PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (suite)

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Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

Mme la présidente. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. Jean Desessard, président du groupe écologiste, a demandé, le 10 janvier 2017, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 236, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à renforcer la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, et déposée le 15 décembre 2016.

Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents, qui se tiendra le 18 janvier prochain.

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Demande par une commission des prérogatives d'une commission d'enquête

Mme la présidente. Par lettre en date du 11 janvier 2017 et conformément à l’article 22 ter du règlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a indiqué au président du Sénat que la commission des lois demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Cette demande sera examinée par la conférence des présidents lors de sa réunion du mercredi 18 janvier.

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Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport préalable de la Haute Autorité de santé sur les expérimentations relatives à la prise en charge par télémédecine.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à celle des finances.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Discussion générale (suite)

Littoral et changement climatique

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe UDI-UC.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le deuxième texte « maritime » que nous examinons depuis un an. Je suis malheureusement contrainte de formuler de nouveau les regrets qui avaient déjà été exprimés lors de l’examen de la proposition de loi sur l’économie bleue, adoptée l’année dernière.

Ces deux propositions de loi portent sur des sujets qui auraient mérité une politique d’ensemble plus ambitieuse. Nous aurions d’ailleurs pu sans mal envisager l’élaboration d’un texte abordant les deux problématiques du développement de l’économie et de l’adaptation du littoral au changement climatique, qui ne me semblent pas être si éloignées l’une de l’autre.

Hélas, une proposition de loi ne peut bénéficier d’une étude d’impact complète, gage de sécurité juridique et de mise en place d’une politique fiable sur le long terme. La question de l’urbanisation en zone littorale, surtout dans la perspective du recul du trait de côte, aurait mérité la conduite d’une telle étude, sachant que le présent texte met en œuvre des procédures qui peuvent avoir de très lourdes conséquences pour nos concitoyens et les collectivités du littoral.

Toujours sur la forme, je m’interroge sur le calendrier d’examen de cette proposition de loi. Présentée en toute fin de session parlementaire, elle ne me semble pas avoir beaucoup de chances d’être adoptée. Je ne peux que regretter une nouvelle fois que nous ayons manqué de temps pour l’étudier.

Pour autant, sur le fond, elle est attendue par les élus locaux, qui se sentent démunis face à la problématique du recul du trait de côte.

Reprenant certaines des quarante mesures formulées par le comité de suivi de la stratégie nationale intégrée du trait de côte, ce texte va dans le bon sens : il crée de nouveaux outils de nature à permettre aux collectivités littorales d’appréhender le recul du trait de côte au travers de leur politique d’urbanisme.

En tant qu’élue vendéenne, plus particulièrement chargée de l’urbanisme, je tiens à saluer ce travail. La rédaction du texte qui nous est soumise aujourd’hui est, grâce aux modifications apportées par les commissions du développement durable et des lois et, bien évidemment, par le rapporteur Michel Vaspart, plus équilibrée que celle issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Les dispositifs sont sécurisés sur le plan juridique, simplifiés, et laissent davantage de liberté aux collectivités, qui pourront y recourir sur la base du volontariat.

Permettez-moi, mes chers collègues, de formuler deux remarques.

La première concerne la question de l’indemnisation, que l’article 2 bis de la proposition de loi aborde d’ailleurs directement.

Nous avons tous en tête l’exemple de l’immeuble Le Signal, en Gironde. Lors de sa construction, en 1967, cet immeuble se trouvait à plus de 200 mètres de l’océan. Aujourd’hui, de tempête en tempête, le trait de côte n’est plus qu’à quelques mètres et les habitants ont dû être évacués. Nous déplorons tous cette situation et les difficultés dans lesquelles se trouvent plongés les copropriétaires, et souhaitons bien évidemment un dénouement qui leur soit favorable.

