M. Roland Courteau. Absolument !

M. Jean-Yves Roux. Mes chers collègues, la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, notamment en ce qui concerne la stratégie nationale bas-carbone, suit une trajectoire équilibrée, réaliste mais surtout volontaire. C’est ce cap qu’il convient de maintenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France dispose de l’un des tout premiers ensembles hydroélectriques sur les vallées de la Truyère et du Lot.

Aujourd’hui déjà, cet ensemble de concessions d’une puissance totale de près de 2 000 mégawattheures est stratégique pour la sécurité de notre approvisionnement en électricité. Demain, il pourrait constituer l’une des meilleures réponses au besoin de flexibilité du système électrique et un puissant levier de la transition énergétique française.

En effet, le concessionnaire en place serait en mesure d’y réaliser d’importants investissements. Il suffirait pour cela que l’État proroge ces concessions en retenant une durée raisonnable d’amortissement, ce à quoi l’article 116 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte l’autorise.

Pourtant, l’avenir de ces projets reste très incertain. En effet, la France a reçu le 22 octobre 2015 une mise en demeure de la Commission européenne lui demandant de mettre en concurrence une part significative des concessions aujourd’hui exploitées par EDF, afin de les attribuer à d’autres opérateurs, au motif que l’opérateur historique occuperait une position dominante sur le marché de l’électricité.

Mme Évelyne Didier. Je croyais pourtant qu’il fallait démanteler le service public de l’énergie ?

M. Alain Marc. Si aucune décision d’infraction à la législation européenne n’a pour le moment été prise par la Commission européenne à la suite de cette mise en demeure, rien ne permet à ce stade de rassurer les élus, les collectivités territoriales et les habitants des vallées concernées quant à l’avenir des concessions.

Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, ces investissements – plusieurs centaines de millions d’euros – auraient un fort impact sur nos territoires ruraux, en termes tant d’emplois que de fiscalité, et créeraient de nouvelles ressources pour nos collectivités locales.

Une procédure de mise en concurrence ferait courir le risque de voir ces investissements être reportés de plusieurs années, voire annulés.

EDF, puisqu’il faut bien nommer cette société, est depuis longtemps un acteur important de nos territoires. Les relations de travail avec cette entreprise sont souvent des relations de confiance et efficaces, qu’il s’agisse d’œuvrer pour le développement économique ou de partager l’eau stockée dans les retenues. Cette confiance patiemment établie serait une garantie supplémentaire pour la réussite de ces projets.

Madame la secrétaire d’État, l’arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables a fixé des objectifs très ambitieux en matière de développement des énergies éolienne et photovoltaïque pour notre pays. Il vise a minima à doubler le parc éolien et à tripler le parc photovoltaïque à l’horizon 2023.

Ces énergies étant de fait intermittentes et imprévisibles, leur intégration dans le réseau électrique ne sera possible que si notre pays développe en parallèle des moyens de production flexibles, capables de suppléer rapidement les variations du vent et du soleil. Ces moyens flexibles existent : ce sont nos grands barrages !

Aussi, je vous prie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir nous faire connaître la position du Gouvernement quant à l’application de l’article 116 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et plus particulièrement sa position sur la possibilité de proroger les concessions des vallées de la Truyère et du Lot – elles comptent pour plus de 10 % dans la production hydroélectrique nationale – dans le double intérêt de la transition énergétique et du développement de nos territoires.

Nous aimerions aussi connaître le degré d’implication du Gouvernement dans les négociations qui se déroulent avec la Commission européenne sur le sujet. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Ségolène Royal, retenue par d’autres obligations (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) et qui m’a demandé de la représenter devant vous. Je ferai de mon mieux pour être la plus complète possible dans mes réponses, et je ne doute pas que, lorsque la ministre de l’environnement viendra à votre rencontre, elle complétera ce qui n’aurait pas été parfait.

Avant de répondre plus précisément aux différentes questions, je voudrais vous adresser un message de la part de Mme la ministre, également présidente de la COP. Je souhaite en effet dire, même si certains d’entre vous en ont parlé, que six mois presque jour pour jour après l’adoption à Paris, le 12 décembre dernier, d’un accord universel sur le climat, la COP 21 a montré l’extraordinaire prise de conscience et la mobilisation au sein de la société tout entière et dans tous les pays du monde face aux défis liés aux enjeux climatiques. Il faut saluer cette énergie, d’autant que la France a permis d’aboutir à ce résultat.

