M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui porte sur un thème particulièrement d’actualité : l’innovation technologique et la révolution numérique.

En effet, le secteur des drones à destination des professionnels civils, mais aussi des particuliers, connaît une expansion fulgurante. La filière professionnelle compte environ 2 300 opérateurs déclarés pour 4 200 drones, et le nombre de drones de loisir est quant à lui estimé à environ 200 000 en France : leur usage croissant et de plus en plus diversifié appelle une réglementation adaptée et préventive afin de limiter les risques d’incidents. Les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que M. le rapporteur, ont notamment rappelé les survols récents de sites sensibles ainsi que les collisions évitées de justesse aux abords des aéroports.

L’enjeu de la multiplication des possibilités technologiques pose nécessairement la question d’une démocratisation sereine de ces nouveaux potentiels. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi : comment accompagner le développement des drones ? Comment les maîtriser ? Comment ne pas être dépassé ?

En ce sens, nous souscrivons à la démarche qui a été celle de la commission : mettre en avant le besoin d’informer les usagers et privilégier une approche préventive pour tous les opérateurs sans distinction, les professionnels non militaires comme les particuliers.

En effet, devant l’évolution rapide de la réglementation, avec notamment deux nouveaux décrets en décembre 2015, les dispositions en vigueur sont souvent mal connues des usagers. Selon le rapport, « depuis 2014, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a recensé 86 survols de sites sensibles […], pour la plupart liés à une mauvaise connaissance de la réglementation ».

Il apparaît donc important d’accompagner les usagers. À cet égard, nous pensons qu’il s’agit là d’une réponse équilibrée, ce qui n’était pas le cas de la loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires mentionnée dans l’exposé des motifs, votée en mai dernier, et dont le groupe écologiste avait largement dénoncé la surenchère répressive.

S’agissant du présent texte, l’enregistrement en ligne ou l’immatriculation des appareils, l’obligation de formation et d’information pour les usagers, le signalement lumineux ou encore la mise en place d’un dispositif de limitation de performances des drones vont, selon nous, dans la bonne direction.

La proposition de loi renvoyant largement au règlement, il sera tout de même important que le Parlement reste vigilant et prenne toute sa part dans l’évolution de la législation.

Cependant, les dispositions qu’elle prévoit nous paraissent être des remparts efficaces pour tenter de limiter les accidents, l’utilisation de drones à des fins délictuelles ou encore la captation indue d’informations.

En effet, au-delà de l’atteinte à la sécurité des sites sensibles, directement visée à l’article 5 et qui nous préoccupe bien évidemment tous, l’amendement d’Yves Pozzo di Borgo nous rappelle qu’il y va aussi du respect de la vie privée d’autrui. En cela, nous saluons l’adoption de cet amendement par la commission. À cet égard, il nous semble nécessaire de rappeler l’interdiction de divulgation et d’exploitation des enregistrements d’images ou de scènes portant atteinte à la vie privée d’autrui dès lors qu’elles sont prises sans le consentement des personnes concernées.

Dans la mesure où l’usage des drones civils va nécessairement augmenter dans les prochaines années, dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère professionnelle, le respect de la vie privée doit être un impératif inébranlable, et ce d’autant plus que les drones seront amenés, comme le rappelle l’exposé des motifs, à remplir des usages de plus en plus diversifiés : audiovisuel, surveillance, sécurité, livraison, etc.

Les enjeux liés à l’usage de drones sont donc multiples et relèvent à la fois de considérations technologiques, juridiques, sécuritaires et surtout éthiques. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur, ce texte ne constitue qu’une partie de la réponse. L’automatisation poussée à l’extrême appelle nécessairement une réponse globale et multidimensionnelle.

Au-delà de l’adaptation du corpus juridique, il est important de renforcer les moyens capacitaires de détection au travers de la recherche scientifique et du développement. Il s’agit là de l’une des recommandations du rapport du Gouvernement d’octobre 2015 sur l’essor des drones aériens civils en France.

Plus encore, si ce renforcement réglementaire et capacitaire doit être réalisé au niveau national, il doit surtout être entrepris au niveau européen. Nous devons ainsi encourager à l’échelle européenne une harmonisation encore trop peu développée. Il est donc important d’accompagner un mouvement européen.