La commission des lois a apporté des modifications au texte afin d’éviter que l’équilibre financier du Fonds Barnier ne soit remis en cause : je m’en félicite. Nous devons veiller à encadrer le plus justement possible les procédures ouvrant droit au bénéfice de ce fonds, sinon ce système ne pourra pas perdurer. La problématique du recul du trait de côte conduit, à elle seule, à se demander s’il sera suffisant à l’avenir.

Bien que les études menées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, ne soient pas encore achevées, nous savons que de plus en plus d’habitations seront touchées par ce phénomène ; l’indemnisation des propriétaires sera au cœur du problème. L’État, les collectivités sont et seront mis en cause et sollicités s’agissant de propriétés construites. La connaissance et la prise en compte du recul du trait de côte dans les politiques d’urbanisation sont indispensables. La responsabilité doit être considérée pour l’avenir, car le risque est dorénavant connu et les outils permettant sa prise en compte vont se développer. J’espère qu’en parallèle seront réalisés des ouvrages permettant de lutter contre le retrait du trait de côte : des techniques existent ; encore faut-il être en mesure de financer leur mise en œuvre.

J’en viens à ma seconde remarque, qui concerne la loi Littoral. Je comprends les réticences exprimées par certains de mes collègues à l’évocation de son adaptation. L’actualiser ne signifie pas, pour autant, remettre en cause ses fondamentaux. Nous avons l’obligation de nous assurer du respect de l’équilibre qu’elle instaure entre protection de l’environnement, d’une part, et développement économique, d’autre part.

Les articles additionnels adoptés en commission et la recherche d’équilibre qui a présidé à leur rédaction permettent de déroger au principe d’extension en continuité de l’urbanisation dans les parties rétrolittorales des territoires des communes soumises à la loi Littoral, tout en précisant les motifs pour lesquels une collectivité peut prendre l’initiative d’élargir la bande littorale des cent mètres, et donc le champ de l’inconstructibilité absolue. Ces propositions émanent de l’excellent rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet. Je souhaite que ceux qui, à l’avenir, décideront des politiques d’aménagement de notre littoral s’en inspirent.

Mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera ce texte, car, comme je l’indiquais il y a quelques instants, il est attendu des élus du littoral. Cette approbation du texte de la commission s’accompagne d’un vœu, comme il est de saison : celui que les questions littorales et, plus généralement, maritimes fassent enfin l’objet d’une politique d’ensemble, cohérente et ambitieuse. Nos concitoyens, nos paysages et notre économie le méritent. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Charles Revet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en mars 2016, une équipe de chercheurs en climatologie de l’université du Massachusetts a publié, dans la très sérieuse revue Nature, des chiffres extrêmement alarmants concernant la montée des eaux sur notre planète. Ils estiment que l’augmentation moyenne du niveau des océans devrait être de plus d’un mètre d’ici à la fin de ce siècle et atteindre jusqu’à une quinzaine de mètres dans les siècles suivants, du fait du début de la fonte des glaces de l’Antarctique, dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre ne seraient pas réduites drastiquement dans les toutes prochaines années.

D’autres études, dont certaines établissent d'ailleurs à une cote plus élevée la montée des eaux au XXIe siècle, insistent, elles, sur l’accélération de cette montée des eaux –actuellement de trois à quatre millimètres par an – à partir de 2030 environ, du fait de la désagrégation des landes glacières qui bloquent encore, aujourd'hui, le glissement des glaciers du Groenland vers la mer.

À ce sujet, le rapport d’information sénatorial d’octobre 2015 sur les conséquences géostratégiques du changement climatique établi par nos collègues Cédric Perrin, Leila Aïchi et Éliane Giraud pointait, lui aussi, le phénomène d’érosion côtière, qui pourrait provoquer un recul d’un mètre par an, en moyenne, du trait de côte dans le monde, et donc également en France.

C’est pourquoi l’une des propositions énoncées dans ce rapport et adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères est le « développement des études de l’évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises, intégrant l’ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes ». Par ailleurs, les auteurs du rapport préconisent la conduite d’un travail de « relocalisation des activités situées dans les zones les plus risquées ».

