M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Ah !

M. Gérard Miquel. Nous sommes là, nous le savons, dans des postures…

M. François Marc. C’est vrai !

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Non !

M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez connu ça !

M. Gérard Miquel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, si, par hasard, vous reveniez au pouvoir et si vous mettiez en œuvre les propositions qui sont faites par vos leaders, j’aimerais bien savoir comment vous feriez pour économiser plus de 100 milliards d’euros sur le budget !

M. François Marc. Bonne question !

M. Francis Delattre. C’est une rengaine !

M. Gérard Miquel. Il faudra vous expliquer ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je voudrais en venir maintenant aux déchets.

Nous avons mis en place, avec la loi de 1992, la responsabilité élargie des producteurs. Au fil du temps, un certain nombre de sociétés chargées de prélever les contributions des metteurs en marché et de les redistribuer aux collectivités ont été agréées.

Si je m’inquiète aujourd’hui de l’ouverture à la concurrence, c’est parce que je vois les effets qu’elle a produits dans les pays voisins. Essayons donc de préserver l’originalité du système français, qui a prouvé son efficacité ! Nous devons rapidement travailler sur ce dossier, mais aussi nous donner un peu de temps : avant d’accorder de nouveaux agréments, prenons un délai d’un an pour nous permettre de constater les effets de la mise en concurrence des sociétés.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Gérard Miquel. Je l’ai dit, au vu des résultats qu’elle a produits, je m’inquiète beaucoup.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. C’est trop tard…

M. Gérard Miquel. Je m’inquiète aussi de constater que nous n’avons pas pu mettre en œuvre la TGAP incitative que nous avions souhaitée.

Enfin, je considère que la biomasse constitue une source importante d’énergie renouvelable que nous utilisons insuffisamment dans notre pays. Elle a l’avantage d’être stockable : nous pouvons l’utiliser quand nous en avons besoin. Mettons donc en place les outils nécessaires. Le Fonds chaleur a permis de soutenir de nombreuses installations. Il nous faut continuer dans cette voie, si nous voulons utiliser puissamment cette ressource dont nous disposons à profusion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Marc. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les rapporteurs nous ont présenté, d’une manière particulièrement lucide et éclairante, le travail qu’ils ont mené pendant plusieurs semaines.

À propos des débats liés au climat et à la conférence qui se tient actuellement au Bourget, une question se pose peut-être à certains, non seulement dans cet hémicycle, mais aussi sur les trottoirs de nos villes : au fond, à un moment où la barbarie sauvage frappe les rues de la capitale et alors que des coalitions se forment pour coordonner une guerre, dont on espère l’issue, mais dont on ne connaît pas les conséquences, est-il si important de parler de réchauffement climatique ? En somme, certains sont tentés de dire : « La COP 21, on s’en fiche un peu ! » (Exclamations.) Nous l’avons entendu !

C’est bien évidemment une erreur de le dire ou de le penser.

À un moment où l’on assiste, à travers le monde, à des migrations très importantes, alors que des populations, souvent affamées, viennent de l’Est pour s’installer durablement sur le continent européen, on voit bien que les conséquences du réchauffement climatique sont déterminantes : ce sont des raisons économiques qui sont pour beaucoup responsables de ces migrations.

Alors que les chefs d’État ou de gouvernement se sont retrouvés au Bourget pour la conférence sur le climat, il est important de souligner tout à la fois les enjeux pour la planète et les défis auxquels notre pays est confronté et que nous devrons relever.

Pour la planète, les contours de notre futur doivent être dessinés ; ils sont tout à la fois économiques, écologiques et géopolitiques. Les actions que nous avons à mener pour corriger les dérèglements climatiques ont une influence considérable sur le mode de vie des populations, notamment les plus exposées, et les pays qu’elles occupent.

Il y a également ce qui nous incombe à nous, et la France, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas à rougir de la situation qui est la sienne dans le monde face au défi climatique. En Europe, elle est ainsi le deuxième pays, après la Suède, pour les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre, très loin devant certains de nos concurrents, notamment l’Allemagne.

