compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

M. Claude Haut.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Marie Girault, qui fut sénateur du Calvados de 1971 à 1998 et maire de la ville de Caen pendant plus de trente ans, de 1970 à 2001.

Spécialiste de droit et de procédure pénale, défenseur des libertés publiques, Jean-Marie Girault fut l’un des membres les plus actifs de notre commission des lois.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite assurer sa famille et ses proches de notre sympathie attristée.

3

Article additionnel après l’article 37 E (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 37 FA (nouveau)

République numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen de la section 2.

TITRE III (SUITE)

L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE

Chapitre Ier (SUITE)

Numérique et territoires

Section 2 (suite)

Couverture numérique

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 37 FB (nouveau)

Article 37 FA (nouveau)

Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 34-8-3, il est inséré un article L. 34-8-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-8-3-1. – Les gestionnaires d’infrastructures d’accueil d’un réseau de distribution d’électricité font droit aux demandes raisonnables d’accès à ces infrastructures d’un opérateur de réseau ouvert au public à très haut débit en fibre optique, en vue de raccorder l’utilisateur final.

« L’accès aux infrastructures d’accueil est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Il fait l’objet d’une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l’accès. Elle est communiquée à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à la Commission de régulation de l’énergie à leur demande.

« Tout refus d’accès doit être motivé. Les différends relatifs à la conclusion ou à l’exécution de la convention prévue au deuxième alinéa sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les conditions prévues à l’article L. 36-8. Préalablement à toute décision, la Commission de régulation de l’énergie est saisie pour avis et dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer. » ;

2° Après le 2° bis du II de l’article L. 36-8, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :

« 2° ter Les conditions techniques et financières de l’accès mentionné à l’article L. 34-8-3-1 ; ».

Mme la présidente. L'amendement n° 591, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. L’article 37 FA du projet de loi, introduit dans le cadre de vos travaux, mesdames, messieurs les sénateurs, a pour objet d’accélérer le déploiement des réseaux à très haut débit et de réduire le coût des investissements correspondants.

Vous connaissez mon engagement, et celui du Gouvernement, à atteindre cet objectif, en bon accord avec les parlementaires, qui se font les relais des collectivités locales en la matière.

Il est totalement pertinent de demander la mutualisation des infrastructures passives, notamment au moment des travaux de génie civil.

La construction des infrastructures représente parfois jusqu’à 80 % du montant global des investissements. Or, par exemple, dans les cinq dernières années, 4 000 pylônes ont été construits à moins d’un kilomètre d’un pylône déjà existant. C’est donc que l’on investit sans tenir compte des infrastructures déjà en place. Ainsi, selon les estimations, 75 % des pylônes qui pourraient accueillir un réseau de très haut débit ne sont pas actuellement mutualisés.

Nous avons identifié tous les obstacles de nature fiscale, budgétaire ou réglementaire – et nous sommes ici dans le domaine de la réglementation – devant être levés pour accélérer le déploiement des réseaux.

Je considère toutefois que cet article est satisfait par la transposition, toute récente, de la directive 2014/61/UE relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit. Il se trouve que cette transposition a été réalisée au moyen d’une ordonnance que j’ai moi-même présentée lors du conseil des ministres qui s’est tenu la semaine dernière, le 27 avril plus précisément.

Il serait dommage de conserver cet article en l’état dans le texte, car sa portée est moindre que celle de la directive transposée par ordonnance, dont les dispositions pourront entrer en vigueur dès le 1er juillet 2016. Cette échéance serait forcément retardée s’il fallait attendre le vote et la promulgation du présent texte de loi.

Pourquoi le périmètre de l’ordonnance est-il plus large ?

Il n’est pas restreint aux gestionnaires d’infrastructures d’accueil de réseaux de distribution d’électricité, mais englobe tous les gestionnaires d’infrastructures d’accueil. Sont donc concernés tous les types de transport d’énergie, des infrastructures comme les pylônes, mais aussi, par exemple, des travaux de creusement de tranchées.

