Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

… L’article 39 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Afin de tenir compte des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, à la hausse comme à la baisse, les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement une clause de révision de prix. La liste des matières premières agricoles et alimentaires rendant obligatoire l’introduction d’une telle clause est précisée par décret.

« La clause prévue au deuxième alinéa fait référence à un ou plusieurs indicateurs publics d’évolution des coûts de production en agriculture, notamment ceux publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » ;

La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement, qui vise à rétablir un article supprimé en cours de discussion à l'Assemblée nationale, prévoit que les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement des clauses de révision de prix faisant référence aux indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture. La rédaction de l’article 18 du décret du 25 mars 2016 ne suffit en effet pas pour imposer de manière assez large des clauses de révision de prix dans ce type de marché public.

Notre agriculture n’obéit pas à des logiques tenant uniquement aux cours des marchés mondiaux : elle supporte aussi des charges liées à des réalités économiques françaises ou, au minimum, européennes. Cette rédaction n’est donc pas du tout adaptée au marché agricole.

Le texte renvoie au décret la liste des marchés concernés. La clause de révision de prix est laissée à l’appréciation de l’acheteur. Il convient naturellement que cette clause soit en relation avec la fourniture qui est l’objet du marché.

Mme la présidente. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Le septième alinéa de l’article 42 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les services sociaux et les services spécifiques mentionnés à l’annexe XIV de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, ces modalités peuvent être limitées aux publications d’avis de marché et d’attribution ; »

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° 98 rectifié qu’a défendu Philippe Adnot.

Il s’agit de la fourniture par les avocats de services juridiques autres que ceux qui sont expressément exclus par l’article 10 de la directive : le texte européen les retient dans la liste des services spécifiques de l’annexe XIV et prévoit, d’une part, leur exclusion du champ de la directive lorsque leur montant est inférieur à 750 000 euros et, d’autre part, leur soumission aux règles spécifiques énoncées aux articles 74 à 77 de la directive lorsque leur montant est égal ou supérieur à 750 000 euros.

L’article 42 de l’ordonnance relative aux marchés publics rappelle que, lorsque la valeur estimée hors taxes du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens, le marché public est passé suivant une procédure formalisée. En deçà de ces seuils, il doit être recouru à une procédure adaptée ou, lorsque les conditions sont remplies, à une procédure négociée.

La rédaction actuelle de l’article 42 aurait pour conséquence d’écarter ces règles européennes et de renvoyer à un décret les conditions et les modalités selon lesquelles sont passés de tels marchés de services juridiques. Il est pourtant dans l’intérêt même des pouvoirs adjudicateurs, au premier rang desquelles les collectivités locales, de s’inscrire dans la lignée de la directive et de prévoir une procédure allégée pour ces marchés de services juridiques dès lors, notamment, que les obligations de publicité et de transparence demeurent applicables, que le marché des services juridiques se caractérise par une importante asymétrie d’information et que la participation de l’avocat, professionnel du droit, à la définition des besoins de droit de la personne publique est essentielle.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 111 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Grand, Milon, Houel, Morisset et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Bizet, Mme Deromedi et MM. Laménie, Masclet et Pellevat.

L'amendement n° 227 rectifié bis est présenté par M. Kern, Mmes Gatel et Goy-Chavent, MM. Guerriau, Longeot, Luche, Canevet et L. Hervé et Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 11 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié bis.

M. Alain Vasselle. Les alinéas 11 à 13 de l’article 16 bis ont provoqué une certaine émotion au sein de l’Association des maires de France.

Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, article relatif aux interdictions de soumissionner facultatives aux marchés publics.

L’amendement adopté par la commission des affaires économiques a pour objet de faire converger la définition du conflit d’intérêts avec celle de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Si cet objectif de cohérence législative est compréhensible, il se heurte néanmoins à une difficulté d’application dans le cas précis traité par l’article 48 de l’ordonnance relative aux marchés publics, qui porte sur les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles se trouveraient des opérateurs économiques candidats à la passation d’un marché public.

Or la définition du conflit d’intérêts de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 n’a de sens que concernant les élus ou personnes chargées d’une mission de service public qui, en raison de leur fonction, sont soumis à une obligation d’abstention. Elle ne peut être rendue applicable aux entreprises qui sont candidates à un marché public.

Mais peut-être y a-t-il dans tout cela des nuances à propos desquelles M. le rapporteur nous éclairera…

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 227 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Il vient d’être excellemment défendu par M. Vasselle.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 69 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Revet, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud et MM. D. Laurent et Pellevat.

