Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, qui, n’ayant pu être présente ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Le projet d’arrêté visant à élargir l’accès à la carte de guide-conférencier a provoqué de nombreuses inquiétudes chez les professionnels du secteur lors de sa première présentation au mois de septembre dernier. Il a fait l’objet de différents échanges entre le ministère de la culture et de la communication, le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’économie et des finances et le ministère de l’enseignement supérieur. Le projet d’arrêté a, depuis lors, été substantiellement amélioré.

Le premier projet d’arrêté avait inquiété les professionnels, car il ouvrait l’accès à la carte à l’ensemble des diplômés de licence justifiant d’une expérience professionnelle d’un an cumulé au cours des dix années précédentes dans la médiation orale des patrimoines. Cette ouverture était trop large et comportait un risque pour la qualité des visites proposées.

Le nouveau projet d’arrêté a supprimé cette disposition et a remonté le niveau minimum de qualification pour cette troisième voie d’accès à la carte de guide-conférencier. Celle-ci sera ouverte aux titulaires d’un diplôme conférant le grade de master, et non de licence, et justifiant d’une expérience d’un an cumulé au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines. En outre, la notion de « médiation orale des patrimoines » est désormais explicitée, puisqu’elle est définie en référence aux compétences exigées pour les guides-conférenciers en annexe du même arrêté.

Le projet d’arrêté a été présenté aux organisations professionnelles le 7 novembre. Elles ont constaté que le texte avait été amélioré. Afin de répondre aux attentes des professionnels et de s’assurer que les candidats à la carte professionnelle par cette troisième voie seront traités avec équité sur l’ensemble du territoire, une circulaire et des outils de cadrage seront élaborés avec la Direction générale des entreprises du ministère de l’économie et des finances. Cette troisième voie sera explicitée et l’expérience professionnelle requise dans la médiation orale des patrimoines sera précisée.

Ce projet d’arrêté garantit donc la qualification des guides-conférenciers, tout en ouvrant une voie à des personnes dotées à la fois d’une solide formation initiale et d’une expérience professionnelle avérée. Il s’inscrit également dans le cadre de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont l’article 109 a clarifié le cadre du recours aux guides-conférenciers, garants de la qualité et de l’intelligibilité des visites.

Dans ces conditions, cette nouvelle voie d’accès ne constituera aucunement une menace pour les formations qualifiantes de guide-conférencier existantes. Elle permettra de revivifier les territoires en manque de guides-conférenciers et de diversifier les thèmes de visites dans toute la France.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. Je prends acte des évolutions qui ont fait suite aux inquiétudes exprimées par les guides-conférenciers, une profession à laquelle nous tenons.

Néanmoins, cette troisième voie doit être regardée avec vigilance, car, eu égard aux difficultés qui pèsent sur elles, certaines collectivités territoriales qui comptent dans leur patrimoine des monuments historiques importants pourraient être tentées par la facilité. Il ne faudrait pas que cette troisième voie permette une concurrence déloyale. Ces jeunes ont suivi des études d’un haut niveau dans les filières historiques, culturelles ou architecturales et n’ont pour débouché exclusif que les visites guidées. Or, je le répète, ils ne doivent pas être concurrencés par des jeunes dont le bagage scientifique ne serait pas à la hauteur des monuments visités.

conséquences de l'allongement de la durée de validité des cartes nationales d'identité

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Yves Leconte – bloqué par Uber –, auteur de la question n° 1560, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Richard Yung, en remplacement de M. Jean-Yves Leconte. J’ai cru comprendre que c’était non pas par Uber, mais par les autocars.

M. le président. C’est plus grave, parce que, à l’origine de ça, c’est un ministre !

M. Richard Yung. La question de M. Leconte porte sur l’allongement de la durée de validité des cartes nationales d’identité.

Aucune mention n’ayant été portée sur les cartes elles-mêmes, cet allongement pose un véritable problème de reconnaissance de ces titres dans certains États. Ainsi le gouvernement belge a-t-il récemment signifié qu’il ne reconnaissait plus l’allongement de dix à quinze ans – décidé en 2013 et entrée en vigueur le 1er janvier 2014 – du délai de validité des cartes d’identité françaises des personnes majeures.

