M. Jacques Mézard. Ce n’est pas écrit comme ça !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Peut-être, mais je peux vous confirmer qu’il n’y aura pas d’autre actionnaire.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est une coquille, alors !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. En tout cas, c’est une précaution ! Nous ne voulons pas d’autre actionnaire. Le capital sera constitué par les actifs actuels de la SOVAFIM, qui seront complétés par l’État pour obtenir la parité avec la Caisse des dépôts.

Enfin, je le redis, l’unique objet de cette société sera la construction de logements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 734 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 23 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 157
Contre 184

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 32 ter.

(L’article 32 ter est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser ma place à Patrick Kanner pour l’examen du titre III, je voudrais vous dire quelques mots, puisque je serai absente lors du vote solennel sur ce texte la semaine prochaine. En effet, je représenterai la France à Quito, à l’occasion de la conférence Habitat III, dont notre pays assure la vice-présidence, et qui se déroule vingt ans après la conférence Habitat II. J’aurai l’occasion d’y défendre un certain nombre de nos positions, en présence de nombreux représentants des territoires français.

Je tiens à remercier les présidences successives, qui ont encadré nos débats, ainsi que le service de la séance et les huissiers.

Je me réjouis du travail constructif qui a été fait avec vous, madame la rapporteur. J’ai apprécié la qualité de nos échanges, même si nous avons pu être en désaccord, et la rigueur avec laquelle nous avons débattu. J’associe à ces remerciements les administrateurs de la commission spéciale, qui ont fait du bon travail.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs – et je n’oublie pas vos collaborateurs ! –, je vous félicite, puisque nous avons quand même examiné plus de 350 amendements sur ce titre II, ce qui est très important. J’ai le sentiment que les débats ont été à la hauteur de cette somme de travail.

Enfin, à titre personnel, je rends hommage à mes services, notamment les fonctionnaires de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, ainsi qu’à mes collaborateurs, qui ont également assisté à nos débats, et qui, je l’espère, ont pu aider à répondre à l’ensemble de vos interrogations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour un rappel au règlement.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 45, alinéa 1, du règlement.

Le droit d’amendement des parlementaires est soumis au respect de l’article 40 de la Constitution, qui nous interdit de créer des dépenses publiques supplémentaires. Un équilibre a été trouvé pour que tout ce qui relève des charges de gestion soit, dans une limite acceptable, jugé recevable. Cependant, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, nous nous interrogeons sur l’appréciation à laquelle a procédé la commission des finances concernant cette limite.

Nous avons en effet déposé certains amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de façon parfois incompréhensible. Or les raisons données par la commission des finances ne nous ont pas aidés à accepter le bien-fondé de certaines irrecevabilités.

Je pense particulièrement à une proposition visant à unifier les listes de documents pouvant être demandés aux personnes souhaitant accéder à un droit, à une prestation, à un titre, pour ne conserver qu’une liste pour chaque demande. Les demandeurs sont pour l’instant confrontés à des listes diverses pour une même procédure, les administrations demandant des documents différents selon l’endroit où la demande est effectuée, et même parfois des documents qui ne figurent sur aucune liste.

Prenons un exemple simple : les demandes d’acquisition de la nationalité française. Une liste est disponible sur le site du Gouvernement, mais d’autres listes, toutes différentes, sont en ligne sur les sites des préfectures. Laquelle est la bonne ? Personne ne le sait. Ce flou engendre des refus d’accès aux droits, des rejets de dossiers en cascade, parce qu’il manque toujours des pièces différentes.

Cet amendement a été considéré comme irrecevable, parce qu’« il augmenterait les charges de gestion en dehors des limites acceptables ». Pourtant, nous ne demandons qu’à conserver en ligne une seule liste parmi celles qui existent pour chaque démarche !

Nous avons contacté la commission des finances pour comprendre pourquoi ces charges seraient excessives. On nous a répondu que, puisque nous demandions que ces listes soient opposables, elles nécessiteraient plus de soin de la part des administrations que d’habitude. Cela voudrait-il donc dire que, le reste du temps, le travail est bâclé ? Nous ne le croyons pas, et nous ne comprenons donc pas cette explication.