L'amendement n° 201 rectifié bis est présenté par MM. Médevielle, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. Cigolotti, D. Dubois, Luche, Canevet, Lasserre et Gabouty.

L'amendement n° 369 est présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Au premier alinéa du I de l’article 52, le mot : « objectifs » est remplacé par les mots : « comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux » ;

La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié bis.

M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet une modification purement formelle du I de l’article 52 de l’ordonnance.

Comme au 2 de l’article 67 de la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics concernant les critères d’attribution des marchés, il convient d’utiliser la notion de « critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné » plutôt que celle de « critères objectifs », dont la formulation sujette à interprétation rend l’utilisation restrictive.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l'amendement n° 201 rectifié bis.

M. Olivier Cigolotti. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 369.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur et M. le ministre devraient être très sensibles à cet amendement que vient de brillamment défendre M. Vasselle.

Dans ce genre de textes – vous avez, monsieur le ministre, produit cette ordonnance –, on trouve souvent des adjectifs dépourvus de tout sens.

« Significatif » est un magnifique exemple de ce type d’adjectifs. Que voudrait dire : « Mon cher collègue, ce que vous avez dit est significatif » ? Absolument rien ! Il en va de même pour « objectif » appliqué à « critère ». Qui parlerait de « critères non objectifs » ?

Il serait tout de même bizarre d’inscrire dans la loi des critères ne relevant pas de l’objectivité, d’où ces amendements cosignés par plusieurs de nos collègues siégeant sur diverses travées de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Ma position sur les amendements qui font l’objet de cette longue discussion commune a été très simple. Elle a consisté à reprendre systématiquement le travail effectué par la commission des lois depuis plus d’un an sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, dont l’excellent rapporteur est notre collègue André Reichardt. Ce travail transversal a fait l’objet d’un accord unanime.

La commission a poursuivi un objectif clair, et tous les avis en découleront : atteindre un meilleur équilibre entre les marchés allotis, qui sont plus facilement accessibles aux PME, et les marchés globaux, qui doivent être réservés à des opérations de grande ampleur.

L’avis est évidemment défavorable à l’amendement n° 622 rectifié du Gouvernement, car il revient à faire fi de 80 % des propositions de modification de la commission.

M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 12 rectifié bis et 63 sont satisfaits dans la mesure où l’ordonnance définit déjà précisément les critères permettant de recourir à un marché global, l’allotissement restant le principe. L’avis sera donc défavorable si ces deux amendements n’étaient pas retirés.

L’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis, lesquels tendent à réintroduire le dispositif des offres variables. Il n’échappera en effet à personne – en tout cas, cela n’a pas échappé à la commission – que ce dispositif est trop défavorable aux PME et va à l’encontre du principe de l’allotissement. Ce principe permet en effet aux grands groupes de proposer des prix de gros sur plusieurs lots et d’obtenir ainsi un avantage compétitif sur les PME.

L’avis est également défavorable, étant rappelé que je ne fais que retracer la position de la commission, qui a des axes de pensée clairs, sur tous les amendements qui réduiraient excessivement la boîte à outils à la disposition des acheteurs publics pour mener une politique d’achat cohérente. Je rappelle d’ailleurs qu’il s’agit uniquement et simplement de facultés que les acheteurs publics, qui sont des personnes responsables, utilisent en fonction de leurs besoins.

L’avis est ainsi défavorable sur l’amendement n° 364, qui vise à créer un seuil de 50 millions d’euros pour les marchés globaux, seuil qui n’existe pas en l’état du droit.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’empêche pas de le créer !

M. François Pillet, rapporteur. Pour autant, sur ce point, à la demande de la commission, je solliciterai des précisions de la part de M. le ministre, puisque les seuils ont été fixés par décret et lui demanderai des assurances sur le montant de ces seuils, qui pourraient évoluer à la hausse.

M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 365, 366, 367 ainsi que les amendements identiques nos 68 rectifié bis et 200 rectifié limiteraient considérablement le champ des marchés globaux de performance ou des marchés de conception-réalisation en introduisant une condition de complexité que le juge est bien en peine d’apprécier en pratique : cette condition de condition de complexité est une source de complexité dans la jurisprudence !

M. Éric Doligé. Absolument !

M. François Pillet, rapporteur. Prenons le cas de la Cité municipale de Bordeaux : le tribunal administratif considère en 2015 que le chantier n’est pas complexe ; six mois plus tard, la cour d’appel rend un jugement exactement contraire. Il y a donc là une cause d’insécurité juridique que je vous engage à ne pas encourager, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi il y a deux ordres de juridiction !

