Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. À l’instar de M. le ministre, je salue l’engagement unanime de la commission des finances en faveur de cet amendement. Je le fais d’autant plus volontiers que nous avions nourri quelques inquiétudes après la présentation du rapport de Philippe Dominati, dont je vous lecture d’un paragraphe : « Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix idéologique de concentrer l’effort budgétaire sur les créations d’emplois. Pourtant, les comparaisons internationales ne témoignent pas d’une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, un seul, l’Italie, a des effectifs supérieurs aux nôtres. »

Dans un premier temps, je n’avais pas très bien compris l’expression « choix idéologique », mais je réalise maintenant qu’il s’agissait de saluer l’action du Gouvernement et des socialistes, plus particulièrement du groupe socialiste et républicain du Sénat, qui défend depuis toujours une politique sécuritaire pour nos concitoyens. Je vous remercie donc d’avoir utilisé ce terme, mon cher collègue ! (Sourires.)

Après avoir affirmé dans votre rapport, monsieur Dominati, qu’il y avait peut-être trop d’emplois dans les forces de gendarmerie et de police, nous allons finalement voter, tous ensemble, la création de 5 000 emplois supplémentaires.

Ce cheminement mérite d’être salué, à moins qu’il ne faille voir dans l’extrait que j’ai cité une tentative pour justifier a posteriori la diminution d’emplois intervenue durant le quinquennat précédent… Il serait préférable, comme l’a fait Alain Juppé, de regretter tout simplement ces suppressions, et de s’en tenir là ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

En ce qui concerne les comparaisons internationales, je vous engage, mes chers collègues, à faire preuve de constance dans vos analyses ; je vous l’ai dit en commission. Lorsque nous avons plus d’emplois que les autres, vous prétendez que nous gérons mal, et lorsque nous en avons moins – c’est le cas, notamment, pour la mission « Justice », rapportée par Antoine Lefèvre –, ce serait aussi dû à une mauvaise gestion : nous n’affecterions pas les effectifs nécessaires aux missions.

Mes chers collègues, il faudrait choisir : ça ne peut pas aller mal dans tous les cas de figure !

M. Roger Karoutchi. Allez, allez !

M. Claude Raynal. Quoi qu’il en soit, je vous félicite d’avoir, cette fois-ci, donné votre aval à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. La tonalité de mon intervention sera un peu différente.

Il n’est pas si fréquent – ce point mérite d’être souligné – qu’une disposition fasse l’unanimité des deux côtés de l’hémicycle, et, pour ma part, je m’en réjouis. Vous avez accompli, chers collègues de l’opposition, un chemin important pour venir nous rejoindre sur le budget de cette mission et l’amendement du Gouvernement.

Comme cela a été souligné, cet amendement est essentiel, non seulement parce qu’il vise à autoriser la création de près de 4 000 nouveaux postes en 2016 – je n’insiste pas sur les baisses d’effectifs qui sont intervenues précédemment, mais il faut les garder en mémoire ! –, mais aussi parce qu’il tend à opérer un rééquilibrage en termes de moyens. Je citerai simplement l’achat de 6 000 véhicules, une mesure réclamée à plusieurs reprises par les syndicats professionnels et qui, au regard de la faiblesse et du vieillissement de notre parc automobile, permettra une remise à niveau bienvenue.

Pour toutes ces raisons, nous voterons bien évidemment cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je veux dire mon admiration aux élus socialistes, qui sont presque en train d’atteindre le nirvana ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Nous sommes ravis de ce virage à cent quatre-vingts degrés – vous devenez sécuritaires ! – par rapport aux politiques que vous prôniez voilà encore une dizaine d’années. Bienvenue ! Enfin, tout le monde, désormais, veut faire de la sécurité ! Lorsque j’ai créé, il y a quelque temps, le chapitre « sécurité » au sein du budget de la région d’Île-de-France, ce n’était pourtant pas gagné d’avance !