La venue de 154 chefs d’État ou de Gouvernement le premier jour a donné l’impulsion politique et fixé le cap. Cette mobilisation s’est confirmée le 22 avril dernier à New York, avec la signature en un seul jour – c’est une fois de plus un record historique – par plus de 170 pays de l’accord de Paris.

Vous me l’accorderez, la mobilisation de la France pour la réussite de la COP 21 peut être saluée à plusieurs titres : d’abord, sous l’angle diplomatique, avec une équipe de négociateurs de talent ; ensuite, sous l’angle de l’organisation, irréprochable, seulement quelques jours après les dramatiques attentats du 13 novembre. On peut également saluer la sincérité de la France dans sa volonté d’agir pour la planète et ses habitants.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. De ce point de vue, l’adoption, dès le mois d’août 2015, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, riche, et ce grâce à vous, d’un débat parlementaire intense, a grandement contribué à asseoir la crédibilité de la France dans son rôle d’organisateur.

J’en viens aux points que vous avez évoqués tout au long de vos interventions.

La France a inscrit dans la loi sa contribution nationale à la lutte contre le dérèglement climatique. Vous le savez, l’accord de Paris a fixé pour objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés et de s’efforcer de la limiter à 1,5 degré. Cet accord prévoit que chaque pays mette à jour tous les cinq ans, de façon toujours plus ambitieuse, sa contribution nationale.

Le débat d’aujourd’hui est donc l’un des jalons du suivi de l’ambition que la France a portée au travers de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Vous l’avez rappelée dans vos interventions, parfois avec un peu de malice, mais toujours, je n’en doute pas, avec la volonté que nous allions plus loin.

Il s’agit de réduire de moitié la consommation d’énergie d’ici à 2050, de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici à 2030 et à 40 % dans l’électricité ainsi que de diminuer de 30 % le recours aux énergies fossiles. Un certain nombre d’entre vous ont exprimé des inquiétudes concernant cette part d’énergies renouvelables. Je rappelle que nous voulons au minimum doubler la puissance installée des éoliennes terrestres, tripler la puissance solaire photovoltaïque installée, multiplier par quatre la production de chaleur à partir de géothermie. L’ambition est forte, notamment avec l’éolien en mer, qu’il s’agisse de l’éolien en mer posé ou de l’éolien flottant, dont les premiers résultats de l’appel d’offres pilote seront annoncés dès le mois de juillet.

Le cadre de soutien aux énergies renouvelables est donc réformé, mais pour favoriser et accélérer encore ce développement. Ainsi, la publication d’un calendrier des appels d’offres vise, comme cela a été souligné, à donner plus de visibilité et la simplification des procédures d’appels d’offres permettra d’avancer plus vite.

Quant au financement de ces énergies renouvelables, sujet qui a également été évoqué, la CSPE, gelée à 22,5 euros par mégawattheure, ce qui reste inférieur à l’Allemagne, permet de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.

Ce texte sur la transition énergétique est également fondateur du fait de l’éventail des mesures qu’il comprend : il touche bien sûr à l’énergie, mais également à tous les champs de la vie quotidienne. Car l’enjeu est bien là : toute la société doit se saisir du sujet. Voilà pourquoi les questions liées au bâtiment, aux transports, à la production de biens ou de services, à l’économie circulaire ainsi qu’au traitement des déchets sont portées autour d’une gouvernance que nous avons souhaité partagée – cela est inscrit dans la loi –, incluant les investisseurs et les entreprises. Vous le voyez, c’est un nouveau modèle de développement qui est en train de s’opérer.

Mme la ministre Ségolène Royal a également fait de la mobilisation de la société civile, au niveau tant national qu’international, au travers de l’agenda de l’action, le fil rouge de son action pour le climat.

Vous le savez, élus, citoyens, entreprises ont bénéficié en France de moyens d’accompagnement techniques et financiers sans précédent. Je le dis avec d’autant plus d’aisance que, voilà peu, j’étais vice-présidente à l’énergie de la métropole de Lyon. À ce titre, j’ai assisté à la mise en œuvre de ce soutien financier aux actions à destination des territoires à énergie positive pour la croissance verte – 400 territoires sont concernés – et des 150 territoires zéro déchet.