En outre, l’ordonnance introduit un droit d’accès non seulement aux infrastructures, mais aussi à l’information concernant les projets de travaux publics et l’état d’avancement de ces projets. Elle prévoit même la création d’un guichet unique destiné à fournir des informations aux opérateurs de réseaux de communication.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article 37 FA est donc satisfait et, sur cette question de la mutualisation des infrastructures passives, le Gouvernement est plein d’allant et souhaite avancer aussi loin que possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons clos la précédente séance sur une note négative, madame la secrétaire d’État, mais j’ai le plaisir de vous annoncer que nous entamons la présente séance sur une note positive : la commission, effectivement, a émis un avis favorable sur l’amendement n° 591.

Celui-ci tend pourtant à supprimer une disposition que notre commission avait intégrée au projet de loi, dans le but de progresser tout particulièrement sur le droit d’accès aux réseaux de distribution d’électricité.

Vous avez rappelé l’ordonnance adoptée par le Gouvernement, mercredi dernier. Je vous remercie de l’écoute dont vous avez fait preuve et de l’attention que vous avez portée à cette question, une question importante pour les collectivités dans le cadre du déploiement des réseaux à fibre optique. Cette décision va dans le bon sens.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 591.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 37 FA est supprimé.

Article 37 FA (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 37 FC (nouveau)

Article 37 FB (nouveau)

Toute opération de concentration entre fournisseurs de services de communications électroniques soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du titre III du livre IV du code de commerce est évoquée par le ministre chargé de l’économie, dans les conditions prévues à l’article L. 430-7-1 du même code. L’aménagement du territoire constitue un motif d’intérêt général. La décision est conditionnée à la mise en œuvre effective d’engagements, notamment sur la fourniture de services de communications électroniques aux utilisateurs finals par les réseaux ouverts au public à très haut débit en fibre optique, établis par les collectivités territoriales dans les conditions prévues à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article, inséré en commission, tend à prévoir l’évocation par le ou la ministre en charge de l’économie de toute opération de concentration entre fournisseurs de services de communications électroniques soumise à autorisation de l’Autorité de la concurrence. Les considérations en matière d’aménagement du territoire, reconnu comme motif d’intérêt général, devront également être prises en compte dans la décision finale.

Il s’agit ainsi de tirer les conséquences des opérations de concentration dans le secteur des communications électroniques, singulièrement celle qui a été opérée entre Numericable et SFR, qui ont conduit à une moins bonne couverture du territoire.

Le monopole public de France Télécom a certes été supprimé, mais le marché a, de fait, recréé tendanciellement des monopoles privés. Belle performance, sans parler de la pratique des ententes, qui prévaut dans ce secteur !

Au stade où nous en sommes, nous soutenons cet article « anti-concentration ». Pour autant, c’est l’ensemble du modèle qu’il faut repenser.

Le rapport indique très justement qu’« une concentration entre opérateurs de communications électroniques ne saurait être menée au seul bénéfice des entreprises concernées ». Mais dès lors que nous avons privatisé l’opérateur national et libéralisé le secteur, mes chers collègues, quels autres impératifs que celui de la rentabilité voulez-vous que les entreprises respectent et prennent en compte ?

Les buts de cet article sont donc louables, même si son adoption conduirait à accroître encore les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence. Néanmoins, aussi puissants soient-ils, ces pouvoirs ne sauront détourner le marché de son objectif, celui de la rentabilité.

Or rentabilité financière et aménagement du territoire en matière de couverture numérique s’opposent, nous en avons chaque jour la démonstration. C’est pourquoi il convient de réaffirmer la maîtrise de la puissance publique sur ce secteur. Cet article permettant de faire un pas en ce sens, nous le voterons.

Mme la présidente. L'amendement n° 413 rectifié bis, présenté par MM. Camani, Roux, Sueur, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre II est complétée par un article L. 33-… ainsi rédigé :

« Art. L. 33-… – Le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l’aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l’accès des opérateurs à ces réseaux.

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11. » ;

2° Après le IV de l’article L. 38, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – Dans le cadre de la détermination des obligations qu’elle est susceptible d’imposer en application du I et sans préjudice du IV, l’Autorité peut tenir compte des engagements souscrits par l’opérateur réputé exercer une influence significative sur un marché mentionné au I lorsque ces engagements sont de nature à répondre aux obstacles au développement d’une concurrence effective constatés dans le cadre de l’analyse menée conformément à l’article L. 37-1. »

La parole est à M. Pierre Camani.