Au Bourget, une phrase importante a été prononcée par le Président de la République : il a souhaité un accord « contraignant » et « universel ». (M. Roland Courteau approuve.)

C’est là que le bât blesse. Je ne parle pas de l’aspect contraignant du traité, mais de la façon donc chaque pays entend respecter les accords qu’il aura négociés et auxquels il aura souscrit.

Le Premier ministre de l’Inde a ainsi expliqué hier que le développement économique de son pays passait par l’utilisation massive du charbon. Quant à la Chine, elle affiche des ambitions très vertueuses, mais la part du charbon dans sa production d’énergie est aujourd’hui considérable. Et savez-vous, mes chers collègues, que c’est l’immense continent australien qui produit le plus de CO2 et de gaz à effet de serre par habitant ?

Le mot d’ordre doit être : « Sus au CO2 ! » Ne laissons pas des pays choisir un mix qui vienne contrarier les ambitions que l’ONU veut formuler dans le cadre de la conférence sur le climat. Il serait trop facile qu’un pays comme la France continue à pratiquer avec obstination une politique qui nous place parmi les meilleurs élèves et que d’autres, autour de nous, emploient sans compter les ressources fossiles dont ils disposent.

Monsieur le secrétaire d’État, il est important que la question du carbone soit posée. Le carbone a un prix ; ce prix doit être le plus élevé possible. Que ce soit par le biais d’une taxe carbone ou du système d’échanges de quotas, il faut absolument pénaliser l’utilisation des hydrocarbures !

Certes, la France continue d’utiliser ces derniers. Notre consommation d’énergie primaire fait appel, rappelons-le, pour les deux tiers à des ressources fossiles, mais des gouvernements éclairés et constants ont heureusement fait en sorte que puissent être installés de façon durable des systèmes de production d’électricité qui ne produisent ni CO2 ni gaz à effet de serre. Je pense notamment au nucléaire, et je ne peux ici que saluer les déclarations courageuses de la ministre chargée de l’énergie, qui a souhaité que la France puisse construire dans les années qui viennent de nouvelles centrales produisant de l’électricité à partir du nucléaire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes ici tout près du Bourget. Nous avons la ferme résolution de contribuer à lutter contre les conséquences des émissions de CO2 et de gaz à effet de serre, mais, de grâce, ne privons pas notre pays des ressources qui font sa force, notamment à un moment où notre économie est tellement touchée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Ladislas Poniatowski. Auriez-vous quelque chose à demander à Ségolène Royal ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est sans doute un exercice cruel que d’avoir à présenter ces crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ! Hier, le Président de la République avait, à la COP 21, un discours particulièrement engagé pour l’environnement et, aujourd’hui, son gouvernement nous dit exactement l’inverse puisqu’il nous tient un discours où il n’est question que de restrictions budgétaires drastiques pour l’environnement. La contradiction frôle ici la caricature !

J’éprouve une certaine compassion pour Ségolène Royal, car je ne voudrais pas que, contre sa volonté, elle soit la ministre qui ait à son actif la plus forte baisse du budget de l’écologie.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. C’est déjà fait !

Mme Chantal Jouanno. Les chiffres sont cruels, comme l’a rappelé M. Husson. Depuis 2012 au moins, le traitement du ministère de l’écologie a été rigoureux, voire drastique.

Si l’on compare la loi de finances pour 2012 aux crédits qui nous sont aujourd’hui présentés, la baisse est de 26% : par rapport à celui de 2010, on passe à 30 % de baisse.

La baisse continue, et elle touche des missions que l’on pourrait qualifier de régaliennes : la politique de lutte contre les changements climatiques subit une baisse de 6 % ; l’ADEME, qui est le bras armé du ministère et sur laquelle on fait peser de nombreuses missions, a vu ses crédits réduits de 20 % depuis 2012 ; la politique de prévention des risques, Pierre Médevielle l’a rappelé, perd 8 % de ses moyens et la baisse atteint même 20 % pour les installations classées !