M. François Pillet, rapporteur. Oui ! Pour autant, quand les critères sont simples, les deux ordres de juridiction s’accordent sur leurs effets !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans ce cas, cela ne sert à rien qu’il y ait deux ordres de juridiction !

M. François Pillet, rapporteur. J’ajoute, pour vous rassurer, que l’ordonnance ne me paraît pas favoriser le recours aux marchés de partenariat. Il existe certes un critère de recours plus étoffé, mais qui prend toujours incidemment en compte, de par sa nature même, l’urgence et la complexité.

La commission préférant éviter de trop compliquer les choses, elle a émis un avis défavorable sur ces amendements.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 368, qui vise à supprimer tous les marchés globaux sectoriels, ce qui est plus restrictif que le droit en vigueur. Je rappelle que la commission – je parle sous le contrôle de notre collègue Reichardt – a déjà veillé à encadrer ce secteur en supprimant les marchés globaux de revitalisation artisanale.

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. François Pillet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, monsieur Sueur, la commission est défavorable à l’amendement n° 378, par lequel vous souhaitez ajouter un critère de complexité aux marchés globaux sectoriels.

L’amendement n° 150 sur les marchés agricoles me semble satisfait par le décret d’application de l’ordonnance relative aux marchés publics, qui prévoit des clauses de révision de prix pour tous les marchés dont la durée d’exécution est supérieure à trois mois.

La commission est défavorable à l’amendement n° 99 rectifié, pour les raisons que j’ai évoquées s’agissant des marchés d’avocats.

De même, l’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 111 rectifié bis et 227 rectifié bis. On ne peut avoir deux définitions juridiques différentes pour une même notion. Ce ne serait bon ni pour la cohérence de notre jurisprudence ni pour celle de notre droit.

Enfin, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 69 rectifié bis, 201 rectifié bis et 369, qui tendent à préciser les critères d’attribution possibles. Nous craignons que cela n’induise des effets d’a contrario non désirés. Mieux vaut laisser une marge de manœuvre aux acheteurs.

Je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir émis des avis défavorables sur toute cette kyrielle d’amendements…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis, qui visent à rétablir la possibilité, pour les acheteurs publics, d’autoriser les offres variables conformément à la directive de 2014 sur la passation des marchés publics. Il ne me semble pas de bonne méthode de priver les acheteurs de ce mécanisme utile.

Le Gouvernement est également favorable aux amendements identiques nos 111 rectifié bis et 227 rectifié bis, qui visent à revenir à la définition des conflits d’intérêts figurant dans l’ordonnance relative aux marchés publics, seule conforme aux directives.

Je ne peux être favorable à l’amendement n° 367 que si M. Sueur accepte de ne conserver que l’obligation de l’identification de la maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire le II, et de supprimer le I. Comme je l’ai dit, le Gouvernement souhaite éviter de durcir les conditions de recours aux contrats globaux de performance au point de les rendre impossibles en pratique.

Le Gouvernement est en revanche défavorable aux amendements nos 12 rectifié bis, 363, 14 rectifié bis, 364, 365, 366, 68 rectifié bis, 200 rectifié, 368, 378, 150, 99 rectifié, 69 rectifié bis, 201 rectifié bis et 369, qui bouleversent l’équilibre auquel nous sommes parvenus dans cette réforme.

Pour mémoire, l’évaluation préalable n’est pas réservée qu’aux partenariats public-privé, elle est aussi prescrite pour les marchés publics de plus de 100 millions d’euros. Ce dispositif couvre donc un champ plus large que l’étude préalable avec laquelle il ne faut pas le confondre, même s’il peut se substituer à cette dernière.

Afin d’assurer la solidité du dispositif, nous avons décidé que la nouvelle mission d’appui au financement des infrastructures, dite Fin Infra, appuiera les porteurs de projets en remplacement de la mission d’appui aux partenariats public-privé, la MAPPP, souvent vue comme poussant aux PPP.

En capitalisant sur l’expertise des projets qui lui sont soumis, Fin Infra réalise déjà des études très utiles. C’est donc pour aller dans votre sens que nous avons créé cette nouvelle structure. Nous voulons éviter les études multiples, parfois illisibles, avec une expertise incertaine, trop en amont des projets.

Mme la présidente. Monsieur sueur, acceptez-vous la modification suggérée par M. le ministre ?