Le besoin de souplesse en matière de législation que vous mettez en avant, monsieur le rapporteur, doit également contribuer à une meilleure adaptabilité avec les futures normes européennes dans ce domaine.

Le groupe écologiste reconnaît donc l’utilité de cette proposition de loi, notamment dans sa dimension préventive et d’accompagnement des usagers. C’est pourquoi nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 2010, l’usage des drones se démocratise et se diversifie. Ainsi, le secteur des drones professionnels civils connaît de multiples usages dans l’audiovisuel et les médias, l’inspection du bâtiment et les infrastructures, les mines, les carrières, les chantiers ou l’agriculture. Ces usages évoluent comme en témoignent les expériences de La Poste ou d’entreprises de commerce en ligne. Le festival Drôles de Drones, qui s’installera à la Cité des sciences et de l’industrie dans un mois, dévoilera sans aucun doute encore des nouveautés.

On le voit, le marché des drones est source d’innovation, de création d’emplois, de croissance économique. Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises françaises sont bien placées.

Face à la multiplication du nombre d’utilisateurs et des incidents, on constate une volonté, au niveau tant européen que national, de mieux contrôler les usages des drones.

La Commission européenne travaille actuellement à l’intégration prochaine, dans les textes européens, de dispositions relatives aux engins en deçà de 150 kilogrammes. Le 29 septembre dernier, la commission des transports du Parlement européen a rendu un rapport sur l’utilisation sûre des systèmes d’aéronefs télépilotés plaidant pour un cadre réglementaire harmonisé au niveau européen.

De plus, le Parlement européen a adopté le 29 octobre 2015 une proposition de résolution afin que « l’Union européenne développe le plus rapidement possible un cadre législatif portant uniquement sur l’utilisation civile de systèmes d’aéronefs télépilotés, et que le cadre législatif européen permette, d’une part, au secteur de continuer à innover et de se développer dans les meilleures conditions possible, et, d’autre part, aux citoyens d’avoir l’assurance d’une protection efficace des biens et des personnes ainsi que de leurs données personnelles et de leur vie privée ». Cette phrase résume à elle seule tout l’enjeu du débat.

En 2012, la France a passé une réglementation concernant les usages professionnels de drones. Or, aujourd’hui, le secteur du drone de loisir connaît un essor très marqué. C’est en ce sens que, faisant suite au rapport d’octobre 2015 du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale sur le sujet, le Gouvernement a pris deux arrêtés en décembre dernier qui viennent renforcer la réglementation.

La proposition de loi que nous examinons traduit utilement ces principes dans la loi.

Tout d’abord, la mise en place, par l’article 1er, d’un régime d’enregistrement par voie électronique est positive. En ce qui concerne la dispense d’immatriculation pour les petits drones, tout dépend, bien sûr, du seuil qui sera retenu par le pouvoir réglementaire.

Le rapport précité recommande l’enregistrement pour les drones entre 1 kilogramme et 25 kilogrammes : en deçà, aucune formalité ; au-delà l’immatriculation. Comme cela a été rappelé dans le rapport de la commission du développement durable, les États-Unis ont mis en place une procédure d’enregistrement en ligne des drones d’une masse supérieure à 250 grammes à la fin de l’année 2015.

En France, il y aurait environ 200 000 drones de loisir dont 98 % de micro-drones, d’une masse inférieure à 2 kilogrammes. Si nous voulons que la réglementation soit d’application large et donc plus efficace, il est important que le seuil retenu par le pouvoir réglementaire soit assez bas, d’autant plus que l’enregistrement n’est pas une modalité trop contraignante.

L’article 2 crée un nouveau chapitre IV dans le code des transports relatif aux « Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord ».

Il précise la définition du télépilote dans les différents cas : drone piloté, drone automatique, drone autonome.

Il inscrit l’obligation de formation du télépilote pour l’utilisation des drones, dont le contenu comme les modalités de vérification de son assimilation seront définis par voie réglementaire, ainsi que les peines contraventionnelles sanctionnant d’éventuels manquements. Là encore, ce renvoi au pouvoir réglementaire sur le contenu et les dérogations mériterait que l’on nous apporte des indications, à tout le moins que le Parlement soit informé.

