Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je rappelle que la situation des travailleurs dont les déplacements peuvent parfois excéder le simple déplacement domicile-travail et donc, a fortiori, celle des travailleurs n’ayant pas de lieu habituel de travail, est prise en compte par le code du travail et par la réécriture, inspirée par le rapport Combrexelle, à laquelle nous procédons aujourd'hui.

Il ne faut pas laisser croire que rien n’existerait pour prendre en compte ce temps de déplacement, qui fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La commission et le Gouvernement souhaitent maintenir cet équilibre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 899 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

M. Ladislas Poniatowski. Ça suffit avec les scrutins publics ! Et vous vous étonnez que les travées se vident !

Mme la présidente. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 255 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 42
Contre 295

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur, sur l’amendement n° 294.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mme Gillot, qui accomplit depuis de nombreuses années un travail important sur la question des personnes handicapées, a défendu un certain nombre d’amendements visant à améliorer le texte sur ce sujet, un souci partagé par un certain nombre de ses collègues.

Par cet amendement, elle souhaite faciliter la prise en compte du handicap dans le temps de déplacement professionnel des travailleurs handicapés. Cet amendement est tout à fait intéressant, à deux éléments près, sur lesquels il est peut-être possible de parvenir à un accord.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous interrompre, mais, en donnant l’avis du Gouvernement, Mme la ministre a indiqué qu’elle souhaitait une rectification de cet amendement.

Aussi, pour la clarté de nos débats, il me semble souhaitable que Mme la ministre nous expose dès à présent son souhait.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Bien entendu !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai indiqué précédemment que la rédaction proposée avec les termes « lorsque le temps de trajet est […] rendu pénible du fait d’un handicap » devait être modifiée.

L’amendement n° 97 rectifié ter de M. Mouiller prévoit précisément une contrepartie sous la forme de repos et non une contrepartie financière. Mais je pense qu’il serait souhaitable d’écouter Dominique Gillot, qui a, me semble-t-il, une proposition qui conviendrait parfaitement à la commission et au Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je remercie beaucoup le rapporteur d’avoir pris en considération les efforts conjoints de nombreux collègues sur ce sujet.

L’amendement n° 294 vise à prendre en considération les efforts fournis par une personne handicapée pour se rendre sur son lieu de travail. Effectivement, la contrepartie doit plutôt être sous forme de repos que sous forme financière. En l’espèce, l’amendement n° 97 rectifié ter de M. Mouiller est mieux rédigé que le mien.

Aussi, je retire mon amendement au profit de celui de M. Mouiller, qui prévoit d’ajouter un alinéa au lieu de compléter l’alinéa 19.

Mme Nicole Bricq. Vous voyez que nous ne sommes pas sectaires !

Mme Dominique Gillot. Ce faisant, les choses seront plus claires, pour une meilleure efficacité pour les travailleurs handicapés. Je vous remercie de votre bienveillance.

Mme la présidente. L'amendement n° 294 est retiré.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 97 rectifié ter.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement y est finalement favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. Une belle unanimité, mes chers collègues !

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 84 rectifié bis.

M. Dominique Watrin. Le groupe CRC est favorable à la suppression de l’article 2 du projet de loi et, en toute logique, nous nous retrouvons totalement dans cet amendement de fond visant à remettre en cause l’architecture même de cet article.

Je rappelle que l’article 2 énumère trois niveaux : ce qui relève de l’ordre public, ce qui entre dans le champ de la négociation collective et les dispositions supplétives.

L’amendement n° 84 rectifié bis, dont nous partageons les motivations de ses auteurs, tend à réaffirmer le principe de faveur : seul le rétablissement de ce principe permettra de protéger réellement les salariés des risques de dumping social.

Plus généralement, on assiste ici à une forme de dénaturation du code du travail.

Ce dernier n’a jamais été fait pour donner de nouveaux outils de flexibilisation aux employeurs. Il vise bel et bien à protéger les salariés, qui sont soumis à un lien de subordination. Cela ne signifie pas, comme nous l’avons dit, qu’il soit figé ad vitam aeternam et qu’il ne doive pas évoluer.

