M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Jusqu’à présent, seules des collègues femmes se sont exprimées ; je tiens donc à signaler que je soutiens ces amendements, et ce pour au moins deux raisons.

Tout d’abord, les femmes sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses à vouloir s’engager dans des métiers assez inhabituels pour elles. Or certaines traditions propres aux univers masculins peuvent, malheureusement, créer un milieu parfaitement hostile pour toute femme qui souhaiterait intégrer l’entreprise en question.

L’adoption de cet amendement offrirait une protection à cet égard.

Par ailleurs, l’agression sexiste peut prendre des formes très variées. J’ai par exemple été conduit à dénoncer une publicité affichée dans les établissements d’une chaîne de salons de beauté – je ne citerai pas la marque. Le slogan, tout à fait désastreux, comporte des propos épouvantables concernant les femmes. Celles qui travaillent dans ces salons de beauté doivent le subir tous les jours, et c’est une véritable agression sexiste.

Voilà donc un amendement d’appel, dont l’importance est certaine : dans les entreprises, les femmes ne doivent plus être inquiètes à l’idée d’intégrer des milieux masculins, portant parfois, malheureusement, certains désordres ; dans des professions organisées en franchisés, tenus à l’obligation de publicité, elles ne doivent pas subir des publicités franchement désagréables.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Après que la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a prévu cette notion d’agissements sexistes, le présent projet de loi tend à préciser trois points, répondant, en ce sens, à votre préoccupation : un, le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes ; deux, les risques liés aux agissements sexistes feront désormais partie intégrante du champ de mesures de prévention incombant à l’employeur ; trois, le CHSCT devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.

Ici, nous évoquions la question spécifique du régime de la preuve, d’où la frontière entre agissements sexistes et harcèlement sexuel. (Mme Françoise Laborde opine.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Il ne nous avait pas échappé que le présent projet de loi comportait des mesures nouvelles, notamment l’introduction, dans le règlement intérieur de l’entreprise, d’un rappel de l’interdiction des agissements sexistes. Toutefois, aucune mesure coercitive n’est prévue derrière !

Certes, c’est marqué dans le règlement intérieur, mais que se passe-t-il si les agissements continuent ?

Je rappelle que les agissements sexistes prennent de nombreuses formes, certaines très violentes. Jean-Pierre Godefroy évoquait des publicités, mais cela peut être, quotidiennement, des plaisanteries (M. Jean-Pierre Godefroy opine.), attitudes ou comportements inacceptables de la part de certains collègues.

L’inscription dans le règlement intérieur n’est donc pas suffisante, et l’inversion de la preuve permettrait que les femmes concernées puissent se faire entendre, sans être mises en accusation et tenues de prouver les agissements.

Nous sommes favorables aux dispositions que vous avez insérées dans le texte à ce sujet, madame la ministre. Nous proposons simplement une mesure complémentaire, qui ne les bride en rien.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 292, 428, 464 et 927 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Articles additionnels avant l’article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 1er ter (Texte non modifié par la commission)

Article 1er bis

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 1154-1 du code du travail, les mots : « établit des faits qui permettent de présumer » sont remplacés par les mots : « présente des éléments de fait laissant supposer ».

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Une fois n’est pas coutume, l’insertion de cet article 1er bis dans notre code du travail représente une avancée pour notre législation en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.

Il s’agit, avec cet article, de créer un régime commun aux discriminations et aux harcèlements, afin de permettre aux plaignants d’apporter des éléments de faits constituant un faisceau de présomptions.

Aujourd’hui, le régime diffère selon qu’il s’agisse d’un contentieux lié à une discrimination ou à un harcèlement, moral ou sexuel. Dans le cas d’une discrimination, la personne doit présenter les faits, alors que dans le cas d’un harcèlement, elle doit les établir. Cela, bien évidemment, amoindrit les chances du plaignant de voir sa plainte aboutir car il est généralement très difficile d’apporter des preuves tangibles et directes dans les cas de harcèlement.

L’actualité récente nous enseigne que les « mœurs » évoluent, et que la société s’emploie désormais à dénoncer tout comportement abusif ayant trait à toute forme de harcèlement.

