compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

3

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 18 mai 2016 de la proposition de loi visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.

Acte est donné de cette demande.

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Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, portant respectivement sur le sous-amendement n° 317 rectifié bis et sur les amendements identiques nos 104 rectifié quater et 299 au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, mes collègues Joëlle Garriaud-Maylam et Michel Bouvard ont été inscrits comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient voter contre.

Mon collègue Christian Cambon, quant à lui, a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

Lors du scrutin public n° 223, portant sur l’ensemble du projet de loi, mon collègue Jean-Pierre Raffarin a été compté comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, ma collègue Nathalie Goulet a été inscrite comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’elle souhaitait voter contre.

Toujours sur le même texte, mais lors du scrutin n° 216, portant sur les amendements identiques nos 45, 90 et 290, mon collègue Jean-Léonce Dupont a été inscrit comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.

Enfin, lors du scrutin n° 223, ma collègue Anne-Catherine Loisier a été inscrite comme ayant voté pour, alors qu’elle souhaitait voter contre.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, mon collègue Cédric Perrin a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

Usage des drones civils

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, présentée par MM. Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché (proposition n° 504, texte de la commission n° 593, rapport n° 592).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Xavier Pintat, coauteur de la proposition de loi.

M. Xavier Pintat, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a exactement un an, le 20 mai 2015, nous examinions dans cet hémicycle le texte d’une proposition de loi, devenue depuis lors la loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

Cette loi, dont j’étais rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a renforcé la répression des intrusions sur les sites nucléaires.

Ne couvrant initialement que les installations civiles, le dispositif a ensuite été étendu aux installations militaires par la loi de programmation militaire actualisée. L’effet dissuasif de ce texte anti-intrusions semble à ce jour avéré, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, comme je l’avais alors souligné, ce texte n’a traité que des intrusions terrestres. Or une soixantaine de survols de sites sensibles par des drones avaient déjà, à l’époque, été répertoriés, dont celui de la base militaire de l’Île Longue, en janvier 2015.

Le Gouvernement, qui s’était engagé à notre demande à rechercher des réponses à ce risque nouveau, a confié cette mission au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN.

Son rapport, excellent et très complet, nous a été remis en octobre dernier. Il fait le point sur les adaptations juridiques, techniques et capacitaires requises par l’usage croissant de ce type d’aéronefs télépilotés, utilisés à titre professionnel ou pour des activités de loisirs, et dont les performances sont en constante augmentation.

S’il faut prendre conscience des dangers inhérents à l’usage des drones, il ne s’agit toutefois pas d’en diaboliser l’utilisation. L’enjeu du texte que nous vous proposons aujourd’hui est d’insérer dans la législation les dispositions juridiques nécessaires, sans pour autant freiner le développement d’un secteur économique particulièrement dynamique en France.

Au cours de l’année écoulée, de multiples incidents de circulation aérienne ont confirmé la nécessité de renforcer la sécurité de l’usage des drones civils.

En 2015, huit signalements de survols illicites à proximité de l’aéroport de Roissy ont été effectués. De nouveaux incidents ont eu lieu à proximité d’avions de ligne en phase d’approche, près de Roissy, les 19 février et 20 avril derniers.

À l’étranger également, de nombreux incidents ont été recensés au cours de l’année 2015 ; en janvier à Dubaï, en avril à Manchester, en juillet à Varsovie.

Les incidents sont devenus innombrables, au point que l’Association internationale du transport aérien, ou IATA, a récemment lancé un appel à la mise en place de réglementations et de moyens adaptés.

Les États-Unis ont réagi très rapidement à cette menace nouvelle en rendant obligatoire une formalité d’enregistrement de tous les drones de masse supérieure à 250 grammes, ce qui a permis d’en recenser très rapidement environ 300 000.

La sécurité aérienne n’est pas seule en cause. Le 29 février 2016, un drone en perdition a mis en alerte deux F-16 belges et un Rafale français, avant de s’écraser dans un champ dans l’Aisne.

M. Bruno Sido. Rien que ça…

M. Xavier Pintat. On se souvient également du drone venu se poser lors d’un meeting, à quelques mètres de la Chancelière allemande, Angela Merkel, en septembre 2013. Les services de sécurité n’étaient alors pas préparés à ce type d’incident.