M. Jean-Pierre Sueur. Non, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 622 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe ne votera pas cet amendement.

Lors de nos travaux en commission des lois, nous avons unanimement adopté un certain nombre de modifications allant dans le sens d’un meilleur cadrage des marchés globaux et des partenariats public-privé. Nous regrettons que ce travail ne soit pas pris en compte comme il devrait l’être.

Monsieur le ministre, c’est une bonne chose d’en avoir fini avec le statut ambigu de la MAPPP. Je vous en donne acte. Cette structure, censée réaliser des évaluations, était en fait une officine de propagande habitée par le ministère de l’économie et des finances pour faire en sorte de multiplier les PPP. Son principal inspirateur était une sorte de croisé des PPP que je rencontrais dans de nombreux colloques, avant de me lasser de ces réunions où je servais quelque peu d’alibi…

Peut-être pourriez-vous, à votre tour, me donner acte du fait que mener une étude préalable – dans le cadre d’un marché public, d’un PPP ou autre – sans savoir qui sera candidat ni à quelles conditions revient à comparer quelque chose dont on ne sait rien avec quelque chose dont on ne sait rien. Il en résulte toute une littérature effrayante. J’ai lu un certain nombre d’études préalables sur les universités, et je ne cesse de m’étonner que l’on ait pu payer un tel prix pour que des cabinets produisent une telle littérature.

Enfin, permettez-moi d’insister lourdement, car je crains que vous ne mainteniez cet amendement. Les représentants des artisans du bâtiment, des PME et des ETI nous ont tous alertés en premier sur la question des offres variables. Si les lots changent en fonction des intérêts de la cause, la règle du jeu n’est pas correcte.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Je remercie la commission, à travers son rapporteur, ainsi que M. Reichardt, d’avoir été attentive aux travaux de la mission commune d’information sur la commande publique.

Je peux comprendre l’amendement du Gouvernement : nous avons sans doute besoin d’une expertise juridique complémentaire, notamment sur la définition du conflit d’intérêts. Il nous sera toutefois difficile de le faire dans les minutes qui viennent…

Je soutiens globalement la position de la commission des lois et je souhaite apporter un argument supplémentaire contre cet amendement : la suppression du huitième alinéa permettrait de nouveau à la SNCF d’échapper au régime de droit commun des marchés publics, ce contre quoi notre mission commune d’information s’était battue. Il me semble nécessaire, dans une logique de défense des PME, que la SNCF accepte de procéder par allotissement. Or je constate avec surprise qu’elle repart à l’assaut pour tenter d’échapper à ces dispositions.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Bien évidemment, je ne voterai pas cet amendement. Je tiens cependant à vous rendre hommage, monsieur le ministre, de nous avoir présenté vos arguments. Sachez toutefois que je suis drastiquement opposé à certains d’entre eux, notamment s’agissant des offres variables.

Vous allez avoir du mal à nous expliquer comment un dispositif d’offres variables pour plusieurs lots contribue véritablement à un équilibre entre l’allotissement et les autres formes de marchés publics. Il s’agit vraiment, comme l’a dit M. Sueur, d’un casus belli pour les petites et moyennes entreprises et les TPE. Si elles vous savent gré d’avoir cherché un certain équilibre, elles ne peuvent absolument pas accepter ce dispositif d’offres variables. À titre personnel, j’aurais souhaité conforter cet équilibre. Malheureusement, vous refusez de suivre la position de la commission des lois.

Par ailleurs, si vous vouliez véritablement faire œuvre utile, il eût été préférable de déposer des amendements de suppression, article après article, plutôt que de présenter un amendement package. Ce faisant, vous donnez le sentiment de ne pas vouloir tenir compte du travail consensuel de la commission des lois, ce que je regrette.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais soutenir l’idée de la variabilité.

Certains de nos collègues disent qu’un tel dispositif ne respecte pas les PME, les TPE ou l’artisanat. Qu’à cela ne tienne, ces entreprises peuvent se regrouper ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elles y ont tout intérêt. J’ai d’ailleurs pu observer qu’elles le faisaient de plus en plus. Cela permet, par exemple, de ne pas avoir à payer pour chaque nouvelle installation de chantier et d’éviter un surcoût qui n’a pas de fondement économique.

Nous débattons fréquemment du passage des PMI en ETI ou des PME en entreprises plus substantielles. Nous avons intérêt à ne pas laisser les grands groupes tout prendre et préempter pour sous-traiter, mais un tissu économique composé de micro-entreprises hyper spécialisées n’est pas aussi résistant qu’un maillage d’entreprises moyennes.

