M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les derniers chiffres du chômage viennent de tomber. « Variation importante avant une stabilisation proche, suivie d’une probable baisse au début de 2016. » : c’est ainsi que vous commentez ces chiffres, madame la ministre.

Pourtant, le constat est flagrant : les chiffres, qu’ont rappelés différents orateurs qui m’ont précédé, sont catastrophiques, je n’y reviendrai pas. Néanmoins, il est important de les comparer à ceux de nos voisins européens.

Les courbes du chômage de la zone euro et de la France évoluent dans deux directions opposées. Alors qu’en octobre 2015, l’Hexagone a connu une croissance impressionnante et inattendue du nombre de chômeurs, en zone euro, c’est un autre record, à la baisse, qui a été atteint. Le chômage n’a jamais été aussi bas depuis 2011. Le nombre de chômeurs est en baisse de 0,1 % en octobre 2015, le taux atteignant 10,7 %. Selon Eurostat, c’est en 2013 que la zone euro a connu son taux de chômage le plus élevé, à 12,2 %.

Certes, les pays du sud ont des taux de chômage bien supérieurs au nôtre, mais si l’on regarde l’Allemagne, le chômage y a encore baissé, pour atteindre 6,3 %. Du jamais vu depuis la réunification du pays !

Permettez-moi de mentionner également la Suisse, dont mon département est frontalier. Le taux de chômage y est incroyablement bas : 3,3 % à l’heure actuelle. J’en profite pour vous alerter sur une problématique spécifique à mon département et, plus généralement, aux départements frontaliers de la Suisse. En Haute-Savoie, le taux de chômage est certes bas – environ 7,5 % –, mais il ne peut être considéré comme étant réellement juste. En effet, lorsque les frontaliers travaillant en Suisse se retrouvent au chômage, ils s’inscrivent en tant que demandeurs d’emploi en France.

Cette observation étant faite, je passe à l’examen des crédits de cette mission « Travail et emploi », qui s’apparente en quelque sorte à un passage en revue des lacunes de la politique de l’emploi développée par le Gouvernement.

Je tiens d’abord à remercier les rapporteurs François Patriat et Jean-Claude Requier pour leur travail, ainsi que le rapporteur pour avis Michel Forissier, remplacé aujourd’hui par le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon.

L’enveloppe budgétaire de la mission « Travail et emploi » est en baisse par rapport à l’année 2015. En 2016, cette mission sera dotée de 11,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 5,56 % en autorisations d’engagement et une quasi-stagnation en crédits de paiement par rapport à 2015. Cette baisse ne peut nous convenir, l’emploi devant être une des priorités du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur l’attentisme dont fait preuve l’État quand il concentre son effort budgétaire sur les contrats aidés. Si ceux-ci sont nécessaires – notre groupe approuve d’ailleurs certains de ces dispositifs –, ils ne peuvent pas constituer l’axe principal d’une politique de l’emploi.

M. Michel Savin. Bien sûr !

M. Cyril Pellevat. Je concentrerai plutôt mon propos sur l’apprentissage.

Le volet consacré à l’apprentissage a fait l’objet de nombreuses annonces, après deux ans d’allers et retours qui s’étaient traduits par une chute de 8 % des contrats d’apprentissage en 2013, de 3 % en 2014 dans le secteur privé et de 4 % dans le secteur public.

Des mesures aux conséquences catastrophiques ont été prises dans la loi de finances pour 2014 : le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage a été divisé par deux et un dispositif de compensation partielle ciblé sur les TPE a été mis en place, à savoir une prime d’apprentissage de 1 000 euros dans les entreprises de moins de 11 salariés, étendue ensuite aux entreprises de moins de 50 salariés, puis à celles de moins de 250 salariés, après une énième révision de la part du Gouvernement. L’apprentissage a besoin de stabilité et de tels revirements mettent à mal ce mode de formation.

Madame la ministre, vous êtes récemment entrée au Gouvernement et nous connaissons votre volonté de mieux développer l’apprentissage. Les Français doivent prendre conscience que celui-ci constitue une « voie royale » vers l’emploi. Il représente un enjeu majeur, tant pour l’artisanat que pour l’emploi et la jeunesse. En effet, ce mode de formation est garant du maintien du tissu d’entreprises artisanales, car les apprentis d’aujourd’hui sont les artisans de demain. Il permet de préserver les savoir-faire qui font la qualité de l’artisanat et débouche, dans 80 % des cas, sur un emploi, préoccupation primordiale pour les jeunes et leurs familles.

