M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué récemment à M. le rapporteur en commission des lois, je suis gêné par cette proposition de loi, non pas parce que je nourrirais quelque haine rentrée à l’encontre des communes nouvelles en général – il est des cas où la géographie ainsi que les pratiques locales de coopération naturelle en font une formule de bon sens –, mais parce que, de lecture en lecture, le « dispositif initial, clair, simple et limité » – je reprends ses propres termes – auquel j’adhérais totalement non seulement est devenu compliqué, et parfois obscur, mais s’est trouvé parasité par des dispositifs discutables, dont l’un est inacceptable à mes yeux et, d’ailleurs, sans rapport avec le texte initial.

J’adhère à la proposition d’unifier le régime des communes associées de la loi Marcellin et celui des communes déléguées prévues par la loi du 16 mars 2015. Cette simplification, cette « mise à niveau législative » – si vous me permettez l’expression – contenue dans la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido est, en effet, tout à fait bienvenue.

Discutables en revanche sont toutes les propositions, dont le nombre est allé grandissant au fil des discussions et de la navette, qui, au lieu de tendre à créer de nouvelles communes parce que cela correspond à la logique des situations, visent à mettre en place des ensembles tellement nouveaux qu’ils présentent des avantages que les communes n’ont pas, par exemple celui de désigner plus de délégués sénatoriaux que n’en aurait une commune de taille identique, de surcroît selon une règle à choix multiples qui ne brille ni par sa simplicité ni par son équité par rapport aux autres communes. La simplicité et l’équité auraient voulu que la nouvelle commune dispose d’un nombre de délégués correspondant à sa taille. Je concède que cela eût été trop simple et trop équitable… C’est donc une autre solution qui a été retenue.

Enfin, proposition pour moi totalement inacceptable et dont je ne vois pas ce qu’elle vient faire dans ce texte, l’article 1er quater prévoit que « le conseil municipal peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème […], à la demande du maire ».

Sachant ce qu’est le statut de l’élu, pour lequel nous sommes nombreux à nous battre depuis des dizaines d’années, sachant, notamment, le montant des indemnités dont bénéficient les maires des communes de moins de 1 000 habitants, sachant les pressions que subissent parfois ceux qui acceptent de prendre les responsabilités que d’autres refusent tout en lorgnant sur les trois sous d’indemnité, je ne comprends pas que le Sénat puisse céder à ce genre de sollicitations, d’autant que, pour la première fois dans l’histoire, durant ce quinquennat, non seulement l’élaboration d’un véritable statut de l’élu n’a pas progressé – cela n’avait pas non plus été le cas sous le quinquennat précédent –, mais, s’agissant des indemnités, elle aura régressé, parce que l’ensemble des indemnités ont été soumises à des cotisations sociales qui n’apporteront aucun droit nouveau à beaucoup des assujettis, parce qu’une taxe de 1 % sera prélevée sur les indemnités pour alimenter un fonds de financement de la formation dont je crains qu’il ne serve pas à grand monde. Enfin, cerise sur le gâteau, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la suppression de l’imposition des indemnités par le biais d’un dispositif spécifique et leur intégration obligatoire dans la base imposable de l’impôt sur le revenu. (MM. Henri de Raincourt et Bruno Sido acquiescent.)

Les fonctions d’élu municipal étant « gratuites » selon la loi, intégrer le produit de fonctions gratuites dans l’assiette de l’impôt sur le revenu ne manque pas de sel… pour l’État bien sûr, qui renforce cette « gabelle » sur le dos des collectivités et de leurs élus. (MM. Henri de Raincourt et Bruno Sido approuvent.)

Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’aurais volontiers voté la proposition de loi initiale. Je me serais fait violence en m’abstenant sur les avantages temporaires accordés aux communes nouvelles, mais jamais je ne voterai un texte qui pénalise des collègues élus dont le dévouement à la chose publique mérite d’être reconnu publiquement. En revanche, mes collègues du RDSE s’abstiendront. (Mme Jacqueline Gourault et M. François Bonhomme applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après presque un an de navette parlementaire, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle.

Comme j’avais déjà pu le dire lors de la première lecture, ce texte est tout à fait bienvenu. Je salue à nouveau le travail de qualité accompli par son auteur, Bruno Sido, et son rapporteur, François Grosdidier.

