M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord souligner que, conformément d’ailleurs aux positions que vous défendez dans cet hémicycle et ailleurs, la meilleure manière pour Alstom de remédier à ses problèmes de compétitivité, c’est précisément de se donner les moyens de conquérir de nouveaux marchés et de se rendre progressivement moins dépendant de la commande publique !

C’est la première réponse qui peut être apportée, et c’est celle qui vaudra sur le long terme. En effet, les problèmes actuels d’Alstom tiennent à une trop grande dépendance à l’égard de la commande publique, qui a été surabondante au cours des années passées. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne rendrons service à personne si nous considérons que la seule réponse doit être de maintenir un tel schéma ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Pierre Raffarin et Henri de Raincourt applaudissent également.)

Nous nous employons à rassurer les salariés de l’entreprise en accélérant la modernisation de l’appareil productif. Je pense ici au projet de « TGV du futur » que nous soutenons dans le cadre de la démarche de la Nouvelle France industrielle. Avec la SNCF et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, nous avons accéléré la procédure d’appel d’offres et mis l’argent nécessaire à disposition.

Il importe aussi de conquérir de nouveaux marchés, au Maghreb, aux États-Unis ou ailleurs. Nous avons justement créé de nouveaux volumes d’affaires, que ce soit en ingénierie ou en production, pour l’entreprise.

Enfin, il convient de s’assurer de la santé financière de l’entreprise. À cet égard, nous avons veillé à ce que l’opération entre General Electric et Alstom participe au désendettement du groupe, afin de permettre de nouveaux investissements et de nouveaux projets.

Voilà ce que, en réalité, nous devons à Alstom pour lui permettre d’améliorer sa compétitivité.

S’agissant des commandes en cours, comme nous nous y étions engagés au mois de juillet dernier, nous avons privilégié le cadre du contrat existant entre la SNCF et Alstom. Gouverner, c’est aussi respecter le droit !

M. François Grosdidier. Sauf pour la déchéance de nationalité !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous serions immanquablement attaqués si nous allions au-delà.

Alain Vidalies a confirmé, le 19 février dernier, la commande de trente-quatre rames Coradia, pour un montant de 510 millions d’euros – les premières seront livrées en fin d’année – et annoncé l’acquisition de trente rames supplémentaires dans le cadre du contrat entre Alstom et la SNCF.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette commande évoluera en fonction des travaux que le préfet Philizot mène, à la demande du Premier ministre, avec les régions. Plus les régions contribueront à la commande publique, plus nous pourrons étendre celle-ci et donner de la visibilité à l’entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Je note que le Gouvernement fait néanmoins le choix de la prudence excessive, en sacrifiant un fleuron de l’industrie nationale et des milliers d’emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Reichardt applaudit.) Le véritable courage politique eût été d’affronter le risque que vous évoquez, monsieur le ministre, et d’appliquer les contrats-cadres existants au-delà des trente rames. J’ajoute que les parlementaires des territoires concernés attendent toujours une réponse à leur demande de rendez-vous, après plusieurs relances. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

entreprises

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe Les Républicains.

Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

L’actualité du Sénat, c’est aussi la Journée des entreprises. Depuis ce matin, près de 200 entrepreneurs s’expriment, nous transmettent des messages, nous alertent, nous informent de leurs attentes, comme ils le font depuis plus d’un an, d’ailleurs, à l’occasion des rencontres organisées dans les territoires avec les membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.

Les entrepreneurs ne cessent de nous rappeler ce qui freine leur compétitivité, leur développement, les recrutements : la fiscalité, la complexité du code du travail, le poids des normes, les seuils, les contraintes administratives.

Tout cela, vous le savez, monsieur le ministre, vous qui envoyez périodiquement des « ballons d’essai » en vue d’une « libération » de notre économie, sans être totalement soutenu par le Gouvernement… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voilà plusieurs années que les entreprises passent de l’espoir à la déception.

Ainsi, elles attendaient beaucoup du projet de loi pour favoriser les nouvelles opportunités économiques, dit « NOÉ » : son retrait brutal par le Gouvernement fut pour elles une déception !