Les articles 3 et 4, concernant la notice d’information et appelant un dispositif de signalement électronique et lumineux, ainsi que le dispositif de limitation de performances, nous semblent aller tout à fait dans le bon sens.

L’article 5 vise à réprimer l’usage illicite ou malveillant des drones. En ce qui concerne les moyens de détection, d’identification et de neutralisation, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et l’armée de l’air avaient procédé à des expérimentations qui avaient montré que des progrès restaient à réaliser en ce domaine. Peut-être pourrions-nous connaître aujourd’hui l’état d’avancement du programme de recherche et de protection des zones sensibles conduit par l’Agence nationale de la recherche ? Ces éléments d’informations nous seraient utiles.

Enfin, l’adoption en commission de l’amendement visant le cas des atteintes à la vie privée nous ramène aux questions d’éthique, sur lesquelles je voudrais conclure.

En effet, le débat politique sur l’acceptabilité des usages des nouvelles technologies survient presque toujours, pour chacune d’entre elles, dans un second temps. Or l’essor des drones civils professionnels et de loisir pose des questions éthiques en matière notamment de protection de la vie privée. La Ligue des droits de l’homme a récemment dénoncé la possibilité, à Paris, de surveiller à l’aide de drones des manifestations ou des rassemblements, ce qui constitue, selon elle, une atteinte à la vie privée et à la liberté de circuler.

Il nous faut donc travailler ces questions et trouver des équilibres entre innovation et protection des libertés individuelles.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Didier. Je ne vois pas pourquoi vous semblez étonnés !

M. Bruno Sido. Pas plus que ça !

M. Robert del Picchia. Vous êtes toujours aussi brillante !

M. Alain Fouché. Et toujours aussi claire !

Mme Évelyne Didier. Pour toutes ces raisons, je le redis, nous soutiendrons cette proposition de loi, tout en restant attentifs aux questions liées à l’éthique et à la démocratie. (Applaudissements.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

6

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché est parvenue à l’élaboration d’un texte commun. (Bravo ! sur un certain nombre de travées.)

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

Usage des drones civils

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Article 1er

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du rapport de M. Pellevat.

Nous examinons aujourd’hui un texte utile, chacun s’accordant sur l’utilité qu’il y a à combler le vide juridique qui règne avec ce texte consensuel visant à encadrer l’utilisation des drones civils.

Les drones sont des aéronefs, parfois utilisés manuellement, plus souvent télécommandés à distance, ou autonomes. Ils peuvent emporter des charges à distance. Auparavant essentiellement utilisés à des fins militaires, ils ont bénéficié de progrès technologiques importants : leur développement dans le domaine civil est en plein essor.

Les drones étant désormais de taille beaucoup plus réduite, leur coût a fortement diminué. Cette évolution a permis d’imaginer un nombre important d’applications, ce qui ouvre une croissance potentielle considérable dans des secteurs variés et innovants.

La capacité du drone à embarquer une charge utile, telle que caméras, capteurs ou instruments de mesure, le rend capable de réaliser des missions variées. La capture de données permet une multitude d’applications dans des domaines allant de l’agriculture aux ouvrages d’art, en passant par le bâtiment et les travaux publics, la police, l’industrie ou l’audiovisuel. Elle permet également de réaliser des missions de surveillance et des opérations de transport. Livraisons, cartographie, aide à l’agriculture ou à la lutte contre les incendies, l’usage des drones civils s’est ainsi fortement démocratisé dans de multiples secteurs industriels ou commerciaux.

Toutefois, ces nouvelles utilisations posent également de nombreux problèmes de sécurité, notamment au regard de leur introduction dans l’espace aérien. En effet, les usages n’étant plus uniquement professionnels, les particuliers peuvent également utiliser les drones, sous certaines conditions, pour des loisirs et de la prise de vue aérienne.

C’est le développement des drones de loisir de petite taille qui a bouleversé le marché, autrefois réservé à un public expert. Souvenons-nous que, en 2014 et en 2015, des drones non identifiés ont survolé dans notre pays plusieurs sites sensibles abritant des activités nucléaires, provoquant l’inquiétude des autorités.