Aujourd’hui, la menace « drone » est prise en compte lors de l’organisation d’événements à forte affluence, tels que la COP 21 l’an dernier ou l’Euro 2016 de football, qui s’ouvrira très bientôt.

Comment répondre à cette menace nouvelle ?

La défense du territoire face à la menace aérienne s’inscrit dans un cadre bien défini, celui de la posture permanente de sûreté aérienne, renforcée depuis les événements du 11 septembre 2001. Mais ce schéma est très largement inadapté à la menace que représentent les petits engins télépilotés accessibles au grand public, volant à basse altitude et, à ce jour, difficilement détectables et neutralisables, il faut bien l’avouer.

L’État doit donc, en premier lieu, adapter ses moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones. Une telle adaptation est prévue par la loi de programmation militaire actualisée de juillet 2015.

Des réponses technologiques ont été testées l’an dernier, lors d’une campagne menée avec une vingtaine d’industriels. Des solutions sont en cours de mise en œuvre, avec notamment l’acquisition d’un moyen de type radar passif. L’Agence nationale de la recherche a engagé un programme en ce sens. Des coopérations internationales sont développées afin d’instaurer une approche commune et des outils qui soient autant que possible interopérables au niveau européen.

Une réflexion est également en cours sur l’organisation du cadre de la neutralisation des drones, qui se doit d’être décentralisée compte tenu de la fugacité de la menace tout en permettant de prévenir les méprises et les dommages collatéraux, et en s’inscrivant en cohérence avec la chaîne de défense aérienne du territoire.

Outre ce volet technique et capacitaire, la prise en compte de la menace « drone » nécessite des adaptations juridiques.

La France compte aujourd’hui environ 200 000 drones de loisir, ainsi que 2 300 opérateurs professionnels de services, qui utilisent 4 200 drones. Cette filière professionnelle occupe la première place en Europe.

Le développement de cette filière professionnelle française a été favorisé par la mise en place d’une réglementation pionnière en 2012, modifiée en 2015. Évolutive, centrée sur les usages, elle permet des dérogations dans un but expérimental. Une des caractéristiques de notre réglementation par rapport aux exemples étrangers est de permettre les vols hors vue.

Les drones étant de moins en moins lourds et de plus en plus performants, la frontière entre drones de loisir et drones professionnels se trouve brouillée ; on parle d’une « uberisation » du secteur, qui rend plus complexe sa réglementation. Aussi est-il aujourd’hui nécessaire d’adjoindre un volet législatif à la réglementation existante afin d’améliorer l’information et la formation des télépilotes, de faciliter la détection, voire la neutralisation de drones potentiellement dangereux.

Avec mon collègue et ami Jacques Gautier, coauteur de cette proposition de loi, nous avons entendu plusieurs représentants professionnels du secteur des drones afin de vérifier que les principaux acteurs concernés adhéraient à l’idée d’un encadrement de l’usage des drones, pour plus de sécurité. Il en ressort que les professionnels sont plutôt favorables à un renforcement de la sécurité de l’usage des drones. Ils sont conscients qu’un accident grave risquerait de porter un coup d’arrêt au développement de cette filière et approuvent donc dans son principe la mise en place d’une réglementation équilibrée, afin d’accompagner l’essor du marché.

Dans ce contexte, les objectifs du texte que nous vous proposons sont les suivants : définir les drones à travers la notion de télépilote ; assurer une formation minimale des télépilotes ; définir le champ d’application de l’immatriculation de l’enregistrement des drones ; instituer une obligation de formation de l’utilisateur à la charge des fabricants ; introduire une obligation de signalement électronique et lumineux des drones, dont l’application pourrait être reportée de quelques mois, afin de permettre aux industriels de s’adapter, cette signalisation est nécessaire à la neutralisation du drone, à la mise en évidence rapide des intentions hostiles ou non de l’appareil ; renforcer les sanctions en cas de survols illicites.

Ces dispositions de la proposition de loi sont complémentaires : l’enregistrement des drones et la formation des pilotes pourraient être réalisés conjointement de façon très simple sur internet. Les seuils à fixer, pour la réalisation de ces formalités d’enregistrement et de formation, pourraient être identiques ; le seuil pour la signalisation électronique et lumineuse du drone pourrait, lui, être plus élevé.

