M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits consacrés en 2016 aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, y compris ceux du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », relatif aux trains d’équilibre du territoire, suscitent à plusieurs égards l’inquiétude de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Le premier sujet d’inquiétude est bien sûr le budget de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport en France.

Vous nous aviez assuré l’année dernière, monsieur le secrétaire d’État, que les frais de résiliation du contrat signé avec Ecomouv’ – près d’un milliard d’euros, tout de même ! – ne seraient pas prélevés sur le budget de l’AFITF. Cette parole n’a pas été respectée : dès 2015, l’agence a dû assumer 528 millions d’euros de dépenses à ce titre.

En conséquence, elle s’est trouvée dans l’obligation de différer plusieurs engagements de crédits – 158 millions d’euros destinés aux transports ferroviaires et collectifs – et, surtout, n’a pu commencer à rembourser la dette accumulée vis-à-vis de SNCF Réseau en 2013 et en 2014, laquelle atteint aujourd’hui, mes chers collègues, près de 700 millions d’euros.

Le déficit total de notre système ferroviaire s’élève à environ 45 milliards d’euros, et tout laisse penser, au regard de sa trajectoire financière, que ce montant atteindra bientôt 60 milliards d’euros. Qui paiera, et comment ?

La situation de l’AFITF ne s’annonce pas meilleure en 2016, puisque le Gouvernement a réduit la part du produit de la TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – affectée à l’AFITF de plus de 400 millions d’euros.

Le Sénat a fort heureusement rectifié cette erreur, monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen de la première partie de la loi de finances. Le budget initialement prévu n’aurait pas permis à l’AFITF d’assumer effectivement l’ensemble de ses engagements. Ceux-ci concernent pourtant la totalité des infrastructures qui font l’attractivité de notre pays.

J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous convaincrez l’Assemblée nationale de maintenir cette rectification.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Très bien !

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de l’aménagement du territoire. S’agissant plus spécifiquement du transport ferroviaire, nous attendons toujours le retour effectif de « l’État stratège », maintes fois annoncé lors des débats sur la loi portant réforme ferroviaire, mais qui peine encore à s’affirmer.

Quatre domaines au moins mériteraient de faire l’objet d’une politique beaucoup plus volontariste de la part de l’État.

Premièrement, l’accélération de la modernisation du réseau est une nécessité, comme l’ont établi les audits successifs réalisés par l’École polytechnique de Lausanne en 2005, en 2012 et en 2015.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un travail très bien fait !

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de l’aménagement du territoire. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État : la situation actuelle de notre réseau ferroviaire est des plus préoccupantes.

Deuxièmement, l’État aurait dû reprendre en main la gestion des trains d’équilibre du territoire dès la fin de l’année 2013. Malheureusement, le Gouvernement a une nouvelle fois repoussé cette échéance.

Troisièmement, alors qu’il faudrait au contraire promouvoir le fret ferroviaire, celui-ci s’apprête à subir une hausse de 6,3 % des tarifs des péages, en distorsion totale avec le niveau de l’inflation. En quoi cette décision est-elle cohérente avec la dégradation de la situation économique des entreprises ou avec les engagements de la COP 21 ?

Enfin, les membres de notre commission vous ont déjà plusieurs fois alerté, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité du renforcement – il faudrait plutôt parler de « sauvetage » – de la filière industrielle ferroviaire française.

Face à tant de motifs d’inquiétude, la commission n’a eu d’autre choix que d’émettre un avis défavorable sur les crédits destinés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, rapporteur pour avis. (Mme Chantal Jouanno applaudit.)

M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports maritimes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vais pas entretenir un suspense inutile : la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est déclarée défavorable à l’adoption des crédits relatifs au transport maritime du projet de loi de finances pour 2016.

La légère érosion des crédits par rapport à l’année écoulée n’est rien comparée à l’inquiétante insuffisance globale des montants dédiés aux transports maritimes. Nous avons pu, pour la première fois, disposer d’une évaluation consolidée du niveau de ces crédits, grâce à un document de politique transversale dont je réclame la réalisation depuis de nombreuses années.

Le constat est alarmant : nous consacrons moins d’un dixième de point de PIB à notre politique maritime, alors que nous possédons la deuxième zone économique maritime mondiale, avec une superficie maritime supérieure à la superficie terrestre de l’Europe entière !