En tant que leader en matière de drones civils, la France a été l’un des premiers pays à réglementer dès 2012 leur activité, essentiellement professionnelle. Néanmoins, le cadre juridique en la matière étant actuellement quasi inexistant, il est devenu impératif d’accompagner ce secteur économico-industriel en pleine croissance.

En ce qui concerne la sécurité, la réglementation s’est récemment durcie après des incidents causés par les aéronefs pilotés à distance. Le risque est encore plus élevé aux alentours des aéroports, lorsque les avions se trouvent dans la délicate phase de décollage ou d’atterrissage. Plus grave, la plupart des drones sont indétectables par les radars et peuvent provoquer des interférences sur les fréquences radio.

Le secteur aérien prend donc cette situation très au sérieux, d’autant que des drones de plus en plus grands et lourds sont désormais disponibles. Le risque est encore plus fort pour les avions de loisir, plus légers, qui volent plus bas. On comprend que la probabilité de croiser la route d’un drone inquiète.

Beaucoup d’incidents impliquent des drones, et tous ne sont pas répertoriés, raison de plus pour identifier une situation que cette proposition de loi tend à réglementer.

Selon un arrêté publié en décembre 2015, les drones ont, sauf dérogation, l’interdiction de survoler certaines zones, telles que les agglomérations, ainsi que les foules et, de manière générale, toute personne n’ayant pas été prévenue de la présence d’un drone. Certains sites sont également interdits de survol : les centrales nucléaires, les terrains militaires, les monuments historiques, les réserves naturelles, les parcs nationaux et, bien évidemment, les aéroports et aérodromes.

J’apporterai tout de même une précision : pour pouvoir voler en zone urbaine, il faut avoir suivi une formation spéciale et demander une autorisation à la préfecture.

En outre, un drone ne peut pas voler la nuit, même équipé de signaux lumineux, ni dépasser une altitude de 150 mètres.

Quant au pilote, il doit toujours être capable de suivre son appareil à l’œil nu, à moins d’être accompagné par une personne pour l’y aider. Enfin, la législation est très stricte en ce qui concerne les photos et vidéos que peuvent prendre les drones – une personne ne peut être filmée sans son autorisation explicite –, y compris pour certains bâtiments et monuments.

Cette proposition de loi tend à reprendre les conclusions du rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Les drones participent assurément de la révolution numérique. Leurs usages étant multiples, il convient donc de compléter notre cadre réglementaire par des dispositions législatives définissant la notion de télépilote, imposant une formation aux pilotes de loisir et obligeant les constructeurs à installer des dispositifs de signalement électronique et lumineux.

Par ailleurs, la commission a introduit à l’article 2 un régime d’enregistrement en ligne des drones. Elle a prévu la détention d’un titre de télépilote, exigible pour certaines activités exécutées hors vue.

À l’article 3, la commission a étendu l’obligation d’inclure une notice d’information sur l’usage des drones.

Enfin, à l’article 4, elle a introduit l’obligation d’emporter un dispositif de limitation de performances sur les drones dépassant une certaine masse circulant sans personne à bord.

Avec ce texte, nous comblons un vide juridique. C’est une première étape. Néanmoins, face à une technologie encore très évolutive, la législation devra s’adapter régulièrement. Les questions de sécurité, de préservation des libertés publiques et d’assurance pousseront notre pays à renforcer l’arsenal législatif.

La France, leader pour les drones civils, peut s’enorgueillir d’avoir construit un secteur industriel d’avenir, à évolution ultrarapide. De plus en plus de pays dans le monde utilisent ces nouveaux aéronefs. Dans ces conditions, il paraît décisif que notre pays, à travers une législation nationale mieux précisée, exporte aussi une législation utile pour tous les utilisateurs des drones à travers le monde. Aussi, le groupe socialiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les auteurs de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2014 et 2015, une vingtaine de sites sensibles français, abritant des activités nucléaires ou militaires, ont été survolés illégalement par des drones.