Pour le reste, nous allons bien entendu voter cet amendement, de même que les crédits de la mission « Sécurités ». Je le dis avec d’autant plus d’empressement que je vous décevrai sans doute ultérieurement, monsieur le ministre, pour ce qui concerne la mission « Immigration, asile et intégration ».

Je vous entends, mes chers collègues, rappeler les chiffres de 2007 à 2012. Mais la sécurité est, pour le Gouvernement, un acte permanent d’adaptation à la situation. Il y a cinq ans, ou dix ans, la menace terroriste n’existait pas ou était faible ; Daech n’existait pas. Il était alors normal de mener une réflexion sur la situation.

Aujourd’hui, avec les mouvements massifs de population vers l’Europe, les actes terroristes que nous venons de connaître et la menace qui reste forte, le ministre de l’intérieur estime qu’il faut renforcer la sécurité, et nous le suivons. C’est tout à fait logique et normal. La politique de sécurité du Gouvernement doit logiquement s’adapter en fonction des menaces. S’il n’y a pas de menace, nul besoin d’augmenter les crédits. Mais là, la menace existe, et, je le répète, naturellement, nous vous suivrons, monsieur le ministre. (Mme Jacky Deromedi applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous voterons évidemment cet amendement, mais je souhaite attirer l’attention de M. le ministre sur deux points importants.

Premièrement, nous serions bien peu de chose sans la coopération internationale, et nous devons impérativement flécher les financements dans la bonne direction et à destination de nos voisins qui en ont le plus besoin.

Deuxièmement, il est nécessaire de prévoir une répartition équitable des nouveaux effectifs sur le territoire. Les territoires ruraux, qui ne sont pas les moins exposés – des perquisitions ont ainsi été menées dans l’Orne, qui n’est pas un endroit aussi isolé ni perdu que certains veulent bien le dire ! –, ne doivent pas être oubliés.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.

M. Vincent Eblé. J’attire l’attention sur le fait que ces 340 millions d’euros de crédits – excusez du peu ! – sont l’occasion de renforcer, non seulement les effectifs, ce qui est bien sûr nécessaire, mais aussi l’ensemble des éléments qui contribuent à l’efficacité des équipes.

En effet, face à la détermination fanatisée de quelques terroristes, la seule présence d’effectifs supplémentaires sur le terrain serait assez insuffisante si elle n’était pas complétée par des efforts budgétaires en matière de formation, de sécurisation des sites, d’équipement en véhicules, en armements, en moyens de protection et en moyens technologiques. Surtout, pour veiller à la prévention de ces actes, il est nécessaire, en complément de la loi récemment adoptée par le Parlement, de moderniser les systèmes d’information et de communication, afin de progresser, notamment, dans l’investigation numérique, le blocage des sites internet et la veille sur les réseaux sociaux, autant d’opérations qui doivent être prévues dans le budget, car elles nécessitent la mobilisation de professionnels qualifiés dotés des technologies les plus performantes et les plus novatrices. Nos moyens de lutte contre le terrorisme pourront ainsi être les plus efficaces possible.

J’ajouterai, enfin, l’absolue nécessité de développer la coopération internationale en matière de sécurité. Là encore, la volonté ne suffit pas ; il faut quelques lignes de crédit pour permettre à cette coopération internationale de se développer. Tout cela est prévu, et c’est tant mieux ! Nous vous remercions de ce travail, monsieur le ministre, et nous voterons bien entendu cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Je ne veux pas relancer la polémique avec M. Karoutchi, mais, à chaque fois que la gauche est au pouvoir, elle renforce les effectifs des forces de l’ordre – c’était déjà vrai sous Lionel Jospin, et c’est maintenant encore le cas sous la présidence de François Hollande !

