M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation du Bureau, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir de nouveau pour cet exercice annuel de bilan et de dialogue autour de la question, essentielle, de l’application des lois.

En premier lieu, je tiens à remercier M. Claude Bérit-Débat, l’ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat qui, grâce à leur expertise, nous permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et puissent se traduire en réalités concrètes pour nos concitoyens.

Je salue, à mon tour, la très haute qualité de cette réunion, notamment les communications des orateurs, et l’intérêt porté au débat par tous ceux qui y assistent.

Cet enjeu est au cœur des préoccupations du Gouvernement : outre la mise en place du Comité interministériel de l’application des lois, le CIAL, que je réunis deux à trois fois par an avec le Secrétaire général du Gouvernement – je tiens à l’en remercier, ainsi que l’ensemble de son service –, le suivi de l’application des lois fait désormais l’objet, chaque mois, d’une communication en conseil des ministres. C’est dire tout l’intérêt que le Président de la République et le Premier ministre portent à ce sujet. Cet exercice, diversement apprécié par mes collègues, est souvent comparé à un relevé des copies et à une distribution mensuelle de notes, mais il faut reconnaître qu’il a produit des résultats.

Ces bonnes pratiques, de même que les travaux conduits chaque année avec le Sénat, nous ont permis d’atteindre de bons, voire de très bons résultats, que vous avez soulignés.

Le taux d’application de l’ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature est, en effet, à ce jour d’environ 80 %, en hausse de 15 points par rapport à l’an dernier. Quant aux résultats concernant la dernière session, ils sont en hausse de 7 points par rapport à l’année précédente, avec un taux global d’application de 62 % au 31 mars 2016 pour les textes adoptés entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015.

La mobilisation des services doit donc se maintenir au plus haut niveau pour améliorer encore ces résultats, notamment en poursuivant la publication des mesures d’application des lois « Croissance », NOTRe, « Transition énergétique » et « Dialogue social ». Ces textes ont en effet tous été adoptés selon la procédure accélérée, ce qui justifie, vous avez été plusieurs à le relever, une diligence particulière de la part du Gouvernement.

Cette diligence est d’autant plus légitime que le Gouvernement a insisté politiquement sur l’importance structurelle qu’il accordait à ces textes.

Le taux d’application des propositions de loi est quant à lui en nette augmentation : il est supérieur de 9 points à celui des projets de loi.

Je regrette, en revanche, que le taux de remise des rapports reste très insuffisant. Seulement 59 % des rapports prévus ont été remis. Si je reconnais qu’il convient d’améliorer ce chiffre concernant les rapports dits « de l’article 67 », de très nombreux autres rapports continuent à être prévus dans les différents textes.

À titre d’exemple, la loi « Croissance » en prévoyait 17 et la loi « Transition énergétique » pas moins de 34 !

La multitude des rapports prévus par la loi engorge les administrations, qui sont en même temps mobilisées par la rédaction des textes d’application. Il est vrai que, au vu du contexte budgétaire, nous sommes assez chiches sur les moyens que nous leur accordons.

Je m’arrêterai quelques instants sur les trois sujets connexes évoqués par le président Bérit-Débat.

Le premier sujet, également abordé par Mme la présidente Michèle André et M. Canevet, est celui des ordonnances. Leur taux d’application est à ce jour de 86 %, un très bon taux : c'est la moindre des choses, la procédure des ordonnances ayant vocation à traiter des sujets revêtant une urgence particulière.

S’agissant de la suite donnée aux lois d’habilitation, vous citez, dans votre rapport, l’habilitation à prendre des mesures sur l’octroi de mer à Mayotte : ce sujet a finalement fait l’objet d’une loi relative à l’octroi de mer, promulguée le 29 juin 2015, c’est-à-dire dans le délai de six mois dont disposait le Gouvernement pour prendre les mesures par ordonnance.

Le deuxième sujet porte sur le taux de réponse aux questions écrites. Il est à ce jour de 73 % pour l’ensemble des questions posées par les sénateurs. Ce chiffre, bien qu’insuffisant, est en légère progression, grâce notamment au suivi régulier de ce sujet par le Secrétariat général du Gouvernement. Je rappelle moi-même très souvent à mes collègues qu’ils doivent impérativement répondre aux questions écrites dans les délais réglementaires.

