M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, nous vivons actuellement de fortes tensions d’approvisionnement en vaccins contre la tuberculose, les vaccins BCG. C’est un problème qui concerne la France, mais aussi toute l’Europe. Cette pénurie est liée à la défaillance du producteur SSI situé au Danemark, le fabricant de l’unique vaccin commercialisé en France.

Depuis le mois d’avril dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a permis au laboratoire Sanofi Pasteur MSD d’importer des doses de vaccins BCG fabriqués par le laboratoire Biomed-Lublin.

L’ANSM a pu garantir que ce vaccin répondait intégralement aux critères de qualité et de sécurité obligatoires pour tous les médicaments mis sur le marché français. Après six mois d’utilisation sur notre territoire, aucun signe particulier n’a été détecté.

Néanmoins, les quantités disponibles de vaccins restent limitées. C’est dans ce contexte que le Haut Conseil de la santé publique a priorisé les indications de la vaccination.

Le site internet du ministère des affaires sociales et de la santé met à la disposition des centres de vaccination plusieurs informations techniques. Une solution pérenne est actuellement recherchée pour remettre le vaccin BCG dans le circuit habituel et pouvoir de nouveau impliquer la médecine de ville dans le dispositif de vaccination, en vue de soulager les centres de PMI qui dépendent des conseils départementaux.

Au-delà de cette situation concernant le BCG, la question des problèmes récurrents d’approvisionnement en vaccins a amené la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, à prendre des mesures fortes. La loi de modernisation de notre système de santé prévoit en effet la mise en place de plans de gestion des pénuries pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur tels que les vaccins.

La ministre a déjà convoqué à plusieurs reprises les laboratoires afin d’obtenir des engagements très concrets des industriels du médicament pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Je vous remercie de ces éléments d’information, monsieur le secrétaire d’État. Ceux-ci restent toutefois insuffisants à mes yeux. En effet, tant qu’on ne relancera pas la production d’un vaccin contre le BCG en France, on ne pourra pas résorber cette pénurie.

Selon certains médecins, le vaccin polonais fabriqué par le laboratoire Biomed-Lublin n’offre pas toutes les garanties sanitaires, notamment en termes d’effets secondaires ; ce point mérite des éclaircissements. Son utilisation entraîne également un surcoût pour la collectivité et des difficultés budgétaires supplémentaires.

La vaccination constituant l’un des piliers de la politique de santé en France, l’État doit s’attacher à résoudre ce problème dans les meilleurs délais et de la meilleure manière qui soit.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

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Le Massif central, un enjeu de développement territorial

Débat organisé à la demande du groupe du RDSE

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial », organisé à la demande du groupe du Rassemblement démocratique social et européen.

La parole est à M. Alain Bertrand, orateur du groupe auteur de la demande.

M. Alain Bertrand, au nom du groupe du Rassemblement démocratique social et européen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie mon groupe d’avoir accepté d’inscrire ce débat à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée.

Le Massif central est formé géographiquement de vingt-deux départements : l’Allier, l’Ardèche, l’Aude, l’Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, le Gard, l’Hérault, la Loire, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Rhône, la Saône-et-Loire, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, l’Yonne, la Nièvre, la Côte-d’Or et la Haute-Vienne.

Il s’étend sur quatre régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, dont les capitales régionales sont Lyon, Dijon, Toulouse et Bordeaux. Avec près de 4 millions d’habitants, c’est un massif important, au centre de l’Hexagone.

Quels objectifs politiques pour le Massif central, sachant qu’ils sont déterminés par les citoyens du massif, les collectivités, les acteurs socioprofessionnels, l’État et l’Europe, et sont rassemblés dans ce que l’on appelle les « politiques de massif » ?

Ces politiques sont animées et cofinancées par le comité de massif, qui est un instrument d’efficience et de maintien des politiques publiques, sur un territoire qui souffre de handicaps naturels. Bien sûr, la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, a éclaté le leadership sur le Massif central qu’avait autrefois la région Auvergne, et Clermont-Ferrand.

Aujourd’hui, les centres de décision régionaux – Toulouse, Lyon, Bordeaux et Dijon – sont sans exception situés en périphérie du Massif central, et non en son cœur, au sein de nouvelles régions que je qualifierai de « régions XXL », pour qui le destin de ce massif n’est devenu qu’un sujet annexe.