En tout état de cause, le texte que nous vous proposons ne vise pas à apporter une réponse fermée et intangible à une question en constante évolution sur le plan technologique, mais à lancer un processus. Les améliorations que nous propose le rapporteur, M. Cyril Pellevat, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sont toutes les bienvenues et vont dans le bon sens. Je pense par exemple à l’ajout de la mise en place d’un régime d’enregistrement en ligne couplé à un tutoriel de formation.

Quoi qu’il en soit, le cadre juridique de l’usage des drones devra comporter des mesures réglementaires évolutives en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Chacun d’entre nous en a bien conscience ici : il est nécessaire aujourd’hui d’assurer la sécurité de l’usage des drones. À nous donc de trouver ensemble le bon équilibre. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi est indirectement la conséquence des premiers survols intentionnels de centrales nucléaires qui ont eu lieu à l’automne 2014. Mais nous pouvons nous réjouir de l’initiative de Xavier Pintat et Jacques Gautier, car ce texte vient en réalité apporter une réponse à un problème plus large, posé par l’expansion rapide des drones de loisir au cours des dernières années. On en dénombrait en effet entre 150 000 et 200 000 à la fin de 2015, situation qui soulève de nouveaux risques.

Le premier risque est le risque d’accident, en cas de collision avec d’autres aéronefs ou de chute du drone par exemple. Plusieurs incidents aériens impliquant des drones ont eu lieu sur des aéroports, provoquant des retards, voire des fermetures de plateformes aéroportuaires, à Paris-Charles-de-Gaulle, Heathrow ou Dubaï.

La Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, nous a appris que, récemment, un sharklet avait été arraché par un drone aux États-Unis : il s’agit de la petite partie recourbée au bout de l’aile, que l’on retrouve sur certains modèles d’avions comme l’A320.

Autre exemple dramatique : un drone s’est écrasé en plein centre de Buenos Aires, le 15 août 2015, blessant grièvement deux passantes. La cause était un incident technique, puisque l’une des six hélices s’était brisée en vol.

Au-delà de ces quelques exemples, l’accidentologie liée aux drones reste faible, mais le moindre accident grave entraînera un arrêt complet du développement de la filière.

Le deuxième risque est celui de la captation indue d’informations, qu’il s’agisse de sites sensibles ou d’atteintes à la vie privée. S’agissant de ce dernier point, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, s’est saisie du sujet et propose de faire évoluer les textes relatifs à la vidéoprotection pour mieux prendre en compte la surveillance mobile.

Le troisième risque est celui de l’utilisation du drone comme une arme. Le 26 janvier 2015, un petit drone a survolé la Maison-Blanche à Washington, avant de s’y écraser. Au Japon, en avril 2015, un drone transportant un peu de sable radioactif s’est posé sur le toit de la résidence officielle du Premier ministre japonais à Tokyo. Ces exemples ont été sans grande conséquence, mais on dénombre de plus en plus d’attaques par drones civils en Syrie, en Irak ou au Haut-Karabagh.

Le quatrième risque est celui de l’utilisation du drone à d’autres fins délictuelles ou criminelles. Par exemple, le 29 juillet 2015, un drone a largué un paquet contenant de la drogue dans la cour d’une prison de l’État de l’Ohio.

Enfin, le cinquième risque est celui de l’utilisation de drones dans le cadre d’opérations démonstratives, revendiquées ou non, visant à décrédibiliser l’action de l’État. Le 15 septembre 2013, en Allemagne, un drone téléguidé a survolé la foule lors d’un rassemblement politique présidé par Angela Merkel, avant d’atterrir à quelques mètres de la Chancelière allemande. Le 14 octobre 2014, un match de football entre la Serbie et l’Albanie a été interrompu à la suite du survol du stade de Belgrade par un drone transportant un drapeau proalbanais.

Au final, la répétition des incidents montre qu’il est temps de prendre des mesures. Le caractère anxiogène de la situation, largement relayé par les médias, nécessite de mettre en place une régulation adaptée.