Ce texte, qui a pour objet de compléter le dispositif de la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, est attendu par un certain nombre de communes. Il sera par ailleurs fort utile en vue des prochaines élections sénatoriales.

Le devenir des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle nécessitait d’être précisé. En effet, il existe un vide juridique pour les communes fondatrices désireuses de conserver leurs liens de proximité et leur propre identité, au-delà du regroupement. Cette proposition de loi permet de pallier ce manque et vient rassurer toutes les communes qui ont envie de s’engager dans une démarche de regroupement.

Lors de son examen à l’Assemblée nationale, la proposition de loi a fait l’objet de quelques modifications, que nous avons approuvées en commission puisque le rapporteur a proposé l’adoption du texte sans modification, soit par un vote conforme.

J’évoquerai d’abord les modifications introduites à l’article 1er nonies, sur lequel je souhaite m’arrêter quelques instants. J’ai en effet été interpellée sur la rédaction de cet article tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Il vise à permettre aux communes déléguées de conserver le même nombre de représentants au sein du conseil communautaire lorsque les EPCI auxquels elles sont rattachées fusionnent.

Sa rédaction, susceptible de donner lieu à différentes interprétations, aurait mérité d’être précisée. En proposant de supprimer l’article, le Gouvernement a opté pour une position plus radicale.

M. Henri de Raincourt. Logique, quand le ministre est radical ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. Nous ne voterons pas son amendement, car nous voulons que le texte soit adopté conforme.

Je ne reviendrai pas sur d’autres dispositions du texte, notamment sur celles qui sont relatives aux modalités d’harmonisation de la redevance pour enlèvement des ordures ménagères lors de la création d’une commune nouvelle.

Je concentrerai mon propos sur la suppression de l’obligation d’indemnisation au taux maximum des maires pour les communes de moins de 1 000 habitants. Introduire une telle mesure me semble une erreur.

Mme Jacqueline Gourault. Je me suis battue, dans cet hémicycle, pour le maintien de cette obligation, que nous avions instaurée à l’unanimité pour répondre à une demande très ancienne de l’Association des maires de France.

Certes, le texte maintient le principe de l’indemnisation au taux maximum, mais instaurer la possibilité d’une dérogation à la demande du maire pourra conduire à ce que des pressions s’exercent sur celui-ci avant même son élection afin qu’il décide une réduction du montant de son indemnité.

Mme Françoise Gatel et M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. François Bonhomme. Il y en aura !

Mme Jacqueline Gourault. À ce sujet, je regrette que la proposition de loi que Jean-Pierre Sueur et moi-même avons élaborée ait rendu exécutoire dès la publication de la loi la fixation automatique du montant de l’indemnité pour les communes de moins de 1 000 habitants. Si l’on avait prévu que cette mesure entrerait en vigueur à partir des prochaines élections municipales, en 2020, elle serait passée comme une lettre à la poste, au lieu de faire du bruit dans Landerneau en raison d’engagements qui avaient pu être pris entre maires et adjoints…

À ce bémol près, toutes les modifications qui ont été apportées par nos collègues députés vont dans le bon sens.

Je relève, à la suite de Pierre-Yves Collombat, que la création d’une taxe destinée à alimenter un fonds de financement de la formation et la suppression, en loi de finances, du dispositif d’imposition à la source vont quelque peu rogner les indemnités des élus locaux.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

M. Henri de Raincourt. C’est une honte !

M. Bruno Sido. Ce n’est pas encore voté…

Mme Jacqueline Gourault. Il est assez piquant de voir ceux-là mêmes qui s’opposent à l’indemnisation au taux maximal protester contre ces deux mesures ! Cherchez la logique…

Enfin, toutes les dispositions relatives à la désignation des délégués des conseils municipaux pour les élections sénatoriales sont bienvenues. L’article 2 fait bien la distinction entre les communes de moins de 9 000 habitants et celles de plus de 9 000 habitants, seuil de population au-delà duquel, aux termes de la loi actuelle, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit.

Nous avons prévu deux phases transitoires, la première courant de la création de la commune nouvelle jusqu’au premier renouvellement du conseil municipal, en 2020, la seconde débutant ensuite, avant retour au droit commun.

