PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 20 septies (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Discussion générale

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Pour votre information, mes chers collègues, je dois vous indiquer que le Premier ministre, Manuel Valls, est aujourd’hui en route pour la Nouvelle-Calédonie (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) ; j’excuse bien entendu son absence. J’étais moi-même dans ce territoire pendant la semaine du 22 février dernier et je ne peux que souhaiter le meilleur au Premier ministre pour ce déplacement important.

Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours des échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

situation d’edf

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Bosino. Les mesures annoncées le 22 avril dernier par l’État et EDF suscitent de nombreuses inquiétudes.

Comment l’État pourra-t-il assumer une recapitalisation de 3 milliards d’euros ? En privatisant de nouveaux aéroports ! Comment l’entreprise dégage-t-elle de nouvelles marges ? En privatisant Réseau de transport d’électricité ! Nous sommes bien dans une logique de privatisation globale d’un bien de la Nation, alors que le souci de rendement à court terme des investisseurs privés n’est pas compatible avec les enjeux d’approvisionnement et de sécurité énergétiques.

Autre source de préoccupation, la direction a annoncé un plan d’économies d’un milliard d’euros. Les salariés, que nous avons rencontrés, sont très inquiets des conséquences sociales de ce plan. La sécurité, notamment le grand carénage, et la transition énergétique appellent pourtant des investissements massifs.

La seule stratégie du président-directeur général d’EDF est financière et commerciale, et elle est plutôt hasardeuse puisqu’il était prêt à engager l’entreprise dans un projet de 23 milliards d’euros, alors que tous les indicateurs sont au rouge. La seule réponse des gouvernements qui se sont succédé est également financière puisqu’elle se résume à la question des dividendes.

L’ensemble de la filière énergétique, d’EDF à Areva, a besoin d’une autre stratégie industrielle, de long terme, qui préserve les savoir-faire et le développement de la recherche pour l’ensemble des énergies, tout en préparant l’avenir et la transition énergétique.

Les syndicats et nos concitoyens le disent, la priorité d’EDF est d’assurer le service public en fournissant une électricité de qualité et compétitive au bénéfice des usagers et de l’économie française, conformément à la mission définie par ses créateurs voilà soixante-dix ans. Quelles mesures le Gouvernement, actionnaire d’EDF à hauteur de 85 %, compte-t-il mettre en œuvre pour garantir ce service public ? Va-t-il enfin renoncer aux privatisations, incompatibles avec le service public ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie. (Bravo ! et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le sénateur Bosino, je souscris pleinement à votre désir de voir EDF comme une entreprise forte, se trouvant au cœur de notre stratégie énergétique et nucléaire. C’est bien le choix qui a présidé à toutes les décisions prises ces derniers mois par le Gouvernement, qui a d’abord refondé cette filière de manière cohérente, en rapprochant l’activité « réacteurs » d’Areva et d’EDF, alors que la filière était jusqu’alors totalement divisée, et qui a ensuite décidé de recapitaliser EDF.

En effet, quel est aujourd’hui le principal problème de l’entreprise EDF ? Il est simple : d’une part, l’ouverture de ses prix au marché, sur le fondement de décisions prises il y a dix ans et six ans au travers de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité dite « NOME », et, d’autre part, l’effondrement du marché de l’électricité, le mégawattheure étant passé de 50 euros à 26 euros.

Face à ce problème, il faut en effet avoir une stratégie d’effort partagé ; c’est celle que nous avons décidé d’engager. Cela passe d’abord par l’effort de l’entreprise, à travers un plan d’économies qui s’imposait légitimement, qui est tout à fait réalisable et qui sera mis en œuvre de manière négociée avec l’ensemble du corps social de l’entreprise, en préservant les compétences – c’est d’ailleurs cela qui a conduit à des anticipations au cours de la période 2010-2015 – et toutes les règles de sûreté.

Ensuite, cela passe par l’ouverture du capital – non la privatisation de l’entreprise – lorsque des actifs le permettent. C’est le cas, vous l’avez mentionné, de Réseau de transport d’électricité, RTE, et nous allons travailler autour d’un projet industriel.