De fait, la France a d’ores et déjà acquis une véritable avance dans le domaine des drones civils, notamment grâce à la mise en œuvre depuis 2012 d’une réglementation pionnière et innovante qui encadre l’usage professionnel des drones, mais il n’en va pas de même pour l’usage de loisir.

Tout l’enjeu consiste à mettre en place cette nécessaire réglementation, sans freiner pour autant le développement d’un secteur économique dynamique, dans lequel plusieurs entreprises françaises sont leaders, comme Parrot, qui est le deuxième constructeur mondial de drones de loisir, derrière le chinois DJI.

Par conséquent, je souhaiterais attirer votre attention sur trois points qu’il convient de garder à l’esprit.

Le premier point concerne le besoin de souplesse. En raison de l’évolution rapide des technologies, il est nécessaire de laisser suffisamment de marges de manœuvre en procédant au maximum par voie réglementaire. Cette souplesse impose d’éviter de segmenter le loisir et le professionnel, qui tendent de plus en plus à se confondre. La plupart des professionnels sont par exemple sous statut d’auto-entrepreneur et utilisent également leur drone pour un usage amateur.

Cette souplesse impose également de ne pas figer de seuils dans la loi. Plusieurs niveaux font office de référence. En particulier, le seuil de 250 grammes, à partir duquel un drone est capable de voler en extérieur, a été retenu par les États-Unis et le Danemark. Le seuil de 1 kilogramme, qui correspond à la capacité d’emport d’un drone équipé d’une grenade légère, a été retenu par l’Agence européenne de la sécurité aérienne, l’AESA, pour distinguer les drones jouets des autres engins.

En tout état de cause, il semble raisonnable de renvoyer la fixation des divers seuils au niveau réglementaire.

Le deuxième point concerne la nécessité de ne pas se contenter de poser des règles, mais également d’éduquer tant les usagers que les forces de l’ordre. Des démarches de communication ont déjà été engagées sur ce point à l’aide d’infographies ou de vidéos YouTube rappelant, par exemple, les Dix commandements pour l’usage d’un drone de loisir.

En parallèle, un tutoriel en ligne permettra de couvrir 90 % des besoins, sans qu’il soit nécessaire de rentrer dans un long processus de formation pratique au télépilotage, dans la mesure où un drone est beaucoup plus facile à faire voler qu’un avion radiocommandé.

Le troisième point consiste à aborder cette réglementation comme une démarche préventive nécessaire, dans la mesure où les moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones malveillants sont limités.

Plusieurs solutions innovantes sont en phase d’expérimentation ou de déploiement. Elles vont des radars à courte portée aux lasers et ondes à forte puissance, en passant par l’optronique, le brouillage et le leurrage du signal radiocommandé ou du GPS. Certains pays, comme les Pays-Bas, expérimentent même le dressage de faucons pour chasser les drones.

Concernant les technologies de brouillage et de leurrage, la DGAC exprime très clairement des craintes quant à leur utilisation aux abords des aéroports, car elle peut perturber l’aviation civile, avec potentiellement de graves conséquences. Il convient donc de ne pas se limiter aux solutions de neutralisation en aval, qui comportent toutes des failles, et de bien mesurer l’importance d’une réglementation préventive en amont.

Au final, je salue cette proposition de loi, qui met en place une véritable stratégie de renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils reposant sur quatre piliers : l’information, la formation, l’enregistrement-immatriculation et le signalement.

À l’article 1er, qui définit le champ d’application de l’immatriculation des drones, la commission a ajouté un régime d’enregistrement en ligne, qui semble avoir été oublié par les auteurs de la proposition de loi, puisqu’il est bien mentionné dans l’exposé des motifs.

À l’article 2, qui vise à imposer une formation aux télépilotes, nous avons proposé une nouvelle définition du télépilote, qui prend en compte l’ensemble des cas de figure : drone piloté, drone automatique et drone autonome dont la trajectoire est programmée par l’intelligence humaine ou l’intelligence artificielle.

Nous avons également généralisé l’obligation de formation, qui pourra consister en un tutoriel sur internet, en lien avec la procédure d’enregistrement.

Enfin, nous avons prévu la possibilité d’exiger la détention d’un titre de télépilote pour certaines activités professionnelles opérées hors vue, par nature plus complexes.