Pour encourager les victimes à dénoncer de tels délits, il est absolument nécessaire de faire évoluer notre législation en vue de libérer la parole et punir des comportements parfois trop longtemps tus, voire admis.

En outre, malgré les dispositions existant en la matière, la jurisprudence a procédé ces dernières années à un renversement de la charge de la preuve. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il suffit que le salarié ou la salariée apporte « des éléments laissant présumer » le harcèlement.

Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 30 avril 2009, que « le salarié n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ». Dès lors que le salarié ou la salariée établit des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

C’est pourquoi il nous paraît très important d’introduire cet article 1er bis, que nous soutenons.

Nous allons revenir sur ces éléments au cours du débat, mais il convient de noter qu’ils occupent relativement peu de temps, comparés à d’autres éléments de notre discussion. Il importe de s’y arrêter car encore beaucoup trop de femmes souffrent dans un certain nombre d’entreprises.

M. le président. L'amendement n° 248 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 1003, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 1154-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les références : « et L. 1153-1 à L. 1153-4 » sont supprimées ;

b) Est ajouté le mot : « moral » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel. » ;

3° Au deuxième alinéa, le mot : « tel » est supprimé.

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nos collègues députées qui sont à l’origine de cet article 1er bis souhaitaient « aligner le régime probatoire du harcèlement sexuel sur celui des discriminations ». Mais la modification introduite par l’article porte sur le régime probatoire commun au harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel.

C’est pourquoi le présent amendement de la commission vise à clarifier les régimes probatoires applicables au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.

Si nous ne revenons pas sur la volonté de l’Assemblée nationale d'assouplir le régime probatoire du harcèlement sexuel afin de mieux protéger les victimes, nous souhaitons en revanche conserver les règles en vigueur relatives au régime probatoire du harcèlement moral.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous proposez, monsieur le rapporteur, de distinguer le régime de la preuve applicable en cas de harcèlement sexuel et celui qui s’applique en cas de harcèlement moral.

Je comprends l’objectif. Il me semble, bien sûr, indispensable d’aligner le régime de la preuve en matière de harcèlement sexuel sur le régime de la discrimination.

Vous expliquez en quoi le même alignement du régime probatoire pour le harcèlement moral ne semble pas souhaitable. J’entends vos remarques et vous propose que nous prenions le temps, avec mes services, de les analyser, afin de nous assurer que nous ne retenons aucune mesure susceptible d’avoir un effet déstabilisateur.

À ce stade de la discussion, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1003.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 1er quater (Texte non modifié par la commission)

Article 1er ter

(Non modifié)

Au 2° de l’article L. 1321-2 du code du travail, après le mot : « sexuel », sont insérés les mots : « et aux agissements sexistes ».

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article est issu d’un travail de l’Assemblée nationale, notamment sous l’action de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il s’agit de prévoir le rappel obligatoire de l’interdiction d’agissements sexistes dans le règlement intérieur de l’entreprise. Nous y sommes bien entendu très favorables.

L’enquête sur les relations professionnelles entre les femmes et les hommes lancée, en juin 2013, dans 9 grandes entreprises françaises a mis en évidence une forte prévalence d’un sentiment de sexisme au travail, avec des répercussions en termes d’impact sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail.

Ainsi, 80 % des femmes salariées considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes. Près de 40 % des femmes en situation de management ont le sentiment qu’il existe à leur égard des attentes de comportements managériaux spécifiques. En outre, 90 % des femmes considèrent qu’il est plus facile de « faire carrière » pour un homme. Enfin, s’agissant de l’articulation des temps de vie, 50 % des femmes à temps partiel ont déjà entendu des remarques culpabilisantes.

À l’évidence, rappeler dans le règlement intérieur l’interdiction de tels agissements va dans le bon sens et pourra se révéler utile dans bien des cas.

Toutefois, notons que si cet article est nécessaire, il n’est pas suffisant dans le sens où le code du travail, à l’article L. 1311–2, ne rend le règlement intérieur obligatoire qu’en cas d’emploi habituel de 20 salariés au moins. Or sans règlement intérieur, pas de sanction !