Je citerai la mise en place et la pérennisation du crédit d’impôt pour la transition énergétique ou les aides de l’Agence nationale de l’habitat. Sur ce sujet important, y compris pour le secrétariat d’État à la ville dont je porte la mission, je m’arrêterai un instant. Aujourd’hui, dans tous les programmes, qu’il s’agisse du renouvellement urbain ou des actions de l’ANAH, est inscrite la question de la rénovation des bâtiments, avec des moyens dédiés à l’échelon national, mais également déployés par les collectivités qui s’y investissent. Il convient d’ajouter à cela le poids de la Caisse des dépôts et consignations.

Je tiens aussi à vous rappeler le soutien du programme d’investissements d’avenir aux technologies de la transition énergétique et la green tech, ainsi que le déploiement des appels d’offres pour les énergies renouvelables – j’ai déjà abordé ce point.

La création d’une prime, dont le montant pourra atteindre 10 000 euros, est prévue pour la conversion des véhicules les plus polluants. J’en profite pour donner quelques éléments de réponse à Louis Nègre sur la question des décrets liés aux véhicules.

Comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, la loi prévoit que les véhicules propres soient imposés aux collectivités locales, dans le cadre des renouvellements, notamment des bus. Sur ce sujet, nous travaillons à trouver un bon équilibre entre la protection de la qualité de l’air, dont l’exigence est élevée, et le coût que devraient supporter les collectivités. Pour ce faire, il semble important que le temps de la consultation soit conservé.

De même, le décret concernant les bus et les cars propres est en phase d’arbitrage après la consultation des acteurs que vous avez vous-même évoquée. Il est évident qu’il faut aussi réfléchir à la technologie des véhicules et pas simplement, vous l’avez dit, aux normes d’émissions, qui sont elles aussi actuellement en discussion.

Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la France sera dans quelques jours le premier pays d’Europe à ratifier l’accord de Paris. Celui-ci entrera en vigueur lorsque 55 pays, représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre, l’auront ratifié. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a donné des moyens d’agir.

Vous m’avez interrogée sur les cadres d’action.

D’abord, la stratégie nationale bas-carbone a été publiée dès le 15 novembre 2015. Elle est notre guide pour la transformation d’une économie encore trop conservatrice, notamment dans le bâtiment, les transports, l’industrie et l’agriculture. Elle contribuera à améliorer la compétitivité de notre économie.

Je le rappelle, les économies d’énergie, ce n’est pas simplement un dogme ; elles font baisser les factures de tous les consommateurs. Les énergies renouvelables, par exemple, font baisser nos importations d’hydrocarbures et améliorent notre solde commercial.

Les études économiques montrent que les actions entreprises dans tous les secteurs permettront d’augmenter la croissance de notre PIB de plus de 1,5 %, en moyenne, sur la période 2015-2035, et de créer plus de 350 000 emplois. Aujourd’hui, ce sont déjà 20 000 emplois qui ont été créés, comme cela a été rappelé.

La trajectoire inscrite en loi de finances pour le prix carbone nous place à l’avant-garde des pays du monde qui s’engagent, avec un objectif de 56 euros la tonne en 2020 et 100 euros en 2030.

Vous m’avez aussi largement interrogée sur les dispositions de la loi qui seront applicables un an après sa promulgation. Plusieurs chiffres, comme l’a indiqué M. Lenoir, ont été avancés. D’après les données les plus officielles possible, 56 % des décrets ont été publiés, taux qui grimpera à 80 % à l’issue de l’examen par le Conseil d’État – d’où la différence avec vos chiffres, monsieur le sénateur. En ce qui concerne les ordonnances, ce taux est déjà atteint.

Je ne vous ferai pas la liste exhaustive de tous les décrets et ordonnances déjà publiés.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est dommage ! (Sourires.)

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. J’en ai six pages devant les yeux. Si vous le souhaitez, je peux vous les lire, mais je suis sûre que vous ne me le demanderez pas. (Sourires.)

Parmi ces nombreux textes, je citerai les mesures relatives à l’individualisation des frais de chauffage qui permettent à chacun de maîtriser sa consommation, celles qui sont relatives à la création des sociétés de tiers-financement pour la rénovation énergétique, la création de certificats d’économies d’énergie dédiés à la lutte contre la précarité.

Quant à l’expérimentation du chèque énergie sur laquelle m’a interrogée M. Le Scouarnec, elle a lieu aujourd’hui dans quatre départements : l’Ardèche, les Côtes-d’Armor, le Pas-de-Calais et l’Aveyron. Une fois cette expérimentation achevée, un bilan en sera établi.