En termes d’emplois, vous faites mieux que la RGPP, que vous dénonciez pourtant : le taux de non-remplacement des départs à la retraite n’est pas d’un sur deux, mais de deux sur trois. Au palmarès des ministères, le ministère de l’écologie est ainsi le deuxième, après le ministère de l’économie, à perdre le plus d’emplois ! Et on veut nous faire croire que l’écologie est une priorité…

Or, cette politique budgétaire drastique n’est en rien compensée par une réforme de la fiscalité écologique, réforme pourtant tant de fois annoncée.

Nous attendons toujours une stratégie claire qui permettrait, par exemple, de réduire progressivement la dépense fiscale ou les subventions en faveur des énergies fossiles, de taxer à leur juste valeur les pollutions les plus nocives pour la santé, de donner des signaux clairs sur le prix du carbone.

Des décisions sont parfois prises, en fonction de l’actualité immédiate, mais il n’est jamais question d’une stratégie fiscale cohérente, qui permettrait de remplacer les prélèvements obligatoires qui pèsent sur le travail par des prélèvements sur la pollution. Résultat : la France est le mauvais élève de l’Europe sur ces deux points.

Depuis 2012, vous faites un peu tout et son contraire. Le domaine des transports en donne une illustration particulièrement intéressante, alors que vos discours regorgent de références aux transports publics et aux véhicules propres.

À l’automne de 2012, vous avez baissé de 3 centimes la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

L’année dernière, vous l’avez augmentée, ce que vous faites de nouveau cette année pour le diesel. Vous la baissez sur l’essence dans la loi de finances et vous l’augmentez de nouveau sur l’essence dans la loi de finances rectificative, pour ne la diminuer que sur l’essence contenant 10 % de biocarburant !

Autre exemple, en 2012, pour des raisons politiques parfaitement rappelées par Marie-Hélène Des Esgaulx, vous supprimez l’écotaxe poids lourds. Aujourd’hui, vous en faites payer le prix à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Dans le même temps, la loi Macron prévoit de développer le transport par autobus.

Les contradictions successives sont votre marque de fabrique écologique.

M. François Grosdidier. C’est cruel !

Mme Chantal Jouanno. J’en conviens, monsieur Grosdidier.

Après ces données générales, venons-en à des missions qui me tiennent à cœur. Je dirai tout d’abord un mot de la lutte conte les changements climatiques et le développement des énergies renouvelables.

Le DPT climat, ou document de politique transversale climat, s'élevait en 2010, si j’en crois les chiffres avancés par Guillaume Sainteny, un économiste reconnu dans ce domaine, à quelque 9,95 milliards d’euros. Il est aujourd'hui, à l’heure même où nous accueillons la COP 21, de 3,53 milliards d’euros.

Le Gouvernement s’est également engagé à doubler le fond chaleur. Or pas un euro supplémentaire n’est inscrit dans ce budget ! Au contraire, vous ponctionnez l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, de 90 millions d’euros sur ses fonds de roulement.

On ne peut pas être le champion des discours de la COP 21 et dans le même temps assumer que son propre gouvernement consacre plus de 30 milliards d’euros par an – toujours selon les chiffres de Guillaume Sainteny – à des soutiens publics directs ou indirects et à des dépenses fiscales pour les énergies fossiles !

La deuxième mission qui me tient à cœur est la biodiversité.

Nous étions très favorables au projet de loi qui a été présenté en conseil des ministres il y a un an et demi. Nous sommes à la fin de 2015, et nous n’avons toujours rien voté. Nous en avons discuté en commission, nous avons préparé des amendements, nous sommes en particulier très favorables à la création de l’Agence française de la biodiversité. Toutefois, pas un euro supplémentaire n’est prévu dans la loi de finances. Le projet est-il définitivement enterré ?

J’en viens à une troisième mission, qui pourrait être la première d'ailleurs, je veux parler des risques. Comme certains l’ont souligné, les crédits de paiement du programme baissent de 8 %. Vous trouverez toutes les explications possibles, je n’en doute pas, mais dois-je rappeler que le coût des catastrophes naturelles a été multiplié par quatre en trente ans ? Dois-je rappeler que la pollution de l’air, sujet bien connu dans ma région, est responsable de quelque 20 000 décès prématurés par an en France ?