Mes chers collègues, nous tenons à rappeler que l’appréciation des irrecevabilités prononcées au titre de l’article 40 doit se faire en toute neutralité. Nous estimons que, malheureusement, tel n’a pas toujours été le cas dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, et nous le regrettons vivement. Nous aurions pu discuter en séance de dispositifs qui, peut-être, n’auraient pas été adoptés, mais l’utilisation injustifiée de l’article 40 a empêché ce débat.

Nous souhaitons vivement que l’article 40 soit utilisé de façon claire et cohérente durant les quelques mois qui nous séparent de la fin de cette session parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Discussion du texte de la commission (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE III

POUR L’ÉGALITE RÉELLE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux conseils citoyens

Article 32 ter (précédemment réservé) (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 34 bis A

Article 34

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 692, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est complété par un V ainsi rédigé :

« V. – Les conseils citoyens mentionnés à l’article 7 de la présente loi peuvent saisir le représentant de l’État dans le département des difficultés particulières rencontrées par les habitants.

« Cette saisine fait l’objet d’une transmission au maire, au président de l’établissement public de coopération intercommunale et aux signataires du contrat de ville.

« Lorsque la nature et l’importance des difficultés rencontrées le justifient, le représentant de l’État dans le département soumet au comité de pilotage du contrat de ville le diagnostic et les actions qu’il préconise pour y remédier.

« En vue de l’actualisation du contrat de ville, un débat sur ce diagnostic, sur ces propositions et sur l’avis des membres du comité de pilotage est inscrit à l’ordre du jour du conseil municipal et, le cas échéant, de l’assemblée délibérante de l’établissement public de coopération intercommunale ainsi qu’à celui des assemblées délibérantes des autres collectivités territoriales signataires du contrat de ville. »

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 34 du projet de loi. La commission spéciale a supprimé le droit d’interpellation des conseils citoyens pour des raisons qui, je l’espère, seront développées à l’occasion du débat sur cet amendement.

Les conseils citoyens, issus de la loi de 2014, ont représenté une avancée. La participation citoyenne, nous le savons toutes et tous, est trop faible dans les quartiers où, pourtant, l’intervention de la puissance publique est essentielle, et se chiffre en dizaines, voire en centaines de millions d’euros.

Par leur mode de composition, à savoir le tirage au sort pour une partie des conseils citoyens, par leur objet, par la nature du territoire sur lequel ils interviennent, ces conseils sont des instruments importants pour mobiliser les populations sur leur avenir et pour lutter contre les phénomènes d’abstention, qui sont plus lourds dans ces quartiers que dans d’autres endroits.

Ces conseils partagent des diagnostics et font valoir une expertise du quotidien de la vie dans les quartiers ; ils sont des acteurs à part entière du contrat de ville consacrés par la loi.

Le Gouvernement a souhaité créer un droit d’interpellation. Votre rapporteur a indiqué en commission que l’on ne constatait pas de blocages et que cette mesure n’était donc pas nécessaire. Permettez-moi de vous assurer du contraire. Le contrat de ville est aujourd’hui renouvelé au moment des élections municipales, soit tous les six ans. Entre-temps, aucune échéance de renouvellement n’est prévue, ce qui constitue une rigidité considérée par les habitants comme préjudiciable. Avec cet article, nous donnerions donc le pouvoir aux conseils citoyens d’interpeller le représentant de l’État en vue d’une actualisation, si le préfet le juge nécessaire, du contrat de ville, lorsqu’un conseil estime que les choses ne vont pas dans le bon sens au regard des attentes des habitants eux-mêmes.

Le droit d’interpellation serait donc un outil concret au service des contrats de ville, sans que l’État ni les collectivités soient liés, le conseil municipal restant naturellement souverain dans ses décisions.

