M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l’amendement n° II-465 rectifié

M. Bernard Lalande. L’économie numérique est non pas une économie souterraine, mais une économie non réglementée. Le Gouvernement en a pris la juste mesure, en créant en son sein un secrétariat d’État dédié, placé sous l’autorité de Mme Axelle Lemaire.

Nous serons ainsi invités à légiférer au printemps prochain sur un cadre juridique, afin d’adapter notre droit au monde du numérique, tout en préservant la plus grande sécurité juridique possible.

Le groupe de travail transpartisan, issu de la commission des finances, en précurseur peut-être, mais aussi en sentinelle vigilante des deniers publics, a commis un rapport sur l’un des aspects de l’économie numérique, l’économie collaborative.

Concernant la problématique de cette économie, qui n’existait pas il y a une dizaine d’années, il suffit de se rappeler le conflit suscité par le service UberPop et son hypermédiatisation. De simples particuliers transportaient occasionnellement d’autres personnes dans leur propre véhicule, sans les qualités requises pour exercer cette activité, mais en étant néanmoins rémunérés moyennant une commission versée sur chaque course par une plateforme collaborative.

Le rapport d’information prévoit une fiscalité simple et efficace pour capter une ressource fiscale juste sur nos concitoyens qui touchent des revenus supérieurs à 5 000 euros par an. Exerçant une activité commerciale et concurrentielle par l’intermédiaire d’une plateforme numérique, il est juste qu’ils contribuent à la ressource fiscale.

Cette proposition est simple à mettre en place parce qu’elle repose sur les plateformes elles-mêmes. Elle est juste parce qu’elle considère la juste contribution citoyenne de celui qui fait commerce. Elle est efficace parce qu’elle permet à la puissance publique de recouvrir ce qui lui est dû à moindre coût.

Mes chers collègues, je vous invite donc à soutenir cet amendement, qui s’intègre dans la dynamique de l’économie numérique, et qui est largement soutenu par mes excellents collègues Philippe Dallier, Jacques Chiron, Albéric de Montgolfier, Thierry Carcenac et Michel Bouvard, ainsi que par l’ensemble de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Michel Bouvard. Quel enthousiasme !

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° II-484 rectifié.

M. Vincent Capo-Canellas. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Sur ces sujets importants, la position du Gouvernement est très claire.

Nos concitoyens sont déjà soumis à l’obligation de déclarer et sont, bien sûr, imposés sur les revenus qu’ils tirent de l’utilisation des plateformes. Ce n’est une invention ni du Sénat ni du Gouvernement : aujourd’hui, une personne qui tire des revenus de l’utilisation de plateformes, telles les plateformes de location, doit déclarer ses revenus.

Le Gouvernement traitera cette question dans le cadre de différents textes, mais nous sommes encore en train d’affiner un certain nombre de choses.

Premièrement, il serait souhaitable que les plateformes diffusent toutes les informations relatives aux obligations déclaratives auxquelles leurs utilisateurs sont soumis – y compris pour s’acquitter des contributions sociales –, dans le cadre, par exemple, de la location d’appartement, de la vente d’un produit, d’une plus-value sur un bien, qu’ils relèvent du régime auto-entrepreneur, « micro-BIC » ou « micro-BNC », qu’ils perçoivent des revenus fonciers ou quelque autre type de revenu.

Nous sommes donc d’accord pour obliger les plateformes à communiquer à leurs utilisateurs une récapitulation des revenus qu’elles leur ont permis de percevoir, en leur rappelant que ces revenus doivent être déclarés en vue d’être fiscalisés.

Mais faut-il prévoir un tiers de confiance, comme le proposent les auteurs des amendements identiques ? La question se pose, y compris en termes de confidentialité et de secret fiscal. Il me semble qu’il faut y réfléchir de plus près.

Quant à l’abattement de 5 000 euros, je répète qu’il ne résout rien du tout. Il me semble au contraire qu’il fragilise le travail que nous sommes en train d’accomplir, dans la mesure où il comporte un risque d’inconstitutionnalité. En effet, des activités identiques risqueraient de ne pas être fiscalisées de la même façon selon qu’elles ont été exercées directement ou par l’intermédiaire d’une plateforme. En clair, celui qui loue un logement via une plateforme ne serait imposé qu’au-delà de 5 000 euros, tandis que celui qui n’y recourt pas le serait dès le premier euro. Comme je l’ai déjà fait observer lors de l’examen de la première partie, je crains que ce dispositif n’entraîne une rupture d’égalité devant l’impôt.