Prise au titre de la « simplification », cette mesure, qui a établi un décalage entre les validités réelle et faciale d’une carte nationale d’identité, est en réalité une simple mesure d’économie budgétaire. Elle entraîne des difficultés ou des blocages pour de nombreux Français lors du passage à la frontière, de contrôles d’identité, de l’enregistrement dans les hôtels ou auprès des compagnies aériennes, ou lors de démarches administratives dans un pays de l’Union européenne.

Après la décision de la Belgique, les autorités françaises ne peuvent plus prétendre que l’ensemble de nos partenaires reconnaît systématiquement cet allongement. Cette décision n’est pas une surprise et confirme les difficultés que nous connaissons.

La mesure touche l’ensemble des Français ne disposant pas d’un passeport. En outre, le fait que les autorités françaises refusent, sauf en cas de perte ou de vol, le renouvellement d’une carte d’apparence périmée constitue une atteinte à la liberté de circulation au sein de l’Union européenne.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer le nombre de cartes nationales d’identité actuellement en circulation non reconnues par des États étrangers, en particulier par les autorités belges ? En effet, ce qui est inscrit sur ces cartes nationales d’identité conduit à les considérer comme périmées.

Par ailleurs, quel est le risque que cette décision conduise d’autres pays à adopter la même position ?

Enfin, une campagne de sensibilisation sera-t-elle menée auprès des Français se rendant en Belgique afin de leur éviter de s’y trouver en situation irrégulière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Monsieur le sénateur Richard Yung, je vais répondre en lieu et place du ministre de l’intérieur à la question que vous avez posée en lieu et place du sénateur Jean-Yves Leconte. (Sourires.)

Le décret n° 2013-1188 du 18 décembre 2013 relatif à la durée de validité et aux conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d’identité, entré en vigueur le 1er janvier 2014, a étendu la durée de validité des CNI sécurisées de dix à quinze ans. Cette mesure est applicable aux cartes nationales d’identité sécurisées délivrées à des personnes majeures et en cours de validité au 1er janvier 2014, c’est-à-dire délivrées entre le 2 janvier 2004 et le 31 décembre 2013.

Cette mesure a conduit à réduire d’environ 30 % le nombre de renouvellements de cartes nationales d’identité : 7 millions de personnes sont actuellement titulaires d’une CNI prorogée et l’on estime qu’environ la moitié dispose par ailleurs d’un passeport valide.

Les autorités des pays qui acceptent à leurs frontières une CNI sécurisée ont été informées de la nouvelle réglementation.

En outre, l’annexe de l’accord européen du 13 décembre 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe a été modifiée pour prendre en compte les cartes d’identité prorogées. Aucune objection n’ayant été formulée, les pays ayant ratifié cet accord sont donc juridiquement tenus de les accepter. Ces démarches, tant juridiques que diplomatiques, ont permis de réduire de manière significative les incidents signalés.

Toutefois, des difficultés persistent pour les usagers titulaires de cartes nationales d’identité facialement périmées qui souhaitent se rendre dans un pays autorisant la carte nationale d’identité comme titre de voyage. Ainsi en est-il, en effet, de la Belgique ou encore de la Norvège. Ces deux pays ont récemment fait part de manière explicite de leur refus d’accepter les CNI facialement périmées.

Aussi deux séries de mesures complémentaires ont-elles été mises en place.

Tout d’abord, le ministère de l’intérieur travaille étroitement avec le ministère des affaires étrangères pour que la rubrique « conseils aux voyageurs », régulièrement mise à jour, précise, pays par pays, si une carte nationale d’identité dont la date de validité est en apparence dépassée est utilisable pour entrer dans le pays. Les personnes qui souhaitent voyager sont donc invitées à vérifier sur le site du ministère des affaires étrangères les conditions d’entrée et de séjour dans le pays choisi.

Ensuite, les usagers qui souhaitent se rendre dans un pays pour lequel aucun refus formel de la part des autorités n’a été signalé peuvent télécharger un document, traduit en plusieurs langues, attestant de la prolongation de la validité de leur carte nationale d’identité.

En toute hypothèse, ils ont la possibilité de se munir de leur passeport. De manière générale, le site du ministère des affaires étrangères recommande de privilégier l’utilisation d’un passeport valide, qui constitue le titre de voyage de droit commun.

Outre ces mesures visant à mieux informer les personnes appelées à se déplacer à l’étranger, des instructions ont récemment été délivrées aux préfectures pour autoriser le renouvellement des cartes prorogées. Deux conditions ont été posées : l’usager ne doit pas être déjà titulaire d’un passeport valide et il doit justifier de son intention de voyager à l’étranger dans un pays acceptant la carte nationale d’identité comme document de voyage.