En ce sens, il est nécessaire de rappeler que les agissements sexistes figurent dans la loi. La base législative repose sur l’article L. 1142–2–1 du code du travail, duquel résulte que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Rappelons en outre que l’employeur, indépendamment de la taille de son entreprise, a une obligation de sécurité, physique et mentale, à l’égard des salariés. Dès lors qu’il a failli à son obligation, il engage sa responsabilité.

À cet égard, il convient de préciser que l’employeur répond de ses agissements, mais également de ceux de l’un de ses salariés sur ses collègues.

M. le président. L'amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je mets aux voix l'article 1er ter.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 1er quinquies (Texte non modifié par la commission)

Article 1er quater

(Non modifié)

Le 7° de l’article L. 4121-2 du code du travail est complété par les mots : «, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».

M. le président. L'amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je mets aux voix l'article 1er quater.

(L'article 1er quater est adopté.)

Article 1er quater (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Articles additionnels après l'article 1er quinquies

Article 1er quinquies

(Non modifié)

À la fin de la deuxième phrase de l’article L. 4612-3 du code du travail, les mots : « et du harcèlement sexuel » sont remplacés par les mots : «, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Cet article est également issu d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’élargir les compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, afin de leur permettre de mener des actions de prévention des agissements sexistes.

D’un sexisme ouvertement hostile, à un sexisme « subtil », puis à un sexisme ambivalent, l’histoire du sexisme dans le monde du travail s’est déroulée « entre déni et réalité », comme le relève le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes publié le 6 mars 2015.

Les effets du sexisme sur la santé ont été notamment mis en évidence par le centre pour le leadership éthique de Melbourne, qui a réalisé une méta-analyse portant sur 103 travaux en psychologie sociale dans le monde.

Indépendamment des méthodologies utilisées, les études montrent que plus les femmes sont exposées à des événements sexistes, plus elles connaissent de hauts niveaux de détresse psychologique.

Les répercussions du sexisme sur les employés qui en sont victimes au sein des entreprises ne sont plus à prouver, mais, hélas, nous devons continuer à les dénoncer.

Faire en sorte que les CHSCT participent à cette démarche et puissent apporter leur contribution en matière de lutte contre les agissements sexistes est une chose tout à fait positive.

Notons toutefois que l’impact ne sera pas forcément celui que l’on escompte, compte tenu de la réduction importante des moyens d’action de cette instance, résultant de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi – la loi Rebsamen –, qui est venue modifier son fonctionnement.

Cette loi, nous le déplorons, réduit considérablement les prérogatives des représentants du personnel siégeant au CHSCT, ainsi que leurs moyens d’action, notamment en instaurant des délais préfixés au niveau de la procédure d’information-consultation obligatoire pour le CHSCT ou en donnant la possibilité aux employeurs de rassembler toutes les institutions représentatives du personnel au sein d’une délégation unique du personnel.

Malgré ces remarques, nous sommes favorables à cet article, et nous allons donc le voter.

M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 467, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 4612-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 4612-3. – Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement et suscite toute initiative qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1. À sa demande, l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel dans les entreprises et sur les sites regroupant plus de cinquante salarié-e-s. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article du projet de loi n’était pas, compte tenu de sa numérotation, compris dans le texte initial. Le fait qu’il y figure désormais marque au moins deux choses.

La première est sans doute liée au fait que l’existence de ce projet de loi a soulevé beaucoup d’interrogations et d’oppositions venant de larges secteurs de la population de notre pays. En effet, entre l’inversion de la hiérarchie des normes, la possibilité de licencier plus aisément en cas de simple réorganisation du processus de production, le recours au référendum, le chantage à l’emploi et la redéfinition du licenciement économique, il n’y avait jusque-là pas de quoi satisfaire les attentes des salariés.

C’est là que sont apparus, par la voie d’amendements, acceptés par le Gouvernement, mais, hélas, non votés par l’Assemblée nationale, ces articles, dont le présent article 1er quinquies, lequel prévoit de renforcer la faculté laissée au CHSCT d’organiser toute initiative ayant trait à la prévention et au repérage du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis au fil des articles précédents.