M. Pierre Camani. Notre objectif est ici double.

Cet amendement tend tout d’abord à instaurer l’opposabilité des engagements pris par les opérateurs.

Cela peut sembler évident, mais l’expérience a montré que la réalité est un peu plus complexe. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Gouvernement a relancé l’effort en concluant, avec les opérateurs, un nouvel accord sur les zones blanches en mai 2015.

Le vote de cet amendement permettrait donc de donner un caractère juridique aux engagements pris par les opérateurs, alors que les accords passés reposent aujourd'hui essentiellement sur leur bonne volonté. Ces engagements peuvent porter sur l’aménagement numérique du territoire ou l’extension de la couverture par les réseaux de fibre et les réseaux mobiles, comme dans le cas de l’accord précité sur les zones blanches.

L’ensemble est évidemment placé sous la surveillance de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le dispositif lui permettant de sanctionner le non-respect de ces engagements.

Le mécanisme mis en place est aussi protecteur pour les opérateurs, un cadre juridique stable étant désormais inscrit dans la loi.

Nous proposons ensuite une deuxième mesure, complémentaire de la première : dans le cadre des analyses de marché qu’elle doit mener au titre de la régulation des opérateurs « puissants », c’est-à-dire des opérateurs exerçant une influence significative, l’ARCEP peut prendre en compte les engagements volontaires pris par chacun d’entre eux dans le cadre de la détermination des obligations qu’elle lui impose.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ?

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à permettre la formalisation des engagements pris par les opérateurs en faveur de l’aménagement du territoire et de la couverture des zones peu denses par les réseaux de communications électroniques et à favoriser leur accès à ces réseaux.

Pour ce faire, il s’agirait de rendre opposables les engagements actuellement pris de façon informelle et de permettre à l’ARCEP d’en sanctionner le non-respect.

Il est difficile de prévoir si les opérateurs seront incités à s’engager dans une telle voie et d’apprécier la teneur des engagements pris, mais c’est une façon de consolider les négociations entre l’État et les opérateurs et de remédier au caractère aujourd'hui incertain des déclarations faites par ces opérateurs.

En ce sens, nous y sommes tout à fait favorables.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. Je souhaiterais néanmoins demander à Mme la secrétaire d’État si les engagements pris seront rendus publics ou transmis, d’une façon ou d’une autre, aux associations d’élus locaux et aux parlementaires. Cela me semble nécessaire pour assurer l’information des parties prenantes à l’aménagement numérique du territoire, ainsi que celle du législateur. À défaut, il sera peut-être souhaitable d’apporter une précision en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 413 rectifié bis.

Je vous remercie, monsieur Camani, d’avoir introduit cette question de l’opposabilité des engagements des opérateurs, et je vous remercie aussi, madame Gonthier-Maurin, de votre intervention. Les questions que vous avez abordées nous occupent beaucoup et nous partageons totalement les objectifs qui sont les vôtres.

Cet amendement vise donc à formaliser les engagements des opérateurs devant le ministre. Il va même plus loin, puisqu’il est question de les rendre opposables, grâce à l’implication active du régulateur. C’est là, effectivement, une condition de l’opposabilité effective et du respect de ces engagements.

Il s’agit de systématiser l’approche que nous avons retenue dans le cadre de la définition du programme des zones blanches, approche ayant permis d’introduire dans la loi la démarche, les objectifs et les résultats obtenus dans le cadre des discussions avec les opérateurs de télécommunications. Seront donc concernés des engagements de nature potentiellement très diverse, comme la construction de nouveaux sites mobiles, les programmes d’investissements destinés à la modernisation des réseaux fixes ou à leur extension.

Le Gouvernement est favorable à cette version de l’article 37 FB, qui nous paraît, d’une part, plus proportionnée et, d’autre part, plus opérante, plus effective que celle qui figure actuellement dans le texte de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je remercie notre collègue Pierre Camani d’avoir déposé cet amendement, très intéressant, que je voterai, naturellement.

Ce dernier m’inspire toutefois une remarque et une question.

D’abord, il faut s’attendre à ce que cette mesure incite les opérateurs à ne pas trop s’avancer, à éviter de faire trop de promesses, voire à n’en faire aucune.