Des instructions similaires ont été adressées par le ministère des affaires étrangères aux postes consulaires des pays concernés – pays membres de l’Union européenne essentiellement – pour assouplir les conditions de renouvellement des CNI facialement périmées.

Ces instructions doivent permettre de concilier les effets attendus de la réforme sans créer de contraintes nouvelles pour les usagers désireux de voyager ou séjourner à l’étranger munis de leur seule carte d’identité.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Cela étant, se présenter à une frontière avec le document téléchargé à partir du site du ministère de l’intérieur et qui atteste la prorogation de la carte d’identité ne suffit pas toujours. Le responsable de la police aux frontières peut parfaitement dénier à ce document toute valeur, dire que la carte d’identité est facialement périmée et vous obliger à faire demi-tour. Un certain nombre de personnes se sont ainsi retrouvées dans des situations délicates.

J’ai noté votre propos sur les instructions données aux préfectures. J’espère qu’elles seront suivies d’effet. J’ai moi-même fait l’expérience du contraire, puisque la prorogation de ma carte d’identité – facialement périmée, mais en réalité juridiquement valable – m’a été refusée par la préfecture d’Indre-et-Loire. Heureusement, je possède un passeport, qui me permet de voyager. Mais un certain nombre de personnes qui ne se connectent pas au site dédié aux voyages à l’étranger continuent de rencontrer des problèmes. Cette mesure est donc inadaptée.

M. le président. Pour compléter votre propos, mon cher collègue, je souligne que notre carte d’identité de parlementaire – en ce qui me concerne, je l’ai depuis très longtemps (Sourires.) – nous permettait à Orly d’embarquer. Aujourd’hui, seule la carte nationale d’identité est valable. C’est quand même un comble quand on sait les efforts qu’il faut déployer pour siéger dans cette Haute Assemblée !

couverture numérique du territoire en très haut débit

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 1522, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation.

M. Daniel Gremillet. Lors de l’examen en séance publique au Sénat du volet « investissement » du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’amendement déposé par le groupe Les Républicains visant à permettre, avant la fin de 2017, la résorption des zones grises et blanches sur le territoire national avait été retiré au profit d’un amendement présenté par le Gouvernement.

Lors de cette discussion, le Gouvernement avait expliqué que son premier objectif était de couvrir tous les territoires en 2G d’ici au 31 décembre 2016 et en 3G d’ici à la fin du premier semestre de 2017. Au travers de cet amendement, l’engagement avait été pris, d’une part, de définir les projets de convention qui devaient être finalisés dans les deux mois et, d’autre part, de mettre en place un mécanisme permettant à l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement qui a suivi ce débat, l’engagement en faveur des zones blanches « imparfaitement mesurées » a été renouvelé, un cofinancement de l’État et des collectivités territoriales et le bénéfice du Fonds national pour la société numérique ayant été annoncés.

Pour remédier à cette situation, le 24 avril 2015, les patrons des quatre grands opérateurs de télécommunications français ont été reçus pour faire le point sur la couverture du territoire en très haut débit. Les présidents d’Orange, du groupe Bouygues, de Bouygues Telecom et de SFR-Numericable se sont entretenus à Bercy pour faire le point sur le plan France très haut débit. Celui-ci vise à une couverture intégrale du territoire d’ici à 2022, 20 milliards d’euros d’investissements répartis entre acteurs privés et collectivités territoriales étant prévus. Or, un an après cette réunion, les acteurs économiques et les citoyens des territoires ruraux sont encore dans l’incertitude et rencontrent au quotidien des difficultés de connexion, de débit, de coûts exorbitants d’accès.

Aussi, dans un contexte de tension sur les finances des collectivités et de rupture numérique dans les territoires, je souhaite connaître la position du Gouvernement s’agissant de l’investissement des collectivités territoriales dans le développement du très haut débit. En effet, dans le contexte actuel de diminution des dotations de l’État, il est inquiétant que revienne encore aux collectivités territoriales la charge d’investir dans le développement du très haut débit. En fait, madame la secrétaire d’État, la solidarité est inversée puisque ce sont les territoires les plus exposés et les plus pauvres qui doivent financer ces investissements.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Je vous remercie d’avoir posé cette question, monsieur le sénateur, qui me permet de faire un point sur l’état d’avancement de la couverture de nos territoires en très haut débit et en mobile.