Peut-être faut-il réfléchir au moyen de prendre en compte les activités de taille très réduite, mais le même problème risque de se poser. Nous verrons comment traiter cette question.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour préserver la qualité du travail en cours sur ce sujet extrêmement complexe, un travail auquel chacun apporte à l’évidence sa pierre, gardons-nous de penser que l’instauration d’une franchise de 5 000 euros réglerait tous les problèmes. La collecte de l’information, la transmission de celle-ci et la bonne connaissance par les contribuables de la façon dont ils doivent déclarer leurs revenus sont autant de problèmes qui se posent aussi, sans oublier celui, que nous n’avons pas encore abordé, des moyens de contrôle de l’administration sur l’exhaustivité des revenus déclarés par les plateformes, qui pourraient très bien en oublier une partie – il peut arriver que l’on se trompe ! –, et il s’agit alors de savoir quelles sont les responsabilités en cas de manquement aux obligations déclaratives.

Nous ne sommes pas encore au bout du chemin ; nous sommes d’accord sur un certain nombre de sujets. De son côté, le Gouvernement fera des propositions à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

À ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, même si, je le répète, je ne suis pas opposé à certaines dispositions proposées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y a pas de désaccord de fond entre notre position et celle de M. le secrétaire d’État.

Tous les membres du groupe de travail sur le recouvrement de l’impôt à l’heure de l’économie numérique, et plus largement tous nos collègues présents dans cet hémicycle, peuvent tomber d’accord sur ce constat : le droit existant résout les questions. Ainsi, la vente d’objets d’occasion est exonérée d’impôt, mis à part l’or et, dans certains cas, les œuvres d’art ; pour la location d’appartement, des régimes sont prévus : micro-BIC, loueur de meublé professionnel, loueur de meublé non professionnel ; la question des VTC est également réglée.

Seulement, deux problèmes se posent aujourd’hui, que nous connaissons tous.

En premier lieu, nous avons affaire à des acteurs qui, parce qu’ils ne sont pas forcément très au fait des règles fiscales, peuvent éprouver des difficultés pour savoir comment déclarer leurs revenus. De ce point de vue, il convient d’obliger les plateformes à mieux informer les contribuables sur leurs obligations déclaratives.

En second lieu, il faut bien dire que les acteurs ne sont pas toujours spontanément portés à déclarer l’ensemble de leurs revenus, surtout quand ils utilisent plusieurs plateformes – ainsi, un chauffeur de VTC peut avoir recours à plusieurs d’entre elles. La question de l’agrégation des revenus se pose donc. (M. le secrétaire d’État opine.)

En somme, il s’agit non pas de créer une nouvelle fiscalité, puisque l’actuelle est adaptée aux diverses situations, du moins théoriquement, mais simplement d’assurer la collecte effective de l’impôt qui est dû.

L’instauration d’une franchise ou d’un abattement comporte-t-elle un risque d’inconstitutionnalité, comme M. le secrétaire d’État l’a suggéré ? Le Conseil constitutionnel a établi sans ambiguïté, dans sa décision du 29 décembre 1999, que la lutte contre la fraude était un objectif de valeur constitutionnelle, qui découle de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (M. le secrétaire d’État fait une moue dubitative.)

Dès lors que le système d’abattement que nous proposons est fondé non pas sur la nature des revenus, mais sur leur mode de déclaration, nous considérons qu’un abattement est possible, à l’instar de l’abattement de 25 % qui existe pour les centres de gestion agréés,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … en contrepartie des garanties de fiabilité que ceux-ci présentent pour l’administration fiscale : le principe d’égalité devant l’impôt n’empêche pas qu’un professionnel libéral qui adhère à un centre de gestion agréé bénéficie de cet abattement, tandis que son confrère qui n’est pas membre d’un tel centre n’en bénéficie pas. En d’autres termes, des revenus de même nature, mais déclarés selon des modalités différentes, ne subissent pas la même imposition : l’adhésion à un centre de gestion agréé permet un abattement de 25 %.