De plus, est paru le décret lié au cadre rénové du soutien financier aux énergies renouvelables, dit « complément de rémunération ». J’évoquerai encore la réforme des concessions hydroélectriques, sujet dont vous avez parlé, et l’obligation de reporting climatique pour les investisseurs publics.

S’agissant de nos consommations, sont prévus la suppression des sacs en plastique à usage unique, le cadre réglementaire des combustibles solides de récupération et la reprise par les distributeurs de matériels de BTP des déchets de chantier.

Sans vous avoir lu les six pages en question, vous avez une idée assez précise des mesures qui sont déjà parues.

Comme je vous le disais, dans quelques jours, les textes relatifs aux zones à circulation restreinte, aux véhicules propres et aux certificats qualité de l’air seront publiés.

Ainsi, toutes ces dispositions soutiennent l’économie, favorisent la création d’emploi et la croissance verte, comme le montrent les bons chiffres du bâtiment, des industries, des énergies renouvelables et de l’automobile.

Nous devons maintenant nous attacher aux mesures de plus longue haleine avec, comme en ont parlé MM. Maurey et Lenoir, la programmation pluriannuelle de l’énergie, sujet qui suscite tout votre intérêt et dont je rappelle qu’il mobilise plusieurs acteurs : les services de l’État, les entreprises, les collectivités territoriales.

Pour construire une programmation pluriannuelle de l’énergie, l’expérience a montré qu’il fallait prendre le temps de la concertation. Or je suis sûre que vous auriez reproché au Gouvernement de ne pas avoir utilisé plus largement la concertation si nous avions sorti une PPE à toute vitesse et dans l’urgence. Le comité de suivi est en place, vous le savez. Il donnera ses retours très prochainement ; votre impatience touche donc à sa fin.

Quant à la révision de la réglementation de la construction, qui remplacera la RT-2012, elle est bien engagée et fera également l’objet de premières orientations avant l’été.

Enfin, quelques dispositions ayant des conséquences sur le marché intérieur de l’Union attendent un accord de niveau européen et seront adoptées d’ici à la fin de l’année.

Vous le voyez, les échéances sont courtes : l’été pour une partie d’entre elles, la fin de l’année pour d’autres. Pour un texte aussi fondateur que celui que vous avez adopté, de telles échéances à un an paraissent somme toute raisonnables.

Vous m’avez enfin interrogée sur la question du nucléaire. Or je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que je fuis le débat.

Le Président de la République s’est effectivement engagé à initier la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Les décrets paraîtront d’ici à la fin de l’année 2016 pour retirer l’autorisation d’exploiter les deux réacteurs de la centrale. Bien sûr, la mise en œuvre effective de cet arrêt prendra au moins deux ans, ce qui nous amène à 2018.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État. Il faut le temps d’arrêter les réacteurs nucléaires, mais, à partir du moment où les décrets sont pris, les choses sont enclenchées et les discussions, qui sont indispensables, vont continuer avec la direction d’EDF.

Par ailleurs, cela a été évoqué à plusieurs reprises, le Gouvernement reste attaché à un mix qui regroupe à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables. Il ne s’agit pas d’opposer une énergie à une autre. Nous ne sommes ni en guerre contre le nucléaire ni en train de le défendre envers et contre tous. Pour réussir la transition énergétique, il faut pouvoir trouver les bons équilibres entre une énergie qui a été utile à notre pays et continuera de l’être et toutes les autres énergies possibles.

Monsieur Dantec, EDF investit déjà plusieurs milliards d’euros par an sur le long terme, non seulement dans le nucléaire, mais aussi dans les réseaux et les énergies renouvelables. Si l’entreprise doit s’adapter et améliorer sa compétitivité, le Gouvernement est attentif à sa situation et participera à une augmentation de capital. Donc, sur ce sujet, il n’y a pas lieu d’avoir d’inquiétude excessive.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous transmettre au moment où nous entrons dans la phase la plus active de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Vous le voyez, le Gouvernement agit, comme le montrent les décrets et les ordonnances, qui vont permettre à toute la société de se mobiliser.

