M. François Grosdidier. Et le temps de la vérité ?

M. Jean-Jacques Urvoas, ministre. Attendez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce sujet, je veux être précis et rigoureux.

D’abord, je respecte le travail du procureur de l’Essonne, qui enquête actuellement sur les événements de Juvisy que vous évoquiez, madame la sénatrice.

Ensuite, vous faites référence à des informations publiées dans la presse selon lesquelles onze mineurs auraient été interpellés, puis relâchés faute de faits matériels à leur reprocher. Mais qu’en savez-vous ?

Je vais vous exposer la réalité. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le procureur a mené plusieurs enquêtes, et les personnes que vous évoquez n’ont absolument rien à voir avec les exactions de Juvisy. Laissez donc le procureur faire son travail, comme il l’a fait pour Viry-Châtillon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

En effet, voilà trois mois, nous étions tous choqués de ce qui avait été fait contre les fonctionnaires de police dans cette ville. À l’époque, il y avait déjà des protestations contre l’absence de résultat. Or, trois mois plus tard, après un travail d’investigation méticuleux, précis et patient, les identifications ont eu lieu et onze personnes sont en garde à vue.

Voilà ce qu’est le temps d’une justice sereine, madame la sénatrice, et je suis sûr que vous êtes d’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le garde des sceaux, cette « réalité » dont vous parlez n’est pas du tout celle des habitants de Juvisy-sur-Orge (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), qui ont peur des représailles de la part de ces bandes dont les membres ont été relâchés.

Le statu quo ne peut être satisfaisant : il faut rompre définitivement avec votre angélisme, votre déni, vos incantations. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.) C’est tout de même vous qui avez supprimé, au travers de la loi sur la justice du XXIe siècle, les tribunaux correctionnels pour enfants !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Il est temps de tourner le dos à l’effet Taubira (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.), qui a perduré pendant le quinquennat Hollande ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme Annie David. Hou !

fonds d’innovation sociale

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Corinne Féret. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Adopté en 2013 après une large concertation, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale s’est traduit par des mesures concrètes portées par l’ensemble du Gouvernement. Les politiques d’accès à l’emploi, aux soins, à l’éducation, au logement et les aides aux familles intègrent désormais pleinement la nécessité de s’adresser aux personnes les plus fragiles.

Loin des clichés récurrents relatifs à un supposé « assistanat », le Gouvernement agit aux racines véritables de la pauvreté que sont le non-recours aux droits, le manque d’accompagnement ou de formation ou encore l’isolement face aux accidents de la vie.

Dans le prolongement des actions menées depuis bientôt cinq ans, le Président de la République a annoncé ce matin le lancement de la Fondation pour l’investissement social et le développement humain. S’appuyant sur un partenariat fort entre le secteur public et le secteur privé, cette fondation a pour ambition de démontrer qu’il existe bien des approches utiles et efficaces pour faire reculer la précarité et l’exclusion sociale dans notre pays et qu’il importe de construire un modèle de société plus inclusif, alliant développement économique et développement social.

De façon très concrète, sur la base de projets de recherche et d’évaluations scientifiques pluridisciplinaires, les travaux de cette fondation doivent permettre de mieux mesurer l’impact des politiques de solidarité. Les projets innovants seront également mieux repérés pour être ensuite généralisés au profit du plus grand nombre.

C’est une fierté : l’innovation sociale est au cœur de l’action menée depuis le début de ce quinquennat, parce que le Gouvernement a compris que la solidarité est tout sauf de l’assistanat, qu’elle constitue au contraire un investissement, et qu’il importe de donner du sens et de la valeur aux actions menées dans le domaine de la solidarité pour mieux garantir notre modèle social, auquel la droite n’a de cesse de s’attaquer.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur cette nouvelle fondation et sur l’importance d’un tel outil, mis au service de l’efficacité des politiques menées en direction de nos compatriotes les plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. J’étais effectivement aux côtés du Président de la République ce matin pour le lancement de la Fondation pour l’investissement social et le développement humain. Cette fondation a été créée sur l’initiative du ministère des affaires sociales et de la santé ; elle est abritée par la Fondation Agir contre l’exclusion, la FACE, et elle est présidée par Isabelle Kocher, directrice générale du groupe Engie.