Nous avons besoin de consolider le passage de la TPE à la PME, qui permet, dans la durée, d’absorber les chocs en matière de formation et de ne pas faire appel, comme on le voit dans beaucoup de chantiers, à des travailleurs détachés.

Nous avons donc besoin de consolider cette armature et de favoriser, à travers la coopération entre TPE ou artisans, l’émergence de PME de taille intermédiaire.

J’ai toujours soutenu l’artisanat dans le bâtiment. Je considère que c’est lui rendre service que de l’obliger à coopérer pour éviter les surcoûts liés à des activités trop alloties et émiettées.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais dissiper un malentendu : la SNCF est touchée par cette réforme, dont les dispositions concernent l’ensemble des acteurs de la commande publique. C'est la raison pour laquelle je ne peux vous rejoindre, monsieur Reichardt, sur le sujet des offres variables. Vous demandez à des acteurs, tels que la SNCF, non seulement de respecter des règles auxquelles ils n’étaient pas soumis jusqu’alors, mais aussi de se passer des offres variables. Voilà qui est d’une rigidité extrême.

Nous cherchons à élargir et à clarifier le cadre de la commande publique en intégrant l’ensemble des 1 300 pouvoirs adjudicateurs. Je veux vous rassurer sur ce point, monsieur Bonnecarrère : la SNCF, comme les autres acheteurs que j’ai cités, est bien concernée par cette réforme.

Cela étant, il est évident, pour les raisons que vient de rappeler Mme Lienemann, que les offres variables participent de l’équilibre nécessaire qui a été trouvé. On ne peut passer d’un rien à un tout rigide.

Prenez en considération le fait que, pour la première fois, l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs, dont ces grandes entreprises publiques, seront concernés par cette réforme de la commande publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je veux tout d’abord souligner combien ce débat est exemplaire.

Le projet de loi de ratification d’une ordonnance intervient bien souvent de trop longs mois après son habilitation. C’est seulement alors que nous pouvons constater les choses…

Je veux donc saluer la démarche de la commission des lois, de même que celle de la mission commune d’information sur la commande publique, qui ont pris le sujet à bras-le-corps. François Pillet a excellemment rappelé le travail mené par André Reichardt. Il s’en dégage un corpus clair que nous devons suivre.

M. le ministre a fait allusion au respect des directives européennes, sous-entendant que nous ne serions pas « dans les clous » sur la définition du conflit d’intérêts. Sans doute existe-t-il une différence entre la lettre des directives et la transposition en droit interne. Notre rapporteur pourrait-il nous donner quelques précisions sur ce point ? Je pense que nous disposons d’une certaine latitude en droit interne.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je remercie M. le ministre de ses explications. Elles sont toujours très claires, même quand je ne les partage pas. J’espère qu’il viendra souvent présenter les textes devant le Sénat. (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, je suivrai pratiquement tous vos avis, qui me paraissent particulièrement raisonnables.

On se plaint souvent des contraintes de la normalisation, de la complexification des textes, mais vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de la façon dont nous compliquons le fonctionnement des marchés publics au travers de nos amendements ? Heureusement, ils ne seront pas tous votés !

Rien n’est ni tout à fait blanc ni tout à fait noir entre le client et le fournisseur… Les PME et les TPE se plaignent de l’allotissement, mais il faut aussi tenir compte de celui qui passe la commande, de celui qui s’interroge sur ses prix et sur sa capacité à réduire l’enveloppe pour en faire plus… Il s’agit d’un sujet assez compliqué, sur lequel les positions peuvent être différentes.

J’ai écouté Mme Lienemann avec attention, et je suis assez proche de sa position. Vingt-cinq ans durant, j’ai été fournisseur de l’armée, de la SNCF, du CCAS, d’EDF, de l’UGAP… Je n’étais qu’une PME et, face à moi, il y avait des gros qui disposaient de nombreux moyens pour obtenir les marchés. Je vous laisse deviner comment les choses pouvaient se passer…

J’ai parfois pu bénéficier des offres variables. Même pour des petites entreprises ou des PME, il n’est pas si désagréable de se regrouper avec d’autres. D’une part, cela permet de travailler avec des entreprises du même métier et, d’autre part, d’obtenir des prix de revient plus intéressants en produisant 300 pièces au lieu de 100. Ne faisons pas une croix sur l’offre variable !