En matière maritime, nous allons, semble-t-il volontairement, à rebours de toute logique économique et historique. Nous savons en effet que l’avenir d’une nation se décide depuis toujours dans ses ports. Toutes les grandes économies du monde possèdent des ports puissants et de nombreux navires pour exporter leurs productions. Il s’agit d’une loi intangible, de la Venise d’hier à la Chine d’aujourd’hui !

Que constate-t-on, aujourd’hui, s’agissant de la France ?

Le trafic de nos grands ports maritimes ne fait que diminuer, quand celui de nos voisins continue d’augmenter. Le tonnage du seul port de Rotterdam représente presque le double de celui de nos sept grands ports maritimes réunis. Le port d’Anvers manutentionne plus de conteneurs que l’ensemble des ports français. Il est devenu, aux yeux de nombreux acteurs économiques, le « premier port français », eu égard au nombre de conteneurs qu’il traite à destination ou en provenance de l’Hexagone.

Quant à notre flotte de commerce, elle subit de plein fouet la concurrence internationale et connaît une inquiétante augmentation des dépavillonnements et des faillites d’entreprises.

Alors que 90 % des échanges mondiaux transitent par la mer, nous devrions rougir du manque d’ambition de nos politiques et de la faiblesse consternante de nos investissements dans ce domaine. Ils sont dérisoires comparés aux efforts consentis par notre pays en direction de l’autre frontière du futur, le secteur aérospatial. On ne luttera pas contre la concurrence internationale par des mesures de simplification administrative !

Je salue évidemment les mesures annoncées à l’occasion du CIMER, le comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre dernier. Mais soyons honnêtes : nous savons d’ores et déjà que cela ne suffira pas à inverser la tendance !

La seule solution est d’ordre économique : les pouvoirs publics doivent directement soutenir la compétitivité de notre pavillon et de nos hubs portuaires. Les directives européennes le permettent et nos voisins danois, britanniques ou italiens ne s’en privent pas !

En définitive, nous sommes bien loin des annonces grandiloquentes, chaque année répétées et jamais suivies d’effets, autour du lancement d’une politique maritime ambitieuse ou d’une nouvelle stratégie nationale de la mer et du littoral.

Nous devons regarder la réalité en face et assumer la responsabilité de ce que nous votons : nous avons de l’or bleu dans les mains et nous sommes en train de mutiler notre pays en refusant sa vocation maritime !

Je ne peux que confirmer l’avis défavorable de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour les transports routiers. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable sur les crédits consacrés pour 2016 aux transports routiers, y compris sur le compte d’affectation spéciale du bonus-malus automobile, intitulé « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».

J’avais pour ma part appelé à émettre un avis favorable, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, et à rebours du climat pessimiste ambiant, il me semblait nécessaire de souligner trois avancées positives, engagées en 2015, et qui influeront profondément sur l’avenir du transport routier.

La première de ces avancées concerne l’accord conclu par l’État avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cet accord permet la réalisation du plan de relance autoroutier, qui représente 3,3 milliards d’euros d’investissements, mais aussi un rééquilibrage des relations contractuelles entre l’État et ces sociétés, dans un sens plus favorable à l’État et aux usagers.

Deuxième avancée : la libéralisation du transport par autocar permet le développement d’une nouvelle offre de transport collectif.

Troisième avancée, enfin, notre pays s’engage sur la voie de la transition énergétique par le choix de modes de transport plus durables. En particulier, l’instauration d’une prime à la conversion, accordée pour la mise au rebut d’un véhicule polluant ancien, va dans le bon sens, puisqu’elle agit sur le parc roulant existant, dont on sait qu’il est le plus polluant.

Par ailleurs, le Gouvernement a chargé un groupe de travail d’examiner la contribution du transport routier de marchandises au financement des infrastructures de transport. À l’issue de ces réflexions, il a choisi de maintenir en 2016 la hausse de la fiscalité sur le gazole au lieu d’instaurer une vignette, ce qui aurait engendré des coûts de gestion.

Le budget d’intervention de l’AFITF, fixé par le Gouvernement à 1,9 milliard d’euros pour 2016, est supérieur à celui du présent exercice. Bien entendu, il sera nécessaire, à l’avenir, de dégager des moyens supplémentaires. Au regard du contexte actuel, mon inquiétude est cependant limitée pour l’année prochaine. D’ailleurs, les dépenses consacrées par l’AFITF à l’entretien et à la modernisation des routes devraient augmenter.