De quoi s’agit-il ? En matière de lutte contre l’exclusion, force et de constater qu’il existe encore beaucoup de préjugés. On entend encore régulièrement que les chômeurs sont tous paresseux (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), que les sans domicile fixe sont tous irrécupérables ou que les plus démunis sont des assistés qui profitent des aides sociales. Il y a aussi beaucoup de préjugés sur notre système de protection sociale. Nombreux sont ceux qui pensent encore qu’il s’agirait de dépenses qu’il conviendrait évidemment de restreindre et qui n’auraient aucune utilité.

L’objet de cette fondation consiste justement à associer action sociale et recherche scientifique, pour montrer précisément que ces idées reçues n’ont pas lieu d’être et qu’elles sont démenties par la réalité. En effet, l’action sociale ne représente pas des dépenses mais des investissements sur l’humain et donc sur l’avenir.

Prenons un exemple : une expérimentation intitulée Housing first a eu lieu dans le sud de la France. Elle concernait des personnes atteintes de troubles psychiatriques et qui étaient à la rue. Elle reposait sur l’hypothèse de départ selon laquelle il fallait leur donner un logement le plus rapidement possible. Dès lors qu’elles ont eu un logement, leurs troubles psychiatriques ont diminué, d’où moins d’hospitalisations. C’est donc efficace.

Des expérimentations de ce type ont lieu dans toute la France, sur l’initiative du plan pluriannuel contre la pauvreté ou d’associations diverses.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Ainsi, la recherche scientifique doit pouvoir montrer définitivement que notre modèle de protection sociale et l’action sociale sont consubstantiels à notre pays et à notre identité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

surveillance des frontières

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Le 23 décembre dernier, le Tunisien Anis Amri commettait un attentat au nom de l’organisation État islamique sur le marché de Noël de Berlin, entraînant ainsi la mort de douze personnes et en blessant cinquante-six autres.

Après avoir commis son crime barbare, ce débouté du droit d’asile, que certaines associations avaient sûrement qualifié de « chance pour l’Allemagne », a pu, sans aucune difficulté, traverser non seulement l’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas et la France avant de rejoindre Milan, où sa cavale, pour ne pas dire sa balade, a pris fin, grâce aux carabiniers italiens qui l’ont abattu.

Cet attentat et le périple entrepris par Amri, qui lui a permis de traverser la moitié de l’Europe, ont mis un peu plus en évidence les dangers mortels que fait peser le laxisme de votre modèle européen sur la sécurité de nos compatriotes : terroristes islamistes infiltrés dans les cohortes de « réfugiés », qui ont frappé au Bataclan à Paris, et terroriste islamiste débouté du droit d’asile, qui a frappé à Noël à Berlin. D’un côté comme de l’autre du Rhin, l’idéologie d’une Europe sans frontières et donc sans contrôles a entraîné les mêmes drames et fait couler le même sang, celui des innocents.

Votre laxisme, érigé en dogme, n’aura pas manqué d’investir l’échelon local, puisque les préfets, en tout cas celui des Bouches-du-Rhône, ont exigé, en plein état d’urgence, la suppression des conditions nécessaires à l’octroi, par les maires, d’attestations d’accueil permettant à des étrangers de venir passer quatre-vingt-dix jours au maximum dans notre pays. On reste abasourdi et scandalisé devant autant d’aveuglement idéologique.