Il est donc essentiel de développer cette filière de formation, en soutenant les maîtres d’apprentissage et en assurant aux candidats à l’apprentissage de trouver une entreprise d’accueil. Il s’agit là d’un engagement fort. Nous devons prendre exemple sur l’Allemagne, où le nombre d’apprentis est trois fois plus important pour une même cohorte de jeunes.

Dans la région Rhône-Alpes, le nombre d’apprentis est en baisse de 4,1 % entre 2013 et 2014. Je soulève à nouveau un problème spécifique à la Haute-Savoie, où les apprentis ont tendance à se former en France et à fuir en Suisse pour trouver un emploi.

Je suis favorable aux deux nouvelles aides en faveur des TPE et PME, dont la mise en œuvre est déjà effective : l’aide « TPE première embauche », qui permet de mobiliser pour le premier salarié une aide de 4 000 euros, et l’aide « TPE jeunes apprentis », mesure ponctuelle d’un an qui couvre les coûts supportés par l’employeur pour l’embauche d’un apprenti. Le Gouvernement maintient aujourd’hui un objectif de 500 000 apprentis en 2017.

Enfin, madame la ministre, ma dernière remarque portera sur les crédits des missions locales.

Les crédits d’accompagnement n’ont pas été reconduits en 2016 à la hauteur de la dotation pour 2015, qui était de 45 millions d’euros. Certes, vous vous être montrée favorable à deux amendements de nos collègues députés tendant à augmenter de 10 millions d’euros les crédits pour l’accompagnement assuré par les missions locales et de 2 millions d’euros les crédits dédiés à leur fonctionnement, mais j’insiste sur l’importance de ces missions locales pour nos jeunes. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas non plus tergiverser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Travail et emploi » dans un contexte que chacun connaît.

Malgré les nombreux dispositifs existants et la multiplication des opérateurs chargés de la politique de l’emploi, le chômage de masse ne diminue pas. On pourra toujours se rassurer à bon compte avec le maintien à un niveau important de ces crédits : 11,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement, 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement.

Cependant, nous sommes quelques-uns sur ces travées à estimer que l’effort consenti en faveur de l’insertion professionnelle, de l’apprentissage et de la création d’emplois relève malheureusement avant tout de l’affichage.

Au passage, madame la ministre, je reconnais que votre tâche n’est pas facile, vous êtes même attendue au tournant ! Permettez-moi cependant de vous adresse une supplique : optez pour une certaine sobriété de propos, particulièrement lorsqu’il s’agit de commenter les chiffres mensuels du chômage. Nous avons tous en mémoire les acrobaties sémantiques de vos prédécesseurs, qui, malgré l’enchaînement des mauvais résultats, s’échinaient malgré tout à « faire bonne figure ».

Quand c’est mauvais, c’est mauvais ! De grâce, évitons les déclarations telles que : « Nous sommes en train de stabiliser », ou : « Nous mettons en place les outils de lutte contre le chômage qui vont porter leurs fruits » ! Évitons également le commentaire sélectif sur telle catégorie d’âge ou de chômeurs pour masquer la tendance haussière et, au final, pour démontrer, contre toute évidence, que la hausse n’en est pas une. Et encore, je n’ai pas cité la dernière formule, qui ne manque pas d’inventivité : le fameux « ralentissement de la hausse ».

Madame la ministre, je crois sincèrement que ces acrobaties verbales affaiblissent la parole publique. Nous n’attendons pas de vous que vous accomplissiez un exercice d’équilibriste devant une réalité qui se dérobe, mais que vous actionniez les bons leviers.

Nous savons que le Président de la République lui-même, par ses déclarations posant l’inversion de la courbe du chômage en condition à une éventuelle nouvelle candidature, ne vous met pas dans une position très confortable…

M. Charles Revet. Eh oui ! Ce n’est pas facile ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Il paraît que votre prédécesseur, quittant sa charge ministérielle, aurait confié avoir vécu beaucoup de « moments de solitude ». Devant cet aveu touchant et sincère, on a envie de manifester de la sollicitude. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Nicole Bricq. On s’éloigne du projet de loi de finances !

