Mme la présidente. L'amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Daudigny, Labazée et Guillaume, Mmes Bricq, Génisson et Riocreux, MM. Godefroy, Durain et Tourenne, Mmes Schillinger, Émery-Dumas, Yonnet, Féret et Claireaux, MM. Vergoz et Caffet, Mmes Meunier et Campion, M. Jeansannetas et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :

1° Après le mot : « commerce, », sont insérés les mots : « ainsi que toute autre contribution financière sous quelque forme que ce soit, » ;

2° Après le mot : « consentis » sont insérés les mots : « directement ou indirectement ».

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement a pour objet de clarifier la nature des contributions financières incluses dans le plafond des remises qui peuvent être octroyées par les fournisseurs aux officines clientes.

Dans un marché extrêmement concurrentiel, nombre de laboratoires, notamment fabriquant des médicaments génériques, octroient des remises aux taux maximaux légalement autorisés, à savoir 2,5 % pour les princeps et 40 % pour les génériques. Toutefois, de nombreux laboratoires développent des relations avec les pharmacies ne se rapportant pas directement à la vente des médicaments, comme l’achat d’espaces de publicité institutionnelle au sein de l’officine.

Or la rédaction actuelle de l’article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est imprécise et ne permet pas de déterminer avec certitude si ces contributions financières additionnelles dues au titre de ces services rentrent dans le calcul du plafond. Cette imprécision crée une incertitude préjudiciable à l’activité du secteur.

Afin de mettre fin à cette insécurité, le présent amendement vise à inclure dans le plafond de l’article L. 138-9 du code précité l’ensemble des contributions financières versées par les fournisseurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous partageons la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, laquelle rejoint les conclusions d’un récent contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur les avantages commerciaux dans le secteur pharmaceutique.

La DGCCRF relevait en effet que « le manque de lisibilité des pratiques […] permet parfois de contourner les dispositions du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale en matière de remises et d’avantages octroyés par les laboratoires pharmaceutiques aux pharmacies d’officine », et que « les remises sont souvent accordées à leur niveau maximum sur les factures, auxquelles s’ajoutent des avantages commerciaux divers qui doivent, dans certains cas, entrer dans le calcul des taux de remises ».

Nous ne nous y méprenons pas : l’intention est bonne, mais je ne suis pas certain cependant que la rédaction proposée permette de répondre à l’objectif de clarification. C’est pourquoi la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vais m’exprimer sur l’amendement. Puis, je ferai quelques observations sur les interventions préliminaires que nous avons entendues.

L’objectif que vous mettez en avant, monsieur Daudigny, est évidemment partagé par tout le monde.

Selon le Gouvernement, l’article L.138-9 du code de la sécurité sociale que vous voulez modifier prévoit d’ores et déjà l’encadrement des avantages commerciaux et financiers assimilés « de toute nature ». C’est écrit en toutes lettres ! Ces termes « de toute nature » permettent à la loi d’encadrer les pratiques que vous citez – je pense, par exemple, à l’achat d’espaces de publicité institutionnelle.

L’enjeu est moins dans la rédaction de dispositions législatives que dans la surveillance de la mise en œuvre des mesures existantes. Je vous demande par conséquent, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de cette explication. Le Gouvernement n’est pas en désaccord avec l’objectif que vous poursuivez, mais j’ai la conviction que ce que vous proposez ne changera rien à la réalité parce que les dispositions législatives nécessaires existent déjà.

Je voudrais maintenant répondre à la préoccupation que vous avez exprimée dans votre intervention liminaire.

La volonté du Gouvernement de distinguer la croissance des dépenses de médicaments à travers le taux L entre le secteur de la ville et le secteur hospitalier a pour objet de favoriser les produits les plus innovants et de mettre en avant des stratégies d’encadrement et de régulation.