La première raison de l’existence de cet article est donc claire : il s’agit de modifier la donne sur l’ensemble de la loi en concédant, dans une actualité marquée par une affaire impliquant une personnalité publique, quelques avancées, limitées, mais de valeur exemplaire.

La seconde raison, c’est qu’il reste et demeure d’une portée normative limitée. Il ne fait que renforcer les facultés du CHSCT, sans accroître d’aucune manière les responsabilités de l’employeur sur ces questions essentielles.

La réalité du harcèlement moral et sexuel sur le lieu du travail a longtemps été déniée, alors même que nombre de situations complexes ont été observées et que le chantage sexuel a constitué, de tout temps, l’une des armes transgressives les plus puissantes utilisées par les employeurs pour faire valoir leur autorité.

Il importe donc que soient mises en place, partout où elles sont nécessaires, des structures d’accueil, d’écoute, de prévention du harcèlement. C’est le cas évidemment pour les entreprises dotées d’un CHSCT ou d’un comité d’entreprise, mais cela compte aussi pour les sites – je pense ici aux zones d’activités économiques, artisanales ou industrielles – pouvant rassembler au moins cinquante salariés en plusieurs établissements ou entreprises.

Là, nous aurions évidemment une véritable avancée du droit positif, profitable à tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Sur cet amendement n° 467, qui vise notamment à autoriser le CHSCT à demander la création d’une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel, il me semble que le ou la salariée éventuellement confronté à ce type de comportement peut naturellement se rapprocher de ses représentants, des membres du CHSCT ou de l’inspecteur du travail.

S’il fallait aller au-delà et mettre en place un pouvoir d’alerte spécifique, j’avoue que ma préférence irait à un dispositif tel qu’un numéro vert.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement tendant à proposer la création d’une instance dédiée. Pour autant, cela n’empêche pas de réfléchir à d’autres pistes, comme celle que je viens d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vais émettre un avis défavorable et vous en expliquer les raisons précises.

Le Gouvernement a œuvré dans le sens souhaité par les auteurs de l’amendement en faisant voter la loi du 6 août 2012, qui a précisé la définition du harcèlement sexuel, les obligations de l’employeur, ainsi que les missions des services de santé au travail.

Aujourd'hui, le délégué du personnel dispose d’un véritable droit d’alerte.

Consultés sur les mesures de prévention, les CHSCT peuvent aussi proposer eux-mêmes des actions de prévention du harcèlement moral et sexuel. De plus, le refus de l’employeur de mettre en œuvre ces mesures doit être motivé.

Faut-il aller plus loin et généraliser, comme vous le proposez dans cet amendement, les cellules d’écoute ? Je ne le crois pas parce qu’il convient, me semble-t-il, de développer les réponses propres à chaque situation.

Je voudrais vous donner un exemple très précis pour illustrer ma position. Actuellement, nous le savons bien, il faut non seulement prévenir mais aussi accompagner les victimes, démarche dans laquelle l’inspection du travail prend vraiment sa part.

Si je regrette que les remontées m’arrivent souvent tardivement, j’ai obtenu les données chiffrées concernant l’année qui a suivi le vote de la loi de 2012. En 2013, il y a eu 2 143 rappels à la loi, 57 % étaient relatifs à l’obligation pour l’employeur d’agir en vue de prévenir les faits de harcèlement, 26 % concernaient la protection du salarié contre le harcèlement sexuel, 17 % visaient l’absence de sanctions contre des agissements coupables. L’inspection du travail, qui a rendu de nombreux avis, a pris 105 décisions relatives à la suspension ou l’interdiction de recours à l’emploi d’apprentis, par exemple.

Les situations rencontrées par l’inspection du travail sont très diverses. Elles montrent l’intérêt de l’exercice du devoir d’alerte par les délégués de personnel.

Je vais vous donner un exemple très concret, celui d’une entreprise de reprographie de cinquante salariés située à Alfortville qui venait d’être rachetée. Elle illustre l’éventail de réponses proposées par l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui peuvent être mises en œuvre dans une situation de ce type.