Je prendrai l’exemple du temps partiel, un mode d’organisation du travail qui s’est beaucoup développé, en particulier dans certains secteurs. Tout le monde connaît les problèmes d’organisation posés à ceux qui le subissent : beaucoup de contraintes pour, au final, un salaire extrêmement faible, c'est-à-dire, en définitive, peu d’avantages pour ces salariés.

Tels sont le vécu quotidien des salariés, leur souffrance quotidienne. D’ailleurs, sur des questions ayant une incidence directe sur les travailleurs, je regrette que Mme la ministre se soit livrée à un nouvel exercice d’autosatisfaction (Mme la ministre fait un signe de dénégation.), qui paraît, pour le moins, décalé.

À l’écouter, tout va bien en France ! Tout ce que fait le Gouvernement est bien : le pacte de responsabilité et de solidarité, les dispositions contenues dans ce texte. Tout va bien à 200 % ! Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Pour notre part, nous considérons que la voie choisie par le Gouvernement, notamment au travers de l’article 2, n’est pas la bonne. C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° 84 rectifié bis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote sur l'amendement n° 476.

M. Michel Le Scouarnec. Nous examinons un article essentiel de ce projet de loi.

En remettant en cause la hiérarchie des normes, en faisant en sorte que l’accord d’entreprise prime l’accord de branche, vous créez les conditions d’une concurrence sociale entre les entreprises, un véritable dumping social, qui aura pour effet de tirer vers le bas le niveau de protection des salariés.

À qui cette logique bénéficiera-t-elle ?

Soyons clairs. Les grands groupes tireront profit d’une telle inversion de la hiérarchie des normes. Les grandes entreprises seront les seules à avoir les reins solides pour dicter les règles sociales d’un secteur donné en tirant vers le bas leurs normes sociales pour gagner en compétitivité ; c’est incontestable.

Les autres entreprises n’auront d’autres choix que de s’aligner pour demeurer compétitives, avec, naturellement, des conséquences sur les relations entre les donneurs d’ordres et leurs sous-traitants. L’exacerbation de la concurrence aura des effets déplorables au sein d’un même secteur géographique. Bref, les conséquences sociales de cet article seront, nous le craignons, dévastatrices.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 476.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 256 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 29
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 477.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons que le temps de pause soit effectif.

Alors que j’ai cité, hier soir, un magasin de grande distribution, je prendrai aujourd'hui l’exemple de la société Airbus Nantes et Saint-Nazaire.

Avant même que ce texte ne soit adopté, la direction de cette société s’en est inspirée, obligeant ses salariés à pointer en bleu de travail, afin de gagner vingt minutes de temps de travail supplémentaire chaque jour pour faire face à une hausse de productivité.

Plutôt que de créer de l’emploi, ce grand groupe privilégie de faire travailler davantage ses salariés, qui n’auront qu’une faible contrepartie financière en retour, à savoir 3,60 euros de l’heure, soit 36 euros par mois, pour un salaire mensuel brut de 1 750 euros. Les salariés perdront en qualité de vie personnelle et familiale, et cette situation aura aussi des conséquences sur leur santé. Au total, ce sont 7 000 heures qui seront ainsi ponctionnées, avec le pointage des ouvriers en bleu de travail, quand une cinquantaine d’emplois auraient pu être créés. Voilà donc un exemple très concret.

Avec ce texte, vous allez plutôt renforcer la précarité des salariés et non pas créer des emplois. Pourtant, hier, plusieurs intervenants, sur toutes les travées, ont insisté sur la nécessité de lutter contre le chômage et de créer de l’emploi. Preuve en est, avec la possibilité offerte par ce texte, vous n’allez pas créer des emplois ; vous allez, au contraire, favoriser la précarité et, sans doute, la compétitivité des grands groupes. Or il ne me semble pas que le code du travail soit fait pour assurer une meilleure compétitivité des entreprises.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 477.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 478.

M. Dominique Watrin. Cet amendement porte précisément sur les questions de rémunération et de temps de pause.

Avant que chacun ne détermine son vote, je voudrais m’exprimer sur la philosophie sous-tendue par l’inversion de la hiérarchie des normes.

Notre point de vue n’est pas isolé. À cet égard, l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, qui représente de nombreuses TPE et PME, a parlé d’une erreur de méthode, ajoutant même que le projet de loi avait été en réalité beaucoup plus taillé pour les grandes entreprises.