C’est donc un pouvoir d’alerte supplémentaire que nous voulons créer au profit des 5 millions d’habitants représentés par ces conseils citoyens dans les quartiers prioritaires de la ville. Je les réunirai avec Hélène Geoffroy le 27 octobre prochain, à l’occasion du premier forum national des conseils citoyens. En vous abstenant de rétablir ce nouveau droit, vous n’enverriez pas un bon signal et je vous invite donc à prendre cette argumentation en considération.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez déjà fait référence à un des arguments exposés dans le cadre de nos travaux, mais je vais développer toutes les raisons pour lesquelles la commission spéciale, sur mon initiative, a décidé de supprimer cet article.

En premier lieu, je ne comprends pas ce qui justifierait la mise en place d’un mécanisme un peu exceptionnel de saisine du préfet, qui aurait pour effet de court-circuiter les instances normales de gouvernance des contrats de ville. Si des difficultés se présentent dans la définition, la mise en œuvre ou le suivi d’un contrat de ville, les instances de gouvernance sont précisément conçues pour les examiner et décider des réponses à leur apporter. Le représentant de l’État dans le département et les conseils citoyens y sont représentés et ont donc la possibilité de dialoguer directement avec les autres signataires au sujet des difficultés rencontrées. Si ces instances de gouvernance ne fonctionnent pas, il faut les réformer et non pas les court-circuiter par un mécanisme de saisine du préfet qui donne à l’État et aux conseils citoyens un rôle à part non conforme, me semble-t-il, à l’esprit de coconstruction des politiques de la ville par tous les acteurs concernés, comme le souhaitait initialement le législateur dans la loi du 21 février 2014.

En deuxième lieu, à supposer que l’on considère utile une saisine du préfet par les acteurs qui estiment que les instances de gouvernance normales des contrats de ville sont bloquées, je ne comprends pas pourquoi cette saisine devrait être réservée aux seuls conseils citoyens, comme si eux seuls pouvaient être confrontés à un éventuel blocage.

Enfin, en troisième lieu, je précise que j’ai interrogé en audition des représentants du Commissariat général à l’égalité des territoires pour tâcher de comprendre quelles sont les difficultés concrètes rencontrées sur le terrain par les conseils citoyens qui ont incité le Gouvernement à proposer la mise en place de ce dispositif exceptionnel dans l’article que nous avons supprimé. Or il m’a été indiqué que de tels blocages n’avaient pour l’instant pas été rencontrés sur le terrain. Ce dispositif de saisine, antinomique avec le principe de co-construction constitutif de la loi du 21 février 2014, ne répondant à aucune difficulté réelle ou anticipée, il est donc véritablement sans objet.

La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je peux comprendre cet amendement du Gouvernement lié à la politique de la ville mise en place depuis la loi de 2014. Il s’agit d’un sujet particulièrement sensible, beaucoup de villes et de départements étant concernés par cette politique publique. Les conseils citoyens sont assurément des relais, mais il y a aussi des conseils de quartier, des associations, des centres sociaux, des bénévoles qui s’impliquent, à un titre ou à un autre.

Avec le recul que j’ai sur ces sujets, je me rallierai à la position de Mme le rapporteur de la commission spéciale, qui a expliqué avec passion pourquoi elle était défavorable à cet amendement du Gouvernement.

Le Gouvernement milite pour la saisine de représentants de l’État, mais, comme l’a précisé Mme le rapporteur, il y a d’autres façons de procéder pour instaurer le dialogue et la concertation à ce niveau-là. Faisons aussi confiance aux élus locaux, de proximité, qui sont partenaires depuis de nombreuses années de la politique de la ville, et à d’autres interlocuteurs, tels que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU. Toutes ces parties prenantes ont un rôle social fondamental à jouer.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Mon explication de vote aura une tonalité plus générale. Même si c’est au chapitre II du titre III qu’il est question de langue française, je voudrais vous faire partager la réflexion suivante, qui concerne justement notre langue.

Le fait même de recourir au terme « citoyen », qui plus est sous sa forme adjectivée, à tout bout de champ et pour n’importe quoi, est significatif de notre époque : on parle d’« engagement citoyen », de « conduite automobile citoyenne ». Il est fait aujourd’hui un usage fréquent et curieux du terme « citoyen », qui devient un adjectif bien-pensant associant, de manière assez vague d’ailleurs, souci de la bonne marche de la société civile, respect de la loi et défense des idéaux démocratiques.