À l’appui de ces propositions, dans son rapport de 2015 intitulé Le littoral dans le contexte d’un changement climatique, l’Office national sur les effets du réchauffement climatique, l’ONERC, affirme que « l’anticipation doit guider toute stratégie de développement des territoires côtiers ».

L’intérêt de la présente proposition de loi n’est donc pas à démontrer. Il s’agit de prendre pleinement en considération un facteur de risque majeur, dont on ne mesure probablement pas encore totalement les incidences, y compris une dépréciation forte de la valeur des biens immobiliers qui seront menacés demain par la montée des eaux, l’échéance étant probablement assez rapprochée maintenant. Cette dépréciation n’attendra pas que l’eau arrive sur les perrons des immeubles : elle l’anticipera de plusieurs décennies. Cela veut dire que c’est toute l’économie immobilière qui peut se trouver, dès les prochaines années, totalement fragilisée par ce phénomène de montée des eaux.

En ce sens, la proposition de suppression de l’article 8 bis, qui prévoit l’information par les professionnels de l’immobilier des acquéreurs sur les risques de recul du trait de côte, suscite un léger doute quant à la réalité de la prise de conscience de ce facteur de risque extrêmement important. Adopter une telle mesure est pourtant un signal nécessaire ; nous devons, dès aujourd'hui, développer une stratégie d’anticipation économique, bien au-delà de la mise en œuvre du fonds Barnier, d’un phénomène malheureusement inéluctable, même si, à long terme, nous espérons toujours qu’une action internationale forte et résolue permettra de stabiliser le climat. Il conviendra aussi de se mettre d’accord sur le niveau prévisible de la montée des eaux au cours du XXIe siècle. C’est un exercice difficile que la France ne peut mener seule, mais on ne pourra pas en faire l’économie.

Ce sujet doit suffire à nous mobiliser totalement. Je regrette donc profondément que, ce soir, une part importante de nos débats tourne autour de l’avenir de la loi Littoral.

Toute remise en cause des dispositifs de cette loi fondamentale de préservation de nos espaces côtiers, de nos paysages et d’un de nos grands atouts touristiques devrait faire l’objet de débats approfondis et nécessite énormément de précautions.

Nous savons tous que tout assouplissement de la loi Littoral a toujours entraîné une surinterprétation de la règle, dont nous mesurons les conséquences négatives sur nos paysages. Il suffit de se promener sur nos côtes, dans le Sud comme en Bretagne, pour s’en convaincre.

De fait, l’accumulation d’amendements non accompagnés d’une réelle étude d’impact conduit à la fragilisation de certains grands principes de la loi Littoral, notamment le refus de toute discontinuité dans les aménagements.

Notre discussion de ce matin en commission a d'ailleurs montré que tous les sujets n’étaient pas mûrs. Je pense par exemple à la localisation des zones d’activités, qui ne peut plus être appréhendée à l’échelle communale depuis que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a confié aux intercommunalités la compétence en matière de développement économique. Sur un certain nombre de points qui vont être débattus ce soir, nous avons à mon sens fait preuve de précipitation.

Le groupe écologiste n’est pas opposé à des adaptations très limitées de la loi Littoral visant à remédier aux quelques situations ubuesques qui peuvent exister, mais remettre en cause de grands principes au motif de traiter un petit nombre de cas particuliers ne me semble pas de bonne politique. Cela reviendrait à altérer la substance de la loi Littoral, dont chacun reconnaît l’importance, au moins en paroles. Nous savons tous qu’une brèche dans une digue peut annoncer l’érosion d’un territoire entier : si nous ouvrons une brèche dans la loi Littoral, elle se trouvera balayée à la première tempête ; nous connaissons l’instabilité de notre météo politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Hermeline Malherbe applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’initiative qui a abouti au dépôt de la proposition de loi que nous allons examiner. Il s’agit, en effet, d’un texte essentiel qui mérite une attention toute particulière, puisque l’érosion côtière affecte 25 % de notre territoire métropolitain. Le territoire français compte près de 19 200 kilomètres de littoral, ce qui représente un réel atout naturel et économique, la longueur du trait de côte atteignant, quant à elle, environ 8 600 kilomètres.