Les entreprises attendaient également beaucoup du projet de loi portant réforme du code du travail : les nombreux renoncements du Gouvernement ont été une nouvelle déception pour elles, notamment les PME !

Qu’en sera-t-il du projet de loi « Sapin » sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique ? Espérons qu’il n’entraînera pas de nouvelles contraintes pour les entreprises…

Aujourd’hui, le temps presse : le nombre des défaillances d’entreprise est reparti à la hausse ; la France, contrairement à ses voisins, ne parvient pas à retrouver le chemin d’une croissance pérenne ; le chômage est dévastateur.

Aussi, monsieur le ministre, que répondez-vous aux attentes de tous ces entrepreneurs, qui nous demandent très simplement de les laisser travailler ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, pour deux minutes, sans TVA possible ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Votre question est vaste, madame la sénatrice, et lourde la contrainte de temps que le président fait peser sur moi ! (Nouveaux sourires.) Par conséquent, ma réponse ne sera pas exhaustive.

Aider les entrepreneurs, c’est d’abord les aider à créer et à prendre des risques.

Nous avons déjà adopté une série de mesures visant à lever les barrières à la création d’entreprise et à faciliter le parcours des entrepreneurs. D’autres sont inscrites dans le texte présenté, hier, par Michel Sapin en conseil des ministres.

Ces mesures portent notamment sur la fiscalité. Elles tendent par exemple à simplifier les franchissements de seuils ou les changements de statut. Par ailleurs, nous doublons le seuil de chiffre d’affaires pour le passage du régime de la micro-entreprise à celui du réel et nous accordons un délai de latence aux entreprises concernées par ce changement de régime fiscal, ainsi qu’un droit d’option entre le régime du réel et celui du forfait.

Ce sont là des mesures essentielles, et très concrètes, qui répondent à la demande de simplification des entrepreneurs, qui veulent pouvoir créer et faire croître plus facilement leur entreprise.

Concernant le sujet fondamental du droit du travail, je me souviens des débats fructueux que nous avons pu avoir, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

L’adoption de cette loi a permis d’améliorer le dispositif défensif ; le dispositif du projet de loi sur le travail défendu par Myriam El Khomri est quant à lui de nature offensive. Il offrira notamment la possibilité d’organiser le temps de travail au travers de la négociation d’un accord majoritaire à l’échelon de l’entreprise, pour assurer plus de liberté et de flexibilité. C’est un élément fondamental !

Au fond, l’essentiel est de simplifier notre droit, notre organisation au bénéfice de nos entrepreneurs, de poursuivre nos efforts pour améliorer la compétitivité coûts et hors coûts de nos entreprises, d’assurer une plus grande flexibilité à l’échelon de celles-ci, pour leur permettre de répondre aux impératifs du cycle économique. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour la réplique.

Mme Élisabeth Lamure. Les entreprises françaises ont des atouts et un savoir-faire exceptionnels, monsieur le ministre. Il suffirait que vous leviez quelques freins, connus de tous, pour en faire les championnes du monde ! Aurez-vous le courage de le faire, au bout de quatre ans ? Les entreprises attendent, du moins celles qui y croient encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

carte d'identification professionnelle des salariés du btp

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Rachel Mazuir. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Madame la ministre, vous avez signé, le 23 février dernier, avec les représentants des organisations professionnelles du secteur du bâtiment et des travaux publics, la convention nationale de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement.

S’agissant de la lutte contre le dumping social – résultant, pour l’essentiel, du recours non déclaré à des travailleurs détachés –, des mesures ont été prises.

J’en citerai trois : obligation de déclaration à la caisse « intempéries BTP » de l’Union des caisses de France, renforcement des contrôles par les agents de l’État, mise en place d’une carte professionnelle des travailleurs du BTP.

Cette dernière disposition, particulièrement attendue, est soumise à l’aval de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, cette carte professionnelle devant contenir des informations particulières et personnelles.

Dans quel délai, madame la ministre, pensez-vous pouvoir signer l’arrêté qui permettra, enfin, la mise en œuvre de cette carte professionnelle ?

