M. Alain Joyandet. Il s’agit d’un amendement d’appel, sans rapport direct avec l’ordre du jour.

Par cet amendement, nombre de nos collègues ont souhaité rappeler au Gouvernement que 9 millions de salariés dans notre pays ont bénéficié un temps des heures supplémentaires détaxées. Quatre ans plus tard, ceux qui ne bénéficient plus de ce dispositif le regrettent beaucoup.

Cet amendement vise à évoquer ce sujet, qui fait débat aujourd'hui.

Il est également l’occasion d’apporter la preuve que lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République, on travaillait plus pour gagner plus. Le risque de l’article 2 est que l’on travaille plus pour gagner moins !

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.

Mme Caroline Cayeux. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 901 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II. – L’exonération prévue au I s’applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :

« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.

« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.

« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.

« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »

III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de la discussion de la loi de finances, vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous sommes constants dans notre demande.

Cette mesure, prise lors du quinquennat précédent, répond à une aspiration profonde de la majorité de la population. Supprimée par l’article 3 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, elle constitue pourtant une mesure essentielle pour le pouvoir d’achat et pour la réhabilitation d’une conception positive et valorisante de l’effort. Elle est également de nature à accompagner la croissance alors que nous connaissons une reprise économique qu’il faut encourager par tous les moyens en notre possession. Elle permettrait ainsi de donner un coup de fouet à l’activité des entreprises, ainsi qu’au pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Cet amendement résulte d’une analyse réaliste des besoins de nos entreprises et des Français, qui ont exprimé un ras-le-bol fiscal. Il est de notre devoir de les entendre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces trois amendements ont la vertu indéniable de rappeler le dispositif qui a existé et qui a permis à de nombreux salariés de bénéficier bien des fois d’un véritable treizième mois. Nous regrettons que ce dispositif ait été supprimé d’un trait de plume en 2012.

On le sait, nombre de salariés travaillent 36, 37, voire 38 heures par semaine, soit plus que 35 heures. Ces heures supplémentaires étaient alors majorées et défiscalisées. Ce dispositif avait de nombreuses vertus.

Il est vrai que l’article 2 du texte a été modifié par la commission, qui a souhaité transformer la durée légale en durée de référence, laquelle sera discutée par entreprise ou par branche. Un amendement du groupe Les Républicains, dans le même esprit que les vôtres, tend à prévoir que la rémunération des personnes effectuant régulièrement des heures supplémentaires ne doit pas baisser.

La commission a demandé le retrait de ces amendements, présentés à titre d’appel. L’appel a été entendu, j’espère que la demande de retrait le sera également.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Ce débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires revient à chaque fois que le Parlement est amené à débattre du code du travail. Or le Gouvernement ne souhaite absolument pas revenir sur la suppression de la défiscalisation adoptée en 2012, tout simplement parce que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, votée en 2007, a coûté 5 milliards d’euros aux finances publiques de notre pays, qu’elle a eu les conséquences que l’on sait (MM. Michel Raison et Bruno Gilles s’exclament.) – elle en est du moins en partie responsable –, sans pour autant avoir la moindre efficacité sur la croissance…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Et sur le pouvoir d’achat ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … et sur l’emploi. Elle a en outre bénéficié le plus à ceux qui gagnaient déjà le plus et moins à ceux qui gagnaient moins à cause de l’effet de proportionnalité.

Il n’est donc absolument pas question pour nous de revenir sur la décision que nous avons prise en 2012 et que nous assumons pleinement, car elle correspond tout à fait à ce que nous souhaitions faire.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. L’amendement que j’ai cosigné vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Le code du travail est bien sûr indispensable. Pour sa part, la commission a essayé de flexibiliser mais sans précariser.

Je dois dire que les rapporteurs ont réalisé un travail extraordinaire. Ils ont écouté très longuement tous les syndicats, quels qu’ils soient, ce qui est normal. Aider les entreprises afin d’accroître leur compétitivité et de faciliter le commerce, augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs, c’est aussi tout de même pas mal.

La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a entraîné une diminution de salaire pouvant atteindre parfois 100, voire 200 euros ou plus par mois. Cette mesure était appréciée des salariés, car elle avait entraîné une hausse du pouvoir d’achat importante pour les familles. Je pense en outre qu’elle favorisait l’emploi et qu’elle était très adaptée pour les PME.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la loi TEPA de 2007, dans laquelle figurait cette mesure. Je m’en souviens, car j’ai été l’un des rapporteurs du texte. Cette disposition avait été examinée conjointement par la commission des finances et par la commission des affaires sociales. Nous l’avions alors adoptée avec un certain enthousiasme.

Contrairement à ce que vous affirmez, madame la secrétaire d’État, cette disposition a eu des résultats bien plus positifs que la politique conduite aujourd'hui par le Gouvernement. Compte tenu du taux de chômage dans notre pays et de la situation précaire dans laquelle se trouvent aujourd'hui nombre de salariés, vous êtes donc particulièrement mal placée pour nous donner des leçons en matière de gestion des finances publiques et de politique de l’emploi.