J’entends votre préoccupation et je la partage. Il n’est pas question d’exercer une pression renforcée par principe sur l’hôpital. D'ailleurs, notre volonté se traduit par un taux pour l’hôpital supérieur à celui qui est appliqué en ville. Je sais que vous êtes, comme le Gouvernement, sensible à la nécessité de la régulation.

Je m’adresse maintenant à M. le président de la commission des affaires sociales, selon lequel il faut non des paroles, mais des actes. Lorsque les industriels mettent en avant le montant d’économies demandé au secteur du médicament, ils ont le sentiment que les actes sont là ! Il en va de près de 1,5 milliard d’euros d’économies.

J’accepte d’entendre ceux qui disent qu’il faut de la régulation, mais qui ne considèrent pas celle-là comme adaptée. Encore faut-il qu’ils m’expliquent ce que l’on fait ! Je pense aussi à ceux qui s’expriment au nom de l’industrie pharmaceutique – disons les choses clairement – ou au nom de l’activité économique et qui prétendent que tout mécanisme de régulation doit être supprimé.

En effet, je regarde les votes intervenus à l’Assemblée nationale et dans cette enceinte depuis quelques années. Or, sur les travées de la majorité sénatoriale, on vote contre des mécanismes de régulation ! C’est donc laisser entendre à l’industrie pharmaceutique que si demain, cette majorité revenait au gouvernement, ces mécanismes de régulation seraient revus, faisant ainsi disparaître les milliards d’euros d’économies réalisés.

En même temps, je lis dans les programmes – je suis désolée, mais je les lis ! – que des déremboursements interviendront. Pour ma part, je vous le dis en toute honnêteté, je ne sais pas comment vous parviendrez à boucler votre budget. Vous dites, comme les années précédentes, qu’il faut faire davantage d’économies en matière de sécurité sociale, qu’il faut aller vers un équilibre solide et sincère, qu’il faut en finir avec la régulation du secteur pharmaceutique. Cela signifie 1,5 milliard d’euros d’économies de moins dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et cela signifie moins de remboursements.

Honnêtement, je ne comprends pas comment on peut parvenir à boucler le budget, sauf à faire supporter par les Français la charge du coût des médicaments et des traitements qui ne seraient plus remboursés et dont le prix, par ailleurs, ne serait plus maîtrisé.

Au-delà des programmes, j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur cette réalité : le défi des prochaines années est celui du prix de l’innovation. Voulons-nous que nos concitoyens puissent accéder à la révolution thérapeutique qui est engagée, celle qui a permis de sauver la vie de personnes condamnées par l’hépatite C, celle qui permettra demain de mieux soigner et peut-être de guérir après-demain des cancers dont on ne guérit pas aujourd'hui ou qui sont mal soignés ? En France, l’un des pays pionniers en la matière, l’accès à l’immunothérapie est très large. Demain, d’autres traitements pourront être proposés pour des maladies rares ou d’autres cancers.

Voilà des décennies que nous n’avions pas vu arriver de telles nouveautés et de telles innovations. Nous devons relever ce défi – c’est, franchement, un défi magnifique ! Mais tout cela a un coût ! Si nous voulons que les antibiotiques continuent à soigner, alors que se développe l’antibiorésistance, nous devons aussi assumer la régulation de ce coût : d’où des dispositifs, le taux W pour l’hépatite C et d’autres mécanismes pour d’autres traitements.

J’appelle à ne pas mettre en avant une illusion. Personne ne pourra se passer de la régulation du prix du médicament. Cela signifie privilégier les médicaments génériques, baisser le prix de ceux qui ne sont pas innovants, définir un juste prix, y compris pour l’innovation. Nous retrouverons ce débat, mais peut-être sera-t-il écourté par les interventions qui viennent d’avoir lieu, lors de l’examen de la partie consacrée aux dépenses de l’assurance maladie. C’est un débat majeur, c’est un débat éthique, c’est un débat moral : voulons-nous ou non que les Français puissent continuer à accéder demain à des traitements qui soignent et qui guérissent ?