Cette proposition de loi déposée par Pascale Got et les membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale vise à répondre, dans le cadre de la prévention du risque, « au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes ».

Alors que s’est conclue à Paris, il y a un peu plus d’un an, la plus grande conférence mondiale sur le climat jamais organisée, la réalité des conséquences du dérèglement climatique s’impose à nous. L’élévation inéluctable du niveau des eaux et l’augmentation des risques qui y sont liés, comme la submersion marine ou les inondations, en sont les manifestations visibles. Elles entraînent, en particulier, l’érosion côtière et, de fait, le recul du trait de côte.

Par ailleurs, le développement constant de l’activité humaine sur ces territoires fragilisés accentue les effets de ces phénomènes déjà prégnants. La pression exercée par la construction de logements est trois fois supérieure sur le littoral à la moyenne nationale. L’INSEE évalue ainsi que la population dans ces zones connaîtra une hausse de plus de 4 millions de personnes d’ici à 2040, ce qui doit nous interpeller.

Les conséquences de ces phénomènes sont nombreuses, particulièrement sur les plans humain et économique.

Ainsi, dans mon département, la Seine-Maritime, un pan de falaise représentant plusieurs milliers de mètres cubes s’est effondré, au Tréport, en 2000 et en 2001. Plus récemment, le 26 août dernier, 50 000 mètres cubes de roches se sont écroulés sur la plage de Saint-Martin-aux-Buneaux. À chaque fois, ces éboulements constituent une menace pour les personnes et les biens. Ils affectent également les activités touristiques.

C’est la raison pour laquelle on ne peut plus faire preuve de laxisme face au phénomène d’érosion côtière au prétexte que ses effets sont continus dans le temps et moins visibles immédiatement que ceux d’une inondation. Les risques afférents, qu’ils concernent les territoires, les biens ou les populations, sont réels et inquiétants, comme je viens de le souligner. Nous en avons, désormais, pleinement conscience. Il est donc de notre devoir d’anticiper les conséquences de cette évolution.

C’est pourquoi, comme le rappellent les auteurs de ce texte, « continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver les paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités implique aussi de vivre différemment et de s’adapter au phénomène de recul du trait de côte ».

L’intérêt de cet outil législatif est qu’il permet de pallier les actions et les décisions prises dans l’urgence, à la suite d’un aléa, et d’apporter une solution juridique aux élus confrontés à la problématique des relocalisations.

Certes, plusieurs textes ont déjà été mis en œuvre ces dernières années.

En effet, une « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » a été lancée en mars 2012, en cohérence avec la stratégie nationale pour la mer et le littoral, à la suite de la terrible tempête Xynthia.

Pour l’accompagner, un comité national de suivi, présidé par Chantal Berthelot et Pascale Got, a été mis en place le 22 janvier 2015. En octobre de cette même année, « quarante mesures pour l’adoption des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte » ont été élaborées.

Parallèlement, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a permis des avancées grâce à deux mesures phares, à savoir l’établissement annuel par l’État d’une cartographie fondée sur un indicateur national de l’érosion littorale et la reconnaissance juridique des stratégies régionales de gestion du trait de côte dans le cadre des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, ou des schémas d’aménagement régional, les SAR.

La présente proposition de loi s’articule autour de trois axes et comprend des mesures essentielles pour s’adapter à ce phénomène, ainsi que pour prévenir ses différentes conséquences.

Le premier axe est l’élaboration de politiques d’anticipation des conséquences du changement climatique sur le littoral, en inscrivant dans la loi la notion de stratégie de gestion intégrée du trait de côte et des risques liés à son recul.