M. Alain Néri. Avec vous, ce n’était pas mieux !

M. Alain Vasselle. C’est une des raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous demandez le retrait de l’amendement que j’ai cosigné et de celui qu’a présenté Caroline Cayeux.

Nous l’annonçons dès à présent : nous redéposerons cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous reprendrons l’initiative, car il y a une attente forte dans ce pays, notamment de la part des salariés, lesquels ont très mal vécu la disparition de cette disposition.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Permettez-moi d’expliquer les raisons pour lesquelles je m’en tiendrai à l’avis du rapporteur et de la commission. On ne peut pas comparer la situation actuelle et celle de 2007, pour deux raisons.

En premier lieu, en 2007, les 35 heures étaient en vigueur. L’article 2 du projet de loi prévoit aujourd'hui une liberté sur les 35 heures et sur les modalités de rémunération du temps de travail dans l’entreprise, dans le cadre d’accords d’entreprise sur le temps de travail.

Dès lors, soit on consacre les 35 heures, auquel cas il faut sûrement mettre en œuvre la défiscalisation, qui est une mesure en faveur du pouvoir d’achat ; soit, comme le souhaite la commission, on assouplit le temps de travail et on sort des 35 heures, auquel cas la défiscalisation me paraît contradictoire. Je le dis clairement et nettement.

En second lieu, la situation des finances publiques n’a rien à voir aujourd'hui, mais alors rien à voir, avec ce qu’elle était en 2007. La défiscalisation est une dépense fiscale. Or, dans quelques mois, la dette publique tutoiera les 100 % du PIB. Pour redresser la France, il faut selon moi laisser une plus grande liberté à l’entreprise de s’organiser et de signer des accords d’entreprise, voire des accords de branche.

La défiscalisation doit être prise pour ce qu’elle a été : une bonne mesure, certes, mais liée à une conjoncture précise et aux choix du gouvernement de l’époque. (M. Jean-Pierre Leleux applaudit.)

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Nous voici parvenus à un moment important de notre débat.

Le projet de loi que nous examinons, qui vise à modifier le code du travail, a été adopté par l'Assemblée nationale avec le 49.3, ce qui a posé de nombreuses difficultés. Alors que ce texte nous paraissait assez complet au départ, certains d’entre nous trouvent qu’il a été un peu dénaturé après son passage à l'Assemblée nationale. Il nous arrive ici dans un contexte particulier, on l’a encore vu aujourd'hui, de révolte et de crainte.

J’essaie de tenir un discours très apaisé. La crainte que suscite ce texte tient au fait que certains sur nos travées sont encore dans une logique de lutte des classes. Même si la lutte des classes a fait ses preuves et apporté beaucoup de choses, force est de constater que le monde évolue et que des réformes sont nécessaires. On peut être réformateurs sans se situer obligatoirement du côté du profit, des patrons et contre les ouvriers.

On est réformateurs parce qu’on pense à ceux qui n’ont pas de travail. Certains ici défendent ceux qui ont un emploi, mais on peut aussi penser à ceux qui n’en ont pas. Notre travail est de réformer afin d’amener le plus de gens vers l’emploi, ceux qui sont le plus à plaindre étant les chômeurs et les plus exclus.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Roche. C’est pour cela qu’on travaille sur ce projet de loi.

Dans ce contexte particulier, le Sénat a effectué un travail sérieux, approfondi – les rapporteurs l’ont très bien fait –, qui n’a rien de provocant pour ceux qui acceptent mal ce texte.

Nous avons réfléchi à un assouplissement des heures de travail. Nous avons bien veillé à ce qu’il n’y ait pas de perte de salaire pour les gens effectuant des heures supplémentaires. Cela a été dit et sera redit lors de l’examen de l’article 2.

Dans ce contexte, nous pensons que la défiscalisation des heures supplémentaires n’a plus de sens. Dès lors, le groupe de l’UDI-UC suivra les conclusions des rapporteurs et ne votera pas pour cette défiscalisation. Ceux qui le souhaitent pourront de nouveau proposer cette mesure en d’autres temps, mais je pense que, compte tenu du contexte, ce n’est pas le moment aujourd'hui de l’adopter.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Notre collègue Alain Joyandet a dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et qu’il était nécessaire. Pour ma part, je me rangerai à l’avis du rapporteur, bien sûr.

Madame la secrétaire d’État, je ne sais pas si vous vous êtes rendue dans les entreprises après la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Je peux vous dire que certains ouvriers ont alors perdu entre 100 et 150 euros par mois. Nombre d’entre eux avaient voté pour François Hollande.

Vous dites, madame la secrétaire d’État, que vous ne reviendrez jamais sur cette mesure. Cela me fait penser à cette locution que l’on apprenait en classe de latin : errare humanum est, perseverare diabolicum ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Néri. Traduisez ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Joyandet, l'amendement n° 1 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Joyandet. Je précise que cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre excellent collègue Roger Karoutchi, a été cosigné par plus de cinquante sénateurs. Il ne s’agit donc pas d’une initiative individuelle.