Si la réponse est oui – et je suis certaine que tel est le cas sur toutes les travées de cet hémicycle – alors, il faut assumer la régulation ! Ce n’est pas toujours simple, c’est exigeant, mais il faut assumer ce choix ! En effet, c’est trop facile de dire qu’on va soigner tout le monde et préserver l’innovation, tout en étant gentil avec les industriels auxquels on promet qu’ils pourront continuer d’augmenter leurs prix sans aucun contrôle et sans aucune régulation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Aline Archambaud applaudit également.)

Mme la présidente. Monsieur Daudigny, l'amendement n° 196 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Daudigny. Madame la ministre, je n’ai évidemment aucune raison de mettre en doute l’explication que vous venez de donner, même si, de toute évidence, les laboratoires font une lecture plus restrictive de l’article. L’information leur sera donnée.

Par conséquent, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 196 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 279 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Bertrand, Castelli et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

(Lv) ou d’un taux (Lh) déterminés

par les mots :

L déterminé

et les mots :

chacun de ces

par le mot :

ce

II. – Alinéas 5 à 9

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« 1° Ceux inscrits sur les listes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 162-17, à l’article L. 162-22-7 du présent code ou l’article L. 5126-4 du code de la santé publique ;

« 2° Ceux bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation prévue à l’article L. 5121-12 du même code ;

« 3° Ceux pris en charge en application de l’article L. 162-5-2 du présent code.

III. – Alinéas 11 et 12

Remplacer le mot :

chaque

par le mot :

la

IV. – Alinéa 13

1° Première phrase

Remplacer les mots :

les contributions prévues

par les mots :

la contribution prévue

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

V. – Alinéa 15

Remplacer le mot :

chaque

par le mot :

la

VI. – Alinéas 17 à 21

Supprimer ces alinéas.

VII. – Alinéa 22

Supprimer les mots :

les mots : « de la contribution due » sont remplacés par les mots : « des contributions dues » et

VIII. – Alinéas 23 à 26 et 31 à 34

Supprimer ces alinéas.

IX. – Alinéa 35

Rédiger ainsi cet alinéa :

B. – Pour l’année 2017, le taux L mentionné à l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale est fixé à 1 %.

X. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Ce qu’il y a de bien, c’est que Mme la ministre a déjà répondu à mon amendement avant que je ne le défende ! (Sourires.)

Année après année, budget après budget, l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale connaît une nouvelle invention pour complexifier le mécanisme de régulation de la consommation médicale à la charge de la sécurité sociale !

On a connu le taux K, lequel est devenu le taux L. Fixé, l’année dernière à – 1 %, il correspondait au seuil de progression du chiffre d’affaires net de remises au-delà duquel les laboratoires sont redevables d’une contribution dite « clause de sauvegarde ». On nous a expliqué l’an passé que l’objectif du Gouvernement était de stabiliser les dépenses de remboursement et que pour respecter cette stabilisation, le taux de progression devait être négatif et s’établir à – 1 %.

Les industriels ont accepté ce taux. Or plutôt que de leur permettre de s’adapter en reconduisant dans les mêmes conditions ce système pour quelques années – disons trois ans, par exemple –, l’ingéniosité technocratique s’est de nouveau manifestée pour triturer le mécanisme en place ! On a donc inventé cette année le taux Lv de 0 % pour les médicaments de ville et le taux Lh de 2 % pour l’hôpital.

Avec cette invention, on s’attaque à la dépense hospitalière, c'est-à-dire essentiellement aux thérapeutiques dont Mme la ministre vient de faire les louanges ! Il s’agit des thérapeutiques innovantes – telles l’oncologie, l’hématologie ou d’autres disciplines – certainement très coûteuses, qui vont manifestement être gênées par ce bridage à 2 %.