Il aurait été logique, la gestion du risque étant une politique régalienne, de renforcer les moyens dans ce domaine, tout particulièrement ceux de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui a été souvent précurseur et qui a fait office de lanceur d’alerte. Je pense, par exemple, aux problèmes liés au bisphénol A ou à la pollution de l’air. Or vous faites l’inverse : vous affaiblissez l’ANSES en lui confiant toujours plus de missions, notamment sur les biocides et sur les phytosanitaires, sans lui donner de moyens supplémentaires.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne dénonce pas la rigueur budgétaire. Je la comprends, car elle est nécessaire. Je ne dénoncerai jamais le recentrage des missions de l’État sur celles qui sont prioritaires. Toutefois, à mes yeux, le climat, les risques, la préservation de la biodiversité font partie de cette priorité ! La biodiversité est le fondement de la pharmacopée, de l’agriculture, de la cosmétique.

Surtout, je n’accepte pas dans cet hémicycle l’indécence politique, l’indécence de discours qui font de l’écologie un slogan, alors qu’il apparaît clairement aujourd'hui avec ce budget que l’écologie n’est pas votre priorité ! Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous voterons contre ce projet. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Très bien !

M. François Marc. Le projet de loi de finances rectificative prévoit tout de même de nombreuses dispositions dans ce domaine !

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que la COP 21 a ouvert ses portes, l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » revêt bien sûr une dimension particulière.

En effet, les moyens alloués à l’écologie devraient logiquement permettre de traduire les engagements du Gouvernement, dont l’objectif, entre autres, est la réduction de 40 % des émissions totales de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990, avec un objectif complémentaire de diviser par quatre les émissions totales d’ici à 2050.

Pour y parvenir, il faudrait diminuer les émissions de 9 à 10 millions de tonnes par an au cours des trente-cinq prochaines années, ce qui appelle des politiques publiques ambitieuses et un financement adapté. Or force est de constater que le compte n’y est pas.

Examinons cette mission budgétaire. On note une baisse de 105 millions d’euros des crédits de paiement, le budget passant de 6,59 milliards d’euros à 6,49 milliards d’euros. La baisse est assez faible, me direz-vous, mais elle s’inscrit dans une courbe descendante depuis plusieurs années. Ainsi, chaque année, le ministère voit fondre ses crédits : de 740 millions d’euros en 2013, de 500 millions d’euros en 2014 et de 400 millions d’euros en 2015 dans le cadre du budget triennal 2015-2017.

Il est à noter que le ministère de l’écologie paie l’un des plus lourds tributs aux 5 milliards d’euros de mesures supplémentaires d’économies budgétaires, fragilisant la crédibilité des politiques mises en place.

Mme Évelyne Didier. Limiter l’intervention publique, c’est-à-dire décrédibiliser la politique et la démocratie pour les remplacer par une gouvernance des marchés, voilà fondamentalement ce qui est à l’œuvre aujourd’hui !

M. Jean-Pierre Bosino. Tout à fait !

Mme Évelyne Didier. Par ailleurs, les crédits concernant le programme « Infrastructures et services de transports » restent quasi stables cette année, ce qui est heureux. Cela traduit pourtant l’absence de moyens nouveaux permettant de relancer l’activité ferroviaire.

Les recettes supplémentaires que nous proposons régulièrement ne sont toujours pas envisagées. À l’inverse, la loi Macron a privé de 500 millions d’euros les autorités organisatrices de transports par la modification du seuil du versement transport, qui passe de neuf à onze salariés. Toutefois, j’arrête là sur ce thème ; nous y reviendrons sans doute le 10 décembre prochain, à l’occasion du débat sur la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.

Ajoutons que les sommes allouées à l’AFITF sont en nette diminution, de 424 millions d’euros, soit une baisse de 37,2 %. Nous regrettons ce choix d’attribuer une fraction plus faible de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, à cette structure. Avec 1,9 milliard d’euros de recettes, l’AFITF ne pourra engager qu’un programme minimum de travaux, alors même que les besoins sont évalués à 2,2 milliards d’euros et que le secteur routier continue de recevoir une fraction de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, qui est en augmentation, puisqu’elle passe de 375 à 450 millions d’euros.

