disposant de compétences techniques très pointues dans le domaine informatique.

Les missions des personnels sont variées et constituent d’abord un centre de ressources au service de toute la gendarmerie. La plupart des enquêtes comportent désormais un volet d’investigation numérique, mais le fait que les services techniques, juridiques et d’investigation soient rassemblés sur un même site facilite grandement le travail des enquêteurs de la gendarmerie nationale.

Pour conclure, je rappelle que les femmes et les hommes qui servent notre pays au sein de la gendarmerie nationale s’évertuent chaque jour à assurer la sécurité de nos concitoyens. Dans le contexte dramatique des événements des 13 et 18 novembre dernier, je tenais à saluer de nouveau l’excellent travail et l’engagement quotidien des personnels de la gendarmerie. C’est pourquoi j’ai voulu mettre en exergue ceux de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Le Scouarnec et Guillaume Arnell applaudissent également.)