M. Roger Karoutchi. Sous Jospin, non !

M. Roger Karoutchi. C’est le cas avec M. Cazeneuve !

M. Philippe Kaltenbach. Certes, mais c’était aussi vrai sous M. Jospin, avec la police de proximité !

Et, à chaque fois que vous êtes aux affaires, pour des raisons idéologiques de lutte contre la dépense publique, d’abaissement du nombre de fonctionnaires, de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, nous assistons à une diminution des effectifs – c’est vrai pour la police, mais cela s’est aussi vérifié dans d’autres administrations –, qui affaiblit l’efficacité du service public. Même si l’efficacité ne tient pas seulement aux effectifs, elle tient aussi aux effectifs.

Nous avons assisté à une montée de l’insécurité et, depuis que M. Cazeneuve est ministre, nous nous réjouissons de voir l’insécurité et les délits diminuer en France, parce que les moyens mis en place se révèlent efficaces pour lutter contre la délinquance, ainsi que, nous le voyons d’ores et déjà, contre le terrorisme.

Depuis la mise en place de l’état de siège …

M. Roger Karoutchi. De l’état d’urgence !

M. Philippe Kaltenbach. Pardonnez-moi ce lapsus, qu’il faut éviter.

Depuis la mise en place de l’état d’urgence, voulais-je dire, nous voyons les excellents résultats qui sont à porter au crédit de la politique menée depuis 2012. D’ailleurs, ces résultats s’accélèrent grâce aux moyens supplémentaires qui viennent d’être mis à disposition.

Deux visions s’affrontent : d’un côté, des services publics disposant de moyens et qui sont efficaces ; de l’autre, des services publics que l’on veut toujours plus affaiblir.

Les membres du groupe socialiste et républicain sont très satisfaits de constater que Les Républicains évoluent dans leurs positions, reconnaissent leurs erreurs et nous rejoignent dans nos positions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes d’autant plus satisfaits de voter ensemble cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si créer des postes de gendarmes et de policiers, c’est être sécuritaire, alors soyons sécuritaires ! Le phénomène terroriste ne date pas d’hier matin. Cela fait déjà un moment que, malheureusement, l’Europe et le monde entier sont frappés. La création de ces postes est donc plutôt une bonne nouvelle. C’est ma première remarque.

Deuxième remarque, outre les créations de postes et l’acquisition de matériels, tout l’aspect idéologique et psychologique du problème mérite aussi d’être traité d’un peu plus près. Comprendre exactement le phénomène et produire un discours à destination de l’extérieur – pas seulement en direction des individus en voie de radicalisation, mais en direction de tout leur environnement – me semble absolument fondamental pour éviter cette propagation.

Troisième remarque, contrairement à ce qu’ont affirmé certains de mes collègues, si le pacte de sécurité doit l’emporter sur le pacte d’équilibre budgétaire, cela ne doit pas se faire au détriment des actions engagées en direction de la société et de la relance économique, de façon à faire disparaître l’un des terreaux du terrorisme.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. J’entends certains de mes collègues socialistes utiliser le terme « justifier », et justifier leur politique par rapport à celle du gouvernement précédent. Mais les Français ne veulent plus de cela !

Pour ma part, je constate une chose : l’année 2015 a mal commencé avec le 7 janvier, et mal fini avec le 13 novembre. La faute à qui ? La faute à personne !

Les membres de la majorité sénatoriale – Les Républicains et l’UDI-UC – voteront, dans le cadre d’un rassemblement citoyen et de l’unité nationale, en faveur de cet amendement, et ils le font parce qu’ils sont tournés vers l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Monsieur le ministre, bien évidemment, nous voterons l’augmentation des crédits ainsi que l’accroissement des effectifs, qui seront en formation l’année prochaine.

Mais, pour ma part, j’aimerais revenir au niveau des départements et des moyens qui leur sont alloués. Dans l’Aveyron, deux gendarmeries rurales ont été fermées cette année, contre notre avis. J’avais d’ailleurs rencontré votre conseiller, le général Rodriguez, pour lui exposer mon désappointement.

Monsieur le ministre, vous n’allez pas travailler par redéploiement, par adjonction, mais je souhaite vraiment que cela ne cache pas, dans les prochains mois, une réorganisation de la gendarmerie rurale.

