M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 122, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 112

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« …) Le premier alinéa du VII est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« VII. – Lorsque la commission de médiation est saisie, dans les conditions prévues au II, d’un recours au motif du caractère impropre à l’habitation, insalubre, dangereux ou ne répondant pas aux caractéristiques de la décence des locaux occupés par le requérant, elle statue au vu des éléments fournis par le demander, et le cas échéant, du constat mentionné par les dispositions de l’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration. Si les locaux concernés sont déjà frappés d’une mesure de police, un rapport présentant l’état d’avancement de l’exécution de la mesure est également produit.

« Lorsque les éléments fournis par le demandeur font apparaître l’existence d’un danger pour sa santé ou sa sécurité, la commission saisie l’autorité compétente dans un délai de trois mois conformément à l’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration en vue de la communication ou de l’établissement du constat prévu par ces dispositions. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Le présent amendement répond à plusieurs problématiques.

Les dispositions légales actuelles prévoient que la commission de médiation ne peut statuer sur une demande invoquant le caractère impropre à l’habitation, insalubre ou dangereux d’un logement, qu’au vu du rapport prévu par les dispositions de l’article L. 1331-26 du code de la santé publique.

Or ce rapport n’est pas complet, puisqu’il ne concerne que la mise en œuvre de la procédure d’insalubrité prévue par l’article L. 1331-28 du même code. Il ne porte ni sur la procédure d’insécurité manifeste dans les hôtels meublés ni sur la procédure en cas de péril. Dès lors, une personne qui demanderait la reconnaissance de son droit au logement opposable dans ces deux situations ne serait pas en mesure de produire ce rapport.

Par ailleurs, le demandeur est rarement en mesure de présenter le rapport prévu par le code de la santé publique, car il s’agit d’un acte préparatoire et non détachable d’une décision administrative. De ce fait, il n’est donc pas communicable tant que le représentant de l’État dans le département n’a pas pris de décision définitive sur la signalisation d’insalubrité et publié un arrêté. Par ailleurs, les services d’hygiène, qui seraient susceptibles de fournir au requérant une copie de ce rapport, sont le plus souvent extrêmement récalcitrants et préfèrent généralement entamer des démarches à l’amiable.

Il importe donc que le demandeur puisse fournir d’autres éléments de preuve, à charge ensuite pour les commissions de médiation d’agir sur la base de ces présomptions auprès des services concernés, et ce afin d’obtenir le constat prévu à l’article 25-1 A de la loi du 12 avril 2000. Ce document semble plus utile pour que la commission de médiation soit en mesure de statuer sur le dossier, dès lors que ce texte fait mention de l’ensemble des procédures qui portent sur les situations de danger pour la santé ou la sécurité des occupants.

M. le président. L’amendement n° 225 rectifié bis, présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, M. Cornano, Mme Schillinger, MM. Filleul, Manable et Leconte et Mme Blondin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 112

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase du premier alinéa du VII, après les mots : « elle statue au vu », sont insérés les mots : « des éléments fournis par le demandeur et, le cas échéant, » ;

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. Lorsqu’un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le service d’hygiène ou l’agence régionale de santé, l’ARS, sont automatiquement saisis afin de rédiger un rapport concluant à l’insalubrité du bien ou de l’immeuble concerné. La commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques est ensuite invitée à donner son avis dans le délai de deux mois.

À ce titre, l’insalubrité d’un bâtiment doit être qualifiée d’irrémédiable lorsqu’il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.

Cet amendement vise à permettre au requérant d’apporter la preuve du caractère insalubre ou dangereux de son logement par d’autres moyens que le rapport prévu à l’article L. 1331-26 du code de la santé publique.

En effet, accorder cette prérogative à l’ensemble des requérants permettrait une plus grande flexibilité des mesures pouvant être prises, notamment par l’accélération et l’élargissement des procédures. En effet, avec une telle disposition, on peut éventuellement se passer d’une nouvelle visite des services compétents, visite qui peut parfois prendre du temps. De ce fait, toutes les informations ne sont pas portées à la connaissance de la commission au moment où celle-ci statue.

Entre la transmission du rapport par le service concerné et la réunion de la commission, si la situation s’est aggravée, le requérant devrait pouvoir transmettre au service compétent et, surtout, à la commission des éléments complémentaires plutôt que d’attendre une seconde visite qui pourrait ne pas pouvoir être effectuée dans des délais rapprochés.

Le renforcement du rôle des requérants n’est pas destiné à affaiblir la portée du rapport de l’ARS ou du service communal d’hygiène et de santé, le SCHS. Au contraire, il favorise la diminution du nombre de logements en situation d’insalubrité et permet une plus grande fluidité des relations entre les services compétents en la matière.