M. François Bonhomme. Ce sentiment serait renforcé si ces aveux prouvaient que le Gouvernement a compris que les outils actuels en faveur de l’emploi s’avèrent, au mieux, insuffisants ou inopérants, au pire, coûteux et aggravants.

Je ne reviendrai pas sur les échecs des contrats de génération ni sur la question des crédits consacrés à l’apprentissage. J’évoquerai brièvement les deux dispositifs suivants : les contrats aidés, particulièrement les contrats d’insertion, et les maisons de l’emploi.

La Cour des comptes a rendu un rapport, me semble-t-il sans appel, sur l’efficacité des contrats aidés. Ce sont les contrats en alternance et le CIE qui favorisent le plus l’accès à l’emploi non aidé et à des contrats de travail durables. À l’issue de leur contrat, les bénéficiaires de contrats aidés en secteur non marchand se trouvent dans une situation moins favorable. Or que nous propose le Gouvernement ? Une projection de 200 000 contrats CAE dans le secteur non marchand, contre la création de seulement 60 000 nouveaux contrats CIE dans le secteur marchand.

Pourquoi s’obstiner à reprendre de vieilles recettes qui ont démontré leur inefficacité ? Ce faisant, on perd de vue l’essentiel : c’est dans le secteur privé qu’il faut aider les entrepreneurs à recruter via des contrats aidés.

Concernant les collectivités locales, c’est une litote de dire qu’elles ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’envisager l’embauche en ayant recours à un CUI ou à un CAE.

C’est la raison pour laquelle l’amendement de M. le rapporteur général de la commission des finances va dans le bon sens : il tend à réduire les crédits alloués aux contrats aidés du secteur non marchand par la suppression des 200 000 CUI-CAE supplémentaires prévus en 2016, et à créer 40 000 contrats supplémentaires dans le secteur marchand.

Concernant les maisons de l’emploi, le Gouvernement avait envisagé de réduire de moitié les crédits par rapport à 2015, en leur accordant 13 millions d’euros, alors que la baisse est continue depuis plusieurs années, et que, je le rappelle, la loi Borloo créant les maisons de l’emploi appelle une continuité d’action et de moyens qui ne peuvent tolérer des variations brutales ou des trajectoires chaotiques.

À ce degré de baisse, toute nouvelle restriction envisagée compromettrait à coup sûr l’existence même des maisons de l’emploi. Heureusement, les députés ont abondé, à juste titre, ces crédits à hauteur de 8 millions d’euros. C’est une sage décision. Il était plus que temps, car les maisons de l’emploi sont un outil territorial permettant de regrouper et de coordonner les acteurs de l’emploi au niveau local.

Oui, madame la ministre, vous pouvez vous appuyer sur le réseau des maisons de l’emploi qui ont fait la preuve de leur efficacité. Nous avons besoin de ces outils d’ingénierie territoriale !

Pour terminer, je souhaiterais vous interroger sur l’évaluation externe des maisons de l’emploi que le Gouvernement envisage de mettre en place. Pouvez-vous simplement nous indiquer, madame la ministre, comment, dans quel délai et sur quelle base cette évaluation sera conduite ?

En conclusion, nous voterons les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption des amendements proposés par la commission. En revanche, nous rejetterons les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec attention vos interventions, et je souhaite y répondre le plus précisément possible, en remettant en perspective les priorités du budget de l’emploi et, plus largement, de notre action pour 2016.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit d’un budget à la fois sanctuarisé et recentré sur les actions les plus efficaces pour la création d’emplois, la lutte contre le chômage et l’insertion professionnelle des personnes les plus fragiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, pour que le chômage baisse durablement, il faut deux préalables, comme l’ont dit MM. Gabouty et Jeansannetas.

Le premier est que la croissance reparte. En 2015, la croissance sera d’au moins 1,1 %. Nous avons donc d’ores et déjà dépassé notre prévision de croissance. (M. Jean Desessard s’exclame.)