J’ai bien compris, même à travers vos interventions les plus critiques – des critiques tout à fait constructives –, que vous étiez très intéressés par le sujet. La France est en effet à un tournant majeur et va même une fois de plus montrer l’exemple, comme elle l’a fait pour la COP, en adoptant un nouveau modèle de croissance économique et de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « La mise en œuvre de la transition énergétique en France, un an après la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, afin de pérenniser notre modèle énergétique, de garantir notre indépendance énergétique et notre compétitivité économique, tout en poursuivant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet ».

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Discussion générale (suite)

Économie bleue

Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour l'économie bleue
Article 1er bis A

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour l’économie bleue (texte de la commission n° 541, rapport n° 540).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour conclure l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue.

D’emblée, je tiens à féliciter toutes les parties prenantes, députés et sénateurs bien sûr, mais aussi l’administration et le Gouvernement, ainsi que l’ensemble des interlocuteurs du monde de la mer avec lesquels nous avons eu l’occasion d’échanger, d’avoir permis l’aboutissement, en un temps record, d’une commission mixte paritaire conclusive. Ce n’était pas gagné d’avance, même si, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous sommes d’accord pour mener le combat de la maritimisation de la France.

En effet, sur les soixante-dix-sept articles que comptait le texte transmis par l’Assemblée nationale, le Sénat en avait adopté trente-sept conforme et avait ajouté vingt-cinq articles additionnels. Restaient ainsi en discussion soixante-cinq articles, sur lesquels il a fallu trouver un accord.

Au total, la commission mixte paritaire a adopté vingt-huit articles dans la rédaction issue du Sénat, deux articles dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale et trente articles dans la rédaction issue de ses propres travaux. Parallèlement, elle a supprimé cinq articles.

Nous pouvons donc nous féliciter de l’apport du travail sénatorial, d’autant que nous avons examiné ce texte au mois de mars dernier dans un calendrier très contraint.

En 2009, le Grenelle de la mer avait permis d’énoncer de nombreuses propositions. Nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait pu en défendre ou en introduire certaines dans cette proposition de loi, en gardant à l’esprit cet objectif, partagé par tous : renforcer la compétitivité des activités maritimes de toutes les manières possibles.

Parmi les mesures emblématiques, figure l’autoliquidation de la TVA à l’importation dans les ports, pour laquelle le Sénat s’est battu. Cet article a été fermé à l’issue d’âpres débats avec le secrétaire d’État chargé du budget. Il y a urgence en la matière puisque, actuellement, 50 % des biens à destination de la France sont débarqués dans un port étranger. Malheureusement, cette part est encore appelée à croître.

Nous avons également revu les modalités de gouvernance des ports, en accordant davantage de poids aux grandes régions et aux investisseurs privés. Le but est de franchir une étape supplémentaire vers une autonomie réelle des ports. Pour autant, nous ne devons pas anticiper les travaux en cours sur les grands axes portuaires, et nous sommes parvenus à un juste équilibre avec nos collègues députés.

J’en viens au volet économique.

Nous avons conservé l’esprit de l’exonération de charges, ou net wage, tout en adoptant une version proposée par le Gouvernement à l’issue d’un vote confus. Ce dispositif a été amélioré par la commission mixte paritaire dans le sens d’une augmentation du nombre de contributions dont les armateurs sont exonérés et d’une définition plus précise du champ des activités concernées.

Quant à la responsabilité élargie des producteurs concernant les bateaux, la « REP navires », son entrée en vigueur différée de 2017 à 2018 a été conservée par la commission mixte paritaire. En revanche, le plafonnement de la contribution à 0,5 % du prix de vente du navire a finalement été supprimé, dans la mesure où il ne correspond pas nécessairement à la logique de la REP.

La solution élaborée par le Sénat au sujet des jeux de hasard embarqués a été conservée. L’équilibre ainsi retenu permet de n’installer à bord que des machines à sous et de répondre au problème de compétitivité sur les ferries transmanche sans pour autant menacer la réglementation générale des casinos à terre.

Un autre point important est l’obligation de capacité de transport des produits pétroliers. Le récent décret consacré à ce sujet n’était pas conforme à l’esprit du mécanisme adopté dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait pu élaborer une solution permettant de conserver une flotte stratégique complète combinant petits et gros navires, et ce dans le prolongement de nos travaux.

Je passe à présent au volet sécurité de cette proposition de loi.