La convention interrégionale du Massif central a déterminé quatre axes forts de travail : renforcer l’attractivité du Massif central pour les entreprises et les populations, valoriser les ressources naturelles, culturelles et patrimoniales, accompagner l’adaptation au changement climatique – vaste programme ! –, développer les capacités des territoires et favoriser les coopérations. Ces objectifs sont pertinents, même s’ils restent assez flous.

Il s’agit en réalité d’une déclaration estimable de bonnes intentions, dont on constate dès l’abord, sans être grand clerc, qu’elle n’évoque pas le cœur du sujet, les premières armes du combat que sont les infrastructures et les aménagements structurants.

Malgré tout, le Massif central a des points forts. C’est un massif de grande taille, qui pourrait être identifiable à l’échelle européenne et mondiale.

En matière de réseau routier, deux liaisons autoroutières récentes fonctionnent bien : l’A75, qui relie Paris, Clermont-Ferrand, Béziers et Montpellier, favorise les échanges entre Paris et les côtes méditerranéennes ; l’A89, qui relie Bordeaux, Clermont-Ferrand et Lyon, offre une liaison transversale.

Il comprend aussi un réseau d’aéroports avec, en périphérie, les « grands » que sont Toulouse, Lyon et Montpellier, et, en cœur de massif, ceux de Clermont-Ferrand, bien sûr, mais aussi de Saint-Étienne, Limoges et Rodez, en plus d’Aurillac, du Puy-en-Velay et de Brive.

On peut citer des actions réussies, par exemple en matière de tourisme, avec la création de six itinéraires de grande randonnée et de dix-sept pôles de pleine nature ; le tourisme vert est bien entendu, avec l’élevage et l’industrie, une part essentielle de l’économie du Massif central.

La valorisation de la filière « herbe » – c'est-à-dire la filière élevage – doit aussi être mentionnée, avec la création d’un groupe de travail chargé de préparer une feuille de route sur la différenciation des produits de l’élevage, et donc la recherche de plus-values.

J’aurais également pu citer l’ensemble du domaine agricole, les races ovines et bovines, et, dans une certaine mesure, la filière bois.

Enfin, pour favoriser le maintien et l’implantation des habitants et des entreprises, l’appel à candidatures pour la redynamisation des centres-bourgs est une excellente initiative du Gouvernement, mais seulement 18 candidats devraient être retenus sur 873 anciens bourgs-centres – si l’on se réfère aux anciens cantons –, ce qui est bien entendu très insuffisant.

Les quatre régions, chargées de l’aménagement du territoire, doivent prendre en compte cette nécessité et adapter leurs politiques territoriales, afin que chaque ancien chef-lieu de canton, qui joue, de fait, un rôle de centralité, puisse être aidé.

On note donc quelques réussites, mais aussi des points faibles.

En premier lieu, le déploiement de la couverture mobile et internet, sans stratégie de massif, au moins partiellement, est catastrophique, alors qu’elle constitue désormais un prérequis indispensable au développement de tout territoire – on ne cesse de le répéter.

Quand des touristes viennent en vacances chez nous, si leur connexion 3G ne fonctionne pas sur leur smartphone, ils repartent aussitôt ! Les entreprises allèrent, de même que les infirmiers et les artisans.

En matière de mobilité, le comité de massif conduit des expérimentations pour tester l’efficience de la voiture autonome, du covoiturage organisé : c’est un tragique habillage de la misère, qui est risible !

En deuxième lieu, le réseau routier que j’évoquais souffre de nombreuses lacunes : la RN 88, l’axe Lyon-Toulouse structurant pour le Massif, qui traverse la Loire, la Haute-Loire, la Lozère, l’Aveyron, le Tarn et la Haute-Garonne. Je pourrais aussi citer le scandale de la RN 102, qui dessert Aurillac, et qui ressemble à une route d’un autre siècle ! Enfin, il manque une voie rapide au nord-est du massif, entre Clermont et Dijon.

En troisième lieu, le transport ferroviaire est en net recul. On met plus de temps aujourd’hui pour faire Paris-Mende qu’au siècle dernier, ce qui est quand même un comble !

En quatrième et dernier lieu, je mentionnerai un point fort, qui est aussi un point faible : la filière bois, car elle est sous-exploitée.

L’État doit jouer un rôle moteur afin d’accompagner la structuration de la filière, et le comité de massif devrait faire office de guichet unique.