Pour suivre ce dossier, il ne faut pas oublier que certains médicaments disponibles à l’hôpital sont rétrocédés pour les patients en traitement ambulatoire. Je rappelle que la consommation globale de médicaments en ville s’élève à 34 milliards d'euros. La sécurité sociale procède à un remboursement de 23 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros interviennent au titre de la rétrocession à la ville des médicaments de l’hôpital.

Les choses sont d’une telle complexité que personne n’aurait rien dit, me semble-t-il, si ce taux de – 1 % avait été maintenu ! On a inventé ces 2 %. Je pense que pour garantir une progression satisfaisante de la recherche, il faudrait augmenter ce taux hospitalier à hauteur de 4 % au moins. C’est à partir de ce chiffre que l’on pourrait peut-être prétendre vouloir soigner tous les patients dans notre pays !

Mme la présidente. L'amendement n° 160 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mme Debré, M. Vasselle, Mmes Di Folco, Deroche et Imbert, M. de Legge, Mmes Cayeux, Canayer et Deseyne, M. B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Morisset et Doligé, Mme Lopez, MM. Pillet, César, Vogel et P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, M. de Nicolaÿ, Mme Mélot, MM. Houel, Pointereau, Laufoaulu et Chasseing, Mme Gruny, M. Rapin, Mme Hummel, M. de Raincourt, Mme Morhet-Richaud, MM. Danesi, Revet, Laménie, Buffet, Houpert, Kennel, Mayet, Lefèvre et Cambon, Mme Deromedi et M. Chaize, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- la première occurrence du taux : « 50 % » est remplacée par le taux : « 40 % » ;

II. – Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- la seconde occurrence du taux : « 50 % » est remplacée par le taux : « 60 % » ;

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Je remercie M. Daudigny, qui a bien déblayé les éléments contenus dans l’amendement que je vais défendre. Je ne reviendrai pas sur les explications que tout le monde a comprises.

Je me contenterai d’ajouter que la répartition entre les prescriptions de médicaments en ville et à l’hôpital est respectivement de 75 % et de 25 %, ce qui concentre naturellement l’effort de 2 % sur une assiette beaucoup plus réduite.

S’agissant de l’amendement que je défends, il faut rappeler que la base repose à 50 % sur l’augmentation du chiffre d’affaires et à 50 % sur le chiffre d’affaires, ce qui pénalise les laboratoires innovants dans la durée.

Voilà pourquoi nous proposons de modifier la répartition pour passer la base d’imposition à 40 % sur le chiffre d’affaires et à 60 % sur l’augmentation du chiffre d’affaires. Il s’agit en fait de revenir à l’objectif initial de la clause de sauvegarde, destinée à contrôler les nouvelles arrivées thérapeutiques afin d’assurer une meilleure durabilité du système de santé.

Cet amendement vise donc à modifier la répartition en appliquant 40 % sur la part de marché, c’est-à-dire le chiffre d’affaires, et 60 % sur la croissance de celui-ci pour ne pas pénaliser les laboratoires innovants dans la durée. Je prendrai une comparaison empruntée au sport. La différence entre la course de fond et le sprint, c’est que la première demande un effort régulier, qui est beaucoup plus sûr, et que la seconde requiert une accélération fulgurante, qui est beaucoup plus aléatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 279 rectifié bis vise à revenir sur la scission du taux L opérée, dans l’article 18, entre la ville et l’hôpital. J’avoue que la commission s’interroge sur l’opportunité de créer une telle différenciation et, plus encore, sur la complexité supplémentaire que celle-ci introduirait. D’autant que la fiscalité du médicament est déjà foisonnante : M. Barbier l’a rappelé, et un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances l’a clairement mis en évidence.

Quant à la pénalisation de l’innovation, nous avons interrogé les industriels concernés, qui nous ont indiqué que le rendement de la contribution devrait être sensiblement le même que si l’on avait conservé un taux L global.