Je vous rappelle – mais vous le savez mieux que moi ! – que, après les attentats ayant frappé les États-Unis, les Américains étaient venus en France parce qu’ils s’étonnaient de la qualité du renseignement français, qui était, en fait, largement attribuable à la gendarmerie. Or je ne voudrais pas que, aujourd’hui, la suppression de certaines gendarmeries rurales conduise peu à peu au délitement de la qualité du renseignement.

Je fais donc appel à vous, monsieur le ministre, pour que, dans les mois à venir, nous soyons informés très en amont des réorganisations envisagées.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je remercie l’ensemble des sénateurs de leur contribution à ce débat et je tiens à leur dire à tous, toutes sensibilités politiques confondues, que je n’ai qu’une préoccupation, et une seule : surmonter la menace qui se présente à nous et qu’il faut regarder avec lucidité.

C’est une menace d’un niveau très élevé, qui doit nous conduire à prendre toutes les précautions et toutes les mesures. Dans la responsabilité qui est la mienne, mon seul objectif est que nous puissions atteindre le but d’une protection rehaussée dans le cadre d’un rassemblement le plus large possible de la représentation nationale, pour que nous soyons plus forts.

Je ne souhaite pas du tout évoquer l’évolution des effectifs dans le temps long de l’histoire. Je veux simplement dire à l’opposition que je lis, en permanence, des articles relatant que, depuis le mois de janvier, le Gouvernement n’a pas tiré les conclusions et n’a pas fait ce qui devait être fait ou des articles selon lesquels les textes d’application des lois que vous avez adoptées n’ont pas été pris, alors que je viens d’en faire l’inventaire devant vous. J’entends dire que les efforts budgétaires ne sont pas au rendez-vous. J’entends également dire – ces propos émanent non pas de l’opposition, mais de toute une série d’observateurs ! – que les services de renseignement n’ont pas fait ce qu’ils devaient, alors que nous avons été frappés par des terroristes ayant traversé l’ensemble de l’Union européenne sans qu’aucun service de renseignement les ait repérés.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois. Exactement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les attentats ont été préparés à partir de la Belgique, et ces individus n’étaient pas connus de nos propres services de renseignement.

Mais, bien entendu, tout cela produit systématiquement les mêmes débats, qui doivent résulter d’une forme de paresse d’analyse, sur les failles du service de renseignement intérieur et le choix de la technologie plutôt que des ressources humaines ou inversement. Pourtant, une analyse globale du sujet montre que nous sommes face à un problème qui résulte d’un terrorisme d’un type nouveau, dans un contexte géopolitique particulier, usant de dissimulations numériques par les moyens de la cryptologie, qui justifient la loi sur le renseignement.

Je vous le dis vraiment très sincèrement, évitons les polémiques inutiles ! Cela ne sert à rien. Quels que soient les gouvernements qui seraient en situation de responsabilité, ils auraient à faire face aux mêmes défis. Aucun gouvernement dans ce pays, quelle que soit sa sensibilité, ne souhaite exposer les citoyens français à une menace lourde, susceptible d’engendrer des tragédies pour des familles et des blessures inconsolables. (M. Roger Karoutchi acquiesce.) En la matière, chacun fait du mieux qu’il peut, sans jamais être sûr de faire aussi bien que nécessaire, sauf à manquer totalement d’humilité et d’être alors incapable de corriger sa propre politique en fonction de l’analyse qu’il doit faire du contexte.

Pour résumer, la lutte anti-terroriste est difficile. Elle implique une unité forte, une lucidité, un rassemblement. Elle exige aussi que l’on évite les mauvais procès, les mauvaises polémiques.

Dans la responsabilité qui est la mienne, je m’efforcerai de faire en sorte que nous ayons les moyens de bien faire, et je l’évoquerai devant la représentation nationale en toute transparence.