En définitive, les objectifs définis dans la convention interrégionale sont pertinents, mais ils ne traitent pas de l’essentiel, c’est-à-dire des infrastructures. Il faut donc revoir la copie.

Il faut aussi tracer des pistes pour l’avenir. En matière de couverture numérique, il faut revoir la notion de « zone grise », qui est inopérante puisqu’elle désigne une zone sur laquelle est présent au moins un opérateur, même s’il n’est présent que sur 5 % du territoire d’une commune ! Je propose d’inverser la logique et de classer en zone grise les seules communes couvertes à hauteur de 95 % par un ou plusieurs opérateurs, sinon on n’avancera pas sur cette question.

Pour le transport ferroviaire, l’axe Paris-Clermont, qui dessert tout le massif, se subdivise en deux branches, l’Aubrac et le Cévenol. Les élus du Massif central proposent collectivement de créer un « Trans-Massif central » pour succéder à ces lignes.

Pour la filière bois, il faut affecter une partie des recettes de la contribution climat-énergie au Fonds stratégique de la forêt et du bois, créé par Stéphane Le Foll, mais qui ne permettra pas de financer la filière avec sa dotation de 29 millions d’euros. Pourtant, la forêt contribue à la captation des émissions dont on parle ces jours-ci dans la région parisienne.

Le dynamisme de cette filière est une question non pas seulement d’argent, mais également de structure. Il faut créer un guichet unique pour la filière bois, adossé au comité de massif.

En conclusion, pour favoriser l’efficience des politiques de massif, il faut se concentrer sur l’essentiel, qui se résume à trois choses : les infrastructures, les moyens et la volonté politique de voir nos massifs occuper des places économiques prépondérantes parmi les massifs européens.

Concernant les moyens, sur la période 2014-2020, on tablait sur une maquette financière de plus de 107 millions d’euros. Aujourd’hui, fin 2016, c’est moins de 40 millions d’euros qui ont été engagés, à comparer aux plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le budget des 22 départements et des 4 régions concernés.

Comment prétendre à des politiques publiques fortes avec des clopinettes ?

Il faut aussi que le comité de massif s’ouvre à des acteurs du monde socioprofessionnel et à des personnalités qualifiées.

En effet, ce qui affaiblit les comités de massif, c’est d’être le lieu de rencontre entre différents acteurs qui veulent tous grappiller quelques sous dans la caisse, « tirer une partie de la paye », comme on dit, sans s’entendre sur des projets structurants.

En conclusion, je dirai qu’il faut un leadership de l’État. Quand on a le Morvan, la Margeride, les landes du Forez, les garrigues de l’Hérault, les Causses, le puy de Sancy, le puy de Dôme, les gorges du Tarn, la Limagne, le cirque de Navacelles, les Cévennes, des espaces gigantesques de montagne et de hautes landes, des espaces boisés colossaux, on joue de fait dans la même cour que le Montana, l’Alaska, l’Irlande, l’Écosse, l’Atlas ou le Colorado !

Nous devons être ambitieux ; sinon nous n’arriverons à rien. Nos ambitions, nos stratégies, qui nous rendent aujourd’hui invisibles à Londres, Rome ou Berlin, doivent nous faire exister demain, y compris aux yeux de Pékin, Moscou ou New Delhi.

C’est une autre image, une autre efficacité qu’il faut défendre, en se plaçant résolument dans la cour des grands ! Car nous en faisons partie ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat demandé par notre groupe vise à mettre en lumière les problématiques propres à un territoire de la République, qui disparaissent souvent dans le débat public devant les défis locaux jugés plus urgents ou prioritaires, tels que le développement des grandes métropoles ou des zones littorales.

S’étendant sur 85 000 kilomètres carrés, le Massif central représente pourtant un huitième du territoire national, et sa situation spatiale, au cœur de l’Hexagone, justifierait qu’il occupe une place plus centrale dans le maillage national des échanges et des ressources.

Cependant, nous en sommes loin : après le grand développement du réseau ferroviaire au XIXe siècle, qui a contribué, une première fois, à réduire le désenclavement de la zone, il a fallu attendre 1975, soit un siècle plus tard, pour que l’État tente de remédier à son isolement, par la mise en œuvre du plan routier Massif central. C’était l’époque où de réelles politiques d’aménagement étaient pensées et mises en œuvre !

Comment expliquer, quarante ans plus tard, le retard de la conduite de tels aménagements ?