En dépit de ces éléments positifs, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a déploré l’insuffisance du budget de l’AFITF, ce qui l’a conduite à émettre un avis défavorable sur les crédits destinés aux transports routiers pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le temps n’est pas si lointain où les écologistes s’attiraient des railleries en évoquant le réchauffement climatique. Combien de fois nous a-t-on répondu : « Où est le problème ? Quelques degrés de plus, ce sera agréable, on pourra tomber la veste ! »

Il est vrai que le changement climatique est un risque difficile à appréhender. Ses effets ne sont pas aussi circonscrits, aussi fulgurants ni aussi sanguinaires que ceux du terrorisme. On peut mourir de la dégradation de l’environnement et du climat, mais indirectement et, le plus souvent, à petit feu.

Pour autant, et heureusement, la gravité de la situation climatique n’est plus sérieusement contesté aujourd’hui. On peut d’ailleurs savoir gré au Président de la République d’avoir contribué à cet éveil des consciences en choisissant d’accueillir à Paris la COP 21.

Alors, comment croire que le présent budget est celui du pays hôte de cette conférence, dite « de la dernière chance » ?

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Heureusement, ce n’est pas la dernière !

M. André Gattolin. Comme chaque année, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont en baisse et les suppressions d’emplois qui affectent le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en font l’un des départements ministériels les plus touchés par la déflation des effectifs.

S’il ne fallait citer qu’un seul chiffre, je rappellerais que 7 476 emplois équivalent temps plein ont été supprimés en trois ans, ce qui représente une baisse des effectifs de l’ordre de 20 %.

À ce rythme, nous pouvons nous attendre à la disparition prochaine du ministère de l’écologie et à son remplacement, à Bercy, par un « secrétariat d’État à la fiscalité écologique au service du redressement productif de la nation » !

À ces données de départ peu engageantes s’ajoutent les nombreuses contractions de dépenses qui ne manqueront pas d’émailler l’exécution budgétaire de l’année à venir.

Comme le note d’ailleurs notre rapporteur spécial Jean-François Husson, en 2015, les effets cumulés de la réserve de précaution et des diverses annulations en cours d’année ont réduit d’environ 10 % les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » votés en loi de finances initiale.

Le tableau de ces difficultés serait incomplet si je n’évoquais pas l’existence de ressources extrabudgétaires et de dépenses fiscales significatives.

Les premières relèvent, pour un grand nombre d’entre elles, soit de circuits de financement que je qualifierai d’assez opaques, comme les programmes d’investissement d’avenir, soit d’une affectation seulement très partielle à la transition écologique, comme l’illustre le cas de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité.

Quant aux dépenses fiscales, leur rattachement technique à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » n’en fait ni des dépenses environnementales – je pense notamment aux multiples exonérations de TICPE sur les énergies fossiles – ni nécessairement des dépenses bien calibrées – je pense, cette fois, aux questions soulevées par le crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Si le CITE s’apparente à une dépense de guichet dont, par définition, l’anticipation peut être complexe, l’explosion de son coût laisse malgré tout soupçonner soit un mauvais ciblage initial soit une sous-estimation inquiétante des besoins.

M. le secrétaire d’État chargé du budget répond systématiquement aux questions portant sur la baisse du niveau des crédits, en nous renvoyant au volume de ces dispositifs. Vous conviendrez que cette réponse n’est pas toujours convaincante !

En outre, il est pour le moins osé de prétendre que la hausse d’une dépense fiscale peut compenser l’amoindrissement de services et de ressources humaines dotés de compétences et de capacités d’expertise ! Ce ne sont pas les bouquets de travaux éligibles au CITE qui préviendront les prochaines catastrophes météorologiques à la place des 80 % de départs en retraite qui ne sont pas remplacés à Météo-France. Une fois de plus, la prévention des risques est sacrifiée pour laisser place à de futures coûteuses réparations.

S’il apparaît donc clairement que l’écologie constitue une des principales variables d’ajustement budgétaire du Gouvernement, l’opacité et la complexité de la structure en jeu ne permettent toutefois pas de s’en faire une idée précise.

C’est pour cela que, depuis un an maintenant, je demande au secrétaire d’État au budget de fournir à la représentation nationale une vision consolidée des sommes effectivement alloués à de véritables fins écologiques. Pour que l’évaluation ait un sens, il faudrait également y intégrer de manière distincte toutes les dépenses anti-écologiques.

Voilà deux ans, des organisations non gouvernementales avaient évalué à 20 milliards d’euros le montant des niches favorables au carbone. Il faudrait également y ajouter le coût faramineux des subventions implicites de l’État à l’industrie nucléaire. Au passage, je rappelle que, à la fin du mois de juillet, l’entreprise EDF a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à rembourser à l’État français 1,37 milliard d’euros d’aides fiscales indues perçues en 1997.