Enfin, le troisième sujet est relatif aux questions européennes.

Monsieur le président Bizet, mesdames, messieurs les présidents de commission, mon collègue Harlem Désir m’a confirmé, comme il vous l’a indiqué dans un récent courrier, qu’il se tient à votre entière disposition pour les auditions que les commissions, notamment celle des affaires européennes, souhaiteraient organiser. Ces auditions pourraient avoir lieu, par exemple, préalablement à la tenue de conseils européens, en fonction de leur ordre du jour.

S’agissant des méthodes de travail et de dialogue entre le Parlement, le secrétariat d’État aux affaires européennes et le SGAE, une réunion doit se tenir avec des représentants des commissions des affaires européennes des deux assemblées, dans trois jours, dans les locaux du SGAE. Je ne doute pas que de nouveaux points d’avancée pourront être trouvés.

Je vais maintenant tenter d’apporter des éléments de précision sur les autres points abordés par les différents orateurs.

Monsieur le président Lenoir, le taux d’application de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte s’établit désormais à 54 %. Il convient en outre de noter que 6 mesures sont au contreseing, 27 sont actuellement soumises à l’examen du Conseil d’État et 25, regroupées en 13 décrets, sont en consultation obligatoire ou en concertation avec les parties prenantes, ce qui peut prendre du temps.

Le taux d’application devrait donc s’améliorer très sensiblement dans les prochains mois. Je n’entre pas davantage dans le détail, puisque vous aurez tout à l’heure un débat sénatorial de contrôle portant précisément sur ce sujet. Vous pourrez décortiquer l’affaire avec votre sagacité habituelle, monsieur le président Lenoir !

S’agissant de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, sur laquelle est également intervenu M. Collin, 82 mesures ont été prises sur les 99 prévues par le texte, ce qui représente un taux d’application de 82 %.

Je reprendrai les mesures que vous avez citées : la compensation agricole, de même que les mesures de contrôle sanitaire prévues à l’article 45, sont actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État. À la suite de nombreuses concertations, la publication du décret sur les registres agricoles est prévue pour le troisième trimestre 2016, après examen par la CNIL. Enfin, la saisine du Conseil d’État sur les mesures relatives aux déclarations de cession de médicaments vétérinaires, un sujet sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus, est prévue pour la fin du mois de septembre 2016.

Monsieur le vice-président Cambon, je vous remercie d’avoir relevé que le bilan de l’application des lois était globalement positif. Concernant les mesures restant à prendre sur la loi d’actualisation de la programmation militaire 2015-2019, 2 décrets, prévus par l’article 11 et relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires, qui est un sujet sensible, ont été rédigés et soumis au Conseil supérieur de la fonction militaire en décembre 2015. Les discussions interministérielles sont toujours en cours, mais devraient déboucher sous peu. Le projet de décret sur le port de l’insigne des blessés a été adressé au Conseil d’État le 2 juin dernier.

Quant au bilan annuel politique, opérationnel et financier des opérations extérieures, il n’a certes pas encore été transmis au Parlement. Toutefois, le ministre de la défense a très régulièrement fait le point avec votre commission sur les différentes opérations en cours, et des débats ont été organisés en application de l’article 35 de la Constitution. Le bilan annuel des opérations extérieures a également été abordé lors de la remise des rapports annuels sur l’exécution de la loi de programmation militaire, préalablement aux débats d’orientation des finances publiques de 2015 et de 2016.

Monsieur le président Milon, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi nécessitait 64 mesures d’application : 50 ont été prises, ce qui porte le taux d’application à 77 %.

Restent en attente de publication 14 mesures, dont 8 font l’objet de décrets qui ont été transmis au Conseil d’État le 6 mai dernier : ces derniers ne devraient donc plus trop tarder… Le décret portant reconnaissance des maladies psychiques comme maladie professionnelle est actuellement au contreseing et sera donc publié rapidement. Les dernières mesures restant à prendre risquent de voir leur base légale modifiée par le projet de loi « Travail ». Il est vrai qu’il arrive aussi bien à l’exécutif qu’au législatif de reporter d’un texte à l’autre certaines discussions. Je ne suis donc pas actuellement en mesure de vous donner précisément leur date de publication.