Le second est que notre économie crée de l’emploi. De septembre 2014 à septembre 2015, près de 50 000 créations nettes d’emplois ont eu lieu, ce qui prouve que les entreprises reprennent peu à peu confiance dans leur capacité à investir et à créer de l’emploi, notamment grâce aux dispositifs que nous avons mis en œuvre comme les allégements de charge, la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE. Toutefois, les entreprises restent prudentes et ont majoritairement recours aux CDD ou à des contrats d’intérim, c’est-à-dire à des contrats courts. Cela explique les fortes variations à la hausse et à la baisse que nous enregistrons ces derniers mois.

Les chiffres du chômage que j’ai annoncés jeudi dernier ne sont évidemment pas satisfaisants, mais j’ai tenu les mêmes propos le mois précédent lorsqu’ils étaient bons. Je n’ai fait preuve d’aucun triomphalisme ; j’ai simplement affirmé que les analyses des résultats devaient s’inscrire dans la tendance et dans la durée, car la reprise de l’activité économique est graduelle, ce qui explique ces mouvements de basculement des demandeurs d’emploi de la catégorie A vers la catégorie B ou la catégorie C. Nous devons vraiment améliorer cette situation.

Nous avons obtenu des résultats encourageants concernant le chômage des jeunes, puisque l’on recense 20 000 inscrits de moins depuis le début de l’année. Il est important de le rappeler ici, car notre situation n’est pas identique à celle des autres pays. Comparons ce qui est comparable !

M. Jacques Chiron. Tout à fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous enregistrons chaque année en France 700 000 départs à la retraite, contre 850 000 entrées sur le marché du travail. C’est une chance pour notre pays, mais c’est aussi un défi pour notre économie. L’Allemagne compte en revanche 700 000 départs à la retraite pour 660 000 entrées sur le marché du travail. Voilà la réalité !

M. Jacques Chiron. Absolument !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour analyser notre situation, nous devons impérativement établir ces comparaisons et les adapter pour qu’elles soient crédibles.

Vous l’aurez compris, je veux conforter et amplifier cette relance de notre économie, encore fragile. Tel sera le sens de la loi portant réforme du droit du travail que je défendrai devant vous.

J’ai bien entendu les quelques paroles de réconfort…

M. Alain Marc. Et d’encouragement !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … que m’ont adressées certains orateurs. Je les en remercie bien évidemment. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir été secrétaire d’État à la politique de la ville, confrontée aux quartiers où les taux de chômage sont les plus forts, je peux vous assurer que, pour œuvrer à l’amélioration de la situation de l’emploi et du travail, je n’ai pas besoin de réconfort ! Je suis particulièrement mobilisée dans ma recherche de réponses permettant d’innover et de répondre au mieux à la situation de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

C’est donc à ces enjeux que répond le budget pour 2016 : il est sanctuarisé dans ses montants et stabilisé en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2015, en progression de 15 % par rapport à 2012. Le budget de l’emploi a été renforcé à hauteur de 27 millions d’euros à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Ces chiffres marquent la priorité donnée par le Gouvernement à l’emploi, dans un contexte de réduction du déficit public. Comme l’ont souligné les rapporteurs spéciaux, ce budget est exigeant concernant la maîtrise des dépenses de fonctionnement, pour donner la priorité aux actions en direction des demandeurs d’emploi.

En premier lieu, le budget pour 2016 amplifie la mobilisation pour la lutte contre le chômage des jeunes et pour le droit à la nouvelle chance, qui est une orientation de la feuille de route de la conférence sociale pour l’emploi.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial François Patriat, un engagement massif de 123 millions d’euros supplémentaires est prévu au profit du déploiement de la garantie jeunes. Voilà l’exemple d’un dispositif innovant, expérimenté, puis évalué, avant d’être généralisé avec l’appui de l’ensemble des acteurs locaux, missions locales, départements, entreprises. La garantie jeunes sera étendue à 60 000 nouveaux jeunes en 2016. Par conséquent, à la fin de l’année prochaine, environ 100 000 jeunes auront bénéficié de cette garantie.

Nous avons là aussi l’exemple d’un dispositif qui fonctionne, parce qu’il se construit autour des besoins de chaque jeune accompagné, comme l’a rappelé M. Desessard.

Concrétiser le droit à la nouvelle chance, c’est aussi augmenter les capacités d’accueil de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE : le budget pour 2016 dégage les moyens pour y accueillir 1 000 jeunes supplémentaires chaque année et poursuivre l’ouverture des deux nouveaux centres annoncés.