Je tiens à rappeler que, pour les communes de moins de 9 000 habitants, le nombre de délégués ne pourra jamais excéder le nombre total de délégués auxquels les anciennes communes avaient droit avant la fusion. On oublie toujours de le préciser, or il est important de le faire pour contrer l’idée d’une inflation du nombre des délégués.

Le groupe UDI-UC votera évidemment la proposition de loi de M. Sido. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi complète le dispositif de la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, qui a offert des perspectives intéressantes aux communes souhaitant se regrouper.

Il s’agit de favoriser les regroupements volontaires. Les démarches de ce type vont dans le bon sens. En effet, le nombre sans égal de communes que compte notre pays et le millefeuille des collectivités territoriales et des établissements publics locaux contribuent à la perte de lisibilité des institutions et amoindrissent l’efficacité de l’action publique locale.

Le Sénat a maintenu les modifications apportées à ce texte par l’Assemblée nationale. Celui-ci recueille donc un assentiment assez large. Comme en première lecture, le groupe écologiste le soutiendra, compte tenu de sa philosophie générale, même si, sur quelques points, comme le respect de la parité, nous aurions apprécié que l’on se montre plus sourcilleux. Je partage en outre le sentiment de Pierre-Yves Collombat : nous n’aurons pas réussi à avancer suffisamment sur le statut de l’élu durant cette législature.

Réduire le nombre de communes en France est un exercice de long terme, qui a commencé voilà quarante-cinq ans. Seulement 266 communes nouvelles ont été créées en 2015, pour un total de 950 communes regroupées. Cela a tout de même permis de passer sous le seuil symbolique de 36 000 communes, avec 35 885 communes recensées au 1er janvier 2016. Le bilan reste donc maigre, puisque notre pays comptait 37 708 communes en 1968, soit une diminution de moins de 5 % en cinquante ans.

On note néanmoins un frémissement, souvent lié, il faut le dire, à la carotte financière. On l’observe notamment dans l’Ouest, en particulier en Maine-et-Loire et en Loire-Atlantique, où se manifeste un intérêt véritable pour cette démarche de fusion. À ma connaissance, c’est même la première fois, depuis le rattachement du duché de Bretagne à la France en 1532, que des communes quittent l’Anjou pour la Bretagne, et réciproquement !

La commune reste l’institution républicaine de proximité par excellence. C’est un échelon précieux, auquel la démocratie locale peut encore s’exercer au mieux, avec un enjeu très fort : le maintien et le renforcement du lien social entre habitants du territoire. Si les habitants de ce pays sont aussi attachés à leur commune, cela tient certainement à une volonté de maintenir une présence des institutions républicaines au plus près des citoyens.

Les écologistes ne souhaitent évidemment pas la disparition des communes. Nous défendons les communes, anciennes et nouvelles, et c’est dans cet esprit que nous voterons cette proposition de loi : ce n’est pas tous les jours que le groupe écologiste vote un texte déposé par M. Sido ! (M. Bruno Sido rit.)

Cela étant, les écologistes reconnaissent le fait intercommunal et soutiennent le renforcement des intercommunalités, l’échelle du bassin de vie étant la plus cohérente pour organiser la plupart des politiques publiques. De toute évidence, l’urbanisme, l’habitat, les transports, les équipements sportifs et culturels relèvent de ces politiques qui gagnent à être exercées à l’échelle des intercommunalités.

Nous devons désormais aller plus loin sur le plan démocratique et passer à une élection des élus des intercommunalités au suffrage universel direct (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), idée dont nous avons déjà longuement débattu dans cette enceinte et qui, je le sais, bénéficie d’un fort soutien au Sénat…

Au fil des ans, les conseils communautaires ont vu leurs missions s’étendre. Les EPCI concentrent désormais un nombre important de compétences, mais le code électoral actuel ne donne pas à cet échelon territorial une légitimité à la mesure de son importance. Il est primordial que les citoyens désignent leurs représentants de manière directe et démocratique. Les dernières élections municipales ont encore montré que le fait communautaire est souvent absent des débats lors de la campagne, en dehors de la commune centre, alors même qu’il constitue l’enjeu principal pour la vie de nos concitoyens. Cette situation devrait nous interpeller davantage : il s’agit là d’une lacune démocratique.