Il est facile d’imaginer l’effet répulsif qu’ont pu avoir les formules malheureuses de « désert français » et de « diagonale du vide », utilisées par quelques géographes et statisticiens de la DATAR, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, pour désigner la zone reliant la Meuse aux Landes, dépeuplée par l’exode rural. Non, ce n’est pas un désert ! Non, ce n’est pas un vide, puisque des hommes et des femmes y vivent, et que des activités économiques – et pas simplement agricoles ! – s’y sont établies.

La topographie du massif a également eu une influence sur le développement du réseau ferroviaire, au point de juger plus efficient de relier Toulouse à Paris en contournant le Massif central par l’ouest plutôt qu’en le traversant. Il n’est cependant pas anodin de remarquer que ses reliefs, moins escarpés que ceux des Alpes, mais pourtant plus enclavés, n’ont pas fait obstacle à la construction de l’A89 et de l’A75. Au contraire, la construction du viaduc de Millau a été une nouvelle occasion d’illustrer le génie technique français.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Surtout, la marginalisation du Massif central et de ses contreforts dans l’agenda du développement territorial est d’abord imputable à son morcellement administratif.

Déjà divisés au sein de vingt-deux départements, il est clair que le nouveau découpage régional renforce les difficultés des habitants du massif à rassembler leurs forces pour obtenir les décisions nécessaires à l’accompagnement de son développement économique. Demandez au président Jacques Mézard, aujourd’hui en déplacement à Lyon, sa nouvelle capitale régionale, ce qu’il pense de la proximité géographique entre Aurillac et Lyon !

Face à la faible réactivité des pouvoirs publics centraux, et malgré l’existence d’un commissariat spécifique et rattaché à la DATAR, une conscience collective se forme, par le biais d’associations dépassant les limites administratives que j’évoquais. Il s’agit par exemple de l’Association pour le développement industriel et économique du Massif central ou d’associations agricoles comme le SIDAM-COPAMAC.

Les citoyens du Massif central prennent progressivement conscience des enjeux qui les unissent. L’identité de ce territoire ne tient pas, comme ailleurs, à l’existence d’un climat uniforme et doux ou à l’homogénéité de son paysage : le Massif central est bigarré, il rassemble des plateaux volcaniques, des failles abruptes et des plaines fécondes, ainsi que l’a rappelé mon collègue Alain Bertrand. En réalité, l’identité de ce territoire découle davantage des préoccupations communes et quotidiennes de ses habitants et de leur détermination dans la lutte contre la désertification programmée de leur lieu de vie. Certains parleraient d’un esprit de résistance.

Leurs doléances, nous les évoquons régulièrement dans cet hémicycle, mais toujours de façon éparse, ce qui ne nous permet pas de souligner les difficultés cumulées qui nuisent aujourd’hui au développement de ce territoire. Tel est justement l’objet de ce débat.

Bien que la part du secteur primaire y soit moins importante qu’autrefois, le développement économique du Massif central repose encore grandement sur la vitalité de son agriculture, qui fait vivre 90 000 actifs et leurs familles.

Dans un territoire agricole majoritairement dédié à l’élevage, la crise agricole suscite bien des inquiétudes. C’est pourquoi, dans la continuité de notre travail législatif, nous continuerons de proposer des amendements de nature à alléger certaines contraintes, et ce dès la semaine prochaine avec l’examen de projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne par la Haute Assemblée.

Au-delà du soutien aux secteurs économiques traditionnels, l’édification des facteurs de croissance et de développement est un aspect essentiel. J’y ai déjà fait allusion, les investissements en faveur des infrastructures de réseaux à destination du Massif central sont structurellement insuffisants. Les lignes ferroviaires régionales, peu rentables, sont menacées, tandis que le réseau de la grande vitesse contourne ostensiblement le Massif central.

Concernant les moyens de communication, le déploiement du réseau France très haut débit est loin de tenir toutes ses promesses : les zones grises remplacent progressivement les zones blanches, mais n’offrent pas des conditions de connexion suffisantes pour développer des activités professionnelles et touristiques sur l’ensemble du territoire. Il faut se doter de moyens juridiques et financiers pour développer des réseaux, en vue d’agir efficacement contre la fracture territoriale et numérique.