Malgré de grands discours du Président de la République, le Gouvernement n’a, pour l’heure, encore jamais vraiment saisi la dimension transversale de l’écologie.

Pourtant, quitte à se lancer dans une politique de l’offre, il y avait une occasion formidable dans le principe même de développer les aides aux entreprises. Il suffisait de poser, au moins partiellement, la condition de la réduction de l’empreinte écologique, que ce soit par une reconversion intégrale de leurs activités ou par une optimisation partielle de leurs procédés.

De même, la fiscalité écologique n’a de sens que si son produit est réinvesti dans l’adaptation de l’économie aux nouvelles contraintes environnementales et climatiques. Malheureusement, le Gouvernement a choisi dès le début de l’affecter au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui perpétue le vieux modèle productiviste. Aujourd’hui, il l’utilise pour alimenter le budget général, allant jusqu’à réinventer une sorte de vignette automobile, en affectant la fiscalité sur le diesel aux baisses d’impôts en faveur des contribuables les plus âgés.

Tout en s’en défendant, le Gouvernement alimente lui-même l’idée d’une écologie punitive, nous faisant ainsi passer à côté de son énergie positive et créatrice.

Face à un budget toujours en baisse et à une fiscalité écologique reléguée en projet de loi de finances rectificative, les écologistes proposent de rebaptiser la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en « mission impossible » et voteront donc contre ces crédits. (Mme Chantal Jouanno applaudit.)

M. François Grosdidier. Très juste ! Et intéressant !

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne sais pas si c’est la période qui l’exige, mais certains nourrissent une vision particulièrement négative de ce qui nous est proposé aujourd’hui ; nous venons d’en avoir l’illustration.

Pour ma part, je préfère défendre une vision plus positive, en parlant des trains qui arrivent à l’heure,…

Mme Hermeline Malherbe. … et pas de ceux qui arrivent en retard !

M. François Grosdidier. Ce sera plus rapide ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Hermeline Malherbe. L’examen de ce budget intervient entre deux événements majeurs pour l’écologie et le développement durable : d’une part, l’entrée en vigueur de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a été promulguée le 17 août dernier ; d’autre part, la vingt et unième Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP 21, qui a débuté hier et se tiendra jusqu’au 11 décembre à Paris.

Si je fais référence à ces deux marqueurs, ces deux temps forts du quinquennat, c’est parce que les problématiques du développement durable sont tout à la fois locales, nationales et internationales.

À l’échelon national, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget pour 2016 regroupe le développement des énergies renouvelables, l’optimisation des réseaux et des services de transports, la préservation des paysages et de la biodiversité, la gestion quantitative et qualitative de l’eau, la politique maritime et aussi, bien entendu, la prévention des risques.

Nous l’avons entendu, les crédits alloués à cette mission et au ministère ont, cette année encore, été réajustés.

M. François Grosdidier. Ils fondent plus vite que la banquise !

Mme Hermeline Malherbe. Je ne vais pas m’appesantir sur les données chiffrées. Je me garderai d’en tirer des conclusions hâtives et définitives. En effet, de nombreuses actions transversales à dimension écologique sont mises en place avec les crédits d’autres missions.

Aussi, au lieu de me livrer à un bilan purement comptable, je préfère m’attarder sur quelques actions concrètes du Gouvernement et des acteurs des territoires en faveur de l’écologie et du développement durable.

Prenons par exemple l’appel à projets pour les territoires à énergie positive pour la croissance verte, ou TEPCV. Je rappelle qu’il a pour objectif d’inciter les collectivités, quelles qu’elles soient, à réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments, à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à préserver la biodiversité et à proposer un programme global pour un nouveau modèle de développement, plus sobre et plus économe.

Je salue la mise en place de cette mesure. Je vais en suivre très concrètement l’évolution, puisque j’ai signé le 18 novembre dernier avec Mme la ministre une convention TEPCV, en tant que présidente du Parc naturel régional des Pyrénées catalanes. Il s’agit là d’une très belle initiative, qui ouvre de nouvelles perspectives de développement dans tous les territoires et au plus près des citoyens.