J’ajoute que le système actuel de désignation des représentants des communes dans les conseils communautaires s’exonère souvent des règles relatives à la parité entre femmes et hommes. À titre d’exemple, le conseil de la métropole du Grand Paris est composé aujourd'hui de 149 hommes et de 60 femmes et son exécutif comprend plus de 85 % d’hommes : il y a là une anomalie grave de la démocratie locale !

Outre que l’article 54 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, disposait que les conseillers métropolitains seraient élus au suffrage universel direct lors des élections de 2020, son article 48 prévoyait la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur le déroulement de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires en 2014, autrement dit sur le bilan des élections municipales avec fléchage des conseillers communautaires. Ce rapport devait étudier « notamment l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de conseiller communautaire ».

Or, monsieur le ministre, vous avez annoncé, à la fin du mois de septembre, que le Gouvernement renonçait à la mise en œuvre du suffrage direct pour les conseillers métropolitains en 2020. Vous avez donc décidé de revenir sur le fruit d’un nombre incalculable d’heures de débats, au sein du Parlement et entre le Parlement et le Gouvernement, qui avaient abouti à une décision que nous jugeons insuffisante, mais qui avait au moins le mérite de marquer un progrès en la matière.

Le groupe écologiste aimerait connaître les raisons profondes de ce revirement. Nous souhaitons également connaître la date de remise du rapport prévu à l’article 48 de la loi MAPTAM : nous l’attendons depuis septembre 2014 ! Monsieur le ministre, il nous semble que le respect du Parlement, en particulier du Sénat en tant que chambre représentant les collectivités, passe par le respect de la loi, et donc par la remise de ce rapport.

Cela dit, nous considérons que, globalement, cette proposition de loi va dans le bon sens. Le groupe écologiste la votera. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord vous remercier de la qualité de votre écoute.

Madame Cukierman, je suis d’accord avec vous : les communes sont une richesse. Je ne sais pas s’il faut se réjouir de la baisse de leur nombre grâce à la création de communes nouvelles, mais je suis un homme pragmatique : la loi étant la loi, il faut l’appliquer ; tel est l’objet de cette proposition de loi.

Je ne suis pas un homme pressé. Je n’ai pas monté quatre à quatre les marches de l’escalier qui m’a conduit dans cet hémicycle, étant devenu conseiller municipal à mon retour du service militaire, puis maire délégué, puis premier adjoint, puis maire, puis conseiller général…

M. Bruno Sido. Je connais donc le sujet, et je sais ce que pensent les maires délégués et les maires des communes associées, la Haute-Marne étant le premier département, devant la Meuse, à avoir appliqué la loi Marcellin. J’observe d'ailleurs que nul n’est prophète en son pays : le Morbihan, terre d’accueil d’e Raymond Marcellin, ne compte aucune commune associée…

En réalité, si j’ai déposé, très modestement, le 20 novembre 2015, cette proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle, c’est parce qu’il me semblait nécessaire de réparer une injustice : je n’avais aucune autre ambition !

À ce titre, je me réjouis, au nom de toutes les communes et de toutes les communes associées, quelque peu abusées par la loi Marcellin, qu’une issue honorable ait pu être trouvée, en plein accord avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Je tiens à remercier M. le président du Sénat, M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur, qui ont permis à ce texte de cheminer sans encombre jusqu’à la deuxième lecture, tout en étant enrichi par d’utiles amendements. Je témoigne aussi ma reconnaissance à Bruno Retailleau, président de notre groupe, pour avoir facilité l’inscription de ce texte à l’ordre du jour.

Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un juste équilibre.

À la suite de la loi Marcellin, qui ambitionnait de répondre au défi de l’émiettement communal en organisant des fusions de communes, quelques territoires du Nord-Est, comme la Haute-Marne, ont, avec confiance et application, montré l’exemple ; en vain, puisque le texte n’a pas rencontré le succès escompté au plan national. Il faut dire que le département de la Haute-Marne, terre d’accueil du général de Gaulle, a toujours répondu présent aux appels de la République, qu’il s’agisse de défendre la patrie ou d’appliquer loyalement les consignes gouvernementales, et donc préfectorales…

Cette loyauté républicaine est tout à l’honneur de mes concitoyens, à l’heure où l’autorité du Gouvernement est mise à mal jusque dans les commissariats. Elle comporte cependant un risque : lorsque l’État fait fausse route, comme avec la loi Marcellin, nous devons assumer les conséquences de l’avoir suivi de près.