Notons aussi que l’utilisation croissante de drones militaires, commerciaux et de loisirs pourrait également entraîner des collisions entre ces appareils sans pilote et des avions de ligne, avec des conséquences catastrophiques. Un avion de la compagnie British Airways a d'ailleurs été concerné à l’aéroport international de Genève voilà à peu près un mois.

De plus, en cette période où la menace terroriste est à son paroxysme, ces vols représentent un risque réel et croissant. L’État doit agir rapidement.

La population découvre l’important potentiel des applications, autrefois réservées à la seule armée, des aéronefs sans passager à bord, qui sont très performants, extrêmement légers et vendus à des prix abordables. J’ai pu moi-même en faire l’expérience récemment.

Les drones de loisir et civils étant à la fois relativement nouveaux et leurs usages en plein développement, la réglementation dans ce domaine comporte certaines zones d’ombre. C’est la raison pour laquelle le Parlement doit s’adapter en encadrant davantage cette filière et en réprimant l’usage malveillant et illicite des drones pour mieux contrôler leurs utilisateurs.

Il faut légiférer intelligemment. La France doit mieux réglementer l’usage de ces aéronefs circulant sans personne à bord, non seulement pour ne pas mettre en danger l’aviation civile, mais également pour profiter de l’accès du grand public à cette technologie en vue d’attirer des entrepreneurs et des investisseurs à s’implanter durablement en France.

Il existe déjà 1 200 sociétés, essentiellement des PME et des TPE, qui travaillent dans la fabrication de ce type d’aéronefs, dont l’entreprise française Parrot, qui est l’un des leaders mondiaux en ce domaine. À l’horizon 2020, le marché potentiel pourrait atteindre 180 millions d’euros annuellement pour la France.

En dehors de l’usage militaire et civil, les drones sont essentiellement portés par la filière de l’audiovisuel et de la photographie, premier secteur d’activité ayant entraîné la création d’environ 50 % de petites sociétés d’experts ou d’auto-entrepreneurs.

À l’avenir, des perspectives de croissance importantes se dessinent dans les domaines de la surveillance, de la sécurité et de l’agriculture.

Élu, comme vous, monsieur le rapporteur, d’un département de montagne, la Haute-Savoie, j’estime que l’État devrait davantage utiliser les drones dans les milieux naturels difficiles d’accès. Cette technologie est l’occasion pour l’homme de limiter les prises de risques et l’empreinte environnementale.

Les drones pourraient ainsi être employés à titre préventif, en déclenchant par exemple des avalanches et en détectant les départs d’incendies ou la présence de pollutions. Les pompiers auraient, eux aussi, la possibilité de s’en servir pour évaluer des sinistres, pour la recherche et le sauvetage de personnes en difficulté en montagne et pour procéder à des largages de vivres, de médicaments et d’équipements dans le cadre de secours d’urgence.

Devant cet avenir économiquement prometteur pour la France, les acteurs de la filière ont toutefois conscience qu’un grave accident risquerait de lui porter un coup d’arrêt et d’obérer son développement. Les professionnels du secteur paraissent aujourd’hui majoritairement favorables à la mise en place d’une réglementation équilibrée, afin d’accompagner l’essor du marché.

Le texte qui nous est présenté n’est pas rigide et peut, comme la technologie, évoluer facilement, en concertation avec les professionnels. Il renvoie à des décrets pour la fixation de seuils qui ne seront pas nécessairement identiques et pourront évoluer année après année.

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, les membres du groupe de l’UDI-UC sont favorables à cette proposition de loi qui vise à la fois à prévenir les risques, et à identifier rapidement les drones coopératifs non menaçants, pour que la filière puisse poursuivre son développement sereinement. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 31 octobre 2014, six centrales nucléaires françaises étaient simultanément survolées illégalement par des drones. Quelques mois auparavant, un lycéen avait publié sur les réseaux sociaux des prises de vue aériennes de la ville de Nancy. Au cours de l’année 2015, un drone a survolé la Maison-Blanche tandis qu’un autre a transporté du sable radioactif sur le toit de la résidence officielle du Premier ministre japonais. Ce sont là quelques exemples d’une longue liste d’actes relevant le plus souvent de la provocation, voire de la démonstration, mais qui posent tout de même avec de plus en plus d’acuité la question des conditions d’utilisation des drones civils.