Nous avons facilité le recours à des entreprises privées de protection des navires, en supprimant notamment la notion de zonage pour la circulation des armes à bord. Si cette notion peut être pertinente en matière de piraterie maritime, il n’en va pas de même pour la menace terroriste qui, par définition, ne s’inscrit pas dans une zone précise. C’est la raison pour laquelle la commission mixte paritaire a retenu une rédaction qui distingue les deux cas de figure. Ainsi, le dispositif se trouve stabilisé.

La commission mixte paritaire a également tenu à clarifier le régime de l’évaluation de sûreté dans les ports, dont la responsabilité relève de l’État au regard des standards internationaux. L’État peut autoriser un organisme de sûreté reconnu à assurer cette évaluation pour un port donné. Mais nous avons veillé à ne pas introduire de rupture d’égalité devant les charges publiques, en partageant les frais en deux parts égales entre l’autorité administrative et l’autorité portuaire.

Nous avons encore affiné les dispositifs prévus en matière de contrôles de sécurité et de sanctions applicables à bord des navires et dans les ports, en facilitant notamment les interpellations, gardes à vue et prises d’empreintes en cas de délit d’intrusion dans une zone d’accès réservé d’un port.

J’évoquerai rapidement le volet pêche et aquaculture. En la matière, peu de modifications ont été apportées, les mesures proposées étant plus modestes et faisant l’objet d’un large consensus. Je saisis cette occasion pour saluer à nouveau le travail accompli par Michel Le Scouarnec et par la commission des affaires économiques, qui a examiné au fond les articles relatifs à la pêche.

La commission mixte paritaire a simplement recentré le champ du rapport sur le pescatourisme, en fixant pour objectif d’élaborer un véritable mode d’emploi afin de diversifier les revenus des pêcheurs. En outre, l’information dans les restaurants quant aux zones de capture ou de production des produits aquacoles proposés aux clients a été de nouveau rendue facultative, afin de ne pas alourdir les obligations pesant sur ce secteur d’activité.

Parallèlement, la commission mixte paritaire s’est penchée sur le volet environnemental, que le Sénat a largement développé. À l’issue d’un long débat, elle a repoussé de 2020 à 2025 l’interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués, afin de permettre la mise en place d’une véritable filière de traitement et de récupération à terre.

À l’heure actuelle, le dragage fait déjà l’objet de procédures extrêmement rigoureuses pour que la pollution soit limitée. Des arrêtés de seuils sont pris par les préfets. Il s’agit désormais d’aller plus loin, en se fixant un horizon commun pour qu’aucun sédiment pollué ne puisse retourner en mer sans avoir été traité, et ce conformément aux engagements du Grenelle de la mer de 2009. Je me félicite que nous soyons parvenus à un accord sur cet horizon.

La commission mixte paritaire a également amélioré la transposition de la directive de 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. Elle a prévu, pour les navires, des objectifs clairs pour la mise en place de systèmes de distribution de gaz naturel liquéfié, ou GNL, et pour l’alimentation électrique à quai dans les ports. C’est un sujet important quand on connaît le niveau de pollution de l’air que subissent les ports et qui est régulièrement mesuré.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé quelques dispositions inopérantes que nous avions adoptées, comme l’extension du service minimum au transport maritime ou l’immatriculation au RIF, le registre international français, de tous les navires de pêche outre-mer. Au-delà des débats relatifs aux objectifs, ces dispositions exigent un travail juridique et une concertation plus approfondis en amont pour présenter une réelle portée opérationnelle.

Pour le reste, les modifications apportées en commission mixte paritaire visent surtout à améliorer les dispositifs proposés et à préciser leurs modalités d’application outre-mer.

Avant de conclure, je tiens à remercier notre collègue député Arnaud Leroy d’avoir donné l’impulsion nécessaire pour faire avancer des mesures attendues par le monde maritime depuis parfois plus de dix ans. Gardons cependant à l’esprit que ces mesures permettront au mieux de réduire le fossé de compétitivité qui nous sépare de nos concurrents. Il fallait certes commencer par là, mais on ne saurait se contenter de poser la première pierre en remettant au lendemain les choix difficiles.

Mes chers collègues, je l’ai dit au mois de mars dernier : à l’heure où les grandes puissances font réellement le pari de la mer, construisent de vraies infrastructures, explorent les fonds marins, affirment leurs revendications territoriales, développent les biotechnologies bleues et la recherche marine, nous avons l’obligation de définir une véritable stratégie maritime, servie par une vision politique ambitieuse en faveur de la croissance bleue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)