Plus globalement, nous regrettons que la fiscalité écologique, renvoyée à la loi de finances rectificative, soit la grande absente du projet de loi de finances pour 2016, et qu’une réflexion globale ne soit pas menée.

Il faudra bien un jour s’attaquer réellement à la question de la fiscalité et s’interroger sur les modalités de l’intervention publique. Aujourd’hui, les politiques environnementales passent le plus souvent par des dépenses fiscales, c’est-à-dire par des exonérations ou des crédits d’impôt. La dépense fiscale est difficilement maîtrisable et les effets d’aubaine sont toujours présents, ce qui fait perdre toute signification et toute lisibilité à l’impôt.

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Ainsi, le crédit d’impôt pour la transition énergétique coûtera 1,4 milliard d’euros en 2016. Le taux à 5,5 % de TVA sur les travaux énergétiques des locaux à usage d’habitation représente, pour sa part, quelque 1,12 milliard d’euros. C’est sans doute une mesure d’incitation qui a son utilité. Pour autant, nous avons besoin d’une lisibilité globale.

Nous regrettons, enfin, dans la droite ligne des projets de loi de finances précédents, la contribution des agences environnementales de l’État aux politiques d’austérité. Ainsi, nous sommes opposés au prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’ADEME par l’article 14 de ce projet de loi. Le prélèvement annuel sur le fonds de roulement des agences de l’eau est maintenu encore cette année, à hauteur de 175 millions d’euros, rompant avec le principe fondateur en ce domaine qui veut que « l’eau paye l’eau ».

Surtout, je voudrais mettre l’accent sur les suppressions d’emplois. La baisse des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » a des conséquences directes sur la masse du personnel : quelque 515 postes ont été supprimés l’an dernier et 671 le seront en 2016. C’est considérable ! Nous atteignons là un seuil critique en deçà duquel les missions de service public ne pourront plus être remplies. Je voudrais ici rendre hommage aux personnels, qui continuent à exercer leurs missions dans des conditions difficiles.

Nous avons souhaité la création d’une Agence pour la biodiversité. Celle-ci est repoussée au 1er janvier 2017. Or les plafonds d’emploi de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, ceux du groupement d’intérêt public ATEN, l’Atelier technique des espaces naturels, mais également ceux des parcs nationaux perdent en tout 26 équivalents temps plein. Dans quelles conditions cette agence va-t-elle pouvoir voir le jour et travailler ?

Par ailleurs, les crédits de l’action de la lutte contre le changement climatique sont en baisse de 2 millions d’euros. Ceux de Météo France perdent 78 équivalents temps plein. C’est vraiment préoccupant. Au fond, tout est fait pour que les missions soient transmises au secteur privé.

Les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas ces crédits, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et marquent un décalage évident entre les annonces et les moyens budgétaires.

Cette position que nous affirmons avec conviction n’est pas un jugement sur l’action du ministère proprement dite. Vous agissez, monsieur le secrétaire d'État, avec Mme Royal, et vous le faites savoir. Nous recevons régulièrement des messages de votre part. Vous savez écouter et, même si vous avez un sens aigu de la mise en lumière de vos actions, vous agissez avec conviction. Il fallait que cela fût dit aussi.

Pour autant, vous n’avez pas, je le crois, les moyens de votre politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comment ne pas évoquer à mon tour la COP 21 ? Dans cette course contre la montre face au dérèglement climatique, nous mesurons tous l’importance et l’urgente nécessité pour les 196 pays d’assurer une véritable solidarité climatique.

Il est important de fixer des objectifs, certes, mais également de donner à chacun les moyens de les réaliser, en allant le plus vite possible. Dans le cadre de cette COP 21, force est de reconnaître que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui est aussi une loi de transition écologique, fait de la France un modèle et une référence. J’y reviendrai en fin de propos.

Concernant le programme 174, qui concerne plus particulièrement la commission des affaires économiques du Sénat, il ne représente qu’une faible partie des moyens qui sont et seront consacrés à la politique énergétique.