Nous le devons aux Français : ces derniers n’attendent pas de nous des querelles, ni des états d’âme, mais ils attendent des états de service ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-256.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° II-282, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Lutte contre le terrorisme

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2 

 

47 600 000

19 050 000

 

47 600 000

19 050 000

Gendarmerie nationale

Dont titre 2 

 

36 100 000

17 050 000

 

36 100 000

17 050 000

Sécurité et éducation routières

 

 

 

 

Sécurité civile

dont titre 2 

 

 

 

 

Lutte contre le terrorisme

dont titre 2 

83 700 000

36 100 000

 

83 700 000

36 100 000

 

TOTAL

83 700 000 

83 700 000 

83 700 000 

83 700 000 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Par cette proposition, qui avait été formulée dans le rapport de la commission d’enquête que j’ai présidée, nous voulons créer une mission dédiée aux budgets consacrés à la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, cela pourrait faire l’objet d’une mesure que vous décideriez au niveau de votre ministère. Mais nous avons pensé qu’un document de politique transversale, un orange budgétaire, serait peut-être intéressant de façon à pouvoir suivre à la fois l’évolution des crédits et celle des missions.

En conséquence, l’amendement que je propose, avec beaucoup de frustration – entre la LOLF et l’article 40 de la Constitution, la marge de manœuvre est assez faible ! –, vise à déplacer arbitrairement des budgets pour créer un document transversal, qui permettrait aux élus de mieux suivre le budget de la mission en matière de lutte contre le terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. L’amendement de Mme Goulet souligne un aspect assez intéressant que nous avons abordé lors de la mission d’information qui m’a été confiée sur les moyens consacrés au renseignement intérieur et que j’ai évoqué dans le rapport d’information que j’ai présenté à la commission des finances concernant la classification des financements sur les services du renseignement intérieur.

Si, pour ce qui concerne le ministère de la défense, les services de renseignement extérieur sont clairement identifiés dans les crédits alloués, ce n’est pas aussi clair dans l’organigramme budgétaire du ministère de l’intérieur. Certes, il y a un travail à engager dans le sens que vous souhaitez, madame Goulet, mais cela ne peut se faire par la voie de votre amendement, car les crédits affectés à l’antiterrorisme sont nettement supérieurs dans la mesure où ils sont répartis sur diverses lignes.

C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous rendre attentif, monsieur le ministre – vous n’avez reçu mon rapport que récemment, et vous avez beaucoup à faire à l’heure actuelle ! –, aux dix recommandations que nous avons formulées, au nom de la commission des finances, dont deux concernent la nomenclature financière des financements de nos services de renseignement intérieurs. Peut-être convient-il de prévoir une évolution en la matière.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur spécial.

Il me semble tout à fait légitime de vouloir suivre de façon détaillée les budgets que nous consacrons à la lutte antiterroriste. Mais les rapporteurs budgétaires qui sont chargés du suivi des différents budgets et des différentes missions du ministère de l’intérieur ont d’ores et déjà la possibilité, dans le cadre de l’exercice du suivi budgétaire qu’ils accomplissent, d’obtenir de ce dernier les éléments leur permettant de bien identifier ce qui correspond à la lutte antiterroriste dans la masse des crédits mobilisés pour les forces de sécurité.

Par ailleurs, comme vous l’avez souligné dans votre rapport d’information, et de nombreux parlementaires l’ont pointé à juste titre, nombre de ceux qui s’engagent dans le terrorisme ont été, avant de s’y engager, des trafiquants, de petits délinquants. Ainsi, lutter contre la délinquance de droit commun, développer des politiques préventives par la mobilisation de fonds interministériels de prévention de la délinquance, c’est aussi lutter contre le terrorisme.

Par conséquent, chaque service du ministère de l’intérieur est concerné. Lorsque la direction centrale de la police aux frontières fait sonner le système d'information Schengen, le SIS, elle lutte contre le terrorisme. Lorsque la police qui relève de la sécurité publique réalise, en liaison avec le service central du renseignement territorial, des missions d’information ou identifie des comportements, dans le cadre de la lutte contre la délinquance, elle lutte aussi contre le terrorisme. Quant au service du renseignement intérieur, il n’est pas nécessaire d’en faire la démonstration.