Aussi, même si votre CDD touche à sa fin, qu’attendez-vous, monsieur le ministre, pour sortir notre pays de l’espace Schengen, en rétablissant, comme les Français le souhaitent, nos frontières nationales ? Qu’attendez-vous pour réformer en profondeur le droit d’asile puisque, selon la Cour des comptes, 96 % des déboutés restent sur notre sol ? Qu’attendez-vous pour permettre aux maires de contrôler qui peut pénétrer chez nous en appliquant les nécessaires vérifications administratives ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Ravier. Qu’attendez-vous pour prendre les mesures qui s’imposent pour rétablir la première des libertés à laquelle les Français ont droit, celle de vivre en sécurité ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je veux profiter de votre question pour indiquer à la représentation nationale, mais aussi, à l’occasion de cette séance, aux Français, la vérité de vos votes et de vos positions sur toutes les questions touchant à l’antiterrorisme et à la sécurité de nos compatriotes.

Si nous voulons que l’espace européen protège les ressortissants de l’Union européenne du risque terroriste, il faut alors accepter de mettre en place un PNR européen qui fournisse des informations précises sur ceux qui entrent sur le territoire national ou qui en sortent. La présidente de votre parti s’est fait désigner rapporteur pour avis sur ce texte au Parlement européen, afin de s’y opposer, et vous venez nous donner des leçons sur la sécurité des Français et sur la lutte antiterroriste ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Lorsque nous avons présenté à l’Assemblée nationale – j’étais à l’époque ministre de l’intérieur – un texte instituant l’incrimination d’entreprise individuelle terroriste et que nous avons mis en place le blocage administratif des sites pour empêcher d’appeler et de provoquer au terrorisme ou de tenir des propos haineux sur internet, une formation politique s’y est opposée, la vôtre, alors qu’il y avait une quasi-unanimité pour voter ces dispositions et assurer ainsi la protection des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Lorsque nous avons adopté une loi sur le renseignement pour habiliter nos services de renseignement à mobiliser, sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante et des juges administratif et judiciaire, des techniques permettant de détecter ceux qui veulent entrer sur le territoire national pour y commettre des crimes terroristes, vous vous êtes opposés à ces dispositions en tenant des propos d’une totale irresponsabilité !

Je vais vous dire pourquoi vous agissez ainsi. Vous faites cela pour une raison extrêmement simple et lisible, qui renvoie à l’héritage de votre formation politique ; pour vous, la lutte antiterroriste se réduit à un objectif et un seul : la désignation de nos compatriotes de confession musulmane pour les stigmatiser…

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … et pour attiser les antagonismes, les oppositions, les confrontations à l’intérieur de la Nation. Vous rejoignez d’ailleurs, ce faisant, les objectifs de ceux qui nous frappent et qui ne tiennent qu’à une chose : le fractionnement de la société française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

Eh bien, monsieur le sénateur, nous ne laisserons ni votre formation politique ni vous-même dissimuler ces impasses derrière des mensonges. Soyez assurés que, par respect pour les Français, pour la vérité et pour les valeurs de la République, à chaque occasion qu’il vous sera donné, au cours des mois qui viennent, de recourir au mensonge et à la démagogie, vous aurez, face à vous, la vérité et la fermeté républicaine ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Plusieurs membres du groupe Les Républicain et de l’UDI-UC applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 26 janvier, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services est parvenue à un texte commun.

8

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi et d’une proposition de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 novembre 2016, et de la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques, déposée sur le bureau du Sénat le 15 décembre 2016.

9

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Mme Évelyne Rivollier, membre de mon groupe, souhaitait voter pour l’article unique de la proposition de loi n° 155 visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », à l’occasion du scrutin public n° 86, et pour la proposition de résolution européenne sur la reconnaissance de l’enseignement supérieur comme un investissement nécessaire à l’avenir, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement, à l’occasion du scrutin public n° 88.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

10

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Je suis intervenu à plusieurs reprises, par le biais de rappels au règlement, au sujet des retards très affligeants avec lesquels les ministres répondent aux questions écrites. La situation empire, puisque, aujourd'hui, en plus, on nous répond n’importe quoi !