Loin de nous l’idée de déréguler : la commission, comme quiconque dans cette enceinte, est parfaitement consciente de la nécessité de disposer de filets de sécurité pour nous prémunir de hausses de prix parfois excessives sur les molécules innovantes. En revanche, il faudrait peut-être adapter ces mécanismes de régulation qui, comme l’a dit M. Barbier avec humour, ont été conçus par des têtes certainement bien faites, mais plutôt compliquées !

La commission émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 160 rectifié bis, si M. Cardoux a bien tenté de me convaincre de son intérêt, j’avoue néanmoins, à mon grand regret, rester perplexe, car son objet et son dispositif me paraissent être en désaccord.

La volonté des auteurs de cet amendement est, me semble-t-il, de ne pas pénaliser les laboratoires innovants. En effet, ce sont eux qui, a priori, connaissent une forte progression de leur chiffre d’affaires : le flux est forcément important, compte tenu de la création de ces molécules innovantes si coûteuses. Cet amendement tend toutefois à moins taxer la part de marché, donc les grands laboratoires en place depuis longtemps dans le secteur, que la progression du chiffre d’affaires le plus souvent liée à l’innovation.

La commission s’en remet par conséquent, sur cet amendement aussi, à la sagesse du Sénat ; je laisse maintenant à Mme la ministre le soin de nous éclairer davantage.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est défavorable sur ces deux amendements, qui sont de nature différente même s’ils portent sur le même article.

Monsieur Barbier, votre amendement, s’il était adopté, coûterait 250 millions d’euros. Telle serait la situation, il faut le dire !

M. Olivier Cigolotti. C’est un détail ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. D’ailleurs, vous le savez très bien, puisque vous avez gagé votre proposition, ce qui prouve qu’il fallait trouver une compensation financière. Vous avez même reconnu, en défendant votre amendement, qu’il serait aussi simple, pour un rendement équivalent, de disposer d’un taux L unique qu’il faudrait fixer à – 1 %.

Or les industriels concernés nous ont justement demandé de modifier ce taux pour des raisons d’affichage, notamment à l’étranger. Les entreprises multinationales dont les sièges sociaux ne sont pas en France ne peuvent pas toujours saisir toute la subtilité de nos dispositifs : elles ne voient que le taux négatif. C’est pourquoi leurs représentants en France, qui souhaitent pouvoir envoyer des messages positifs à leurs supérieurs, demandent que le taux ne soit pas négatif, même si cela exige une organisation différente. Très explicitement, les industriels ne veulent pas voir revenir un taux de – 1 %.

Par ailleurs, non que j’aie l’obsession des chiffres, mais 250 millions d’euros ne sont tout de même pas une paille dans la construction d’un budget ! Il faudra lever les sabots de bien des chevaux pour trouver les écus nécessaires ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Sur le fond, le taux L – je réponds également aux arguments de M. Cardoux – est un mécanisme de sauvegarde : notre objectif est qu’il ne soit pas déclenché, parce que sa simple existence est un puissant facteur de négociation contractuelle avec les industriels. Cette semaine encore, nous avons conclu avec un laboratoire un accord sur un prix encourageant et satisfaisant pour l’un des principaux anti-PD-1 ; ce produit est directement concerné en tant que médicament innovant délivré à l’hôpital. Or je ne suis pas certaine que, en l’absence de mécanisme de sauvegarde et de régulation, nous aurions la possibilité de négocier de tels prix.

Toutes ces raisons, en particulier leur incidence sur les tableaux d’équilibre, justifient l’avis défavorable du Gouvernement sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voterai évidemment l’amendement présenté par M. Gilbert Barbier. Je souhaiterais cependant revenir sur les propos fort intéressants de Mme la ministre.