M. le président. L’amendement n° 230 rectifié, présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :

Alinéa 112

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase du premier alinéa du VII, les mots : « d’un rapport des services mentionnés à l’article L. 1331-26 du code de la santé publique, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale ou de la commune bénéficiaire de la délégation prévue aux articles L. 301-5-1-1 et L. 301-5-1-2 du présent code ou des opérateurs mandatés pour constater l’état des lieux » sont remplacés par les mots : « du constat mentionné par les dispositions de l’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ».

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. Le rapport prévu par l’article L 1331-26 du code de la santé publique n’est pas le document établi dans tous les cas de danger pour la santé et la sécurité de l’occupant d’un logement. Il ne concerne en effet que la mise en œuvre de la procédure d’insalubrité, et ne porte ni sur la procédure d’insécurité manifeste dans les hôtels meublés ni sur la procédure en cas de péril.

Par cet amendement, nous proposons de faire référence au constat prévu à l’article 25-1 A de la loi du 12 avril 2000, puisque ce texte fait mention de l’ensemble des procédures qui portent sur les situations de danger pour la santé ou la sécurité des occupants, telles que l’occupation des caves, des sous-sols, des combles et autres, par nature considérés comme impropres à l’habitation, ou les mises à disposition de logements aux fins d’habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation.

M. le président. L’amendement n° 223 rectifié, présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 112

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le premier alinéa du VII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les éléments fournis par le demandeur font apparaître l’existence d’un danger pour sa santé ou sa sécurité, la commission saisie l’autorité compétente dans un délai de trois mois conformément à l’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration en vue de la communication ou de l’établissement du constat prévu par ces dispositions. » ;

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. Nous vous proposons que la commission de médiation puisse obtenir directement auprès des services concernés le constat prévu à l’article 25-1 A de la loi du 12 avril 2000, lorsque les éléments fournis par le requérant font clairement apparaître l’existence d’un danger pour sa santé ou sa sécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur ces quatre amendements, qui traitent des modalités de preuve du caractère impropre de l’habitation, de la charge de la preuve de ce caractère impropre et des critères d’appréciation des commissions DALO, l’avis de la commission spéciale est défavorable.

Aujourd’hui, lorsque la commission de médiation est saisie d’un recours au motif du caractère impropre de l’habitation, insalubre, dangereux ou ne répondant pas aux caractéristiques de la décence des locaux occupés par le requérant, elle statue au vu d’un rapport des services mentionnés à l’article L. 1331-26 du code de la santé publique.

Aux termes des amendements que vous proposez, la commission statuerait non plus au vu de ce rapport, mais au vu des éléments fournis par le demandeur. La commission agirait alors auprès des services concernés pour obtenir le constat.

Contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de l’amendement n° 122, la commission statue non pas au vu du rapport prévu par l’article L. 1331-26 du code de la santé publique, mais au vu d’un rapport spécifique. Ce rapport peut être produit soit par les services mentionnés dans ledit article, soit par l’établissement public de coopération intercommunale ou une commune délégataire, soit par des opérateurs mandatés pour constater directement l’état des lieux. En outre, si les locaux concernés sont déjà frappés d’une mesure de police, un rapport présentant l’état d’avancement de l’exécution de la mesure est également produit.

Le rapport spécifique a été prévu afin que la charge de la preuve de l’état du local ne pèse pas sur le demandeur. Son objet est justement de qualifier techniquement et juridiquement le local au regard des critères mentionnés par la loi – impropre à l’habitation, insalubre, dangereux ou non décent –, et il n’est destiné qu’à la commission. Le demandeur n’a nullement besoin d’en demander copie, puisque l’administration est tenue de le faire réaliser et de le fournir à la commission. Dès lors, il ne me paraît pas souhaitable d’inverser la charge de la preuve et de la faire peser sur le demandeur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, faute de quoi il y sera défavorable.

Plusieurs sujets sont abordés, mais je vais d’abord revenir sur les propositions quasi identiques présentées par le groupe CRC et par le groupe socialiste et républicain et portant sur le rapport. Ce qui fait aujourd’hui la force de la procédure, c’est que la charge de la preuve incombe non pas au requérant, mais à la commission de médiation. À mon sens, il est très important de ne pas toucher à ce point, sinon nous risquons d’affaiblir le requérant, qui, objectivement, peut parfois avoir des difficultés à prouver ce qu’il avance.