Enfin, cela passe par un accompagnement de l’actionnaire majoritaire, c’est-à-dire l’État, actionnaire à hauteur de 85 %.

Que faisons-nous pour cela ? Je ne peux pas partager le constat que vous venez de dresser, selon lequel nous aurions une vision court-termiste ! L’État, qui a prélevé, depuis l’ouverture du capital, 20 milliards d’euros de dividendes, renonce cette année, pour la première fois, à ses dividendes au titre de 2015. Il faut tout de même le rappeler ! Par ailleurs, que venons-nous de faire ? De renoncer aux dividendes pour les deux années à venir et de décider de réinjecter au moins 3 milliards d’euros.

C’est donc bien une stratégie de long terme, responsable et consistant à réinvestir dans l’entreprise qui a été fixée, dans le cadre de ces efforts partagés. En effet, nous prenons la décision d’accompagner la stratégie industrielle d’EDF, de réinvestir dans le parc des centrales, dans son entretien et dans son développement au cours des années à venir, d’investir dans les énergies renouvelables et dans les projets à l’étranger.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà notre stratégie industrielle et notre politique d’accompagnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Bosino. Évidemment, je ne suis pas du tout convaincu, monsieur le ministre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous faites valser les milliards, mais vous n’avez pas été capable de dégager 20 millions d’euros pour créer 150 emplois au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui est une autorité incontestée.

M. Jean-Louis Carrère. Votre temps de parole est terminé !

M. Jean-Pierre Bosino. En réalité, vous n’avez pas de stratégie industrielle ; vous n’avez qu’une stratégie financière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

lutte contre le chômage

M. le président. La parole est à Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.

Chacun de nous, madame la ministre, imagine et partage la satisfaction des 60 000 personnes qui ont retrouvé un emploi le mois dernier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une excellente nouvelle dont, au-delà de nos divergences partisanes, nous nous réjouissons tous.

M. Philippe Dallier. Ces personnes sont passées dans les catégories B et C, ce n’est pas pareil !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je remercie mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de se réjouir avec ces personnes qui ont retrouvé un emploi.

Néanmoins, nous n’oublions pas celles et ceux qui sont encore en recherche d’un travail ou en situation précaire ; la question de l’emploi reste bien, légitimement, la toute première préoccupation de nos concitoyens.

Pour autant, force est de constater, madame la ministre, que les mesures conjoncturelles engagées par le Gouvernement commencent à porter leurs fruits.

La baisse spectaculaire du mois dernier et la tendance globale enregistrée depuis l’été 2015 ne sont pas le fruit du hasard ; elles sont bien le résultat de la politique menée depuis 2012. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’amélioration de la situation des jeunes se poursuit : depuis 2014, 36 000 d’entre eux, âgés de moins de vingt-cinq ans, ont trouvé un emploi. L’aide « embauche PME » accélère les effets de la reprise économique ; les déclarations d’embauche ont enregistré un net rebond, particulièrement dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Enfin, les conventions signées avec les régions permettront de proposer 500 000 formations aux demandeurs d’emploi dans les métiers qui peinent aujourd’hui à recruter et dans les secteurs d’avenir.

Cela dit, pour que cette évolution positive se confirme, il importe maintenant que des réformes structurelles complètent ces mesures, afin de lever les freins à la reprise, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises tout en créant – ce n’est pas antinomique – de nouveaux droits pour les salariés et tout en favorisant un dialogue social de qualité – cela est essentiel. Tel est l’objectif ambitieux du projet de loi que vous portez, madame la ministre.

Toutefois, tout cela doit être à chaque instant – le brouhaha que j’entends le prouve bien – remis en perspective.