Il est vrai que la mauvaise image internationale d’un taux L négatif est plutôt nuisible aux laboratoires pharmaceutiques, ou du moins à ceux dont le siège social est situé à l’étranger. Nous vous en avions avertie l’an dernier, madame la ministre ! Vous aviez alors défendu ce taux négatif, qui a été adopté, alors qu’il fallait intervenir de suite, comme les laboratoires vous l’avaient déjà demandé quelques années auparavant, afin que notre image extérieure soit la meilleure possible. À la rigueur, c’est une bonne chose que de revenir dessus cette année.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez affirmé précédemment, aucun des candidats ne demande la suppression de cette régulation. Au contraire, d’après les programmes que j’ai moi aussi lus, tout le monde souhaite sa mise en place pérenne et, surtout, veut éviter qu’elle ne change d’une année sur l’autre. Ce changement est d’autant plus dommageable quand il intervient au dernier moment, dans les derniers mois de l’année : les laboratoires reçoivent les demandes de l’État relatives à une nouvelle régulation alors même qu’ils mettent en place leur bilan annuel ! Voilà ce qui est critiqué, voilà ce qu’on veut voir disparaître ! Aucun des candidats ne revient sur cette régulation : ils demandent simplement une stabilisation du système, de manière que les laboratoires, en particulier, disposent d’une visibilité dans le temps.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Selon vous, madame la ministre, mon amendement, s’il était adopté, coûterait 250 millions d’euros. Je ne sais pas comment vous êtes parvenue à ce chiffre ; vous auriez pu nous transmettre votre calcul.

Cela dit, l’année dernière, le Gouvernement nous affirmait que, pour respecter la stabilisation des dépenses de médicaments, il fallait un seuil de progression négatif, fixé à – 1 %. J’ajoute qu’une partie non négligeable des médicaments – cela représente tout de même 2,6 milliards d’euros – est rétrocédée de l’hôpital vers la médecine de ville, à l’égard de laquelle elle est comptabilisée. Dès lors, comment les hôpitaux vont-ils pouvoir se débrouiller ? Ils devront rétrocéder beaucoup plus de médicaments et procéder à un marchandage avec la sécurité sociale.

Je voudrais par ailleurs revenir sur les propos de M. le président de la commission des affaires sociales au sujet du mécanisme W. Il a été écrit en toutes lettres, voilà quelques années, que ce mécanisme ne s’appliquerait que pour les années 2014, 2015 et 2016. Aujourd’hui, on le prolonge. Cela ne gênera pas outre mesure les laboratoires, car son seuil de déclenchement a été légèrement diminué, de 700 à 600 millions d’euros.

Néanmoins, le respect de la parole donnée doit valoir pour la pharmacie comme pour le reste de l’industrie française. Les industriels veulent de la visibilité quant à ce qu’on leur demande. C’est pourquoi, à mon sens, revenir à un taux L unique les confortera dans la nécessité de maintenir une industrie et des médicaments innovants, afin d’œuvrer pour de nouvelles thérapies dans l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Je veux simplement expliquer de nouveau à M. le rapporteur général, qui m’avait déjà fait part en commission de sa perplexité, le fondement de mon amendement. Je pensais que, à la comparaison sportive que j’ai employée, le dispositif proposé s’avérerait plus compréhensible ; manifestement, tel n’est pas le cas.

En taxant d’une manière égale le chiffre d’affaires établi et sa progression, on pénalise des laboratoires qui innovent sur la durée et ont déjà été taxés pour leurs innovations antérieures ; en revanche, en portant à 60 % le taux applicable aux laboratoires à l’innovation récente qui conquièrent en conséquence des parts de marché, on suit tout à fait la logique régulatrice de la clause de sauvegarde, qui vise à atténuer l’évolution de la consommation de médicaments en milieu hospitalier. Je compare simplement un coureur de fond et un sprinteur !

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas comparable !

M. Jean Desessard. Qui est le sprinteur ?

M. Jean-Noël Cardoux. Je pense donc, madame la ministre, m’inscrire tout à fait dans la logique de la clause de sauvegarde. En effet, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’augmenter les effets de cette dernière.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.