L’UPA considère, elle aussi, que l’inversion de la hiérarchie des normes créera une nouvelle forme de concurrence déloyale entre les entreprises et incitera au dumping social.

Tel est le sens du présent amendement, à l’instar de nombreux autres que nous avons déposés, afin de répondre non seulement à un souci des salariés, mais aussi à un besoin de régulation exprimé régulièrement par les petites et moyennes entreprises.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 478.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 479.

Mme Laurence Cohen. Je rappelle que les astreintes sont déjà un régime très contraignant pour les salariés qui y sont soumis. En effet, le salarié d’astreinte, s’il peut vaquer à ses occupations personnelles, a l’obligation d’être à la disposition de son employeur ; il doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

Or la France est souvent condamnée par les instances européennes pour la non-conformité de son droit aux règles européennes en matière d’astreinte. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne estime que le temps d’astreinte doit être considéré dans sa totalité comme du travail effectif, dès lors que le salarié doit rester dans son milieu de travail ou à proximité de celui-ci. J’insiste sur la notion de proximité, car elle est absente de la définition inscrite à l’article 2.

Cet article prévoit aussi, dans son alinéa 39, que le temps d’astreinte s’impute sur les temps de repos quotidien et hebdomadaire. Or notre pays a été condamné à cet égard par le Comité européen des droits sociaux. On ne peut pas faire référence aux instances européennes quand ça arrange et ne pas le faire quand ça n’arrange pas !

Enfin, le projet de loi supprime l’exigence d’un délai minimal d’information sur la programmation des astreintes en mentionnant seulement un « délai raisonnable ». Nous souhaitons au contraire que l’emploi du temps du salarié soit rendu plus prévisible, afin d’assurer une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. La liberté, si chère à notre rapporteur M. Lemoyne, doit être offerte non seulement aux entreprises, mais aussi aux salariés !

Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à remplacer le régime des astreintes figurant dans le projet de loi par celui que nous proposons, plus protecteur des droits des salariés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 479.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote sur l’amendement n° 116 rectifié.

Mme Gisèle Jourda. La possibilité d’organiser le temps de travail différemment selon les jours de la semaine, les semaines du mois et même les périodes de l’année peut s’avérer très utile, notamment dans les entreprises soumises à de fortes variations d’activité. Reste qu’il est important de reconnaître aux salariés le droit à un temps libre prévisible. Les astreintes venant diminuer ce temps, elles doivent donner lieu à une contrepartie financière ou à un repos compensateur. J’estime que la contrepartie financière, ainsi que l’amendement vise à le préciser, doit représenter au moins le tiers du salaire dû pour un temps de travail égal.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 116 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 117 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 295.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 480.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 481.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 883 rectifié.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’invite les auteurs de l’amendement n° 883 rectifié à le retirer au profit de l’amendement du Gouvernement, qui a le même objet. En effet, dans la réécriture qu’ils proposent, ils ont malencontreusement supprimé les dispositions indiquant que la durée légale hebdomadaire du travail est de 35 heures et conservé seulement une durée légale annuelle.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 883 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 257 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 16
Contre 315

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 483.

Mme Annie David. Le débat sur cet amendement n’a pas pu avoir lieu hier soir, même s’il a été effleuré par M. le rapporteur Lemoyne lorsqu’il a exposé les avis de la commission.

Je rappelle que nous proposons non seulement de revenir sur la décision de la commission des affaires sociales en réinstaurant une durée légale de travail au lieu d’une simple durée de référence, afin d’asseoir en la matière une règle déterminée par le législateur, mais aussi de fixer cette durée à 32 heures par semaine. D’autre part, nous invitons le Sénat à maintenir le taux de rémunération des heures supplémentaires à 25 %, alors que le projet de loi le réduit à 10 %.

Nous sommes persuadés que lutter contre le chômage, qui ne cesse de s’aggraver dans notre pays, suppose non pas de faire travailler davantage les salariés qui ont déjà un emploi, mais de partager le travail tout en garantissant aux salariés une rémunération au moins égale à l’actuelle et en leur assurant un taux de majoration des heures supplémentaires maintenu à 25 % et appliqué dès la trente-troisième heure.