Ce raisonnement nous paraît pouvoir justifier une franchise, qui aurait deux vertus : inciter à la déclaration et dispenser d’imposition des petits revenus à caractère complémentaire. On peut considérer que les revenus qui seraient exonérés correspondent aux frais que les contribuables doivent supporter pour exercer leur activité ; je pense, par exemple, aux frais d’entretien d’un véhicule.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Selon moi, ce raisonnement ne tient pas deux minutes !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Quid de l’abattement pour les centres de gestion agréés ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-366 rectifié, II-394 rectifié, II-465 rectifié et II-484 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 37.

Articles additionnels après l'article 37
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Articles additionnels après l'article 38

Article 38

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 3° du I de l’article 286, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Lorsqu’elle enregistre les règlements de ses clients au moyen d’un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d’un système de caisse, utiliser un logiciel ou un système satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale, attestées par un certificat délivré par un organisme accrédité dans les conditions prévues à l’article L. 115-28 du code de la consommation ou par une attestation individuelle de l’éditeur, conforme à un modèle fixé par l’administration ; »

2° Le 2 du A de la section II du chapitre II du livre II est complété par un article 1770 duodecies ainsi rédigé :

« Art. 1770 duodecies. – Le fait, pour une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, de ne pas justifier, par la production de l’attestation ou du certificat prévus au 3° bis du I de l’article 286, que le ou les logiciels de comptabilité ou de gestion ou systèmes de caisse qu’elle détient satisfont aux conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données prévues par ces mêmes dispositions est sanctionné par une amende de 5 000 € par logiciel de comptabilité ou de gestion ou système de caisse concerné.

« Lorsqu’il lui est fait application de l’amende mentionnée au premier alinéa du présent article, l’assujetti dispose d’un délai de soixante jours pour se mettre en conformité avec l’obligation prévue au 3° bis du I de l’article 286. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal mentionné à l’article L. 80 O du livre des procédures fiscales, de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 du même livre ou de la notification mentionnée au premier alinéa de l’article L. 76 dudit livre.

« Passé ce délai, l’assujetti qui ne s’est pas mis en conformité est passible à nouveau de l’amende mentionnée au premier alinéa. »

II. – Après le chapitre Ier quinquies du titre II du livre des procédures fiscales, il est inséré un chapitre Ier sexies ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER SEXIES

« Le droit de contrôle en matière de détention de logiciels de comptabilité ou de gestion ou de systèmes de caisse

« Art. L. 80 O. – Les agents de l’administration fiscale ayant au moins le grade de contrôleur peuvent intervenir de manière inopinée dans les locaux professionnels d’une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, à l’exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, pour vérifier la détention par cette personne de l’attestation ou du certificat prévu au 3° bis du I de l’article 286 du code général des impôts pour chacun des logiciels de comptabilité ou de gestion ou systèmes de caisse qu’elle détient.

« À cette fin, ils peuvent intervenir entre huit heures et vingt heures ou, en dehors de ces heures, durant les heures d’activité professionnelle de l’assujetti.

« Au début de leur intervention, les agents de l’administration remettent à l’assujetti ou à son représentant un avis d’intervention.

« À l’issue de leur intervention, ils établissent un procès-verbal consignant les références du ou des logiciels ou systèmes de caisse détenus par l’assujetti ainsi que les éventuels manquements à l’obligation prévue au 3° bis du I de l’article 286 du code général des impôts. Le procès-verbal est signé par les agents de l’administration ainsi que par l’assujetti ou son représentant. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Une copie de celui-ci est remise à l’intéressé.

« Lorsque les agents de l’administration constatent un manquement à l’obligation prévue au 3° bis du I de l’article 286 du code général des impôts et appliquent l’amende prévue à l’article 1770 duodecies du même code, le procès-verbal mentionne les dispositions du second alinéa de cet article et informe l’assujetti qu’il dispose d’un délai de trente jours pour formuler ses observations et, le cas échéant, fournir l’attestation ou le certificat prévus au 3° bis du I de l’article 286 dudit code. Les observations de l’assujetti sont annexées au procès-verbal. Si l’intéressé apporte les justificatifs demandés dans le délai imparti, l’amende n’est pas appliquée.

« Dans le cas où l’assujetti ou son représentant refuse l’intervention des agents de l’administration, ceux-ci en dressent procès-verbal et font application de l’amende prévue à l’article 1770 duodecies du code général des impôts.

« L’intervention des agents de l’administration sur le fondement du présent article ne relève pas des procédures de contrôle de l’impôt régies par les articles L. 10 à L. 54 A du présent livre. »

III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.