En 2012, le Président de la République a lancé le plan France très haut débit. Son niveau d’investissement est sans précédent : 3,3 milliards d'euros proviennent exclusivement de l’État, autant des collectivités locales et plus de 10 milliards d'euros des opérateurs privés. L’investissement global représente environ 20 milliards d'euros. Ce ne sont que des chiffres, me direz-vous ! Certes, mais, à titre de comparaison, sachez que le Royaume-Uni n’investit que 500 millions d'euros. C’est vous dire l’ambition de ce plan qui doit faire de la France le pays le mieux connecté d’Europe à l’horizon de 2021.

Je vous entends dire : « Il y a urgence, c’est là que le bât blesse ! » Je suis consciente de cette urgence, dont me font part de nombreux élus locaux de communes rurales. Nous avons accéléré le plan France très haut débit : l’objectif de 50 % de la couverture d’ici à la fin de 2017 sera atteint à la fin de cette année.

Cela ne va pas assez vite, entends-je également. Nous avons pris toutes les mesures réglementaires, législatives et financières possibles pour accélérer la mise en œuvre de ce plan. La France sera connectée. Le déploiement de la fibre progresse.

Ce plan public finance uniquement le déploiement dans les zones rurales. La France se distingue par le choix qu’elle a fait de couvrir ses zones rurales, les zones urbaines étant laissées à la concurrence entre opérateurs privés.

La couverture mobile, c’est une autre histoire. En effet, rien n’avait été fait jusqu’à notre arrivée en 2012. Tous les efforts portaient sur le fixe. Il a fallu réorienter les politiques publiques.

L’urgence absolue était de supprimer les zones blanches, celles qui, même dans les centres-bourgs, ne sont couvertes par aucun opérateur ni aucun équipement. Cela sera fait d’ici à la fin de l’année prochaine.

Nous avons renouvelé les conventions de mutualisation à signer entre opérateurs. Nous avons donné à l’ARCEP, le régulateur des télécommunications, un pouvoir de sanction si ces conventions ne sont pas signées.

La semaine dernière, j’ai lancé le plan France Mobile, qui intègre enfin la partie mobile dans le plan France très haut débit. Il se fonde sur le principe que les élus locaux, qui sont le mieux à même d’identifier les besoins sur leur territoire, expliqueront aux préfets, aux opérateurs, à l’Agence du numérique et à l’ARCEP quelles sont en priorité les zones qu’il faut couvrir parmi les zones grises.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. D’un point de vue économique, les territoires ruraux vivent une situation de rupture numérique et sont en train de décrocher. Les chefs d’entreprises artisanales, commerciales, les dirigeants de PME ou de TPE, par exemple, pour répondre aux appels d’offres doivent utiliser des procédures entièrement dématérialisées. Par conséquent, pour continuer d’exercer leur activité, ils délocalisent.

Le pire exemple a été donné en 2016, lorsque le ministère de l’agriculture a rendu obligatoire la déclaration PAC par internet. Dans le texte qu’il a adressé aux agriculteurs à ce sujet, le ministre les enjoignait, s’ils ne disposaient pas de connexion à internet, à aller voir la Direction départementale des territoires pour faire leur déclaration. Le monde paysan se sent totalement rejeté !

Ce sont des réalités que nous vivons au quotidien dans nos territoires.

Obéissant à la loi du marché et profitant du peu d’exigence de l’État, les opérateurs ont, de façon logique, privilégié les zones denses, rentables, ce que vous venez d’expliquer à l’instant, madame la secrétaire d'État, au détriment des zones intermédiaires, dans lesquelles il n’y a eu que des intentions d’investissement.

Pour pallier ces difficultés, les collectivités investissent. Le département des Vosges, par exemple, s’apprête à investir près de 20 millions d'euros. La grande région accompagne les départements à hauteur de 1 milliard d’euros. Bien sûr, l’ARCEP et l’État vont participer à ce financement, mais ce sont bien les collectivités locales, les contribuables locaux qui, là encore, doivent financer ce désengagement en termes de mutualisation dans nos territoires.

Le numérique raccourcit le temps. Quel jeune couple va s’installer, construire dans une zone où il n’y a pas d’accès au numérique ? Quel jeune entrepreneur, quelle entreprise va investir dans une zone où il n’y a pas de couverture ?