En parallèle, à la demande de la France et de l’Allemagne, la Commission européenne a décidé, le 8 mars dernier, de renforcer certaines dispositions de sa directive de 1996 relative aux travailleurs détachés sur deux points particuliers : la rémunération des travailleurs détachés devra être alignée, si elle est lui inférieure, sur celle des travailleurs du pays où se situent les chantiers et la durée maximale de recours à ces travailleurs détachés ne devra pas excéder vingt-quatre mois. C’est un progrès. En revanche, rien n’est prévu en matière de charges sociales dues, qui restent celles du pays d’origine.

Madame la ministre, peut-on espérer voir les choses évoluer favorablement sur ce dernier point, les Allemands étant, comme nous, demandeurs en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la France possède le système législatif le plus répressif, le plus strict d’Europe en matière de lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs.

Il s’agit pour nous de lutter non pas contre le recours aux travailleurs détachés – la France est le troisième pays d’origine des travailleurs détachés dans l’espace européen –, mais contre les fraudes et les abus en la matière, qui tendent à éroder notre modèle social et relèvent des pratiques de concurrence déloyale. Il y va aussi de la dignité des travailleurs dans l’espace européen.

À la suite de l’adoption, l’été dernier, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai pris, le 22 février, un décret relatif à la carte d’identification dans le BTP, en accord avec la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB. C’est en effet dans ce secteur du BTP et dans celui de l’agriculture que sévit le plus cette forme de concurrence déloyale.

M. Marc Daunis. C’est vrai !

Mme Myriam El Khomri, ministre. La mise en œuvre de cette carte est très importante. Elle permettra, par un système de flash code, d’avoir accès à toutes les données sur la personne et l’entreprise. Tout travailleur intervenant sur un chantier de BTP devra en être muni. Les contrôles des inspecteurs du travail en seront grandement facilités.

Effectivement, cette carte est actuellement soumise à l’avis de la CNIL. Nous souhaitons que, d’ici à la fin du premier semestre de 2016, toute personne travaillant sur un chantier puisse en être munie.

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Parallèlement, j’ai renforcé les contrôles : leur nombre est passé de 600 par mois l’été dernier à 1 600 par mois aujourd’hui.

Nous mettons également en œuvre l’arrêt et la suspension de prestation de services, comme en Corse récemment. La loi sur le travail prévoira aussi la possibilité de suspendre une prestation de services internationale en l’absence de déclaration de détachement.

Enfin, le combat se mène au niveau européen. La Commission européenne a présenté, le 8 mars dernier, un projet de révision ciblée de la directive de 1996.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cela va dans le bon sens, certes, mais pas suffisamment loin. Nous souhaitons interdire le détachement en cascade de travailleurs intérimaires et les entreprises boîtes aux lettres.

Telle est la position française ; mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur notre détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

part du budget de l’état consacrée aux collectivités

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Guené. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

À hauteur de 5,2 milliards d’euros à ce jour, de 9 milliards d’euros à la fin de l’année et de 12,5 milliards d’euros à la fin de 2017, si les choses restent en l’état : les collectivités auront donné, et ce au prix d’un effondrement corrélatif de l’investissement public, en baisse de 10 % en 2014, autant en 2015.

Elles s’étonnent qu’on attende en plus de leur part des manifestations de contentement et qu’on leur prête des « cris d’orfraie » ! Si, dans son acception populaire, ce volatile possède une vue perçante, même par temps couvert, c’est sans effort que les collectivités ont remarqué le rapport direct entre leur contribution et la baisse du déficit public…

Je rappelle en outre que la contribution prélevée, conçue pour un montant dix fois inférieur, ne tient pas compte de la capacité contributive de chacun.