Plus à la mode que l’austère « civique », plus flatteur que le simple « civil », « citoyen » est mis à contribution pour donner de l’éclat à des termes jugés fatigués, bien souvent par effet de surenchère et d’annonce. Jugez-en plutôt : les vertus civiles ou civiques sont appelées « vertus citoyennes » ; on ne fait plus preuve d’esprit civique, mais d’« esprit citoyen » ; les jeunes gens sont convoqués pour une « journée citoyenne » ; les « associations citoyennes », les « initiatives et entreprises citoyennes » fleurissent ; on organise une « fête citoyenne », des « rassemblements citoyens » ; enfin, les élections sont citoyennes, ce qui va pourtant sans dire !

Tout cela me paraît bien ridicule et, malheureusement, le cycle électoral qui s’ouvre ne va pas arranger les choses à cet égard.

Au fil des extensions, « citoyen » s’éloigne de manière significative et abusive de son sens initial, jusqu’à son mésusage.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, il est regrettable que nous soyons réduits à vouloir trouver de nouveaux engagements civiques, fussent-ils qualifiés de « citoyens ». Je crois qu’il y a là un malentendu profond et même un contresens, car je vous rappelle que le cœur de notre République, c’est la démocratie représentative, qui s’exerce par ses représentants. C’est elle qui fait la vertu de nos institutions et qui en constitue la colonne vertébrale. À mon sens, vous en faites une interprétation faussée en multipliant les conseils citoyens, qui n’ont aucun sens ni aucun contenu. Vous ne faites qu’affaiblir ce que vous croyez défendre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Je voudrais revenir sur ces conseils citoyens qui se sont développés dans les quartiers relevant de la politique de la ville. Sans reprendre les arguments de mes collègues, je déplore que cette multiplication des instances de concertation égare nos concitoyens. En effet, il y a les conseils de quartier, les conseils citoyens, les conseils de concertation, sans parler de toutes les formes de sensibilisation de nos concitoyens que nous assurons au quotidien dès lors que nous gérons des politiques municipales.

Par ailleurs, on voit bien que le fonctionnement des conseils citoyens tel qu’il était prévu initialement n’est pas adapté, le tirage au sort ne fonctionnant pas. J’assistais hier dans mon département à la réunion de l’ensemble des membres des ateliers citoyens, réunion préfiguratrice de celle qui aura lieu le 27 octobre prochain et dont a parlé M. le ministre. Le constat a été flagrant : le tirage au sort tombant très souvent à l’eau, avec une faible participation spontanée des habitants, nous retombons sur les acteurs institutionnels associatifs que nous connaissons, avec lesquels nous avons déjà des échanges nombreux, et qui sont nos partenaires dans les concertations au niveau des territoires ou des municipalités.

Enfin, je vois bien qu’il y a aujourd’hui une volonté d’institutionnaliser ces conseils citoyens, puisqu’il est question de leur donner un droit de saisine du représentant de l’État, mais aussi des droits à la formation et le droit de participer aux instances décisionnelles. Ce faisant, d’une part, on court-circuiterait les instances de gestion existantes, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et, d’autre part – c’est à mon sens l’argument essentiel –, on perdrait ce qui fait l’essence même de la participation, c’est-à-dire la spontanéité des habitants dans leur engagement pour améliorer leur qualité de vie quotidienne dans ces quartiers.

C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je ne soutiendrai pas le Gouvernement en l’espèce, contrairement à ce que j’ai fait tout à l’heure, et je suivrai donc l’avis de la commission.

Je sais ce qu’est un contrat de ville, car il y en a un dans l’agglomération dont je suis l’élu. À mon sens, monsieur le ministre, la vraie difficulté n’est pas celle que vous indiquez ; elle réside plutôt dans le fait que les règles sont les mêmes, que le contrat de ville concerne un quartier de 1 000 habitants ou un quartier plus important d’une grande métropole.