En l’occurrence, la petite centaine de communes – elles étaient 200 à l’origine – qui, depuis le début des années soixante-dix, avaient courageusement montré la voie se trouvaient moins bien traitées par la loi du 16 mars 2015 encourageant la création de communes nouvelles que les dernières ralliées aux bienfaits du regroupement communal : celles-ci restaient des communes déléguées quand celles-là disparaissaient purement et simplement ! Il y avait là un véritable paradoxe.

Je voudrais remercier nos collègues des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale de leur écoute. Comme l’a dit notre rapporteur, « le Sénat puis l’Assemblée nationale ont complété le dispositif initial, clair, simple et limité, dans l’esprit de la loi de 2015. […] Nous avons préservé les communes déléguées en cas d’élargissement analogue à une ou plusieurs communes issues de la loi Marcellin – tel est le cœur de la proposition de loi. » En effet !

Confrontée à un problème géographiquement localisé et numériquement peu significatif, la représentation nationale a su faire preuve de proximité, de compréhension et de volonté de réparer une injustice. À ceux de nos concitoyens qui considèrent que leurs parlementaires sont trop éloignés des réalités du quotidien, notamment dans le monde rural, j’espère, au travers de cet exemple, apporter la démonstration du contraire. Au sentiment d’abandon qui fait le succès des populismes, je voudrais opposer le travail patient, discret et souvent efficace du Parlement.

Demain, si vous l’acceptez aujourd’hui, ce texte deviendra loi et le conseil municipal de Colombey-les-Deux-Églises, par exemple, pourra demander la transformation de ses six communes associées en autant de communes déléguées, à l’occasion d’une fusion au sein d’une commune nouvelle. En Haute-Marne, cela lèvera un frein au développement des communes nouvelles et permettra la diminution du nombre de communes que vous souhaitez, monsieur le ministre.

Le 8 mars dernier, après l’avoir amélioré, le Sénat a adopté ce texte en première lecture. L’Assemblée nationale a fait de même le 1er juin, après l’avoir enrichi de neuf articles supplémentaires, tout en respectant l’idée principale qui le sous-tend.

La représentation transitoire des communes déléguées au sein des intercommunalités, en l’occurrence jusqu’au prochain renouvellement, la détermination du nombre de délégués sénatoriaux, les aspects financiers : sur tous ces points, la proposition de loi a été utilement complétée.

Les communes s’engageant dans la création d’une commune nouvelle doivent bien sûr recevoir un encouragement en termes de représentation et de dotation. Cette « prime au mérite », dont j’insiste sur le caractère temporaire, qui sera peut-être de nature à rassurer le Conseil constitutionnel, sert l’esprit de mutualisation qui est au cœur de la loi du 16 mars 2015, tout en respectant l’identité des communes déléguées.

Respecter les communes, c’est aussi, comme l’a fait l’Assemblée nationale en étendant la portée de l’amendement de notre collègue Charles Guené, permettre aux conseils municipaux de déroger aux dispositions de la loi du 31 mars 2015 qui fixent au niveau maximum l’indemnité des maires. J’en profite pour saluer le désintéressement de ces derniers et de leurs adjoints, nombreux à soutenir cette démarche.

Toutefois, comme M. Collombat, j’invite le Gouvernement à veiller à la neutralité fiscale de l’article 5 du projet de loi de finances pour 2017, qui prévoit la fin de la retenue à la source spécifique aux indemnités de fonction, au profit de l’application des règles de droit commun de l’impôt sur le revenu. Si je comprends la nécessité de simplifier la collecte de l’impôt dans la perspective de la mise en place du prélèvement généralisé à la source en 2018 – si cela se réalise ! –, j’estime néanmoins que nous devons garantir la stabilité des ressources déjà modestes attribuées par l’État aux maires des communes, notamment des plus petites d’entre elles.

Le souci de l’équité a guidé nos travaux. Comme le disait Boileau : « Dans le monde, il n’est rien de beau que l’équité : sans elle, la valeur, la force, la bonté […] ne sont que faux brillants et que morceaux de verre. ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi d’origine haut-marnaise nous revient enrichie par nos collègues de l’Assemblée nationale, qui n’ont pas remis en cause l’esprit de notre travail ; ils en ont parfois parfait la lettre et complété les mécanismes.