En effet, les survols illicites d’aéronefs sont de plus en plus courants. On peut aussi constater une diversification des cibles qui démontre un danger protéiforme.

Dans le contexte actuel où le risque d’attentat est particulièrement élevé, on ne peut que songer au dangereux potentiel des drones. Certes, les micro-drones et les mini-drones ne peuvent pas emporter de charges très lourdes, mais les équiper de matière radiologique, bactériologique et chimique n’est pas inconcevable aujourd’hui.

J’ajouterai à cela le recueil d’informations sensibles ou le survol des aéroports qui constituent aussi des actes malveillants particulièrement préoccupants. D’ailleurs, le groupe Air France n’a pas caché son inquiétude à ce sujet.

Si l’aéronef sans pilote ne date pas d’hier, puisque les premiers prototypes ont été réalisés au début du siècle dernier, la croissance fulgurante du marché des drones civils au cours de ces dernières années et leur perpétuelle évolution technique nous invitent à compléter une législation qui n’est pas inexistante mais se révèle assurément insuffisante.

L’objet de la proposition de loi de nos excellents collègues du groupe Les Républicains est de répondre en grande partie aux recommandations du rapport du Gouvernement remis au Parlement en octobre dernier. Aussi les dispositifs proposés vont-ils dans le bon sens.

Oui, l’immatriculation ou l’enregistrement en ligne me paraissent des obligations incontournables pour garantir une traçabilité des utilisateurs. En outre, je souscris au principe de la formation des télépilotes et à l’insertion d’une notice rappelant les règles à respecter. Ces mesures devraient conduire à une meilleure responsabilisation des propriétaires de drones. Je le rappelle à mon tour, l’ignorance de la réglementation suscite la majeure partie des survols illégaux, d’où l’importance de ce volet.

Ces dispositions sont d’autant plus nécessaires que la présente proposition de loi renforce le régime des sanctions. Désormais mieux avertis et théoriquement formés, les utilisateurs auront plus de mal à plaider la bonne foi, même si, nous le savons, il ne suffit pas de mettre un sens interdit à l’entrée d’une voie pour empêcher les contrevenants de l’emprunter. (Sourires.)

Enfin, il est prévu d’équiper les drones d’un signalement électronique et lumineux. Cette mesure est, elle aussi, tout à fait bienvenue. Toutefois, elle renvoie à une difficulté majeure relative à l’essor des drones : comment intercepter et neutraliser un drone hostile, même quand ce dernier est visible ?

M. le rapporteur l’a excellemment indiqué : la réglementation que propose le présent texte est avant tout préventive. Aussi le Gouvernement devra-t-il nous éclairer quant à l’état d’avancement des moyens de neutralisation de ces appareils.

Certes, la posture permanente de sûreté aérienne permet de déclencher des mesures actives en cas de survol irrégulier. Mais, nous le savons bien, ce dispositif est surtout adapté aux drones de grande taille. Il ne permet pas nécessairement de faire face aux mini-drones volant à faible altitude.

Madame la secrétaire d’État, où en sont les projets menés avec les industriels pour améliorer notre réponse capacitaire ? Les expérimentations seront-elles, comme prévu, possibles à la fin de l’année 2016 ?

Quoi qu’il en soit, en attendant les réponses technologiques au problème de l’interception des drones, il est à présent urgent de compléter notre législation. Les deux arrêtés du 17 décembre 2015 ont permis de rénover le cadre fixé en 2012. Mais ils ne suffisent pas à bien encadrer l’usage civil des drones.

Cette proposition de loi a le double mérite de combler des lacunes réglementaires sans pour autant brider le développement d’une pratique qui, les précédents orateurs l’ont rappelé, représente un enjeu économique.

Mes chers collègues, vous le savez, la France est, avec la Chine, leader sur le marché des drones. Il faut donc conserver un cadre intelligent et relativement souple, permettant de concilier à la fois la sécurité des zones sensibles de notre territoire et les intérêts d’une filière en croissance.

À cet égard, le présent texte garantit un très bon équilibre. Voilà pourquoi, sans surprise, les membres du RDSE le voteront, et ce à l’unanimité ! (Applaudissements.)