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Aussi, pourriez-vous présenter de nouveau devant la Haute Assemblée, madame la ministre, la cohérence globale des mesures volontaristes défendues par ce gouvernement en faveur de l’emploi,…

M. le président. Posez votre question !

M. François Grosdidier. C’est terminé !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … emploi qui contribue à structurer les êtres humains (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains pour signifier à l’orateur que son temps de parole est épuisé.),…

M. le président. Votre question !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … qui ouvre des perspectives d’avenir… (Protestations sur les mêmes travées, couvrant la voix de l’orateur. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice Perol-Dumont, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A, c’est-à-dire n’ayant aucune activité, a en effet diminué de 60 000 en mars dernier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Et les autres catégories ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cela a concerné toutes les classes d’âge, ce qui est aussi un élément déterminant.

Il n’y a aucun triomphalisme ni aucun excès de confiance à retirer de ces chiffres, mais juste la satisfaction profonde et sincère que, je l’espère, nous partageons tous d’avoir sorti du chômage 60 000 personnes ainsi que leurs familles. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

J’ai entendu à l’instant quelques remarques sur certaines travées. Je vais vous dire très sincèrement les choses : quand les chiffres sont mauvais, on nous traite d’incompétents ; quand ils sont bons, on affirme qu’il s’agit de manipulation. Cela porte un nom : le cynisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.) Cela consiste à s’accommoder d’un chômage élevé pour en tirer un argument électoral ! Soyons simplement satisfaits que 60 000 personnes et leurs familles aient pu sortir du chômage. (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Frédérique Espagnac applaudissent. – Mme Catherine Troendlé et M. Roger Karoutchi protestent.)

Madame la sénatrice, en effet une politique comportant à la fois des mesures conjoncturelles et des mesures structurelles est nécessaire.

Nous avons mis en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, qui ont permis aux entreprises de développer l’investissement, de retrouver des marges, ce qui a conduit l’an dernier, après plusieurs années de destruction d’emplois, à 100 000 créations nettes d’emplois dans le secteur concurrentiel.

Il y a aussi des mesures conjoncturelles : le plan de 500 000 actions de formation supplémentaires pour répondre aux métiers en tension, l’aide « embauche PME » ; en outre, vous l’avez dit, nous entamerons à partir du 3 mai prochain la discussion du projet de loi relatif au travail à l’Assemblée nationale. Ce texte permettra justement à la fois d’améliorer la compétitivité de notre économie, de développer de nouveaux droits et, tout simplement, de redonner de la souplesse aux entreprises pour qu’elles puissent remporter de nouveaux marchés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

suppression des classes bilingues en province

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem. Elle porte sur l’enseignement des langues vivantes étrangères, dans le contexte de la réforme du collège.

J’aurais préféré, madame la ministre, vous interroger à ce sujet devant la commission de la culture. Votre agenda ne l’a pas permis et je le regrette. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Sans doute ne vous a-t-il pas non plus permis de répondre aux nombreuses questions écrites qui vous ont été adressées à ce sujet par des parlementaires. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Vous avez présenté votre stratégie en faveur des langues vivantes : vous la dites ambitieuse. Nous aimerions y croire, mais il est de notre devoir de vous alerter au sujet de l’effet dévastateur de la suppression, à la rentrée prochaine, des sections européennes et de la majorité des classes bilangues ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Alors que se prépare la rentrée 2016, cette mesure suscite dans nos territoires une inquiétude et une incompréhension, que vous ne sauriez minimiser, chez les parents, les enseignants et les élèves.

Vous le savez, ces sections, injustement taxées d’élitisme, permettent de maintenir une certaine mixité dans les établissements, notamment dans le secteur de l’éducation prioritaire. Au nom de l’égalité, vous les avez supprimées. Mais l’égalité ne consiste pas à offrir moins à tous ; elle permet à chacun de trouver sa voie et son parcours de réussite.

En vérité, votre réforme, comme celle des rythmes scolaires, tend à accroître les inégalités territoriales. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Comprenez-vous donc que nos compatriotes soient choqués d’apprendre que toutes les classes bilangues seront maintenues à Paris, quand 95 % d’entre elles devaient disparaître dans l’académie de Caen et 75 % dans l’académie de Rennes, pour ne citer que quelques exemples ? (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas notre conception de l’égalité !