S’agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, 7 mesures sur 59 restent à prendre. Vous avez cité plusieurs points dans votre rapport. Je tiens à vous dire que les organismes de sécurité sociale ont été saisis le 2 juin du projet de décret encadrant l’achat groupé de vaccins. Le décret sera publié à l’issue de ces consultations.

Les mesures concernant les dotations pour l’amélioration de la qualité des soins sont en cours de finalisation et les caisses de sécurité sociale viennent d’en être saisies.

S’agissant de la régulation de l’offre de taxis conventionnés, un projet de décret a été rédigé, sur lequel la concertation avec la profession est encore en cours.

Madame la présidente Morin-Desailly, la loi du 17 avril 2015 relative à la modernisation du secteur de la presse est désormais totalement applicable, puisque la dernière mesure, prévue à l’article 18 de cette loi, a été publiée le 25 mai dernier.

Monsieur le président Maurey, je vais tenter de vous donner des éléments aussi complets que possible sur l’application de la loi de 2014 portant réforme ferroviaire, une loi qui est indiscutablement d’actualité et dont l’histoire reste à faire – j’espère que chacun ici pourra en goûter tout le sel ! Cette loi est à présent applicable à 89 %.

Trois mesures étaient en attente.

Le Conseil d’État a achevé d’examiner le décret relatif aux règles encadrant la durée du travail dans les entreprises de transport ferroviaire le 27 mai, qui devrait donc paraître dans les prochains jours.

Le décret prévu à l’article 12 est soumis à l’examen du Conseil d’État depuis le 26 avril, après avoir reçu un avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF.

La mesure prévue à l’article 7 a pris du retard, à la suite de la modification de cet article par la loi NOTRe ; son examen par le Conseil national d’évaluation des normes est prévu en juillet, pour une publication à l’automne.

Madame la présidente André, je ne pourrai malheureusement pas apporter de réponses à l’ensemble des points que vous avez soulevés, dont je ne manquerai cependant pas de faire part à mon collègue Michel Sapin. Ses services m’ont toutefois informé que la liste des revues de dépenses annexée au projet de loi de finances pour 2016 a été déposée le 25 janvier dernier.

Pour ce qui concerne les ordonnances, j’ai déjà apporté des éléments de réponse.

S’agissant de l’arrêté relatif à la taxe de séjour que vous mentionnez, il se trouve actuellement au contreseing et devrait donc être publié très prochainement. Toutefois, l’application du décret du 31 juillet 2015 relatif à la taxe de séjour, en tant qu’il prévoit une liste d’informations à publier issues des délibérations de taxe de séjour, ne modifie pas le régime d’entrée en vigueur de ces délibérations.

Conformément au principe selon lequel « les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État dans le département », les collectivités bénéficiaires sont donc en droit d’exiger des redevables le paiement de la taxe, quelle que soit la modalité, physique ou électronique, par laquelle a eu lieu l’intermédiation.

Monsieur le président Bas, permettez-moi de faire un point sur la mise en œuvre de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, que MM. Collin et Richard ont également mentionnée. Sur cette loi, applicable à 92 %, une seule mesure, prévue à l’article 8, reste à prendre : elle concerne les modalités et les conditions d’échanges d’informations entre les services de renseignement et les autorités administratives. Un décret en Conseil d’État est en cours d’élaboration et de consultation interservices. Il devrait être transmis au Conseil d’État au tout début de l’été.

Ensuite, concernant l’application de la loi de simplification du 16 février 2015, applicable à 90 %, les dispositions relatives à la formation des formateurs d’auto-écoles ont été prises par un décret du 30 mars dernier.

Je vous confirme que les dispositions relatives au tribunal foncier en Polynésie sont toujours en attente de décret, lequel est subordonné à l’aboutissement des travaux immobiliers et aux conclusions d’un groupe de travail mis en place par le garde des sceaux.

Messieurs Favier et Canevet, vous avez, à raison, rappelé les problèmes qu’engendre l’inflation législative.