Ensuite, la loi n’étant pas rétroactive, qu’en sera-t-il, par conséquent, des engagements pris par les opérateurs au cours des années passées, notamment s’agissant des zones d’initiative privée, les zones dites « AMII », pour zones d’appel à manifestation d’intérêt d’investissement ? Des promesses ont été faites voilà quelques années. L’inscription de la mesure dans la loi, si toutefois nous adoptons l’amendement, permettra-t-elle de pousser les opérateurs à intervenir plus rapidement dans les zones qu’ils ont préemptées ?

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Figurant parmi les auteurs de cet amendement, j’en partage bien évidemment la finalité, à savoir une meilleure couverture des territoires, notamment de ceux qui, actuellement, sont dépourvus de connectivité.

Toutefois, il faut le savoir, la mesure que nous envisageons d’adopter a déjà produit des effets tout à fait spectaculaires.

Ainsi, j’ai été saisi à de très nombreuses reprises par la Fédération française des télécoms, qui dénonce son caractère illégal, anticonstitutionnel, et le fait qu’elle pose toute une série de difficultés aux opérateurs. Certains estiment plutôt qu’elle favorise le quatrième opérateur, le plus récent sur le marché.

Les opérateurs sont même allés jusqu’à formuler certaines contre-propositions, comme l’ajout de 400 sites supplémentaires au contingent de 800 sites mobiles inscrit dans le programme gouvernemental.

Le Sénat n’ayant pas les moyens d’expertise du Gouvernement, pourriez-vous nous indiquer à ce stade du débat, madame la secrétaire d’État, si les contre-propositions formulées par les opérateurs sont crédibles et méritent d’être analysées pour accélérer la mise en place d’une connectivité dans les territoires qui en sont aujourd'hui dépourvus ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le principe de non-rétroactivité de la loi, monsieur Sido, est très utile, notamment pour les engagements en termes d’investissements. Il s’agit, en effet, de ne pas trop perturber les règles du jeu lorsque ces dernières sont bien installées.

C’est le cas pour les zones blanches : les principes retenus dans le cadre du programme de couverture des zones blanches ont été introduits dans la loi l’année dernière et les engagements pris en la matière sont désormais opposables.

Votre question porte donc, en définitive, sur les zones AMII.

Je m’interroge sur la réponse qui sera apportée à l’opposabilité de ce zonage.

L’article 37 FB, dans la version ici proposée, porte sur les zones rurales. Ce n’est pas par hasard, puisqu’il s’agit de zones réservées à l’intervention publique.

Le souhait du Gouvernement et des collectivités locales en la matière est de pousser les opérateurs à aller au-delà des engagements qu’ils ont négociés et auxquels ils sont tenus.

Les zones AMII constituent un terrain de jeu, un périmètre d’intervention assez naturel pour eux. La dynamique de négociation des conventions est donc différente – nous en reparlerons à l’occasion de l’examen ultérieur de certains amendements, ce qui me permettra d’insister sur la nécessité de se focaliser, désormais, sur les zones ne faisant l’objet d’aucun conventionnement.

Je considère, effectivement, que la dynamique est bien installée dans les zones conventionnées ou en cours de conventionnement – elles représentent tout de même 85 % des zones AMII – et qu’il ne faut pas la bousculer. En revanche, nous ne devons pas hésiter à avoir la main lourde dans les zones ne bénéficiant d’aucun conventionnement, lorsque nous constatons que les opérateurs n’ont pas l’intention d’y intervenir.

Telle est la logique que je vous demande de continuer à appliquer, mesdames, messieurs les sénateurs.

S’agissant de votre question sur la publicité des engagements pris par les opérateurs, monsieur le rapporteur pour avis, il me semble qu’elle va de soi.

Je vois mal comment des engagements désormais réglementés et régulés, faisant l’objet de conventions négociées avec les collectivités locales, pourraient ne pas être rendus publics. En ce domaine, les collectivités s’empresseraient certainement de le faire et auraient raison de procéder de la sorte.

Aucune disposition de la loi n’interdirait donc cette publicité, mais il reviendrait à chacun de décider de rendre ces engagements publics.