Tel est l’objet de cet amendement, que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin a fort bien défendu hier soir, mais sans que nous puissions en débattre. J’espère que nous allons en discuter maintenant. Car, oui, les 32 heures sont possibles, la situation économique nous le permet, ne serait-ce que grâce aux gains de productivité consécutifs à la modernisation, au numérique et à l’amélioration des conditions de production. Mes chers collègues, il faudrait que, les uns et les autres, nous soyons un peu plus persuadés de cette possibilité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Nous, écologistes, qui sommes en faveur de la redistribution du travail, ne pouvons que soutenir cet amendement du groupe CRC. En vérité, nous défendons une autre philosophie que celle qui consiste à travailler toujours plus pour être compétitif à l’échelle mondiale. Tout le monde va travailler plus à l’échelon mondial : une asphyxie va en résulter, qui entraînera un chômage élevé dans tous les pays. Comme si la solution n’était pas la coopération, non seulement en France, mais aussi aux niveaux européen et international !

Cette philosophie est toute différente de celle qui voudrait que la compétitivité passe par une concurrence acharnée entre les pays et le dumping social. Nous plaidons pour la coopération et le partage du travail !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. À l’invitation du groupe CRC, je tiens à préciser les propos que j’ai tenus hier soir.

Deux philosophies différentes sont, il est vrai, en présence. Celle qui inspire l’amendement n° 483 vise en quelque sorte à un rationnement : il s’agit en quelque sorte de couper des tranches plus fines pour qu’un plus grand nombre de personnes puissent avoir leur part du gâteau. Nous refusons cette logique malthusienne : nous considérons que l’activité crée l’activité et qu’il convient de lever un certain nombre de freins qui pénalisent les entreprises et, partant, leurs salariés ; nous pensons en effet que les premières et les seconds ont des intérêts communs. Ainsi, nous souhaitons baisser un certain nombre de charges et permettre à nos entreprises de se projeter dans la mondialisation.

Chers collègues du groupe CRC, vous présentez les 32 heures comme le remède au chômage. Pourtant, le passage aux 35 heures aurait permis de créer 300 000 emplois – si l’on admet le chiffre avancé par Mme la ministre, mais qui est discuté par les économistes –, alors qu’il y a entre 5 et 6 millions de chômeurs dans notre pays. Je ne pense donc pas que le passage aux 32 heures serait de nature à résorber le chômage de façon pérenne !

Ce sont des mesures de type structurel qui permettront de ramener un grand nombre de personnes vers l’emploi, par exemple des allégements de charges ; d’ailleurs, de tels allégements ont été consentis, de manière pour ainsi dire temporaire, dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Je maintiens par conséquent l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Au moins, monsieur le rapporteur, avons-nous un débat sur cette question, qui nous paraît essentielle.

Comme l’a très justement signalé Mme David, nous voyons s’opposer deux conceptions de la société. Un certain nombre de nos collègues, qui ne siègent pas tous sur les travées de la droite, pensent qu’il faut non seulement ne pas sanctuariser les 35 heures, mais même augmenter ce temps. D’autres, dont nous sommes, estiment que, parce que nous sommes en 2016 et que le progrès nous permet de disposer de moyens technologiques extraordinaires, il faut réfléchir différemment : en d’autres termes, permettre à chacune et à chacun de travailler et de travailler en se formant, c’est-à-dire de bénéficier d’une sécurité de l’emploi et de la formation, et aussi d’avoir un temps de travail nettement réduit, afin de pouvoir s’épanouir et cultiver des loisirs. La vie n’est pas dans le « travailler toujours plus » !

Monsieur le rapporteur, vous avancez des chiffres pour prétendre que les 35 heures ne seraient pas probantes. D’abord, il faudrait dresser un vrai bilan de la façon dont les 35 heures ont été mises en place. Ensuite, il faudrait voir si toutes les entreprises pouvaient jouer ce jeu-là. De fait, un certain nombre de conditions n’ont pas été et ne sont pas respectées !

Il paraît tout de même assez incongru qu’on ne poursuive pas aujourd’hui une dynamique, une réflexion issues de l’après-guerre. On a décidé alors qu’il fallait travailler moins et on a réalisé un progrès social extrêmement important. Et voilà que nous, aujourd’hui, restons prisonniers d’un schéma très stéréotypé : nous refusons de sortir de nos rails et d’essayer d’envisager un autre modèle !