Le deuxième axe est l’identification claire du risque lié à ce phénomène de recul du trait de côte par la détermination de critères d’évolution et de gestion intégrée de ce phénomène, conduisant en particulier à la création de zones d’activité résiliente et temporaire, les ZART.

Je tiens à saluer l’initiative de la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale qui a abouti à l’introduction d’un article prévoyant la mise en place d’un régime transitoire d’indemnisation des interdictions d’habitations résultant d’un risque de recul du trait de côte. Cet article a notamment été inspiré par le cas de l’immeuble Le Signal à Soulac, en Gironde. Construit à 200 mètres du front de mer en 1967, il est interdit depuis janvier 2014, du fait de l’imminence du danger. Or, il ne fait pas, pour autant, l’objet d’un dispositif d’expropriation donnant lieu à une indemnisation à hauteur du prix du bien. Il est à noter que cette affaire fait toujours l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État.

Le troisième axe de ce texte est l’encouragement au développement durable des territoires littoraux par la création de nouveaux dispositifs, notamment un nouvel outil de gestion du trait de côte au sein des ZART, le bail réel immobilier littoral, le BRILI. Celui-ci a pour objet de maintenir l’activité humaine dans les zones concernées par le risque de recul du trait de côte. Son fonctionnement intègre la « temporalité » de ces activités, liée à la survenance du risque.

Cette proposition de loi, dont le champ couvre aussi bien la France métropolitaine que l’outre-mer, nous paraît nécessaire et justifiée, car elle prend en compte les attentes de tous les acteurs concernés par le phénomène d’érosion côtière et de recul du trait de côte, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales, des populations ou encore des agents économiques.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc dans un souci de protection, de solidarité et de responsabilité, à l’égard tant des territoires que des personnes, en particulier des générations futures, que mon groupe votera ce texte, qui marque un véritable progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui un texte relatif à l’adaptation des territoires littoraux au changement climatique présenté par les députées Pascale Got et Chantal Berthelot.

Ce texte arrive une dizaine d’années après la publication par Roland Paskoff, géographe émérite, d’un petit livret jaune intitulé Les plages vont-elles disparaître ? Cet ouvrage, paru en 2005, année de son décès, était prémonitoire… Il nous incombe de sensibiliser davantage nos collègues parlementaires à cette grave question.

Je salue l’important travail effectué par nos rapporteurs, Michel Vaspart et Philippe Bas. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a apporté des modifications à ce texte ; j’y reviendrai, mais c’est avant tout sur la philosophie générale de ce dernier que je voudrais m’exprimer, en tant que président de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, et fort d’une expérience de vingt années à la tête d’une commune du Pas-de-Calais très concernée par ce sujet.

À chaque nouvelle tempête, nous constatons les effets du changement climatique. Tous les élus du littoral y sont confrontés, que ce soit en Manche, au bord de l’Atlantique, en Méditerranée ou dans les îles, en particulier en outre-mer, dont le rapporteur a fort opportunément évoqué les problématiques spécifiques dans son intervention liminaire.

Par essence, le littoral est instable et toujours en évolution. Nous avons des illustrations concrètes de ce fait au quotidien sur nos rivages, liées à l’attaque des vagues, à l’érosion éolienne, aux phénomènes naturels, auxquels s’ajoutent les effets des ouvrages de défense contre la mer, qui, construits pour protéger les côtes, ont parfois entraîné le dégraissement ou l’engraissement des plages.

Le contexte climatique a évolué, de même que les contextes démographique et économique, avec la diversification des activités traditionnelles et le développement de nouvelles activités sur le littoral.

Le formidable essor du tourisme balnéaire, l’existence d’activités traditionnelles de pêche et d’aquaculture, de construction et de réparation navale, le développement d’une économie tournée vers les seniors sont sources de nombreux emplois qu’il faut préserver et font de nos territoires littoraux des lieux de vie très animés, mais également des lieux de vie à risques.