Enfin, dès lors qu’une offre de services publics de qualité est également un critère déterminant dans la localisation des activités économiques, il convient de réfléchir à des solutions pour lutter contre les effets dévastateurs de la rationalisation de la carte administrative et du phénomène corrélé des déserts médicaux.

Pour conclure, je voudrais insister sur la dimension qualitative du développement territorial. Les dynamiques démographiques à l’œuvre, parfois encouragées par la loi, tendent à concentrer la population active dans de grandes métropoles où la densité et le mal-logement sont créateurs de stress et de mal-être. Il est donc nécessaire de repenser la cohérence nationale de notre politique de développement territorial et de se donner les moyens de conduire une grande et ambitieuse politique d’aménagement du territoire. En ce sens, l’enjeu du désenclavement du Massif central dépasse le seul intérêt de ses habitants et concerne tous les Français.

Monsieur le secrétaire d’État, le Massif central est le château d’eau de la France ; il envoie de l’eau et attend en retour du liquide, mais sous une autre forme ! (Rires. – Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, longtemps perçue comme fragile ou défavorisée, la moyenne montagne du Massif central semble aujourd’hui profiter à la fois d’une remise en cause d’un modèle global de développement et de la multiplication des initiatives locales.

Fort de ses 6 régions, de ses 22 départements et de ses 4 000 communes, ce massif possède, à n’en pas douter, des atouts environnementaux et sociaux capables de faire de ce territoire un modèle de croissance et de développement.

Le développement durable et la crise actuelle remettent en effet en question les modèles de production classiques, et le Massif central a des atouts à faire valoir en termes de qualité de vie, d’impulsion d’une économie verte et de nouvelles filières.

L’urbain doit pouvoir côtoyer la ruralité et ainsi activer des perspectives de croissance importantes. La construction d’une vision partagée doit intégrer ces débouchés, pour déployer une stratégie de développement où le milieu rural ne peut être déconnecté des dynamiques urbaines.

Le Massif central se distingue par un relatif équilibre entre population rurale et urbaine. En déclin démographique jusque dans les années 2000, le massif se repeuple, avec une progression de 0,4 % par an et une population s’élevant à ce jour à quelque 3,8 millions d’habitants.

Sur près de 85 000 kilomètres carrés, il est le plus vaste massif français, et il est considéré comme un carrefour biologique pour sa biodiversité.

Concrètement, les prairies, la forêt, l’eau, les paysages et les énergies renouvelables sont les principales ressources emblématiques qui viendront enrichir les modèles de développement mis en œuvre à l’échelle régionale et interrégionale.

Plus grande prairie d’Europe, et fort de ses 73 000 exploitations, il est le premier massif d’accueil des exploitations agricoles. L’effet montagne semble également déterminer le maintien d’une agriculture extensive et de pratiques porteuses de biodiversité.

L’espace forestier couvre, quant à lui, près de 33 % de la surface du massif, mais le potentiel forestier est largement sous-valorisé. Un audit de la filière bois du Massif central estime en effet qu’il est aujourd’hui possible et réaliste d’augmenter la collecte totale de bois de près de 30 % à 50 %.

Les innombrables ressources naturelles dont bénéficie le Massif central lui confèrent un positionnement environnemental spécifique. Il est important de valoriser ses capacités à inscrire son développement dans une économie compétitive, créatrice de richesses et d’emplois. À titre d’exemple, le Massif central concentre à lui seul un tiers des sources et la moitié des eaux minérales de France. L’eau constitue une ressource économique formidable, notamment pour les activités économiques telles que l’agriculture, l’alimentation ou le thermalisme.

En dépit d’une image rurale, le Massif central dispose d’une présence industrielle et artisanale diffuse sur l’ensemble du territoire. De grandes entreprises comme Michelin, Lapeyre ou SAGEM y ont leurs origines et y ont conservé des implantations. Nous constatons ainsi que même les régions qui n’ont pas de grandes métropoles disposent d’une présence industrielle évidente.

M. Olivier Cigolotti. Le patrimoine naturel et architectural du Massif central en fait une destination privilégiée pour de nombreux touristes.

Le secteur du tourisme, sur lequel je souhaite m’attarder, est incontestablement un levier de développement économique ainsi qu’un enjeu important de l’attractivité des territoires du Massif central. Il est, de plus, historiquement très proche de l’économie sociale et solidaire.

Le tourisme est caractérisé par une diversité d’acteurs et une imbrication particulière entre secteur public et privé.