Par ailleurs, ces contrats de ville sont très complexes et absolument incompréhensibles pour nos concitoyens. Je ne reviendrai pas sur le tirage au sort, même si d’éminents responsables politiques candidats à des primaires proposent dans leur programme de tirer les sénateurs au sort… (M. Henri de Raincourt s’esclaffe.) Je n’ai d’ailleurs pas entendu de démentis des autres candidats sur ce point… Pardonnez-moi si je n’ai pas pu résister au plaisir de ce petit rappel !

Je persiste à penser que ces dispositifs sont trop compliqués, ce qui constitue la véritable entrave à l’exercice de la démocratie.

Un autre élément m’apparaît important : ces propositions sont révélatrices d’une méfiance systématique, j’allais dire idéologique, vis-à-vis des élus locaux.

Enfin, quand on compare l’objet de l’amendement du Gouvernement avec le texte de l’article, on constate une différence. Dans l’article, il est indiqué que le préfet peut faire inscrire à l’ordre du jour du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante de l’EPCI les modifications ou les évolutions qu’il souhaite. Dans votre amendement, vous précisez que le maire, ou le président de l’EPCI, pourra inscrire à l’ordre du jour un débat sur le diagnostic et les solutions préconisées. En fait, vous permettez un peu à tout le monde de saisir le préfet, pour que ce dernier puisse imposer des solutions. En effet, il sera difficile à un conseil municipal ou à un conseil communautaire de s’opposer aux préconisations du préfet, qui laisse toujours peser la menace du contrôle de légalité.

Je le répète, il s’agit donc d’un instrument de division politique et de méfiance vis-à-vis des élus locaux. C’est pourquoi je soutiendrai la position de la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. Après avoir écouté les propos qui ont été tenus, j’ai le sentiment que nos collègues de la droite se sentent dessaisis de leur « pouvoir » de décision. Toutefois, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté. Cette dernière notion est tout de même importante !

Si nous sommes ici aujourd'hui, c’est grâce aux citoyens et à leur vote. C’est aussi cela la démocratie : les citoyens votent et n’ont pas pour seule perspective de subir les politiques des uns et des autres.

La concertation avec les citoyens n’a rien de dérangeant à nos yeux. Elle est déjà pratiquée et a toute son importance, me semble-t-il, dans le cas des contrats de ville, qui constituent tout de même d’énormes dossiers. D’après notre collègue, les citoyens ne comprendraient pas… Bien sûr, tout cela est très compliqué, mais il suffit d’être pédagogues et de donner des explications.

Nous, nous comprenons, parfois avec difficulté – nous ne sommes pas tous passés par l’École nationale d’administration ! Nous sommes des élus populaires, avec des cursus différents. Dès lors, nous pouvons essayer d’expliquer aux habitants ce qui se passe.

Nous parlons ici de « bien vivre ensemble ». Quand une question touche de près les habitants, le moins que nous pouvons faire, c’est de nous concerter avec eux et de tenir compte de ce qu’ils nous disent ! Les citoyens ne dénoncent pas les démarches de concertation, mais le fait que nous ne leur permettions pas de comprendre ce qui se passe. Notre rôle d’élu consiste à leur fournir des explications.

Pour ces raisons, nous voterons bien évidemment la proposition du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. J’ai bien suivi ce débat sur les conseils citoyens et la citoyenneté et, pour ma part, je ne vois rien de choquant là-dedans.

Je suis le maire d’une ville de 15 000 habitants, qui dispose de conseils citoyens dans des quartiers fléchés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – des zones ANRU. Ces conseils fonctionnent très bien et, de manière générale, chaque fois que l’on coconstruit des politiques de la ville avec les citoyens, les dossiers progressent bien mieux et beaucoup plus facilement.

Opposer la démocratie représentative et la démocratie citoyenne est une erreur : les deux se complètent parfaitement. De ce point de vue, je ne comprends pas la méfiance affichée envers cette idée de citoyenneté.

Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de civisme ; nous avons besoin de donner toute leur place aux citoyens dans la vie publique. Il est bien de se faire élire tous les six ans dans les communes, mais il est bien, aussi, de se tourner régulièrement vers les habitants. Ceux-ci doivent pouvoir, comme le Gouvernement l’a prévu dans son amendement, saisir le maire, le président de l’EPCI ou le préfet sur des problèmes précis.