À ce jour, il semble que le chef de l’État s’en soit ému et ait envisagé un report ou un étalement. Cette fuite a engendré une cacophonie ministérielle certaine, mais à travers laquelle chacun entend bien qu’une décision pourrait être prise dans ce sens, en cette veille d’année électorale. On susurre que l’espace du congrès des maires serait idéal pour une déclaration présidentielle…

Toutefois, le vote des budgets des communes interviendra quant à lui vers le milieu du mois d’avril prochain. Beaucoup de maires vont devoir prendre la décision de leur fiscalité, sans disposer de cette information capitale, dans son principe comme dans son quantum.

Le prélèvement de 3,7 milliards d’euros représente parfois près de 5 % de fiscalité. Cette attente est donc insoutenable. Ce calcul politicien n’est pas digne et exige de la responsabilité au plus haut niveau de l’État.

Monsieur le secrétaire d'État, cette décision sera-t-elle communiquée en temps utile, c’est-à-dire avant le 15 avril prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je ferai quelques observations, puis formulerai une proposition à la fin de mon propos.

Notre pays s’est engagé depuis 2012 dans une baisse de la dépense publique,…

M. François Baroin. Non, dans un ralentissement de la hausse !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et de la dépense publique dans sa globalité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, cela va bien se passer ! (Mêmes mouvements.)

Franchement, faites preuve d’un peu de courtoisie pour écouter un propos apaisé, calme et non provocateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. François Baroin. On ne peut pas entendre cela après les annonces de la semaine dernière !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Baroin, si vous le souhaitez, nous pourrons en discuter à la sortie de l’hémicycle.

M. François Baroin. Sûrement pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne crains pas le débat !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faisons ensemble un constat : la dépense publique est constituée grosso modo pour moitié des dépenses sociales, pour un quart des dépenses de l’État et pour un dernier petit quart des dépenses des collectivités locales. Si nous voulons baisser l’ensemble de la dépense publique, il faudra nécessairement que tous les acteurs publics baissent leurs dépenses.

Que s’est-il passé au cours de l’année écoulée ? Durant l’année écoulée, mesdames, messieurs les sénateurs, les recettes des collectivités territoriales, nonobstant la baisse des dotations de l’État, ont continué à augmenter : elles ont crû en moyenne de 1,5 %. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. François Grosdidier. Ce sont des dépenses obligatoires !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’avais fait une proposition à votre commission des finances lorsque j’étais venu présenter les comptes de l’État : que nous fassions, ensemble, une analyse objective de la situation des finances publiques.

M. François Grosdidier. Nous l’avons fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, je crois profondément que tout débat ou toute prospective financière doit s’appuyer sur des chiffres. J’invite l’ensemble des acteurs à le faire et je dis ma disponibilité à travailler avec votre commission des finances sur cette analyse.

Je m’interroge d’ailleurs sur les montants substantiels d’économies dans les dépenses publiques annoncées ici ou là et qui épargneraient les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour la réplique.

M. Charles Guené. Je vous ai entendu, monsieur le secrétaire d'État, et vous ne m’avez pas rassuré. Votre réponse, qui entretient le flou, ne sera d’aucune utilité pour le vote des budgets d’ici à la fin du mois d’avril.

Cette attitude, qui relève de l’entretien d’un mauvais suspense, démontre que vous n’êtes pas en connexion avec les élus de ce pays ni en osmose avec le contribuable. Elle n’est pas acceptable, et je crains que vous n’en soyez comptable.

Il vous reste quelques jours pour réagir. Les finances des collectivités en ont besoin, les élus de France l’attendent et le respect que vous leur devez vous oblige. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

situation d'areva

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Paul Emorine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Monsieur le ministre, la réorganisation de la filière nucléaire française passe par une étape importante : pour sauver AREVA, qui connaît des pertes à hauteur de 7 milliards d’euros en deux ans, l’État actionnaire a imaginé que la division réacteurs, AREVA NP, serait reprise par EDF, soit une acquisition qui devrait lui coûter 2,5 milliards d’euros !

Néanmoins, l’État, actionnaire majoritaire des deux groupes – à 85 % pour EDF et à 86 % pour AREVA –, est prêt à apporter 1 ou 2 milliards d’euros dans cette opération.