Effectivement, 2022, c’est dans six ans, mais le tissu des territoires les plus reculés peut-il encore attendre ? L’absence de couverture numérique s’apparente à un véritable trou noir pour nos territoires !

rémunération de l'innovation

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1554, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie.

M. Richard Yung. L’institut des ingénieurs électriciens et électroniciens des États-Unis, l’IEEE, est une association professionnelle puissante, qui joue un rôle majeur dans l’établissement des normes internationales dans le domaine des télécommunications. Cette association a récemment modifié ses règles de fonctionnement dans un sens favorable aux grandes entreprises américaines. On pense en particulier aux GAFA, dont l’objectif est de réduire les royalties – les redevances, en français – que doivent payer ces entreprises aux titulaires de brevets. Ces règles ont été approuvées par le département de la justice des États-Unis.

Même si les règles édictées par cette association, qu’on pourrait rapprocher de l’AFNOR, l’Association française de normalisation, sont dépourvues de valeur législative, elles désavantagent, comme vous pouvez facilement l’imaginer, les petites et moyennes entreprises d’une façon générale et font peser un risque lourd sur les entreprises innovantes françaises en particulier. On pense que le niveau moyen de redevance pourrait passer, dans le cas de figure qui est envisagé, de 15 % à 4 %, soit une baisse de plus de 10 points.

Au mois d’avril dernier, le Gouvernement m’avait indiqué « veiller à prévenir l’introduction de telles règles au sein des organismes de normalisation auprès desquelles la France dispose d’un siège ». Il m’avait également affirmé avoir proposé à la Commission européenne d’introduire des « dispositions permettant de garantir l’effectivité des droits des détenteurs de brevets ». Un Conseil « Industrie » s’est d'ailleurs, semble-t-il, réuni à ce sujet. Enfin, le Gouvernement avait annoncé avoir appelé l’attention de la Commission européenne sur le fait que « ces nouvelles règles pourraient constituer des violations de certains accords de l’Organisation mondiale du commerce ».

Sept mois plus tard, madame la secrétaire d'État, je souhaite savoir le premier bilan que vous tirez de ces initiatives prises pour prévenir la « contagion » des règles américaines et garantir une rémunération équitable de l’innovation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question. Elle est importante, et vous avez raison de suivre étroitement ce dossier.

Les normes et standards contribuent à structurer le marché et permettent l’interopérabilité entre les produits et les solutions techniques, en définissant des spécifications communes. À l’heure de l’internet des objets, la normalisation et la standardisation seront de plus en plus importantes.

Pour les acteurs privés à l’origine des développements technologiques, la contribution collective à la normalisation améliore le retour sur les investissements consentis, grâce à une diffusion plus large de l’innovation. En contrepartie, afin de prévenir le risque d’abus des droits attachés aux brevets essentiels à la mise en œuvre des normes, les BEN, les organismes de normalisation exigent de leurs détenteurs un engagement à concéder des licences d’exploitation à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires.

Ce principe, dit FRAND pour fair, reasonable and non-discriminatory, propose un équilibre permettant aux contributeurs aux travaux de standardisation de bénéficier d’une fraction juste et raisonnable des profits réalisés en aval par les utilisateurs de la norme. Sa pleine application suppose néanmoins que les détenteurs de BEN puissent exercer réellement leurs droits, en particulier celui de demander une injonction, y compris à titre conservatoire, pour interdire la vente de produits contrefaits. Or les nouvelles règles adoptées par l’IEEE non seulement prévoient un mode de calcul des redevances particulièrement défavorable aux détenteurs de BEN, mais remettent également en cause l’exercice de leur pouvoir d’injonction.

Par leur portée mondiale, ces règles portent préjudice à l’industrie européenne des télécommunications, dont le modèle économique est structuré justement par la normalisation. Elles risquent de pénaliser, en priorité, les petites et moyennes entreprises. Elles vont aussi à l’encontre du projet européen de marché unique numérique, car elles favorisent le développement d’écosystèmes propriétaires, c’est-à-dire fermés, nuisant, à terme, au consommateur, qui est obligé de prendre lui-même en charge le coût des interactions.