M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! Que c’est vilain !

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce n’est pas en proposant l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième plutôt qu’en quatrième que l’on compensera la perte de la maîtrise des langues et de l’aisance dans leur usage que permettaient ces classes spécifiques. L’apprentissage des langues autres que l’anglais – allemand, espagnol, italien, arabe – est condamné à être fragilisé et la diversité linguistique, menacée.

Madame la ministre, il est encore temps de faire machine arrière ! Ne serait-il pas plus sage de renoncer à détruire ce qui a fait ses preuves ? En tout état de cause, que ferez-vous pour résorber les inégalités que votre réforme va créer ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Morin-Desailly, honnêtement, quand je vous écoute, je me demande si nous vivions bien dans le même pays ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations et huées sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Je me pose cette question, car, à vous entendre, jusqu’à présent, pour ce qui concerne l’apprentissage des langues vivantes étrangères par nos jeunes collégiens, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C’est que vous venez de nous démontrer ! Et les réformes que nous conduisons risqueraient de mettre à mal ce meilleur des mondes. (Protestations sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Vous êtes là depuis quatre ans !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Eh bien, je vous invite à vous adresser aux parents : ils vous diront s’ils estiment, eux, que tout allait pour le mieux, s’ils trouvent, eux, que le fait que les jeunes Français soient parmi les pires collégiens de tous les pays qui nous entourent en langues vivantes étrangères était une bonne chose. Et pourquoi une telle situation ? Parce que l’apprentissage n’était pas bon, parce qu’il n’était pas suffisamment précoce, sauf pour les 15 % des élèves qui étaient en effet dans les classes bilangues. C’est cela que vous regrettez de toute votre force aujourd’hui, sans prendre le temps de considérer cette réforme, qui offre à 100 % des collégiens l’avantage de commencer plus tôt l’apprentissage des langues vivantes étrangères. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Non, c’est faux !

M. Christian Cambon. Pas 100 % !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais je l’assume totalement ; je le répète pour la énième fois devant la Haute Assemblée, j’assume d’avoir voulu donner à tous les élèves français les mêmes chances de réussite (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) plutôt que de réserver celles-ci à quelques-uns. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Maintenant, parlons des classes bilangues. Vous affirmez que nous creusons les inégalités territoriales. Je vous dis de nouveau que la réforme du collège a conduit à mettre fin à des dispositifs dits « de contournement » – les classes bilangues non justifiées, pour une minorité d’élèves à partir de la classe de sixième –, mais à préserver voire à développer les dispositifs dits « de continuité », c’est-à-dire la possibilité pour des élèves qui ont commencé l’apprentissage d’une autre langue vivante que l’anglais à l’école primaire…

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … de poursuivre avec celui d’une deuxième langue vivante dès la classe de sixième. Je le sais, cela paraît un peu compliqué, mais il faut se pencher sur le détail des dispositifs quand on veut les juger ou les critiquer.

Dans ce contexte, sachez que nous avons veillé à développer, sur tout le territoire français, les dispositifs de continuité…

M. Jean-Claude Lenoir. Non, ce n’est pas vrai !

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et que cela profitera à tous les élèves, à Rouen comme à Paris, à Amiens, à Marseille ou à Strasbourg. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

débordements place de la république

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, qui a raison d’être absent… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voilà plusieurs semaines que, à Paris et à Nantes, les Français assistent à des scènes surréalistes de violences urbaines.

À Nantes, le centre-ville est ainsi devenu un rendez-vous hebdomadaire pour les casseurs, avides d’y trouver des boutiques à piller, et je sais que M. Bruno Retailleau est exaspéré par cette situation récurrente. (Marques d’assentiment sur les mêmes travées.)