Souvent, d’ailleurs, cela se fait déjà, hors de tout cadre institutionnel. Quand surgissent des problèmes de sécurité ou des difficultés liées aux commerces, par exemple, nous nous réunissons avec le sous-préfet ou le président de l’EPCI pour trouver des solutions.

Par conséquent, je ne comprends pas cette défiance à l’encontre d’une disposition qui me semble très positive pour approfondir la politique de la ville. Cette dernière, lorsqu’elle est aussi l’affaire des citoyens, est bien plus forte et bien plus proche des réalités de terrain.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Voilà un débat intéressant sur le sens de la politique de la ville !

Pourquoi une telle politique est-elle menée, dans ce pays, depuis trente ans ? Parce que des centaines, voire des milliers de quartiers ont été délaissés par la République et que quelque 5 millions de nos concitoyens, que nous le voulions ou non, vivent aujourd'hui dans des conditions peut-être pas tout à fait dignes, en tout cas différentes de celles que vous, mesdames, messieurs les sénateurs, connaissez à titre personnel.

Les gouvernements successifs, toutes sensibilités politiques confondues, ont donc mis en œuvre des politiques de rattrapage dans ces territoires.

L’objectif, et je pourrais évoquer l’action de l’ANRU à ce sujet, a été de rénover des quartiers qui, pendant trente ans, avaient été délaissés sur un plan urbain et architectural. Ainsi, 47 milliards d'euros ont été injectés dans notre économie grâce au programme dit « ANRU 1 », et 20 à 30 milliards d'euros le seront sûrement grâce au programme dit « ANRU 2 », qui débutera dans quelques mois.

Nous ne pouvons que nous en féliciter au regard de l’amélioration de la vie des habitants. Toutefois, nombre de ces réhabilitations ont été mises en œuvre sans recueillir l’avis de ces derniers et certaines, parfois, ont échoué – nous avons certainement toutes et tous, ici, des exemples à évoquer.

On peut être opposé au principe même de conseil citoyen, et il est vrai que l’actuelle majorité sénatoriale, qui était minoritaire à l’époque, a voté contre la création de tels conseils. Les sénateurs qui viennent de s’exprimer pour défendre une position visant à n’accorder aucun droit supplémentaire à ces instances sont donc cohérents, je tiens à le souligner, avec leur vote initial de février 2014.

Néanmoins, le Gouvernement, soutenu par la majorité de l’Assemblée nationale, défend une autre position. Nous voulons donner ce droit supplémentaire aux habitants et leur permettre, ainsi, de participer à la démarche de coconstruction. En effet, madame la rapporteur, la coconstruction que vous évoquiez tout à l’heure ne fait intervenir que des instances stabilisées, des institutions : l’État, les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, les organismes de sécurité sociale, etc.

Certes, les dossiers sont complexes, mais comment peut-on imaginer régler de telles questions de fond sans mettre tous les partenaires concernés autour de la table ? Or aujourd'hui, il manque un partenaire dans la démarche de coconstruction : les habitants eux-mêmes !

L’objet de cet amendement est de leur permettre, enfin, de participer. Aujourd'hui, ils peuvent s’exprimer au travers des conseils citoyens, mais demain, grâce à ce droit d’interpellation – celui-ci n’est pas un droit d’injonction, contrairement à ce que j’ai entendu dans certains propos –, ils pourront dire leur désaccord ou leur souhait de voir évoluer la réponse publique apportée dans le cadre du contrat de ville.

Il y a là, en quelque sorte, une marque de confiance envers les citoyens. Est-il anormal que nous, représentants d’institutions diverses et variées ou d’exécutifs locaux, puissions, à un moment donné, entendre de manière officielle la voix portée par ceux pour qui nous travaillons ?

Pour ma part, je n’ai pas peur des citoyens ! Et puisqu’il est question de méfiance vis-à-vis des élus, monsieur le président du groupe du RDSE, j’espère que vous ne faites pas preuve de méfiance à l’égard des habitants qui vous ont fait confiance.