Il en va de même des écoles de la deuxième chance, les E2C : le budget pour 2016 consolide l’engagement de l’État en leur faveur, à hauteur de 24 millions d’euros, qui permettront d’accompagner le développement du réseau, notamment dans les régions aujourd’hui peu couvertes. Plusieurs projets d’écoles ou de nouveaux sites ont été lancés pour aboutir en 2016 ou au début de 2017 près de Caen, à Angoulême ou encore à Bergerac.

Je partage vos conclusions sur la nécessité d’une meilleure articulation des différents dispositifs : leur nombre est suffisant, mais il faut assurer la cohérence entre ceux qui existent déjà, en partant directement de leurs bénéficiaires et non de ceux qui les mettent en œuvre.

C’est notamment l’objet des plates-formes d’appui aux décrocheurs scolaires, pour organiser le repérage et le suivi individuel de ces jeunes, et proposer à chacun une solution adaptée. En effet, en France, le chômage touche les personnes peu ou pas qualifiées. Il est donc essentiel que cette logique de partenariat soit renforcée.

Les missions locales, vous l’avez dit, sont au cœur de l’effort pour l’insertion des jeunes : depuis 2012, l’État a renforcé leur rôle, qui sera essentiel pour assurer la généralisation de la garantie jeunes, ainsi que pour préparer les sorties positives des jeunes terminant leur contrat en emploi d’avenir en 2016.

À l’Assemblée nationale, les moyens des missions locales ont fait l’objet d’un débat. Grâce aux amendements adoptés par les députés, avec mon soutien, les crédits dédiés aux missions locales seront en progression globale de 2,8 %, afin de prendre en compte le besoin spécifique d’accompagnement des emplois d’avenir et les enjeux de structuration des missions locales. Au total, près de 12 millions d’euros supplémentaires ont ainsi été dégagés pour les missions locales. Il ne me semble pas pertinent d’aller au-delà.

L’un des axes majeurs pour l’insertion professionnelle des jeunes est le développement de l’apprentissage. Vous l’avez tous évoqué, et je partage votre point de vue. Comme je l’ai indiqué devant la commission des affaires sociales, ma priorité est de faire reconnaître l’apprentissage comme une voie d’excellence, car 70 % des jeunes apprentis trouvent ensuite un emploi. En outre, les apprentis d’aujourd’hui dans les secteurs de l’artisanat et du petit commerce seront nos chefs d’entreprise de demain.

Le Gouvernement mène en la matière une politique globale qui mobilise l’ensemble des ministères autour de cette priorité, pour rendre l’apprentissage plus accessible et plus attractif.

En témoigne l’engagement exemplaire pris par l’État pour recruter 10 000 apprentis dans la fonction publique d’ici à 2017.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour 2015, nous avons déjà dépassé notre objectif, avec 4 500 contrats d’apprentissage. Je précise que deux apprentis ont été embauchés voilà deux semaines au sein de mon ministère, rue de Grenelle, l’ensemble des services du ministère accueillant plus de 150 apprentis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Le renforcement des moyens financiers fléchés pour l’apprentissage est également sans ambiguïté. L’apprentissage est affirmé comme une priorité budgétaire : l’effort financier total de l’État dans ce domaine s’élèvera à 2,74 milliards d’euros en 2016, contre 2,52 milliards d’euros en 2015, en raison notamment de la mise en place de l’aide « TPE jeunes apprentis ».

Depuis 2014, nous avons donc levé les freins financiers, puisque 382 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés au développement de l’apprentissage. J’entends votre souhait d’avoir une vision plus directe de la répartition des financements entre l’État et les régions. Le Gouvernement fera bien évidemment un effort en la matière.

L’effort financier de l’État retrouvera en 2016 son niveau de 2013, avant la réforme des primes à l’apprentissage, tout en s’appuyant sur des dispositifs mieux ciblés. Il s’agit aussi de donner une plus grande visibilité aux entreprises.

Beaucoup d’actions ont été conduites pour adapter les conditions d’emploi des apprentis et les rendre plus attractives. Cette réflexion débouchera, à la rentrée de 2016 et à l’issue de la concertation actuellement en cours, sur la création d’un véritable statut non seulement de l’apprenti, avec un socle commun de droits pour l’accès à la mobilité ou l’hébergement, mais aussi des maîtres d’apprentissage, comme l’ont demandé Mme David ou M. Pellevat.