Monsieur Canevet, je ne peux qu’être d’accord avec vous quand vous constatez quelle utilisation est faite de la procédure parlementaire, notamment du droit d’amendement. Nous menons ensemble un travail auquel le président Larcher est particulièrement attaché : permettre au Parlement d’être moins dans la posture et davantage dans le travail de fond. Certes, le Parlement vote les lois et le budget, mais il exerce aussi une fonction de contrôle. À cette fin, il faut du temps et de l’énergie. La multiplication d’amendements « secondaires » ne correspond pas toujours à notre volonté commune que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, ait un rôle pilote. Le travail qu’il fournit doit lui permettre d’être pleinement « actif », et ne pas donner simplement une image de blocage.

Vous avez pris l’exemple de la loi « Croissance », passée de 106 à 308 articles au fil des différentes phases de la discussion parlementaire. J’ai bien conscience de ce problème ; néanmoins, l’application de cette loi progresse : 96 mesures ont été adoptées sur les 116 à prendre, ce qui représente un taux très honorable de 83 %. J’ajoute que 10 décrets d’application de ce texte, portant 13 mesures, sont actuellement examinés par le Conseil d’État. J’espère que cette loi sera entièrement applicable avant la fin de l’année.

Madame Blandin, la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est aujourd’hui applicable à 100 %. Son dispositif sera adapté et complété à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Votre question portait plus précisément sur la désignation des membres de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement : ma collègue Barbara Pompili vous a indiqué, lors de la séance de questions d’actualité du 5 avril dernier, que la désignation de certains membres était encore attendue.

À ce jour, les membres du Conseil d’État et du Comité consultatif national d’éthique ont été désignés, et nous attendons de façon imminente la désignation de 2 sur 4 des membres des ministères de l’agriculture et de la recherche.

Monsieur Richard, la loi relative à la réforme du droit d’asile est applicable à 95 %. Le rapport d’application à six mois a été transmis au mois de février. Deux mesures sensibles restent à prendre, sur la transmission des données relatives à la vulnérabilité du demandeur d’asile et sur les informations à fournir en cas de refus ou d’abandon d’hébergement. Le décret a été rédigé et est en cours de consultation interministérielle.

Vous avez, à juste titre, pointé les différences de qualité du travail, peut-être liée à des moyens inégaux, qui peuvent exister entre ministères, notamment en matière d’expertise juridique et de rédaction des décrets. Nous avons essayé de mutualiser les moyens juridiques mis à la disposition de différents ministères. C'est à la fois du soutien et, le cas échéant, de l’accompagnement que nous avons mis en place dans des ministères qui pouvaient sembler « affaiblis » et démunis lorsqu’ils devaient préparer un monceau de décrets. C'est ainsi que nous avons essayé de réagir aux difficultés que vous avez pointées. Il faut faire le bilan de cette action, mais elle me semble s’inscrire dans l’évolution que vous souhaitez vers plus d’efficacité.

Pour conclure, je ferai un court point de prospective : d’importantes lois ont été adoptées depuis la fin de l’année 2015, qui entreront bientôt dans le « compteur » de l’application des lois en vertu du délai de six mois : outre les textes financiers de la fin de l’année, on peut notamment citer la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement ou la loi « Santé ». C’est avec vigilance que je suis l’avancée de la publication des mesures d’application de ces lois, notamment dans la perspective du bilan semestriel que nous effectuerons le 30 juin prochain et qui fera l’objet d’une communication en conseil des ministres au début du mois de juillet. Nous ne manquerons pas de vous en transmettre les résultats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre participation et de votre intérêt pour cette tâche éminemment importante pour la bonne gestion de nos lois et l’évolution du rôle du Parlement.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie, tout comme le président Bérit-Débat, les présidents de commissions et nos collègues qui sont intervenus. Ce débat a été utile, et il permet de prendre date par rapport au rendez-vous de l’année prochaine.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente salle Clemenceau, est reprise à seize heures quarante-cinq dans l’hémicycle, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Mise en œuvre de la transition énergétique en France

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « La mise en œuvre de la transition énergétique en France, un an après la loi n° 2015–992 du 17 août 2015, afin de pérenniser notre modèle énergétique, de garantir notre indépendance énergétique et notre compétitivité économique, tout en poursuivant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».

La parole est à Jean-Claude Lenoir, orateur du groupe auteur de la demande.