En effet, il me paraît important de le rappeler, les financements de la politique énergétique de la transition énergétique passent par d’autres canaux de financement. On ne peut, dès lors, mesurer l’action du Gouvernement, dans un domaine aussi important que celui-ci, uniquement à l’aune de ce seul budget. Certes, les crédits de ce programme sont en baisse, mais cela témoigne de leur participation à l’effort budgétaire.

Il faut reconnaître également que cette baisse est due, en tout cas pour partie, à la réduction structurelle des dépenses dédiées à l’action n° 4, Gestion économique et sociale de l’après-mines, liée elle-même à la baisse régulière du nombre de bénéficiaires en 2015. Or cette action couvre 93 % de l’ensemble des crédits de ce programme.

Cela étant, la politique énergétique, je le redis, est transversale et bénéficie de nombreux moyens extrabudgétaires qui seront consacrés au financement de la transition énergétique. J’y reviendrai, non sans m’être attardé quelque peu sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE créée en 2003, pour financer des missions de service public.

M. Jean-Claude Lenoir. Mais votée dans le cadre de la loi de février 2000 !

M. Roland Courteau. Cette contribution est perçue, je le rappelle, sur la facture des seuls consommateurs finals d’électricité.

L’effort, au fil des années, s’est accru et devrait atteindre plus de 6,3 milliards d’euros en 2015 et quelque 7 milliards d’euros en 2016, tandis que le déficit de compensation cumulé pour EDF est de l’ordre de 5,5 milliards d’euros.

Au rythme de progression actuel et en considérant l’effort à effectuer dans les prochaines années, nous ne pouvons plus faire l’économie d’une réforme. Ce changement est donc indispensable, et j’apprécie que la loi de finances rectificative permette de réexaminer ce dispositif dans le cadre d’une réforme à laquelle le Sénat s’était associé lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Il était nécessaire que l’assiette de financement des charges de service public soit graduellement élargie aux énergies carbonées, comme le permet la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec l’augmentation progressive de la fiscalité carbone.

Il n’était plus possible de continuer à faire supporter par le seul consommateur d’électricité le coût des charges de service public.

Il était également devenu indispensable qu’il y ait un contrôle du Parlement renforcé et une meilleure transparence des charges.

Bref, nous ne pouvions différer la mise en œuvre d’un cadre juridique robuste, avec une CSPE qui deviendrait une accise à part entière.

Permettez-moi de revenir sur un point que j’ai évoqué précédemment en indiquant que de nombreux moyens extrabudgétaires étaient aussi consacrés au financement de la transition énergétique. La montée en puissance du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, dont le montant pour 2016 atteint 1,4 milliard d’euros, soit plus du double de la somme provisionnée pour 2015, est là pour le prouver. Le taux de TVA à 5,5 % en faveur des travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements, dont le coût est évalué à 1,12 milliard pour 2016, complétera utilement ce dispositif.

Il faut relever la mise en place du fonds dédié à la transition énergétique, qui devrait être doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, entre 2015 et 2017, ainsi que d’une enveloppe spéciale consacrée à la transition énergétique, créée au sein de ce fonds. Celle-ci permettra de soutenir les projets « territoires à énergie positive pour la croissance verte », mais aussi l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, consacrée à la rénovation thermique, ainsi que la bonification des aides de l’ADEME au titre du fonds chaleur, l’économie circulaire des « territoires zéro gaspillage zéro déchet » et le développement de 1 500 méthaniseurs.

Faut-il également rappeler la ligne de crédits ouverte par la Caisse des dépôts et consignations en faveur des collectivités, afin d’assurer la rénovation des bâtiments publics ? Ou encore le programme des investissements d’avenir et les moyens financiers que BPI France y consacre ?

C’est avéré : avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France montre l’exemple en matière de lutte contre le dérèglement climatique en se dotant d’un nouveau modèle de croissance plus soutenable.

Je sais que le Gouvernement souhaite que les décrets nécessaires soient rapidement publiés. Tout laisse à penser que ce sera le cas, au vu de la cadence des réunions du Conseil supérieur de l’énergie, que je convoque presque chaque semaine !