La recapitalisation d’AREVA, clef du sauvetage du groupe, à hauteur de 5 milliards d’euros, annoncée en janvier dernier, donne la dimension de ce qui s’apparente pour beaucoup à un scandale industriel d’État.

La situation financière fragile d’EDF, qui n’a pas su sortir du modèle du monopole pour s’adapter à la concurrence, fait que nombreux sont ceux qui estiment que l’entreprise est en difficulté. Les syndicats d’EDF jugent que « la maison » n’a plus les moyens de reprendre son ancien fournisseur.

Aussi, comment ne pas s’interroger sur la stratégie de l’État actionnaire, de court terme et privilégiant souvent la paix sociale, plutôt que les réalités de l’économie ? Monsieur le ministre, je vous cite : « Ces dernières années, l’État actionnaire a été trop court-termiste dans sa stratégie à l’égard d’EDF. »

Que comptez-vous faire définitivement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Bruno Sido. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, si nous avions continué à être court-termistes, nous aurions caché les problèmes, comme cela a été fait pendant des années.

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous aurions continué à faire en sorte que la filière nucléaire se comporte comme elle s’est comportée pendant plusieurs années, c’est-à-dire EDF et AREVA jouant chacun l’une contre l’autre, et nous aurions continué en effet à considérer que l’État n’avait qu’à recapitaliser, et non pas à réorganiser.

Ce n’est pas le choix qui a été fait et, je peux vous le dire, ce n’est pas sous cette mandature que les décisions industrielles que nous sommes en train de mettre en œuvre auront des conséquences négatives. Croyez-le bien !

En effet, ce que nous avons décidé de faire, c’est de restructurer cette filière. En faisant quoi ? D’abord – je l’évoquais tout à l’heure au sujet d’EDF –, il faut redonner au compte de résultat une pérennité en demandant un effort à l’ensemble des acteurs : les salariés, l’entreprise, l’État actionnaire et la régulation. Ensuite, pour ce qui est d’AREVA, il faut clarifier la situation. Les risques pris par cette entreprise sur le plan industriel n’étaient pas tenables. Des erreurs ont été commises, et elle a eu à subir les conséquences des événements de Fukushima et le profond basculement du marché mondial du nucléaire qui s’est ensuivi. Le désalignement entre EDF et AREVA a été fatal pour plusieurs marchés à l’export.

Ce que nous faisons, c’est clarifier la situation du « camp français ». La production de réacteurs, c’est désormais un acteur : AREVA NP, consolidé par EDF, ce qui est une bonne chose, puisque c’est au fond la même offre qui est portée à la fois sur le plan national – EDF est l’unique exploitant – et à l’international par le camp France, avec une part minoritaire d’AREVA.

La nouvelle AREVA devient un acteur du cycle et des mines, ce qui est là aussi pertinent : c’est un métier qu’elle connaît, sur lequel elle est crédible, et dont il faut maintenant améliorer la situation. Telle est notre stratégie.

À cette fin, nous demandons à l’entreprise un plan d’économies – c’est celui que nous sommes en train de conduire sur beaucoup de vos territoires, qui est difficile à mener, mais qui se déroule dans le calme social – et de réduire ses effectifs et ses coûts pour se réadapter au nouveau marché mondial. Dans le même temps, il faudra recapitaliser l’entreprise, qui fait face à une dette et à des risques intrinsèques excessifs. Nous y veillerons.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Croyez en tout cas en notre engagement en faveur de cette stratégie de long terme, qui va apporter de la clarification, réduire le risque et, surtout, donner des perspectives en France et à l’international au nucléaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour la réplique.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne partage pas votre analyse. L’État, actionnaire majoritaire à plus de 85 %, n’est pas un État stratège ! L’occasion vous est donnée de créer un leader mondial de l’énergie nucléaire avec le pôle nucléaire bourguignon.

M. Jean-Paul Emorine. Les investisseurs étrangers sont seuls à même d’en faire un leader mondial.

Aujourd’hui, vous avez fait le choix de faire payer les erreurs de stratégie de l’État par le contribuable ou par les consommateurs, entreprises et particuliers. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 5 avril 2016 et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)