À l’article 3, qui crée une obligation d’information de l’utilisateur par le biais d’une notice rappelant la réglementation et insérée dans l’emballage des drones ou de leurs pièces détachées, nous avons supprimé la référence aux seuls drones de loisir : les professionnels utilisent de façon croissante des drones grand public, comme les DJI Phantom 3 et 4, qui sont utilisés pour des prises de vues, tandis que des amateurs passionnés sont tentés par des drones très performants, dont le prix décroît rapidement.

Nous avons également supprimé le seuil de déclenchement fondé sur la masse du drone, qui n’apparaît pas pertinent.

À l’article 4, qui vise à rendre obligatoire un signalement électronique et lumineux des drones pour éviter tout risque de méprise entre drones coopératifs et drones hostiles, nous avons ajouté un dispositif de limitation de performances afin d’assurer la sécurité des vols habités, à la suite de plusieurs incidents récents au cours desquels des pilotes ont indiqué avoir croisé des drones au-dessus de 150 mètres d’altitude.

Nous avons également prévu un régime d’exemption pour certains usages, notamment expérimentaux, et conservé l’entrée en vigueur différée en 2018, pour permettre aux industriels de s’adapter.

Enfin, à l’article 5, qui met en place un dispositif de sanction, nous avons tenu, sur l’initiative de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, à rappeler qu’un drone utilisé pour des atteintes à l’intimité de la vie privée peut être confisqué, car ces infractions sont de plus en plus nombreuses.

Il s’agit globalement d’un travail de réécriture du texte qui en conserve l’esprit, tout en veillant à entraver le moins possible le développement de cette filière prometteuse. Il ne reste qu’à espérer que ces mesures consensuelles puissent être rapidement adoptées par l’Assemblée nationale. La France aura tout à gagner à élaborer cette réglementation promptement, car elle pourra inspirer les réflexions en cours à l’échelon européen. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, on assiste en France et dans le monde à un essor des usages des drones civils professionnels et de loisir. Le développement de la filière a été très dynamique. À la fin de 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs ; à la fin de 2015, ce sont plus de 2 300 opérateurs de drones qui sont déclarés en France. Ils exploitent plus de 4 200 drones et représentent environ 6 500 emplois.

L’usage des drones de loisir est également en plein essor, avec plusieurs centaines de milliers de drones vendus pour la seule année 2015 en France.

Le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamiques et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante.

Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont développées dans différents domaines, permettant l’émergence de multiples activités qui, pour certaines d’entre elles, étaient difficilement imaginables avant l’essor des drones. Les activités les plus connues sont les prises de vue pour les médias, le cinéma et la publicité. Mais les drones sont aussi utilisés pour de nombreuses autres activités professionnelles comme les inspections de bâtiments et d’infrastructures, la supervision des cultures, le suivi de chantiers, les missions de surveillance et de sécurité civile.

À titre d’exemple, le recours aux drones au service de la surveillance des incendies de forêt tend à se généraliser. Les drones sont ainsi venus renforcer le dispositif d’une cinquantaine de caméras de vidéosurveillance mises en place dans le massif des Landes depuis 2007. C’est un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de la sécurité de nos concitoyens et de l’environnement.

Le développement de cette filière s’accompagne toutefois de nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles. Ces dernières semaines, les signalements de drones par des pilotes de ligne ont fait émerger des inquiétudes sur la sécurité du trafic aérien.

Indépendamment des questions de réglementation, l’État doit bien entendu se doter d’un certain nombre de moyens pour être en mesure de faire cesser des survols indésirables. Cela demande le développement de technologies adaptées ainsi que l’acquisition de nouveaux équipements. Des essais ont déjà eu lieu et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont en cours. Nous sommes également en contact très étroit avec nos voisins européens afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants.

Parallèlement, il est également nécessaire, bien sûr, qu’un corpus de règles adaptées accompagne l’essor de cette nouvelle industrie. Ces règles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois.

L’ensemble du Gouvernement est très impliqué dans le maintien de cet équilibre, qui est la condition pour que le secteur français du drone civil reste, comme c’est le cas aujourd’hui, le plus dynamique d’Europe, qu’il s’agisse de construction ou d’exploitation.