M. Jean-Claude Lenoir, au nom du groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’ouvrir ce débat que le groupe Les Républicains, que je représente à cet instant, a souhaité voir organisé au sein de cet hémicycle afin de faire le point sur la mise en œuvre de la loi de transition énergétique promulguée il y a presque un an, le 17 août dernier.

J’articulerai mes observations autour de quatre thèmes.

Premièrement, les objectifs affichés par le Gouvernement dans un certain nombre de secteurs touchant à l’énergie étaient à l’évidence trop ambitieux et, en définitive, irréalistes.

Il était prévu que nous diminuions la consommation d’énergie de 20 % d’ici à 2020 et de moitié d’ici à 2050. Or la consommation d’électricité a continué d’augmenter, entre 0,5 et 2 %, indépendamment des aléas météorologiques mais de manière cohérente avec la croissance de notre PIB, fût-elle modeste. La consommation des produits pétroliers a également continué d’augmenter, légèrement, mais elle a augmenté.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, leur part dans notre mix énergétique n’est pas à la hauteur de ce qui était prévu. Les chiffres sont très clairs : les énergies renouvelables représentaient 19,4 % de notre consommation en 2013 ; passée à 19,6 % en 2014, leur part est aujourd'hui de 18,7 %, c'est-à-dire que, contrairement aux volontés exprimées par le Gouvernement et aux ambitions portées par cette loi, leur part a en fait diminué.

Les objectifs fixés par le Gouvernement étaient également irréalistes pour ce qui concerne la part du nucléaire. Celui-ci représente aujourd'hui 77 % de notre mix énergétique, alors que, au cours des dix dernières années, sa part a oscillé entre 73 % et 78 % en fonction de la disponibilité des centrales nucléaires. Les premiers indicateurs soulignent que la tendance n’est donc pas celle qui était souhaitée par le Gouvernement et visée par cette loi.

Deuxièmement, la mise en œuvre de cette loi ne se fait pas au rythme qui était annoncé par Mme la ministre de l'énergie.

Participant au débat sur le bilan annuel de l’application des lois en tant que président de la commission des affaires économiques, j’ai précisé il y a quelques instants que 48 % des textes d’application relatifs à la loi de transition énergétique avaient été pris. Le secrétaire d'État M. Jean-Marie Le Guen m’a ensuite corrigé, avançant le chiffre de 54 %, et Mme Ségolène Royal, qui, ne pouvant être parmi nous, s’est excusée de façon extrêmement courtoise auprès des orateurs dans un courrier, annonce dans celui-ci le chiffre de 75 %. La différence est quand même extraordinairement importante, d’autant que, je le rappelle, Mme la ministre avait dit que tous les textes seraient pris avant la fin de l’année 2015, et que le Président de la République avait pour sa part annoncé, lors de la conférence gouvernementale sur l’environnement, en avril dernier, que tous les décrets seraient pris avant le 30 juin.

Madame la secrétaire d'État, sans entrer dans le détail des décrets d’application qui sont attendus, permettez-moi de souligner que la disposition concernant la programmation pluriannuelle, élément essentiel de la politique, nous intéresse tout particulièrement.

Certes, me direz-vous, les premières mesures ont été prises pour ce qui concerne le renouvelable, mais nous vous attendons sur le nucléaire ! Comment le Gouvernement va-t-il s’y prendre pour que, d’ici à 2025, la part du nucléaire passe à 50 % dans notre mix énergétique ? Comment le Gouvernement s’y prendra-t-il pour fermer la centrale de Fessenheim dans les délais qui ont été annoncés, c'est-à-dire avant les échéances de 2017 ?

L’un des prédécesseurs de Mme Ségolène Royal affirmait en 2013 qu’il fermerait Fessenheim en 2016, comme si un ministre pouvait fermer une centrale nucléaire ! Une telle décision implique le respecter un certain nombre de procédures et elle emporte des conséquences, notamment financières. La centrale de Fessenheim n’appartient pas qu’à EDF. Les Suisses et les Allemands en détiennent 30 %.

Les conditions dans lesquelles cette centrale peut être fermée, pas seulement arrêtée mais réellement fermée, sont particulièrement nombreuses et incitent à penser que, heureusement, la raison va l’emporter sur l’idéologie et que le Gouvernement ne sera pas en mesure de la fermer dans le délai qu’il s’était fixé.