À l’issue du rachat, les effectifs de l’entreprise ont révélé un vrai déséquilibre entre les hommes et les femmes, les hommes étant surreprésentés. La nouvelle présidente s’est alors trouvée confrontée à un conflit sexiste entre des salariés. Certaines jeunes salariées se plaignaient d’être l’objet de propos particulièrement dégradants de la part de leurs homologues masculins.

L’entreprise a mis en place un éventail d’actions. Outre un rappel des règles de conduite auprès des salariés et une campagne d’affichage sur le thème de la tolérance zéro, la direction a fait preuve de fermeté en procédant au licenciement des deux salariés à l’origine du conflit. Le personnel encadrant a également reçu une formation incitant à ne tolérer aucune incivilité dans chacune des équipes.

Une communication spécifique a permis de diffuser des notes sur le harcèlement dans tous les espaces et de conduire des actions de formation à destination de l’ensemble du personnel encadrant. Les effectifs de l’entreprise ont été rééquilibrés pour parvenir à une certaine parité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre d’un travail avec l’ANACT, les fiches de postes ont été refaites. Vous le voyez, c’est un vrai éventail de réponses qui a été mis en place, en lien avec la médecine du travail.

Je pense, contrairement aux auteurs de l’amendement qui proposent de généraliser une cellule d’appui au sein de l’entreprise, que chaque situation demande une réponse spécifique et un appui particulier. Pour ma part, je ne suis pas pour la généralisation. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Votre argument, madame la ministre, me laisse perplexe.

M. Jean Desessard. En réponse aux auteurs de l’amendement, qui proposent la création d’une structure dédiée à la prise en charge de la prévention, vous citez l’exemple d’une entreprise – une entreprise formidable ! – où tous les moyens adéquats sont mis en œuvre. Et vous concluez qu’il faut savoir adapter les moyens à chaque situation.

Franchement, quelle entreprise a la capacité d’agir comme cette entreprise de reprographie ?

M. Jean Desessard. Nos collègues du groupe CRC proposent la création d’une structure d’écoute et de prévention du harcèlement, laquelle structure pourrait mettre en place différents moyens, notamment ceux que vous avez évoqués. Vous rejetez cette proposition au motif qu’elle présente un caractère trop général par rapport à l’exemple que vous donnez. Vraiment, madame !

Quant au rapporteur, qui donne la préférence aux accords d’entreprise sur les accords de branche, il propose de régler les problèmes de harcèlement dans l’entreprise en mettant en place un numéro vert. C’est encore plus haut que la branche ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) C’est général. Voilà qui est formidable pour quelqu’un qui considère que c’est au niveau de l’entreprise que cela se règle ! Là, franchement, vous avez botté loin, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne vais pas laisser sans réponse le propos du sénateur Desessard.

Aux termes de cet amendement, « l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel… ». Je souhaite bien évidemment que les victimes puissent être accompagnées. Je n’ai absolument pas dit le contraire ! J’ai seulement voulu attirer l’attention sur le fait qu’il faut voir, selon chacune des situations, quelle est la meilleure réponse.

Je vous ai donné un exemple très concret qui montre qu’il y a plusieurs problématiques. Or si vous lisez attentivement l’amendement, monsieur le sénateur, vous voyez que l’employeur est tenu de mettre en place de façon systématique une instance d’écoute. C’est, comme je l’ai dit, la généralisation qui me pose une difficulté.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, dans une réponse précédente – je ne parle pas de celle que vous venez de faire à Jean Desessard –, vous avez contesté l’installation d’une cellule « d’appui ». Or, j’ai bien lu ce que proposent nos collègues et je constate qu’ils suggèrent la création d’une cellule « d’écoute et de prévention ».

Quand le rapporteur dit préférer un dispositif sous la forme d’un numéro vert, il lui donne une dimension nationale. Imaginons que le CHSCT propose un numéro spécial dédié auquel seraient affectées telles et telles personnes de cette instance, il apporterait la réponse variable qui conviendrait.

Donc, c’est un amendement modéré, raisonnable, intelligent,…