M. le président. L’amendement n° II-367, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

5 000 € par

par les mots :

10 000 € par unité de saisie utilisant le

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement porte sur la fraude à la TVA, une question que nous avons déjà un peu abordée ce matin. C’est un secret de polichinelle, certains logiciels de caisse permettent de frauder – il faut appeler les choses par leur nom ! – : ils sont programmés pour faire disparaître une partie des opérations.

M. Michel Bouvard. Comme chez Volkswagen !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est pourquoi le Gouvernement a prévu, à juste titre, une amende de 5 000 euros pour les commerçants qui ne mettraient pas à jour leur logiciel de caisse. Nous estimons que ce montant est extrêmement faible, au regard des enjeux de la fraude à la TVA. C’est pourquoi nous proposons de le porter à 10 000 euros.

En outre, nous suggérons que cette amende soit appliquée sur toutes les unités de saisie – par exemple, de caisses enregistreuses.

Il faut que l’amende appliquée en cas de découverte d’un logiciel de caisse frauduleux soit dissuasive, d’autant qu’une période d’adaptation est prévue pour les commerçants – une période sur laquelle nous reviendrons dans quelques instants, à la faveur de l’amendement n° II-368.

Une amende de 5 000 euros est donc tout à fait insuffisante par rapport au cancer que représente la fraude à la TVA. Je présume, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’êtes pas favorable à la fraude…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, ne nous emballons pas ! C’est tout de même le Gouvernement qui est à l’origine de l’article 38, lequel réprime l’utilisation de logiciels frauduleux… Ne nous accusez pas d’être favorables à la fraude au motif que serions timorés à l’égard de votre amendement !

Nous avons longuement réfléchi à la mise en œuvre de ce dispositif, s’agissant aussi bien du délai que du montant de l’amende, et même d’éventuelles sanctions pénales. Nous sommes parvenus à la conclusion qu’une amende de 5 000 euros par manquement était une formule raisonnable. Je n’ai pas de raison de vous le cacher, à un certain moment, le Gouvernement a lui-même songé à fixer ce montant à 10 000 euros. Nous avons toutefois considéré qu’il ne fallait pas être excessif dans la mesure où il peut toujours y avoir des personnes qui ne sont pas complètement au fait des choses. C’est pourquoi nous avons choisi de prévoir une amende de 5 000 euros.

M. Michel Bouvard. Il n’y a pas à avoir d’états d’âme pour les détenteurs de logiciels frauduleux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aussi, nous sommes défavorables à cet amendement. Mais, l’adopteriez-vous, je ne considérerais pas que la crédibilité du Gouvernement en serait menacée…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-367.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-519, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 15, première phrase

Remplacer les mots :

cet article

par les mots :

ce même article 1770 duodecies

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-519.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-368, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Remplacer l’année :

2018

par l’année :

2017

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’article 38 du projet de loi de finances prévoit une période d’adaptation pour les commerçants qui seraient détenteurs de logiciels pouvant être frauduleux ; l’amende ne s’appliquera qu’à l’issue de cette période, dont le terme est actuellement fixé au 1er janvier 2018.

Nous nous interrogeons sérieusement sur cette date. Notre collègue Philippe Dallier pourrait nous expliquer, à la faveur de ses compétences en informatique, qu’il est techniquement très aisé d’adapter un logiciel de caisse. Les éditeurs de logiciels conçoivent régulièrement des mises à jour, non seulement lorsque les règles de calcul de la TVA sont modifiées, mais aussi, tout simplement, pour des raisons informatiques et de sécurité. Dans ces conditions, une période d’adaptation d’un an nous paraît largement suffisante. Prévoir deux ans n’enverrait pas un bon signal en termes de lutte contre la fraude à la TVA.

Lorsque la société informatique viendra mettre à jour le logiciel d’un commerçant, elle s’assurera qu’il est parfaitement fiable et ne met pas de côté certaines opérations à la TVA. Une année suffit amplement ; au-delà, le commerçant qui utiliserait un logiciel frauduleux se verrait appliquer l’amende prévue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a préféré que la mise en œuvre de ce dispositif soit étalée dans le temps.