À cet égard, le report logique, mais très temporaire, de la mise en œuvre de la parité pour les communes de moins de 1 000 habitants que j’avais introduit a été conservé, pour permettre que le texte puisse s’appliquer dans les communes les plus concernées et lui donner toute sa portée, surtout dans les départements qui, comme la Haute-Marne, avaient adhéré sans retenue au dispositif de la loi Marcellin.

Je note que l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa rapporteur générale, s’est montrée plus audacieuse que le Sénat au sujet de la fixation du montant de l’indemnité des maires. Mais, selon l’adage bien connu, « qui peut le plus peut le moins », et nous ne voyons pas d’objection à ce que le montant de cette indemnité puisse être réduit de manière plus générale, à la seule initiative – j’y insiste – de l’élu.

Toutefois, je voudrais souligner, comme d’autres l’ont fait avant moi, mais de manière peut-être plus technique, que le projet de loi de finances pour 2017 atténue le bénéfice pour les maires de cet élargissement.

En effet, au prétexte de mettre en cohérence le régime d’imposition des élus avec la réforme du prélèvement de l’impôt à la source, il a été décidé de supprimer le régime du prélèvement libératoire. On pourrait en admettre le principe si cela s’inscrivait dans le cadre de la neutralité fiscale. Or le Gouvernement « omet », dans son calcul, le rétablissement de l’équivalent de la tranche « zéro » en sus de l’abattement pour frais d’emploi. De ce fait, tous les élus des communes de plus de 500 habitants seront désormais imposables – souvent lourdement – au titre de ce qui était jusqu’alors considéré comme une indemnité de fonction.

J’espère que la discussion du projet de loi de finances pour 2017 permettra de rétablir, à cet égard, le pacte républicain entre élus et Gouvernement – pour ne pas ajouter au prélèvement pour le redressement des finances publiques, que l’on vient de réduire –, et que l’on voudra bien considérer que l’indemnité des maires de communes de moins de 1 000 habitants constitue non pas un salaire, mais une indemnité pour frais non imposable. Les élus bénévoles de nos territoires le méritent bien.

J’arrête là cette digression quelque peu cavalière, mais j’ai cru utile d’user de cette tribune pour « sonner l’alerte », compte tenu du tollé que la mesure en question provoquera lorsque la grande cohorte des élus de la République en aura pleinement saisi la portée. Ainsi, personne ne pourra dire qu’il en ignorait les conséquences précises.

L’Assemblée nationale a également adopté, grâce à la rapporteur Christine Pires Beaune, plusieurs mesures utiles d’harmonisation, afin d’adapter le dispositif aux fusions d’EPCI et aux compétences, lorsqu’elles étaient distinctes, tout en maintenant le nombre des représentants des communes historiques durant la période transitoire. On peut louer le travail réalisé en commun par les deux assemblées sur un sujet qui appelait le consensus.

Le texte n’est sans doute pas parfait, mais il va permettre aux dernières communes qui souhaiteraient bénéficier des avantages financiers de la fusion de se réunir avant le 31 décembre ; à celles qui seraient moins pressées, il offrira un cadre apaisé, permettant une transition harmonieuse jusqu’à la fin du mandat en cours.

Ce sont là, déjà, des objectifs fort louables. Ce texte permettra aussi à la commune de perdurer en tant qu’entité de base de notre nation, sans faire disparaître la commune historique qui constitue son ADN d’origine et en réhabilitant, avouons-le, les municipalités cantonales de la Ière République. Ce qui n’avait pu être imposé par la Constituante s’installe par la seule volonté du peuple. Laissons vivre cette voie originale qui avait besoin d’un cadre assoupli pour prospérer. Nous permettrons ainsi à la démocratie de proximité de trouver ses équilibres, à l’heure où on lui impose la constitution de grands ensembles à vocation stratégique sans qu’elle y trouve toujours son compte.

Telle est l’ambition qui sous-tend ce texte, dont l’élaboration a été engagée par mon excellent collègue Bruno Sido et conduite de main de maître par notre rapporteur, François Grosdidier. Le mieux pour demain est sans doute l’ennemi du bien d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)