La programmation pluriannuelle est également importante pour l’industrie nucléaire. À l’heure où le nucléaire est en train de repartir dans le monde, il faudrait en effet que la France, dont le savoir-faire est reconnu en la matière, puisse continuer à gagner des marchés, et c’est pourquoi nous sommes dans l’attente de cette programmation.

Troisièmement, les moyens que vous mettez en œuvre sont insuffisants. Cette loi de transition énergétique comporte deux volets majeurs : le renouvelable et la rénovation thermique des bâtiments.

Le financement des énergies renouvelables est notamment assuré par la fameuse CSPE, la contribution au service public de l’électricité. Celle-ci pèse si lourdement sur la facture d’électricité que la loi en a plafonné le montant à 22,5 euros, le reste étant financé par la taxation carbone.

Mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, j’appelle votre attention sur l’analyse qu’a faite la Commission de régulation de l’énergie, autorité incontestée. Le coût du renouvelables, qui sera donc subventionné, s’élève, pour la période 2014–2025, à 100 milliards d’euros ! Pour rappel, les cinquante-huit réacteurs nucléaires qui ont été installés en France ont coûté un peu moins de 100 milliards d’euros.

Aujourd'hui, on privilégie la subvention pour l’installation en faisant croire qu’ensuite l’énergie est gratuite, puisqu’elle est apportée par le vent ou par le soleil. Certes, la part du renouvelable a augmenté pour l’éolien et le photovoltaïque, le parc installé représentant 10 000 mégawatts pour l’éolien et de 4 000 mégawatts pour le solaire. Mais l’on fait souvent la confusion entre la puissance installée et la production d’énergie électrique. En effet, l’éolien représente aujourd'hui seulement 4,5 % de notre mix énergétique, et le solaire 1,6 %. Les 10 000 mégawatts représentent dix réacteurs nucléaires. Ces derniers produiraient dix fois plus d’énergie que le renouvelable.

Aujourd’hui, les moyens manquent. On nous dit : Il y aura la taxation carbone. Celle-ci va bien sûr peser sur les consommateurs. Ceux qui utilisent leur véhicule sont nombreux, et les hydrocarbures représentent tout de même les deux tiers de notre consommation. Or quand bien même cette taxation pèserait sur les carburants, elle serait insuffisante pour couvrir les besoins, qui sont, je le rappelle, de 100 milliards d’euros pour la production d’énergie à partir du renouvelable.

Pour ce qui concerne la transition énergétique, c’est clair – les chiffres, ce sont les vôtres, madame la secrétaire d'État –, cela va coûter entre 9 milliards et 10 milliards d’euros par an. Or les ressources affichées ne représentent même pas la moitié. Autrement dit, plus de la moitié, sans doute à peu près 60 %, du coût de la rénovation thermique des bâtiments sera à la charge des ménages. Je doute fort que ces derniers soient en mesure de supporter les conséquences de ces choix.

Devant cette situation, et ce sera ma quatrième observation, une autre politique s’impose. Dans quelques mois, l’occasion nous sera heureusement donnée de proposer aux Français de choisir.

Vous avez fait le choix d’une énergie chère, prenant exemple sur nos voisins allemands qui ont une énergie non seulement chère, mais en plus très carbonée puisqu’ils remplacent le nucléaire par le charbon.

Nous, nous faisons un choix clair : revenir entièrement sur les objectifs que vous vous êtes fixés non pas dans le domaine de l’environnement – nous avons, d’ailleurs, voté ces dispositions –, mais pour ce qui concerne la production d’énergie électrique et son financement. Ainsi, nous souhaitons revenir sur la diminution de la part du nucléaire à 50 % dans notre mix énergétique d’ici à 2025 et sur le plafond que vous avez fixé. Ce dernier obligerait à se séparer prématurément d’une centrale nucléaire (M. Claude Kern opine.) – j’ai parlé de Fessenheim –, dont l’Autorité de sûreté nucléaire, après les travaux réalisés par l’entreprise EDF, a approuvé la prolongation de l’exploitation pour une durée de dix ans. (M. Claude Kern opine de nouveau.)

Il nous faut une autre politique ! C’est la raison pour laquelle nous voulions ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)