Au-delà, la question de l’articulation entre le monde de l’entreprise et l’éducation nationale a été soulevée. J’entends cette demande. La réussite et l’insertion professionnelle des jeunes exigent que les contenus de formation soient en adéquation avec les besoins du marché du travail.

C’est la raison pour laquelle je travaille avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, pour l’accélération de la rénovation des diplômes et l’implication des branches professionnelles dans l’adaptation du contenu des diplômes.

En outre, vous le savez, les questions de l’orientation professionnelle et de l’image de la voie professionnelle sont déterminantes dans le choix des familles et des jeunes. M. Barbier l’a signalé à juste titre.

L’industrie recrute actuellement au sein de certains bassins d’emplois, mais certaines places d’apprentissage restent encore vides. Nous devons prendre en compte le traumatisme de certains territoires marqués, dans le passé, par des licenciements massifs dans l’industrie. Il faut donc donner une autre image des métiers industriels. C’est essentiel, si nous voulons véritablement améliorer la situation.

Le deuxième axe fort de ce budget, c’est la poursuite de la mobilisation des outils de la politique de l’emploi en vue de favoriser le retour à l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.

Bien sûr, ce chantier suppose la consolidation du secteur de l’insertion par l’activité économique et des engagements financiers encore accrus en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

Le présent projet de loi de finances crée 295 000 nouveaux contrats aidés pour un montant total de 2,4 milliards d’euros. Il s’agit là d’une programmation à la fois ambitieuse et cohérente, s’appuyant sur les perspectives de rebond de l’emploi marchand en 2016.

Face à un taux de chômage élevé, nous avons mené, depuis 2012, un travail de fond destiné à accroître la qualité des contrats aidés. De surcroît, nous avons pris des engagements pour étoffer la formation et améliorer le ciblage des publics. M. Jeansannetas l’a rappelé : dans ce contexte, les contrats aidés sont indispensables pour accéder à une première expérience ou pour éviter l’éloignement durable du marché du travail.

Au demeurant, je note que, dans ce domaine, nous sommes loin des records : en juin 1997, on recensait plus de 850 000 bénéficiaires de contrats aidés dans notre pays. Aujourd’hui, on en dénombre 450 000.

La programmation pour 2016 prévoit 60 000 nouveaux contrats dans le secteur marchand et 200 000 autres dans le secteur non marchand.

La plupart des orateurs ont mentionné une étude réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Mais ce travail portait sur les contrats aidés en vigueur de 2005 à 2007. Depuis lors, les contrats aidés ont été réformés : les formations ont été rendues obligatoires, la durée des contrats a été étendue et un ciblage des publics a été assuré.

Les chiffres sont clairs : parmi les bénéficiaires des contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, 15 % sont des travailleurs en situation de handicap, 71 % sont des femmes, 30 % sont des seniors et 74 % sont des demandeurs d’emploi de longue durée.

M. Jean Desessard. Que répondre à cela ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà la réalité !

Mme Nicole Bricq. Oui ! C’est ce que certains se sont bien gardés de dire !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Or, au titre des contrats initiative emploi, les CIE, le taux de travailleurs handicapés s’établit à 9 %. Il est donc bien moindre. Quant aux chômeurs de longue durée, on en dénombre 68 %. Ce taux est également moins élevé.

Je vous l’assure, avec un ciblage pertinent et avec une formation obligatoire, les contrats aidés bénéficient aux publics les plus en difficulté, notamment aux jeunes des quartiers populaires qui subissent des discriminations.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ces dispositifs offrent à ces jeunes une première expérience professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je le répète, il faut tenir compte de la spécificité des contrats proposés dans le secteur non marchand.

Le budget pour 2016 assure un équilibre entre ces deux dispositifs, qui ont chacun leur intérêt propre. Avec les contrats aidés, il s’agit d’activer les dépenses pour l’emploi plutôt que de se contenter d’indemniser ou de verser une allocation.

Je m’opposerai donc radicalement à l’amendement de la commission des finances,…

Mme Nicole Bricq. Nous aussi !