Le rôle des élus et des collectivités est essentiel pour structurer et valoriser l’offre touristique existante.

Les sites touristiques sont bien dispersés sur l’ensemble du territoire, mais il reste indispensable d’identifier les marchés sur lesquels le Massif central peut opportunément se positionner.

Pour beaucoup, Massif central est synonyme d’Auvergne, de volcans, mais la promotion ne peut pas et ne doit pas se limiter à la chaîne des Puys. Les zones périphériques doivent être, elles aussi, prises en compte dans la définition de l’identité.

Il est donc essentiel de déterminer le point commun des territoires qui constituent le massif et de s’approprier cet espace en prenant en compte sa diversité, tant culturelle que spatiale. Le manque d’harmonisation nuit à la qualité et à l’efficacité de la promotion touristique.

Il est vrai que le redécoupage régional n’aide pas à harmoniser les systèmes de promotion, comme cela a déjà été relevé. Le positionnement vers un tourisme durable et tourné vers la nature doit rimer avec simplicité et visibilité au niveau de la communication et de la valorisation du territoire.

L’emploi local dans le secteur du tourisme constitue en effet l’une des clés du développement de l’économie du Massif central. Il s’agit notamment d’une réponse à apporter face au risque de désertification des territoires.

Les pistes de travail sont, à l’évidence, l’attractivité touristique à l’horizon de 2020, puis de 2040, l’identification et le développement d’une offre touristique adaptée, novatrice et identitaire pour notre territoire, ainsi que le développement de nouveaux modèles économiques et de nouveaux partenariats.

Le Massif central apparaît relativement bien équipé, notamment pour ce qui concerne les services de proximité. En revanche, pour accéder à des commerces, les habitants du territoire sont moins bien lotis que le reste des Français.

Bien entendu, cette accessibilité moyenne cache de grandes disparités territoriales. Plus l’altitude augmente, plus l’accessibilité se détériore.

Points d’ancrage importants de la population, les bourgs-centres ont tous un rôle d’animation au sein de leur entourage immédiat. La faible accessibilité aux équipements et le déclin démographique de certains secteurs caractérisent fortement les zones de montagne : c’est un point que je tiens à soulever à la veille de l’examen du projet de loi Montagne par le Sénat.

Aussi, adopter une politique d’infrastructures à long terme doit être une priorité. Les entreprises et les habitants ont besoin de se déplacer de façon efficace, flexible et sûre.

Je dirai deux mots sur la couverture numérique du territoire : il y a urgence, et ce dossier doit être une priorité.

De larges proportions de zones rurales et de montagne risquent l’exclusion. C’est une question d’équité territoriale et de solidarité nationale pour assurer le développement des territoires de montagne.

La réduction de la fracture numérique est devenue un enjeu majeur. Les critères pour définir les zones blanches datent malheureusement de 2001 et sont périmés.

Entre les zones blanches retenues selon la définition de 2001 et les sites à vocation économique et touristique définis par le ministère de l’économie en début d’année, il reste dans le Massif central énormément de zones grises où les problèmes de couverture sont très prégnants.

Pour pallier ces différents problèmes, les départements de l’Allier, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute-Loire ont signé un partenariat public-privé avec l’ancienne région Auvergne et l’opérateur Orange. Le projet prévoit, selon les zones, le déploiement de la fibre optique, le renforcement du réseau ADSL ou des aides à l’équipement pour avoir – enfin ! – accès à internet grâce au satellite.

Concernant la désertification médicale – ce n’est pas mon collègue Daniel Chasseing qui me contredira ! –, nous ne ferons pas venir de médecins dans des zones de montagne si nous n’arrivons pas à offrir un accès au très haut débit ! C’est l’un des défis de la loi Montagne, car de la couverture numérique dépend l’avenir de toutes les zones de montagne en France.

En conclusion, tout en reconnaissant ses contraintes de moyenne montagne, mais en mettant en avant sa singularité, sa capacité à développer, à équilibrer, à organiser sa compétitivité et son attractivité, le Massif central montre une fabuleuse volonté de construire un modèle de développement territorial original ancré dans le développement durable.

Sa particularité en Europe de « montagne habitée » permet de positionner le Massif central comme un espace de qualité et de modernité. Aussi, loin de la pollution aux particules fines de notre capitale, donnons-lui les moyens nécessaires à ce développement économique original, en conciliant croissance et protection de l’environnement. (Applaudissements.)