Le Conseil pour les drones civils, installé en 2015, rassemble, avec les services de l’État, les acteurs de la filière. Il permet, sur la base d’objectifs partagés, de progresser dans la recherche des voies réglementaires, technologiques et économiques susceptibles de contribuer à cet équilibre.

Un cadre réglementaire national existe déjà. La France a ainsi été parmi les tout premiers pays au monde à se doter, dès 2012, d’une réglementation spécifique pour les usages professionnels des drones civils. La mise en place de ce cadre juridique novateur, qui a permis d’accompagner et de promouvoir l’émergence de ces activités, a été saluée par la profession et nos voisins européens. Ce choix ambitieux nous confère une véritable avance par rapport à d’autres grands pays industriels ; il est essentiel de la conserver.

Cette réglementation se voulait délibérément évolutive. Elle a ainsi été améliorée à la fin de 2015 en tenant compte du retour d’expérience des premières années, et est désormais mieux adaptée aux usages professionnels actuels.

La France participe également activement aux réflexions sur la mise en place de règles partagées relatives aux drones civils aux niveaux européen et international, dans le cadre des travaux de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, ainsi que de l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI.

En octobre dernier, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport intitulé L’essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État.

Ce rapport a mis en évidence la nécessité d’adopter des règles de nature législative et a formulé certaines propositions.

Ces propositions ont constitué la base de réflexion des deux auteurs de la proposition de loi dont vous débattez aujourd’hui. Je remercie donc MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier d’avoir inscrit leur initiative dans le prolongement de cette réflexion partagée.

La proposition de loi pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone : l’immatriculation et l’enregistrement des appareils permettront d’en assurer une meilleure traçabilité, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.

Définir la fonction de télépilote permet de consolider la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière qui ont conduit à la récente signature d’un avenant à la convention collective nationale des personnels au sol du transport aérien pour l’élargir à ces nouveaux métiers. Nous évoquerons tout à l’heure ce sujet plus précisément en examinant l’amendement déposé à propos de la définition du télépilote.

Pour les obligations de formation des télépilotes professionnels, ce texte inclut de nouvelles dispositions concernant des obligations de formation pour tous, y compris la pratique des activités de loisir. Il ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités professionnelles les plus complexes, comme celles qui sont opérées hors de vue du télépilote.

En outre, à l’article 4, la commission a suivi la proposition du rapporteur et introduit un support prévoyant, pour certains drones, une obligation d’emport d’un dispositif de limitation de performance. Ce dispositif vise notamment à assurer la sécurité des vols habités et est en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Cet ajout est donc tout à fait bienvenu.

En pratique, les modalités de limitation des performances seront diverses. Elles pourront comprendre la limitation de la hauteur de survol, la limitation de la distance entre le télépilote et le drone, mais également le recours à un logiciel rendant impossible le survol de zones interdites en fixant des limites au volume d’évolution du drone. Certaines de ces technologies sont encore en cours de recherche et de développement. Les termes de la disposition qui figure dans le présent texte assurent qu’elles pourront être prises en compte lorsqu’elles seront devenues opérationnelles.

La proposition de loi sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, une juste prise en compte pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribuent, en complément des actuelles actions menées par le ministère chargé des transports.

Un bon équilibre est assuré entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires. Cette approche pragmatique est pleinement cohérente avec la préoccupation du Gouvernement de promouvoir des normes réactives, adaptées au juste besoin. C’est une garantie de souplesse future, particulièrement nécessaire compte tenu de l’évolution rapide des technologies.

S’agissant des seuils de masse, ceux-ci devront être choisis de sorte que la contrainte qui pèsera ainsi sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité recherchés. Le rapport remis au Parlement à l’automne dernier préconisait de retenir 25 kilogrammes pour le seuil d’immatriculation, et 1 kilogramme pour les autres. Le travail interministériel se poursuivra également à ce sujet dans le cadre du travail réglementaire à venir.

La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui répond, de façon efficace et équilibrée, aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone.

Je tiens à remercier M. Cyril Pellevat, rapporteur du texte, d’avoir apporté, en concertation avec les professionnels et les administrations concernés, des améliorations à un dispositif qui permettra à la France de continuer à conjuguer dans ce secteur la réussite industrielle et la modernisation juridique. (Applaudissements.)