Les collectivités locales ne sont pas en reste. Ainsi, après avoir pris l’initiative de différentes aides à l’isolation des logements ou au développement des chauffe-eau solaires, j’ai pu lancer la troisième édition de l’opération « Familles à énergie positive », une compétition conviviale, ouverte à tous, qui consiste à réaliser des économies d’énergie et d’eau sur la saison de chauffe, en réalisant des « écogestes » simples. Nous travaillons sur les comportements, ce qui n’est pas le plus facile.

Pour autant, je n’oublie pas que de nombreux chantiers demeurent.

Par exemple, j’aurais souhaité que nous allions plus loin, avec des incitations fortes en faveur des moyens de transport plus écologiques, mettant l’accent, en particulier, sur la multimodalité.

M. François Grosdidier. Et l’abandon de l’écotaxe ?

Mme Hermeline Malherbe. Il faut également favoriser le transport ferroviaire par rapport au transport routier, tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Il est insupportable pour nos concitoyens de mettre plus de temps aujourd’hui qu’il y a dix ou quinze ans pour aller de certaines villes de province à Paris ! C’est un vrai problème et vous le connaissez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d’État.

J’ai bien noté que le budget du programme 203, « Infrastructures et services de transports », était préservé, avec tout de même une baisse de 0,5 %, et que la priorité serait accordée à la sécurité et à l’amélioration de la qualité des infrastructures et des services de transports, mais le développement des transports en commun, de la multimodalité, l’incitation aux transports propres, tout particulièrement pour les entreprises ou les collectivités locales, aurait également dû faire partie des priorités.

En outre, j’aurais aussi aimé voir dans ce budget des moyens supplémentaires visant à une prévention plus efficace des catastrophes naturelles. Monsieur le secrétaire d’État, tout le sud de la France est régulièrement touché par les intempéries. Je pense par exemple aux inondations qui nous ont frappés au mois de novembre 2014. J’en profite pour saluer les maires de Rasiguères, de Banyuls-sur-Mer ou d’Argelès-sur-Mer, dont les communes figurent parmi les 139 reconnues en état de catastrophe naturelle.

Les coûts provoqués par ces catastrophes naturelles pèsent lourdement sur le budget de nos collectivités et sur celui de l’État. Il me semble donc indispensable d’accorder plus de moyens à la sensibilisation du public et à l’investissement dans la recherche.

J’en viens à présent à la COP 21, qui doit aboutir à un accord contraignant sur la réduction des gaz à effet de serre.

Il s’agit probablement de la plus importante conférence des Nations unies sur le climat de la décennie. On peut se réjouir que la France ait l’honneur d’accueillir les délégations venues de 195 pays.

Je salue l’ensemble des contributions des départements de France à la COP 21 qui prouvent l’implication totale des collectivités locales dans l’engagement en faveur du développement durable.

Nous comptons sur le Président de la République et sur le Gouvernement pour que la France tienne son rôle durant cette manifestation – il reste du travail à faire ! –, en s’engageant à réaliser des efforts significatifs pour lutter contre le changement climatique et en entraînant dans cette voie la majorité de nos partenaires internationaux.

En conclusion, si je soutiens la politique gouvernementale, sur le plan tant local qu’international, j’ai néanmoins conscience des efforts qu’il nous reste à produire pour promouvoir une politique plus ambitieuse encore en faveur du développement durable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons en ce début d’après-midi l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2016.

Mon intervention portera notamment sur les points saillants des programmes dont j’ai plus particulièrement la charge : biodiversité, prévention des risques, information géographique et cartographique. Je ne manquerai pas d’évoquer la question des déchets, la responsabilité élargie des producteurs et la biomasse.

Le programme 113, « Paysages, eau et biodiversité », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » se fixe deux objectifs principaux : d’une part, assurer la gestion intégrée de la ressource en eau ; d’autre part, préserver et restaurer la biodiversité.

À ce titre, il a trois priorités : d’abord, préserver les sites remarquables et aménager les paysages du quotidien ; ensuite, protéger les espaces naturels terrestres et maritimes, ainsi que les ressources ; enfin, préserver, restaurer et valoriser la biodiversité.

Au-delà de ces crédits, il faut relever le constat fait par Michel Lesage : « Ce montant ne reflète pas […] la totalité de l’action de l’État en matière de paysages, eau et biodiversité. » Les acteurs impliqués et les politiques menées sur ces questions sont si nombreux et si éclatés qu’il est difficile, voire impossible, de disposer d’une approximation fiable au plan national des flux financiers réellement engagés.