Le Gouvernement est totalement conscient de l’importance du sujet. Nous veillons à prévenir l’introduction de telles règles au sein des organismes de normalisation dans lesquels la France dispose d’un siège, notamment l’ETSI, l’European Telecommunications Standards Institute, et l’UIT-T, l’Union internationale des télécommunications.

La position française a été communiquée officiellement à la Commission européenne. Nous proposons l’introduction dans le droit européen de dispositions permettant de garantir l’effectivité des droits des détenteurs de BEN, en particulier à l’occasion de la révision de la directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle qui a été annoncée pour l’année prochaine.

La Commission européenne a pris acte des positions exprimées par la France. Elle a rappelé, dans sa stratégie pour le marché unique numérique, l’importance d’une politique de propriété intellectuelle pour les BEN qui soit fondée sur une relation équilibrée. Dans le cadre de sa communication récente sur le passage au numérique des entreprises, elle insiste sur l’importance de ces BEN dans le contexte de l’internet des objets ou de la future norme 5G. Elle a ainsi annoncé le lancement d’une concertation sur le sujet avec toutes les parties prenantes concernées.

L’organisme CEN/CENELEC, l’un des principaux organismes européens de standardisation des technologies électroniques avec l’ETSI, a pris position, en septembre 2016, sur la question des BEN, dans le cadre de la concertation lancée par la Commission européenne. Il s’est déclaré opposé à toute initiative visant à introduire un mode de calcul pour la valorisation ou la fixation de prix pour les licences FRAND et a souligné le risque de telles pratiques.

Je vous remercie une fois encore d’avoir posé cette question, dont je m’entretiendrai avec mes homologues européens et avec la Commission européenne. Je lancerai une mission sur la propriété intellectuelle dans le monde du numérique, qui pourrait inclure ce volet. J’en parlerai au président de l’ARCEP, le gendarme des télécoms français, qui présidera, à compter de l’année prochaine, l’organisme européen qui réunit tous les régulateurs.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je vous remercie de vos explications, madame la secrétaire d’État. Je me félicite de la position forte que le Gouvernement français entend adopter sur ce dossier.

La dimension européenne est sans doute la bonne, puisqu’elle nous donne le poids suffisant pour résister aux tentatives américaines d’imposer un nouveau modèle qui ne vise, en fait, qu’à favoriser leurs grandes entreprises.

Nous sommes tout à fait prêts à vous suivre sur ce qui nous apparaît comme la bonne voie.

réforme du code minier

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 1520, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Daniel Reiner. Initiée dès 2011, annoncée en 2012 par le Premier ministre, qui avait alors lancé une mission de préfiguration, la réforme du code minier semble aujourd’hui « en panne », alors même que chacun s’accorde à dire qu’elle est absolument nécessaire. Ainsi, les élus appellent à une meilleure répartition des redevances minières, les associations de préservation de l’environnement à une mise en conformité avec la charte de l’environnement et les industriels à des procédures simplifiées et plus rapides.

Pourtant, à la suite du rapport de la mission de préfiguration, en décembre 2013, le Gouvernement avait transmis un premier avant-projet de loi à l’ensemble des acteurs, suivi d’un second qui reprenait certaines de leurs propositions. Mais c’était il y a plus d’un an, en juin 2015. Depuis lors, où en est-on ?

Dans l’attente de cette réforme, les projets stagnent et les industriels s’inquiètent. Pour mener à bien un dossier d’extraction, il est nécessaire d’avoir une lisibilité sur plusieurs années, parfois même des dizaines d’années. Cette attente n’est pas non plus un signe positif envoyé aux associations de protection de l’environnement, alors que Paris a accueilli la 21conférence internationale sur le climat, en décembre 2015. En résumé, on pourrait dire que les industriels doutent, les élus patientent et les associations désespèrent.

Il est bien dommage que le rapport Tuot, qui faisait de nombreuses propositions comme l’établissement d’un schéma national des mines, le groupement momentané d’intérêt, la création d’un haut conseil des mines ou la répartition des redevances minières avec les collectivités territoriales, ne donne lieu à aucune avancée concrète de la part du Gouvernement.

Il est bien dommage également que la mobilisation constructive de l’ensemble des acteurs de la filière minière se heurte à ce qui pourrait s’apparenter à de la mauvaise volonté.

Il serait dommage enfin de donner à penser que les mines sont un vestige du passé glorieux de notre ère industrielle – n’est-ce pas, monsieur Abate ? –,…

M. Patrick Abate. Tout à fait !