Aujourd’hui, trois rapports sont déjà prévus : le rapport du SCHS, le rapport sur l’insalubrité et la visite qui doit se faire dans les trois mois. Nous avons donc déjà, me semble-t-il, un certain nombre d’éléments qui permettent de répondre aux questions que vous posez. Il faut rappeler que la commission de médiation doit demander ces rapports. Elle ne peut pas passer outre parce qu’elle ne souhaiterait pas en tenir compte.

Dans les faits, ces rapports sont réalisés soit par les services d’hygiène, qui sont sollicités, soit par des opérateurs qui sont financés par l’État. C’est pourquoi il me semble que le vide juridique que vous semblez voir dans la loi de 2000 n’existe pas.

Je pense qu’il est très important de garder cet équilibre, avec la charge de la preuve reposant sur la commission de médiation, et non pas sur le requérant.

Les deux derniers amendements présentés par Mme Yonnet ont notamment pour objet de permettre à la commission de médiation de statuer au vu des éléments fournis par le requérant. Pour ma part, je le répète, je préfère en rester à l’équilibre actuel, plutôt que de demander au requérant de fournir des éléments par lui-même. Il aura d’ailleurs peut-être du mal à le faire.

Enfin, il faut rappeler qu’un certain nombre de dispositions s’imposent déjà à la commission de médiation pour agir en matière d’insalubrité, notamment quand le caractère impropre à l’habitation, insalubre ou dangereux du logement est reconnu et attesté par le rapport. La commission de médiation doit alors prendre des mesures pour remédier à cette situation.

Je comprends votre inquiétude, car le caractère insalubre de certains logements a parfois été remis en cause par certaines commissions de médiation en raison de divergences de points de vue entre les services d’hygiène et l’ARS. Nous avons même vu des tribunaux remettre en cause des décisions de la commission de médiation. Je sais que ce sujet agite en particulier la commission de médiation de la Seine-Saint-Denis.

Vous devez savoir que nous en avons parlé au séminaire de travail des commissions de médiation en juin dernier, afin de bien stabiliser l’ensemble de ces questions. Nous nous efforçons aussi de mobiliser les ARS, car c’est bien cet acteur qui doit être à la pointe de la lutte contre l’insalubrité.

Vous le savez, car un certain nombre d’entre vous sont très mobilisés sur le sujet de l’insalubrité, il manque dans certains territoires des services d’hygiène plus rigoureux et surtout plus rapides pour répondre à ces questions. Mais c’est un autre débat sur lequel j’aurai à communiquer dans le mois qui vient.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens les amendements de notre groupe et je voudrais en défendre l’esprit.

J’entends bien ce que vous dites, madame la ministre, mais vous oubliez de préciser que les questions d’insalubrité sont souvent liées aux questions de l’habitat indigne proposé par les marchands de sommeil, qui prospèrent en maintenant des êtres humains dans des conditions déplorables. On ne parvient malheureusement pas à les sanctionner, car ils ont une faculté à se reconstituer et à continuer leurs trafics.

En tant qu’élus, nous avons tous reçu des personnes, des mères de famille notamment, qui nous ont avoué vivre au milieu des rats. Lorsque nous sommes en présence de situations intenables, dramatiques, l’urgence s’impose, et nous ne pouvons pas attendre plusieurs mois le rapport, dont je ne conteste pas l’utilité, en cas de divergences au sein de la commission de médiation ou si le service d’hygiène ne dispose pas de moyens suffisants.

Ces amendements, en particulier le premier, permettent de faire face à des situations de désespérance, de grande détresse, puisque les personnes mal logées peuvent apporter directement le témoignage de ce qu’elles vivent dans l’attente du rapport de la commission. Leur cri mérite d’être entendu.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. Je remercie Mme la ministre de sa réponse très précise. Je souscris à ce que vient de dire Jean-Pierre Sueur, mais je voudrais ajouter que, la plupart du temps, les requérants eux-mêmes font la démarche d’aller au service d’hygiène. Malheureusement, beaucoup de ces services sont complètement encombrés par les procédures et ne s’en sortent pas.

Je ne souhaite pas inverser la charge de la preuve, mais au moins faire en sorte que l’on tienne compte du témoignage du requérant qui va se plaindre. Je travaille sur ce sujet depuis de longues années et, dans ma commune, dans d’autres villes de mon département ou dans d’autres départements, j’ai vu des choses terribles, insupportables : des garages, des abris de jardin, des caves infestés de rats et où vivent des enfants.