Néanmoins, on peut résumer que les crédits de ce programme, d’un montant total de 276,3 millions d’euros, sont en hausse de 3 millions d’euros. Ils sont destinés, pour les deux tiers, aux opérateurs et, pour un tiers, aux collectivités, aux entreprises et aux associations. Ainsi, si l’on regroupe toutes les actions ayant un rapport avec l’eau, on constate que plusieurs milliards d’euros y sont consacrés.

Je prends l’exemple de la seule amélioration de l’état écologique des eaux et des actions menées en faveur de la biodiversité et des paysages. Les sommes engagées s’élèvent à près de 4 milliards d’euros.

Je le rappelle, la directive-cadre sur l’eau adoptée le 23 octobre 2000, qui définit un cadre européen pour la gestion et la protection des ressources en eau des pays de l’Union européenne, fixait un objectif de 66 % de bon état écologique des eaux de surface d’ici à 2015. Si les indicateurs de performance présents dans le projet de loi de finances indiquent que ce taux sera de 43,5 % en 2016, il est néanmoins stable depuis 2012. La révision des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, est l’occasion pour les comités de bassin de redéfinir une cible pour l’atteinte du bon état écologique des eaux à l’échéance de 2021, qui permettra de réajuster la cible à l’échéance de 2017.

Les crédits de l’Agence française de biodiversité ne sont pas budgétés dans le projet de loi de finances pour 2016, puisque la loi n’est pas encore votée. Un processus de préfiguration de l’Agence a été mis en place. Le groupe de travail a rendu un rapport d’étape au mois de juin 2015. Selon Michel Lesage, le retard pris par l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité au Parlement a « aidé plus qu’il n’a desservi le travail des préfigurateurs ». Notre collègue député ajoute : « L’année supplémentaire dont ils ont bénéficié pour conduire leurs travaux leur a notamment permis de lancer des expérimentations qui faciliteront la mise en place effective de l’Agence. »

Les crédits alloués aux sites et paysages pour 2016 sont en légère hausse, de 0,76 million d’euros, pour atteindre 6,76 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. La politique du paysage, la politique des sites et le classement au patrimoine mondial bénéficieront, respectivement, de 3,3 millions d’euros, de 3,27 millions d’euros et de 0,16 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Je précise que je siège au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages. Le travail que nous y effectuons pour la protection et la gestion des sites classés, au moyen d’incitations destinées aux acteurs concernés par la conservation de ces lieux, est remarquable. Il s’inscrit dans le cadre du plan d’action pour la reconquête des paysages que Mme la ministre de l’écologie a lancé.

Les priorités pour 2016 en matière d’aires marines protégées sont la poursuite de la mise en œuvre de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin et la gestion des parcs naturels marins, auxquels s’ajoutent le Parc naturel marin du bassin d’Arcachon, crée en 2014, et le Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, créé en 2015. Ces priorités seront évidemment poursuivies une fois que l’AAMP, l’Agence des aires marines protégées, sera intégrée au sein de l’Agence française de la biodiversité, dont elle constituera le « noyau dur ».

Pour 2016, les crédits de l’AAMP – autour de 23,1 millions d’euros – sont stables. J’ai procédé à une visite des aires marines de l’Iroise et pu constater le travail formidable qui y était conduit.

S’agissant du financement des agences de l’eau, j’entends ici et là certaines critiques sur leur contribution au redressement de nos comptes publics.

S’il est vrai que la règle « l’eau va à l’eau » constituait un principe fort, je tiens à rappeler que, dans le cadre du dixième programme d’intervention des agences de l’eau, la loi de finances pour 2012 a plafonné les recettes des agences à 13,8 milliards d’euros sur la période 2013-2018, soit 2,3 milliards d’euros par an, et qu’un arrêté conjoint du ministre de l’environnement et du ministre du budget a plafonné les dépenses à 13,3 milliards d’euros sur la même période, soit 2,21 milliards d’euros par an.

Sur le programme 159 « Information géographique et cartographique », on ne peut que constater que les crédits demandés en 2016, soit 95,8 millions d’euros, sont stables puisqu’ils étaient de l’ordre de 96 millions d’euros en 2015.

Il en est de même pour la subvention à l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN, qui s’élève à 95,6 millions d’euros pour 2016 contre 96,5 millions d’euros pour 2015.

La connaissance du climat est devenue fondamentale pour l’État et les collectivités territoriales, dans un contexte de changement climatique et de prévention des risques naturels. Les crédits inscrits au programme 170 ont pour objectif unique le financement des missions confiées à l’établissement public Météo-France.

Vous aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, que je voterai bien sûr ces crédits, contrairement à la majorité sénatoriale.