À Paris, depuis le 31 mars dernier, la place de la République est envahie par des individus, mouvement s’intitulant « Nuit debout », mais qu’il faudrait plutôt appeler « Au lit le jour »… Tags, arrachages des dalles pour faire pousser de l’herbe sur une place récemment rénovée à prix d’or, installation de tentes sauvages et de baraquements, saccage de commerces, musique à tue-tête jusqu’à l’aube, incendie de voitures de police… La place de la République est devenue une véritable jungle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. Pierre Charon. Des occupations de bâtiments publics ont lieu – le théâtre de l’Odéon, la Comédie française –, le lycée Jean-Jaurès a été pris d’assaut par 150 migrants, attaque organisée par l’extrême gauche.

Mme Éliane Assassi. Vous mélangez tout !

M. Pierre Charon. Vous mobilisez de nombreuses forces de police, qui ont reçu l’ordre de ne surtout pas intervenir.

Pourtant, il y a trois ans, le prédécesseur de M. Cazeneuve était beaucoup plus prompt à donner des ordres contre certaines manifestations pacifiques réunissant un million de personnes sans aucune dégradation. Le mouvement Nuit debout bénéficie de plus de clémence que les Veilleurs, dont la seule arme était une bougie. (M. Jean-Louis Carrère mime la bénédiction ironique de l’orateur par des signes de croix répétés.)

Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas sérieux !

M. Pierre Charon. Ce laxisme sélectif déshonore l’autorité républicaine.

M. Alain Néri. Affligeant !

M. Pierre Charon. En voulant éviter à tout prix l’injustice, le ministre de l’intérieur organise la désorganisation.

Comment se fait-il que l’on recule devant les casseurs, alors que des terroristes ont été rapidement neutralisés et que la Haute Assemblée a salué M. Cazeneuve à cet égard ? Quand le Gouvernement compte-t-il enfin donner des ordres à la police pour qu’elle puisse accomplir sereinement sa mission : le maintien de l’ordre public ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Pierre Charon, permettez-moi de vous donner un certain nombre d’informations ; je m’étonne d’ailleurs que, en tant que sénateur de Paris, vous ne les connaissiez pas.

Mme Éliane Assassi. C’est normal, il est réac !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Depuis le début du mouvement Nuit debout, vous le savez, soixante-treize personnes ont été interpellées et placées en garde à vue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour ce qui concerne les événements particuliers que vous évoquez, à savoir ceux qui se sont déroulés la nuit de vendredi à samedi derniers, plus de treize personnes ont été interpellées (Exclamations sur les mêmes travées, couvrant la voix de l’orateur.) ; neuf personnes ont été placées sous contrôle judiciaire et seront donc poursuivies avec la fermeté qui s’impose.

M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Cela étant, un certain nombre d’élus, dont vous faites, je crois, partie, demandent la suspension du mouvement Nuit debout, au nom des mesures permises par l’état d’urgence.

Mme Éliane Assassi. Et la démocratie, alors ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, l’état d’urgence ne nous permet pas – nous ne le souhaitons d’ailleurs pas – de nous abstraire de l’État de droit. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

En outre, vous savez bien évidemment que, le 19 février dernier, le Conseil constitutionnel a rendu un certain nombre de décisions à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité et a rappelé que les mesures d’urgence doivent concilier, d’une part, « la prévention des atteintes à l’ordre public » et, d’autre part, le respect des droits et des libertés, dont « le droit d’expression collective des idées et des opinions ».

M. Christian Cambon. Cela ne répond pas à la question posée !

M. Roger Karoutchi. Oui, que comptez-vous faire ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Le Conseil a en outre rappelé que le juge administratif était chargé de s’assurer que chacune de ces mesures serait « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité » poursuivie.

M. Christian Cambon. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Voilà, monsieur le sénateur, ce qui explique pourquoi l’État, appliquant strictement le droit, n’a pas l’intention de se mettre dans une situation où il pourrait être condamné, car, dès lors, c’est lui qui serait affaibli. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.

M. Pierre Charon. Monsieur le secrétaire d’État, à l’instar de tous vos collègues du Gouvernement, vous êtes comme les fraises d’hiver : vous êtes hors sol ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

« hyper-ruralité »