J’y insiste, pour être bien comprise, je ne veux pas inverser la charge de la preuve, mais je veux que l’on tienne compte de la place du requérant dans la demande de reconnaissance d’insalubrité. Une attente de trois mois pouvant parfois être périlleuse pour des familles vivant des conditions insupportables, il faut que cette intervention puisse être rapide.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Je souscris complètement à ce que viennent de dire et M. Sueur et Mme Yonnet. Sans tomber dans le misérabilisme, il faut savoir reconnaître les situations d’urgence, qui sont une réalité. J’ai eu à connaître cette semaine du cas d’une personne qui s’est fait mordre chez elle par un rat. Il faut au moins faire en sorte que les requérants puissent être entendus, sans remettre en cause tout le dispositif prévu par ailleurs. Il s’agit seulement d’ajouter que le requérant, s’il en fait la demande, sera entendu rapidement. Cela peut permettre de débloquer des situations qui paraissent inextricables.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Tout ce que vous dites est parfaitement vrai. En Seine-Saint-Denis, nous rencontrons beaucoup de cas de ce genre.

Néanmoins, si vous votez ces amendements, je me demande si vous n’allez pas plutôt prendre le risque d’affaiblir la procédure. Vous donnez la possibilité aux gens d’aller exposer leur cas, mais si la commission de médiation ne s’appuie pas sur un document incontestable, elle sera dans une situation difficile.

Franchement, je le répète, je crains que vous n’affaiblissiez la solidité de la procédure. Si la commission de médiation n’est pas convaincue, elle va rejeter le dossier. Que fera-t-on ? Retournera-t-on à la case départ, alors qu’il suffirait d’attendre de disposer du document en question ?

Je ne suis pas certain que ce que vous proposez ici représente une véritable avancée pour ces cas d’urgence.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Dans notre amendement n° 122, nous avons justement fait attention à ne pas remettre en cause la procédure, ce qui pourrait poser un problème de légalité.

Je vous donne lecture de notre proposition : « Lorsque les éléments fournis par le demandeur font apparaître l’existence d’un danger pour sa santé ou sa sécurité, la commission saisit l’autorité compétente dans un délai de trois mois. » Nous apportons cette précision, parce que les délais actuels pour obtenir que l’ARS intervienne et pour qu’une commission vienne constater l’état d’insalubrité du logement font courir un vrai danger à la personne concernée.

Nous ne sommes pas en train d’atténuer la portée de la loi. Au contraire, nous donnons plus de poids et de force à la réponse qui doit être apportée dans un délai beaucoup plus raisonnable qu’aujourd’hui.

M. Philippe Dallier. La mairie doit faire son travail !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Très sincèrement, sur la question de l’insalubrité, nous sommes tous convaincus qu’il faut faire mieux.

La première difficulté, c’est qu’aujourd’hui la police de l’insalubrité relève de la compétence du maire.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Laissez-moi terminer !

Mme Marie-France Beaufils. Cela dépend de la taille des communes !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cette compétence est très rarement transférée à l’intercommunalité.

J’avais proposé à l’Assemblée nationale un article habilitant le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnances pour aller vite sur le sujet, mais les députés n’ont pas voulu l’adopter. Je vais néanmoins tenter d’introduire des éléments d’amélioration de l’action des pouvoirs publics, car c’est nécessaire.

Il faut le dire clairement, sur certains territoires, la police municipale n’agit pas assez vite, car une telle action demande des moyens et des gens formés.

Ensuite, au-delà de l’insalubrité, il faut s’attaquer aux activités illégales. Je m’adresse ici plus particulièrement aux élus de la Seine-Saint-Denis, où a été mise en place une brigade spécifique de policiers pour enquêter sur les marchands de sommeil et poursuivre ces délinquants qui exploitent des êtres humains. On rencontre aussi des trafics en tous genres ou, plus simplement, une absence de respect d’un certain nombre de règles.

Au printemps dernier, il y a encore eu des incendies causés par des gens qui faisaient déjà l’objet de procédures, mais force est de constater que la justice n’est pas très diligente en la matière.

Je travaille sur la question depuis longtemps et je suis arrivée à la conclusion, comme un grand nombre d’entre vous, qu’il faut des procédures exorbitantes du droit commun pour mettre fin à l’insalubrité, mais je ne peux pas non plus aller à l’encontre des pouvoirs de police du maire à l’heure actuelle. Peut-être pourrons-nous en reparler à l’occasion de la discussion de propositions de loi déposées par les uns ou les autres d’entre vous ? En tout cas, ce sujet est important.

Aujourd’hui, je comprends que vous vouliez renforcer la situation du requérant, mais je crains que le rapport que vous proposez ne soit moins efficace que celui qui existe déjà. (M. Philippe Dallier acquiesce.)