En effet, même si les frais d’actualisation ou de remplacement d’un logiciel frauduleux ne sont pas considérables,…

M. Philippe Dallier. Certes non !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … la création d’une nouvelle obligation suscite des réactions que vous connaissez bien. Ainsi, lorsque le Gouvernement a proposé d’augmenter de 1 euro la redevance audiovisuelle, la majorité sénatoriale n’a pas été la dernière à crier au scandale !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous parlons de fraudeurs !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous ne parlons pas seulement des fraudeurs : certains commerçants n’ont pas de logiciels agréés, ne serait-ce que parce qu’ils ont repris le matériel qu’ils ont trouvé lorsqu’ils se sont installés. Un logiciel peut ne pas être agréé sans être frauduleux.

Je vous signale que cette mesure concerne potentiellement 600 000 commerçants, et sans doute 1 million de personnes au total – songez qu’il y a 3,5 millions d’assujettis à la TVA.

Par ailleurs, les dépenses qui devront être engagées pour acquérir un logiciel parfaitement conforme, qui présente toutes les garanties nécessaires en termes de fiabilité, représentent entre 200 et 500 euros. Nous ne voulons pas être accusés d’avoir imposé à toute une profession des normes – c’est un mot que l’on aime bien dans cette assemblée ! –, dont le coût est toujours estimé considérable par ceux qui doivent le supporter.

Dans ces conditions, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Franchement, un délai de deux ans n’est pas nécessaire.

Il faut savoir, mes chers collègues, que, sur certaines caisses, il suffit d’appuyer sur une touche pour basculer d’un logiciel vers l’autre. (Mme Catherine Procaccia opine.) Autrement dit, les véritables données agréées existent ; seulement, on peut basculer au moyen d’une petite touche… Ne soyons pas naïfs : cela existe.

Quant à ceux qui ne disposeraient que d’un seul logiciel, un peu frauduleux, il leur suffira de faire de menus changements : il n’y en a pas pour des mille et des cents ! (M. Jacques Chiron opine.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je rejoins les propos de M. le rapporteur général et de M. Raoul. Il est beaucoup plus compliqué de concevoir un logiciel qui permet de frauder que d’en concevoir un qui respecte les règles !

Les logiciels concernés n’étant pas d’une extrême complexité, supprimer le bout de cote qui permet de faire disparaître certaines recettes est tout à fait à la portée de ceux qui les ont conçus, et une année y suffira amplement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-368.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 38, modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 39

Articles additionnels après l'article 38

M. le président. L'amendement n° II-124 rectifié bis, présenté par Mme Lamure, MM. Mouiller, Reichardt, Lemoyne, Kennel, César, Cardoux, D. Laurent, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Morhet-Richaud et MM. Houel, Husson, Pierre et Duvernois, est ainsi libellé :

Après l’article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts est complété par les mots : « à l'exception des revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, soumis à un régime réel d'imposition dont les titulaires utilisent un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d'un système de caisse défini au 3° bis de l'article 286 du présent code ».

La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Afin de lutter contre la fraude à la TVA, l'article 38 du projet de loi de finances pour 2016 rend obligatoire, à compter du 1er janvier 2018, l'utilisation de logiciels et de systèmes de caisse sécurisés. La mise en place de ces outils permettra aux professionnels de justifier d'une comptabilité juste et fiable.

Dans ces conditions, il n’est nullement justifié de majorer de 25 %, avant impôt, les revenus des indépendants qui n’adhèrent pas à un centre de gestion agréé, tel que cela se pratique aujourd’hui, conformément à l’article 158 du code général des impôts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à supprimer la majoration de 25 % des revenus des indépendants qui n’adhèrent pas à un centre de gestion agréé, dès lors que ceux-ci disposent d’un logiciel de caisse sécurisé.

Nous venons d’en débattre, le fait de disposer d’un logiciel certifié ne prouve pas l’infaillibilité du commerçant. Celui-ci peut présenter une attestation, tout en continuant à utiliser un logiciel frauduleux. L’attestation n’est pas une garantie suffisante. Notre collègue Daniel Raoul vient de l’expliquer, certains commerçants basculent d’un logiciel vers l’autre.

Par ailleurs, le fait d’être adhérent à un centre de gestion agréé implique un certain nombre d’autres garanties.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Outre les arguments avancés par M. le rapporteur général – je ne sais pas si vous avez encore des doutes, mesdames, messieurs les sénateurs ! –, je fais observer que l’adoption de cet amendement aurait un coût de 150 millions d’euros, dans la mesure où il vise quasiment à généraliser la suppression de la majoration de 25 %.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.