Nous avons demandé à l’État de renforcer les efforts entrepris pour améliorer les connaissances, mieux informer les responsables locaux et le public sur les risques encourus, sans pour autant rendre impossible la vie humaine, sociale et économique dans ces territoires.

Nous avons par exemple réclamé que nos collectivités soient aidées à développer une culture du risque au sein des nouvelles populations mal informées sur les dangers de la mer. Les cartographies des risques demandées ont été établies, mais beaucoup reste à faire.

Les risques d’inondation et de submersion marine sont désormais intégrés dans l’aménagement du territoire, grâce au travail important effectué par les services de l’État et les collectivités après le drame de la tempête Xynthia.

L’adaptation à cette nouvelle réalité de nos littoraux doit se faire dans une intelligence des situations, souvent en traitant celles-ci au cas par cas, en fonction des aléas et des enjeux humains et économiques pour chaque collectivité.

Au fond, l’enjeu, ces prochaines années, sera de répondre au double défi de la protection des personnes et des biens et de la poursuite d’activités économiques durables sur notre littoral.

Une première étape a été franchie avec le lancement d’un appel à projets « relocalisation des activités et des biens », dont le bilan conduit à conclure que, à droit constant, certaines actions de relocalisation ne sont pas possibles.

Plusieurs rapports ont déjà constaté, depuis des années, la nécessité d’une adaptation du cadre législatif et réglementaire. Le recul du trait de côte, le risque accru de submersion, la nécessaire relocalisation des biens et des activités menacés, le recours aux énergies marines renouvelables, l’augmentation de la pression démographique et ses conséquences en matière d’assainissement : autant d’éléments qui n’existaient pas il y a trente ans.

Prenons le cas des stations d’épuration. On ne pouvait pas en construire sur le littoral. Devant la croissance de la population et la nécessité de réaliser de tels équipements, des solutions dérogatoires ont été trouvées. Voilà un exemple d’adaptation intelligente et raisonnée, qui doit faire école.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-François Rapin. Dans le même esprit, la construction d’infrastructures destinées à l’installation d’éoliennes en mer a été autorisée ; on peut imaginer bien d’autres innovations à venir.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’articule selon trois axes majeurs.

Le premier a trait à la création de nouveaux zonages au sein des plans de prévention des risques littoraux, les PPRL : les zones d’activité résiliente et temporaire, qui ont déjà été largement évoquées ; je n’y reviendrai pas. La députée Pascale Got m’ayant assuré du soutien de l’administration à l’instauration de ce nouveau zonage au sein des PPRL, je ne peux que me réjouir qu’un nouvel outil soit mis à la disposition des élus qui souhaiteront y recourir. Je craignais en effet que les préfets, peut-être dans un souci excessif de protection, n’ouvrent pas cette possibilité aux collectivités. Attention toutefois à ne pas complexifier la planification spatiale des territoires littoraux ! Je me félicite d’ailleurs, à cet égard, de la suppression, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, des zones de mobilité du trait de côte.

Le deuxième axe est la facilitation de la relocalisation des activités et des biens en arrière du trait de côte, par dérogation au principe de continuité de l’urbanisation. L’article 9 A, introduit sur l’initiative des rapporteurs, constitue une belle avancée.

Le troisième axe concerne l’indemnisation, notamment celle qui devrait être décidée en urgence pour traiter des situations pendantes depuis des années, comme à Soulac.

La création d’un nouveau fonds, proposée par l’Assemblée nationale, semblait hasardeuse en l’absence de source de financement pérenne identifiée. Je me réjouis donc de la suppression de cette disposition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

C’est dans cet esprit de coconstruction avec les services de l’État que nous devons adapter les territoires littoraux au changement climatique et aux risques qu’il induit, en prenant en compte toutes les potentialités économiques de nos littoraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)