Par conséquent, si l’on devait isoler une mission ou un budget qui rende compte de tout ce que l’on fait en matière de lutte contre le terrorisme, il absorberait en réalité une grande partie des crédits de tous les services qui bénéficient de ces moyens budgétaires. Je ne pense pas que l’on en accroîtrait pour autant la lisibilité.

En revanche, pour répondre à votre préoccupation, il serait souhaitable – le Gouvernement y est tout à fait disposé, et je suis prêt à me rendre disponible pour ce faire! – que, deux fois par an ou une fois par trimestre, selon la périodicité souhaitée par le Parlement, le ministre de l’intérieur vienne rendre compte devant la commission des finances de l’utilisation précise des fonds mobilisés dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° II-282 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Je vais le retirer, madame la présidente.

Je remercie M. le ministre de ses explications. Comme le disait mon collègue Pierre-Yves Collombat, ce sont les limites de la LOLF, que l’on peut comprendre. La difficulté tient aussi au fait qu’il s’agit de programmes transversaux.

Aussi, votre proposition, monsieur le ministre, me semble tout à fait bienvenue, et je vous en remercie.

Je rappelle que le même dispositif a été mis en place, avec le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, pour ce qui concerne l’exécution de la loi de programmation militaire, ce qui permet un suivi exemplaire de l’application de cette loi depuis son entrée en vigueur. Cela me paraît un bon moyen de faire un point régulier sur des sujets qui nous concernent et qui mobilisent des financements publics importants.

Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-282 est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous saisissons la balle au bond, et la commission des finances vous invitera volontiers dès que possible pour évoquer ces dispositions. Je suis certaine que nos collègues seront ravis de cet échange !

Mme la présidente. L'amendement n° II-286, présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier, MM. Carvounas, Marie et Jeansannetas, Mme Conway-Mouret, MM. Montaugé et Roger, Mmes Bataille et Bonnefoy, M. Courteau, Mmes Guillemot, Jourda et Perol-Dumont, MM. Cazeau et Delebarre, Mme Campion, MM. Vincent, Tourenne et Berson, Mme Claireaux, M. Boutant, Mme Blondin, M. F. Marc, Mme D. Gillot et MM. Roux, Sutour et Carrère, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Police nationale

dont titre 2

 

 

Gendarmerie nationale

dont titre 2

 

 

Sécurité et éducation routières

1 250 000

Sécurité civile

dont titre 2

1 250 000

TOTAL

1 250 000

1 250 000

 

 

SOLDE

0

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Il est défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet amendement vise à mener une expérimentation du port du gilet jaune pour tous les enfants dans les transports scolaires dans dix départements.

D’abord, il est toujours en soi un peu embêtant de s’opposer à une expérimentation ! Mais, en l’occurrence, il nous en coûterait 1,25 million d’euros, une somme que les auteurs de l’amendement proposent de prélever sur le programme « Sécurité civile ». Dans le contexte de menaces terroristes que nous connaissons aujourd'hui, prélever de l’argent sur ce budget ne nous semble pas très opportun.

Ensuite, il ne nous semble pas forcément très réaliste de penser que tous les enfants qui utiliseront les transports scolaires porteront forcément leur gilet tous les jours. Entre ceux qui ont la tête en l’air et l’auront oublié, ceux qui l’auront perdu, un grand nombre d’enfants ne le porteront pas.

Enfin, si nous disposons, en matière de sécurité routière, de statistiques sur les accidents ayant entraîné le décès de jeunes de moins de dix-huit ans, je ne suis pas sûr qu’il existe des données portant spécifiquement sur les transports scolaires. Mon impression et mon expérience d’élu local me laissent simplement penser que, jusqu’à présent, les transports scolaires ne sont pas particulièrement impliqués dans les accidents, notamment mortels.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances s’est montrée très réservée sur cet amendement. Mais elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement avant d’arrêter une position définitive.