Voilà six mois, compte tenu des problèmes de compétence liés aux fusions d’intercommunalités, j’avais interrogé le ministre de l’intérieur pour savoir de quelle compétence relevait l’entretien des bouches d’égout. Ce sont des problèmes qui se posent concrètement en cas de fusion des intercommunalités ! Au début du mois de décembre, le ministre, qui a dû bien réfléchir à ma question, m’a répondu que l’entretien des bouches d’égout relevait de l’assainissement fluvial. Dont acte !

Il se trouve que la même question avait été posée au même moment à l’Assemblée nationale. Son auteur a lui aussi dû attendre six mois pour avoir une réponse, qu’il a obtenue quinze jours après moi. Sauf qu’on lui a répondu que l’entretien des bouches d’égout relevait de la compétence voirie… C’est un peu gros, voire relativement peu responsable ! Il faudrait tout de même que ceux qui répondent à des questions écrites fassent attention à ce qu’ils écrivent.

Dans ces conditions, j’ai posé une nouvelle question au ministre, m’étonnant que l’on dise tout et son contraire et qu’à l’instar des neutrinos, particules qui changent de nature en l’espace de quelques kilomètres, la réponse ait changé en parcourant les deux kilomètres qui séparent le Sénat de l’Assemblée nationale. Je lui ai demandé laquelle des deux réponses devait être retenue comme valable. Je formule le souhait que le ministre ne mette pas six mois pour répondre à cette nouvelle question !

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

11

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Madame la présidente, mon collègue Gaëtan Gorce souhaitait s’abstenir lors du scrutin public n° 86 sur la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », intervenu le jeudi 12 janvier dernier.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

12

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
Discussion générale (suite)

Égalité réelle outre-mer

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le conseiller économique, social et environnemental pour la Polynésie française, mes chers collègues, Iaorana.

Au préalable, je tiens à vous faire part de mon ressenti sur l’intitulé du projet de loi qui nous réunit ce jour. En effet, parler d’« égalité réelle outre-mer » me paraît bien idéaliste, voire utopiste, quand on connaît nos particularités et spécificités, aussi bien géographiques que juridiques – c’est notamment vrai des collectivités d’outre-mer, par comparaison avec les départements. Néanmoins, je retiendrai l’objectif final de ce texte : réduire nos inégalités par l’élaboration de plans de convergence. Cette volonté du gouvernement central est vertueuse et honorable. Elle mérite d’être saluée, car nous connaissons tous la problématique générale de la différence de niveau de vie entre nos territoires.

Définir la résorption des inégalités comme priorité de la Nation est un devoir. En effet, même situés à l’autre bout du monde, dans l’océan Pacifique, nous sommes nous aussi Français. Nous prétendons aux mêmes droits, édictés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont nous respectons également les devoirs.

Cependant, attendre les dernières semaines du quinquennat du Président de la République pour présenter un projet de loi de programmation dont le succès ne peut dépendre que de ses modalités d’exécution et, surtout, des moyens budgétaires qui y seront rattachés pour chaque territoire ultramarin est, à mon sens, bien risqué. Permettez-moi, madame la ministre, ce constat un peu sévère, mais indéniable.

Ce projet de loi résulte de la mission conduite par M. Victorin Lurel, député ultramarin de Guadeloupe et ancien ministre des outre-mer. Son état des lieux, dressé dans l’ensemble de l’outre-mer, a permis de mettre en exergue des décalages avec la métropole dans de nombreux domaines, décalages importants et fortement liés aux spécificités historiques, géographiques et culturelles propres à chaque territoire d’outre-mer.

Ainsi, certaines données concernant ma collectivité sont inquiétantes. Sachez que le gouvernement actuel, présidé par M. Édouard Fritch, met tout en œuvre – dans les limites de ses compétences et de ses moyens budgétaires – pour les résorber, dans le cadre de nouvelles politiques publiques.

Au-delà de ces constats, plus ou moins communs à l’outre-mer dans son ensemble, j’estime néanmoins que la Polynésie française se distingue des autres collectivités d’outre-mer, compte tenu, d’une part, du fait nucléaire et de ses conséquences et, d’autre part, de son statut de large autonomie, acquis depuis 1984 – je profite de l’occasion pour saluer nos députés et sénateurs polynésiens qui se sont battus à l’époque pour l’obtention de cette autonomie.