Enfin, monsieur Rome, nous aurons l’occasion de revenir sur la question, très importante, que vous avez soulevée. Nous avons parlé des infrastructures passives ; vous nous interrogez, ici, sur la mutualisation des infrastructures dites actives. Je propose de réserver ma réponse concernant les zones grises, puisque nous allons en discuter largement dans la suite du débat. Je compte d’ailleurs sur votre participation dans ce cadre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 413 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 37 FB est ainsi rédigé.

Article 37 FB (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 37 F

Article 37 FC (nouveau)

Après l’article L. 33-10 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 33-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 33-10-1. – Tout projet de déploiement par un opérateur privé d’un réseau ouvert au public à très haut débit en fibre optique permettant de desservir l’utilisateur final fait l’objet d’une convention signée entre cet opérateur, l’État et les collectivités territoriales ou leurs groupements, dont le territoire est compris en tout ou partie dans la zone de déploiement du réseau.

« Les projets de déploiement de réseaux sur la période 2017-2022 doivent faire l’objet de conventions signées au plus tard le 31 décembre 2016. Les conventions signées avant la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique doivent être actualisées conformément aux dispositions du présent article, au plus tard le 31 décembre 2016. L’absence de convention signée, et le cas échéant actualisée, au 1er janvier 2017 permet de constater l’insuffisance de l’initiative privée pour déployer un réseau à très haut débit en fibre optique permettant de desservir les utilisateurs finals dans les territoires concernés.

« La convention précise les engagements des parties, notamment le nombre de prises rendues raccordables par l’opérateur chaque année, les zones prioritaires, une estimation des investissements prévus, un calendrier de déploiement et les conditions d’indemnisation des collectivités territoriales par l’opérateur en cas de carence.

« L’opérateur transmet annuellement à l’État et aux collectivités territoriales ou à leurs groupements signataires un bilan d’exécution de la convention, comprenant notamment un état des lieux du déploiement en nombre de prises rendues raccordables. Ce bilan est communiqué par l’opérateur à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« En cas de décalage significatif entre les engagements pris par l’opérateur dans la convention et la réalisation des travaux, une procédure de constat de carence peut être mise en œuvre par l’État, à la demande d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales signataire de la convention. À l’issue d’une procédure contradictoire et après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la carence de l’opérateur peut être constatée par l’État. Le constat de carence détermine les conditions dans lesquelles le déploiement du réseau est assuré par un autre opérateur, public ou privé. »

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bosino. Cet article, adopté en commission, est de notre point de vue positif.

Il tend, nous venons de l’évoquer, à structurer l’intervention des opérateurs privés autour de l’idée d’un conventionnement. Le contenu de cette convention est précisé, avec l’organisation d’une procédure de constat de carence en cas de décalage entre les engagements pris et les travaux réalisés par l’opérateur conventionné.

C’est à l’évidence un progrès, car, aujourd’hui, les promesses des opérateurs privés n’engagent qu’eux-mêmes et, en cas de défaillance, la seule option est celle de l’intervention de la puissance publique pour pallier ces manquements.

Comme le rappelle très justement le rapport, selon les lignes directrices communautaires, reprises par le Gouvernement, on distingue actuellement trois types de zones : les zones non rentables prises en charge au travers de l’investissement public ; les zones intermédiaires dans lesquelles on favorise la mutualisation des infrastructures ; les zones noires où la concurrence débridée peut s’exercer pleinement.

Dans le cadre du plan France très haut débit, ce zonage a été confirmé et ajusté en fonction des déclarations d’intention d’investissements lancées en 2011. Sur ces fondements, il a été considéré que l’intervention des collectivités devrait permettre de couvrir 90 % du territoire national et celle du secteur privé 10 %. Les coûts sont ainsi répartis : 14 milliards d’euros pour les collectivités et 6 milliards d’euros pour les entreprises privées. C’est pour le moins déséquilibré !

En outre, ces déclarations d’intention de 2011, qui laissent une très grande responsabilité au secteur public, ont été très largement contestées et fragilisées. Nous ne savons pas ce que feront réellement les opérateurs demain, et c’est un problème.

Nous sommes donc favorables au conventionnement prévu, qui donnera de la lisibilité à l’état réel de l’investissement et des besoins des territoires, tout en continuant de penser que cette organisation, privatisant les profits et socialisant les pertes, est la pire des manières pour atteindre les objectifs du plan de couverture en très haut débit de l’ensemble du territoire.