Il y a bel et bien deux conceptions de la société qui s’affrontent. La modernité est du côté de celles et de ceux qui pensent que le travail peut être émancipateur et qu’il faut réduire le temps de travail pour toutes et pour tous ! (Mme Annie David applaudit. – Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce débat mérite en effet que l’on s’y arrête.

Nous sommes tous d’accord pour constater que nous vivons dans un monde et une société qui bougent beaucoup, sous l’effet notamment des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Productrices de gains de productivité colossaux, celles-ci sont aussi utilisatrices de ressources toujours plus savantes fournies par les femmes et les hommes qui travaillent avec elles. Le développement de ces technologies requiert par conséquent non seulement une intensification de la formation, mais aussi un renforcement du partage, de la coopération et de la mise en commun.

Plutôt, donc, que de subir une mondialisation qui chaque jour blesse davantage, parce qu’elle repose sur une fuite en avant dans la compétitivité et la concurrence, réfléchissons à mettre l’intelligence humaine et les nouveaux gains de productivité au cœur d’une nouvelle organisation du travail, qui nécessitera évidemment une nouvelle organisation entre les pays, au plan européen comme au plan mondial.

Il est évident que ces nouveaux gains de productivité doivent revenir à celles et ceux qui en sont les producteurs et les inventeurs, dans le cadre de procédés de production de plus en plus intellectualisés.

Mes chers collègues, imaginons la nouvelle organisation du travail dont la société a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 483.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 258 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 29
Contre 311

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 484.

Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 483. Il vise en effet à rétablir les 35 heures de travail par semaine et à revenir à une durée légale de travail plutôt qu’à une durée de référence.

Ainsi que je l’évoquais dans mon propos introductif, nous sommes donc bien favorables, comme nos collègues du groupe socialiste et républicain, à un retour à une durée légale du travail de 35 heures, disposition qui a été supprimée par la commission des affaires sociales.

Cependant, à la différence de nos collègues socialistes, nous souhaitons maintenir à 25 % le taux de majoration des heures supplémentaires. Nous n’acceptons pas que le taux de majoration des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail soit abaissé à 10 %.

Alors, certes, notre amendement est en retrait par rapport au précédent : nous acceptons un retour aux 35 heures de travail par semaine et abandonnons de fait le passage aux 32 heures. Toutefois, j’insiste sur le fait que nous voulons non seulement les 35 heures, mais aussi le maintien du taux de majoration des heures supplémentaires à 25 % !

Or, malgré ce qu’a affirmé Mme la ministre dans son intervention liminaire, ce n’est pas le cas ! Le texte du Gouvernement autorise en effet les entreprises à abaisser le taux de majoration des heures supplémentaires à 10 % en cas d’accord d’entreprise. De notre côté, nous le refusons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 484.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 956.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à rétablir la durée légale de travail à 35 heures par semaine.

En commission, la majorité sénatoriale a souhaité, sous couvert de réécriture, revenir au totem favori de la droite, c’est-à-dire la suppression de l’horaire légal de travail, pour lui substituer un horaire de référence, qui n’a évidemment absolument pas la même portée.

J’aimerais que la droite assume clairement son choix de supprimer l’horaire légal du travail, car cette décision a pour effet de supprimer le droit reconnu aux salariés de comptabiliser leurs heures supplémentaires au-delà de 35 heures, ce qui est pourtant très important.

La droite demande ainsi, et de manière très nette, de travailler plus pour gagner moins ! Pourtant, j’avais compris qu’elle préférait l’antienne que nous avions notamment entendue à l’occasion de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, lors du débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires, selon laquelle il faut redonner du pouvoir d’achat aux Français – en vérité, comme nous le disions alors, il s’agissait d’en redonner aux plus riches bien sûr, même si la droite ne le disait pas trop – et travailler plus pour gagner plus !

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous revenez donc sur la mesure que vous avez défendue pendant cinq ans avec la loi TEPA !

C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain demandera un scrutin public sur l’amendement du Gouvernement, qui rétablit l’horaire légal de travail à 35 heures par semaine, ce qui constitue pour nous aussi un totem !