Ainsi, notre statut nous place en dehors du champ de la majorité des dispositions contenues dans le présent projet de loi. Toutefois, par solidarité avec mes collègues des outre-mer, notamment au regard des droits sociaux dont le texte fait bénéficier le dernier département français que représente Mayotte, je ne m’opposerai pas à toutes ces avancées sociales.

Par ailleurs, il convient de relever que le projet de loi apporte des évolutions concrètes, par l’adoption de quelques mesures, au bénéfice de ma collectivité. Je pense notamment à la prise en charge, au titre de la continuité territoriale, des frais de rapatriement ou de voyage en cas d’obsèques d’un de nos compatriotes ; aux affectations prioritaires pour les membres de certains corps de fonctionnaires dont le centre des intérêts matériels et moraux se situerait en Polynésie ; à la reconnaissance de nos handicaps structurels liés à notre isolement, notre superficie et notre vulnérabilité face au changement climatique ; au maintien d’une offre de transports continus et réguliers avec la métropole par le maintien de nos liaisons, dans le cadre du principe de continuité territoriale ; au bénéfice de la mobilité pour la mise en œuvre des programmes de formation ou d’insertion professionnelle ; à la codification des dispositions du code de l’éducation selon nos règles de partage des compétences ; à la rédaction d’un rapport afin de garantir les mêmes droits dans les domaines des transports et des déplacements.

Pour ce qui concerne les amendements au projet de loi que je défendrai, ils peuvent se résumer ainsi : intégration du principe d’accès à la formation professionnelle, afin de satisfaire la requête des organisations patronales de Polynésie, qui souhaitent bénéficier des dispositifs de formation des salariés des entreprises, au titre de la solidarité nationale ; adoption de nouvelles dispositions dans le cadre du dispositif « passeport talent », pour faciliter l’entrée en Polynésie française d’investisseurs étrangers justifiant d’un projet économique, conformément au vœu du pays ; ouverture du concours interne de la fonction publique communale à l’ensemble des agents non titulaires remplissant les conditions d’ancienneté requises ; suppression de la qualité de commissaire de gouvernement en matière de litiges fonciers en Polynésie, pour assurer une parfaite sécurité juridique ; bénéfice des expertises et conseils de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la Polynésie française.

Je ne vous cacherai pas que nos priorités en Polynésie étaient tout autres, madame la ministre. Elles portaient surtout sur la signature des accords de Papeete, sur la modification de notre statut afin de pérenniser l’engagement du Président de la République sur la sanctuarisation de la dotation globale d’autonomie et sur la révision du décret pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dit « décret Morin ».

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Lana Tetuanui. Pour conclure, je dirai qu’adopter le concept de « plans de convergence » proposé par ces nouvelles dispositions législatives en faveur de l’outre-mer, pourquoi pas ? Sachez cependant que, pour la Polynésie, ce n’est pas un exercice nouveau. Notre histoire nous a déjà contraints à élaborer des stratégies de développement à moyen et long terme. Dès les années quatre-vingt-dix, un projet de société avait été élaboré : intitulé « pacte de progrès », il avait justement été rédigé par M. Christian Vernaudon, ici présent, pour le compte du gouvernement local, en partenariat avec l’État et la société civile.

Aussi, était-il besoin d’une loi pour généraliser ce type de démarche ? Je ne le pense pas, car chaque collectivité d’outre-mer a son histoire et chaque territoire est apte à contractualiser avec l’État, selon ses propres schémas de développement liés à son environnement régional, à son histoire, à son patrimoine culturel et selon son statut. Néanmoins, je ne peux que m’inscrire dans la démarche que vous avez proposée, madame la ministre; et il me semble important de rappeler que le travail, au Sénat, de notre rapporteur et des rapporteurs pour avis a permis de trouver une rédaction bien plus satisfaisante que celle que nous avons pu recevoir de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)