Par ailleurs, j’ai pris la précaution d’indiquer qu’il visait à ouvrir un débat sur cette question. Lorsque nous avons envisagé de déposer cet amendement, nous ne connaissions pas exactement le contenu de l’article 2. Il ne sert donc à rien de lier cet amendement à l’article 2.

Mme la secrétaire d’État nous explique que la défiscalisation des heures supplémentaires a coûté 5 milliards d’euros. Mais combien a donc coûté votre million de chômeurs supplémentaires ? (M. Alain Néri s’exclame.) Vous avez fait beaucoup de choses, mis en œuvre les 35 heures, persuadés que la division du temps de travail créerait des emplois. Si c’était vrai, il y aurait beaucoup moins de chômeurs – n’est-ce pas ?

Les entreprises ont besoin de souplesse. Les socialistes parlent de flexisécurité. Or, avec ce texte, vous êtes en train de nous proposer de la flexibilité pour les entreprises sans prévoir de sécurité pour les travailleurs ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Cessez donc de nous donner des leçons et acceptez qu’on discute de bonne foi de ce qu’on pense être la bonne solution. Nous sommes un certain nombre à penser qu’une augmentation du temps de travail donnera du pouvoir d’achat en plus aux travailleurs tout en offrant de la flexibilité aux entreprises.

Tel est le fruit de l’excellent travail qu’ont effectué nos rapporteurs sur l’article 2, ce qui nous conduit à retirer cet amendement.

De grâce, cessez de nous donner des leçons sur tous les sujets où vous avez échoué chaque fois que vous avez fait quelque chose !

M. Alain Néri. Vous, c’était une réussite !

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

Madame Cayeux, l'amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?

Mme Caroline Cayeux. Je fais évidemment confiance à nos rapporteurs, dont l’avis est cohérent avec le texte. Il s’agit d’offrir de plus grandes possibilités de trouver du travail. À cet effet, les amendements de la commission sont plus percutants.

Dans cet esprit, et dans la droite ligne des interventions de mon collègue Joyandet et du président Retailleau, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 143 rectifié est retiré.

Monsieur Requier, l'amendement n° 901 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Nous présentons cette requête depuis longtemps, lors de chaque budget, mais me sentant désormais un peu seul (Sourires.), je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 901 rectifié est retiré.

L'amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent uniquement plus favorable. Ce taux ne peut être inférieur à 25 %. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. À travers cet amendement, nous souhaitons rétablir le principe de faveur en matière de majoration des heures supplémentaires.

Oui, il est nécessaire de moderniser, de fortifier même notre code du travail, mais cette modernisation ne peut se concevoir que si elle fait progresser le droit du travail. En effet, le code du travail a pour vocation de dire le droit en matière de travail, non pas de renforcer la compétitivité, comme on l’a vu à l’article 1er, ou même de créer de l’emploi.

À cet égard, une étude récente du FMI conclut que « la réglementation du marché du travail n’a pas d’effets statistiquement significatifs sur la compétitivité des entreprises ».

De plus, nous souhaitons maintenir l’effectivité de la majoration des heures supplémentaires au-delà des 35 heures, à un taux qui ne pourra être inférieur à 25 %. Contrairement à ce qu’affirmait Gérard Roche, il y aura donc bien une perte de salaire concernant les heures supplémentaires. En somme, nous souhaitons élargir la dérogation accordée aux routiers à l’ensemble des salariés, tout en revenant sur le plancher des 10 %. La preuve a d'ailleurs été donnée par M. Vidalies.

En effet, il n’est pas suffisant d’affirmer que vous reviendrez sur la majoration des heures supplémentaires et, dans le même temps, de décider un plancher obligatoire de 10 %. Le recul est évident puisque, jusqu’à présent, la norme était une majoration de 25 % assortie de dérogations. Cela est d’autant plus inacceptable que les secteurs consommateurs d’heures supplémentaires sont des secteurs à bas salaires. Pour un salarié payé au SMIC, l’employeur devra débourser moins de 1 euro par heure supplémentaire, une broutille qui le poussera à y recourir au lieu d’embaucher. Quant aux salariés, ils verront leur pouvoir d’achat baisser, mais cela ne semble pas vous choquer outre mesure.

De plus, et cela n’est pas à démontrer, le recours aux heures supplémentaires est un frein à la création d’emplois. Le Président de la République ne rappelait-il pas, il y a peu, que « Quand une entreprise pouvait payer moins cher une heure supplémentaire qu’une heure normale d’un salarié recruté, elle prenait l’heure supplémentaire au détriment de la création d’emploi » ?

Enfin, cette disposition dévalorise également la valeur travail, ce qui est une faute politique et morale pour un gouvernement de gauche ! (La gauche et la morale ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)