Malgré les bonnes intentions qui les sous-tendent, vos amendements, s’ils sont votés, risquent d’affaiblir la procédure. En revanche, je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que nous pouvons faire beaucoup mieux dans la lutte contre l’insalubrité non seulement en ville, mais aussi dans les campagnes, comme l’ont révélé les interventions de l’ANAH en milieu rural. Nous allons essayer de mobiliser les communes sur ces enjeux, car derrière l’insalubrité, on trouve l’exploitation et des problèmes de santé extrêmement graves touchant des gens qui vivent dans des conditions indignes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 225 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 223 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 119 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 222 rectifié est présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 112

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Le fait pour le demandeur d’avoir refusé une proposition de logement ne peut constituer, à lui seul, le motif d’une décision de rejet du recours prévu au II du présent article. » ;

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 119.

Mme Marie-France Beaufils. Nous proposons qu’un refus de logement de la part du demandeur ne puisse pas être le seul motif d’une décision de rejet d’une nouvelle saisine de la commission de médiation.

En effet, en l’état actuel du droit, le refus d’une proposition de relogement sans motif impérieux interdit de manière définitive à l’intéressé de former un nouveau recours DALO, alors même que sa situation a pu s’aggraver. Nous souhaitons en finir avec cette notion de punition, d’autant qu’un refus ne resterait pas pour autant sans conséquence.

Lorsqu’un requérant refuse une proposition de relogement, le représentant de l’État n’est plus tenu d’exécuter la décision DALO. Plutôt que de sanctionner les refus de manière disproportionnée au regard de l’objectif visé, nous devons nous intéresser aux mécanismes qui sont en jeu et aux raisons de ces refus. D’après une étude réalisée en février 2013 dans le Gard par l’agence départementale d’information sur le logement, 40 % des refus sont liés à la localisation du logement proposé. Les demandeurs n’ont pas le choix du quartier ou de la commune pour la localisation du logement attribué et les propositions peuvent ne pas être en adéquation avec les contraintes des demandeurs. Par exemple, les chercheurs ont observé que la présence d’enfants pousse un certain nombre de ménages à refuser des logements dans des quartiers « victimes d’une mauvaise réputation », méritée ou non.

L’éloignement des lieux du quotidien est une autre raison courante du refus. Comme le rappelle cette étude, « les ménages qui ont recours à ces dispositifs sont les plus démunis. Ils disposent rarement d’un véhicule personnel et la proximité avec un lieu de desserte en transport en commun leur est donc indispensable ».

Nous devons écarter les préjugés qui pèsent sur les personnes les plus en difficultés. Pourquoi devraient-elles tout accepter sous prétexte qu’elles ne sont pas en situation de « faire les difficiles », selon la remarque qu’elles entendent trop souvent ? La double punition qui pèse sur les requérants en cas de refus doit cesser. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement, afin que les demandeurs, en cas de refus d’une proposition, ne soient pas empêchés de refaire un recours devant la commission de médiation.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 222 rectifié.

Mme Evelyne Yonnet. J’abonde dans le sens de Mme Beaufils. Suroccupation, logement insalubre, loyers trop élevés : les personnes reconnues prioritaires au titre du DALO éprouvent un besoin urgent de relogement. Comme chacun le sait dans cet hémicycle, elles sont dans des situations locatives très précaires.

Cependant, les intéressés ne mettent pas forcément à jour leur situation immédiatement, qu’il s’agisse de grossesses ou encore d’évolutions récentes de la composition de la famille. En conséquence, tout refus de leur part ne peut se réduire à ce que d’aucuns appelleraient de la complaisance.

Les auteurs de cet amendement proposent donc que le refus d’une proposition de logement ne puisse pas être le seul et unique motif d’un rejet par la commission. Ainsi, les demandeurs pourront voir leur situation réexaminée, notamment lorsqu’elle s’est aggravée. Ces dispositions ne changent rien aux autres motifs de radiation – absence de renouvellement de la demande de logement au bout d’un an, absence de réponse du demandeur à un courrier envoyé à la dernière adresse qu’il a indiquée, etc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. D’une manière générale, la jurisprudence estime que le refus d’un logement adapté peut faire obstacle à l’obtention du DALO : dès lors que la personne s’est mise elle-même dans la situation qu’elle invoque, elle ne saurait solliciter de nouveau, dans le cadre du recours, une solution qui lui a été proposée et qu’elle a refusée.

Ce raisonnement s’applique a fortiori si le refus fait suite à une offre de logement formulée en exécution d’une décision favorable de la commission de médiation. Le recours est alors sans fondement et, en cas de recours multiples, il peut même se révéler abusif.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?