PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Exception d'irrecevabilité (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
 

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Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable - 10 voix pour, 16 voix contre, 2 bulletins blancs - à la nomination de M. Philippe Martin aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables est parvenue à un texte commun.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d'utilisation du transport sanitaire héliporté
Discussion générale (suite)

Transport sanitaire héliporté

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté (proposition n° 233, texte de la commission n° 324, rapport n° 323).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mettre en place une stratégie nationale d'utilisation du transport sanitaire héliporté
Article unique (début)

M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce dont nous allons parler est très simple, mais très important. La présente proposition de loi vise en effet à ce que la stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté n’oublie aucun territoire. On pense d’emblée, bien sûr, aux territoires ruraux ou aux territoires de montagne. Mais ce texte concerne aussi la ville.

Interrogé sur le sujet en 2012, l’éminent géographe Emmanuel Vigneron estimait que plus de 6 millions de Français de métropole n’avaient pas d’accès rapide – c’est-à-dire dans un laps de temps inférieur à trente minutes – aux urgences. Il n’incluait pas, donc, les habitants des outre-mer.

Tous les départements de France sont concernés, pour au moins une partie de leur territoire. Parmi les plus touchés, pour n’en citer que quelques-uns, dont les noms nous replongeront, dans ces temps mouvementés, dans la politique des territoires : les Ardennes, la Moselle, le Doubs, la Haute-Savoie, la Savoie, les Alpes-Maritimes, les deux départements de la Corse, les Landes, la Loire-Atlantique, les Pyrénées-Orientales, la Lozère et même, tout près de Paris, l’Oise et la Seine-Maritime.

Nous avions adopté à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite loi Montagne, un dispositif qui prévoyait l’élaboration par l’État, sous l’égide des agences régionales de santé, les ARS, d’un contrat de mission santé qui s’imposait à l’ensemble des prestataires et des intervenants du transport sanitaire héliporté, et dont la finalité était double.

Il devait, premièrement, garantir la prise en charge médicale adaptée en trente minutes sur toute partie du territoire français par transport sanitaire héliporté, quand il était indispensable de le faire et si jamais les autres moyens ne suffisaient pas.

Il devait, deuxièmement, optimiser l’utilisation des moyens médicaux, aussi bien ceux qui sont destinés à effectuer la mission que ceux de l’hôpital.

Tout cela était de bon sens. Hélas, la commission mixte paritaire n’a pas retenu l’article 8 quaterdecies de la loi Montagne qui contenait ces dispositions.

C’est ce qui a poussé l’ensemble du groupe du RDSE à déposer la proposition de la loi soumise aujourd'hui à notre examen. Nous pensons qu’il y a un véritable problème et que nous défendons une cause juste.

Pour faire ce constat, nous nous appuyons sur plusieurs travaux, en premier lieu sur le rapport d’information de Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé sur l’évolution de l’activité des services départementaux d’incendie et de secours en matière de secours à personne, datant du mois d’octobre 2016.

Selon ces collègues, « la politique d’emploi des hélicoptères n’est ni claire ni logique. Les moyens héliportés soulèvent un double problème : celui de leur implantation et celui de leur utilisation », deux enjeux essentiels, en effet. Au cœur de leur constatation : les relations entre la flotte des Héli-SMUR et celle de la sécurité civile.

Je rappelle les chiffres ; ils sont importants. Il y a actuellement une flotte de 45 Héli-SMUR – des hélicoptères blancs –, contre 35 hélicoptères de la sécurité civile – les hélicoptères rouges – et 56 de la gendarmerie nationale – les hélicoptères bleus. Les moyens sont donc considérables, puisqu’il y a au total 136 hélicoptères, dont 80 n’appartiennent pas à la gendarmerie, ce qui n’est pas rien.

Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé remarquaient dans leur rapport qu’« une part de l’activité du groupement des hélicoptères de la sécurité civile relève de la décision des seuls SAMU, sans aucun droit de regard sur le bien-fondé de leur demande. » Ils réclamaient donc l’établissement d’une doctrine d’emploi claire et rationnelle des moyens héliportés pour le secours à personne, et proposaient une mutualisation des hélicoptères de la sécurité civile et de ceux de la santé dans un service unifié placé sous l’autorité du Premier ministre.

Je n’oublie pas non plus le rapport du Conseil national de l’urgence hospitalière qui a dressé une liste de recommandations visant à obtenir un maillage territorial uniforme. Les auteurs de ce document demandaient une véritable stratégie nationale prévoyant une organisation, un schéma et un type de fonctionnement adapté dans chaque région, et qui serait partagée par l’ensemble des acteurs du transport sanitaire héliporté. Tout cela est de bon sens.

Fort de l’appui de ces deux rapports pertinents, précieux et circonstanciés, je démontrerai que notre demande de réforme de la gestion des moyens héliportés est fondée et juste.

Afin de parler clairement et utilement, je dois dire avant toutes choses, au vu de l’avis de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Gilbert Barbier,…

M. Jean-Claude Requier. Excellent rapporteur !

M. Alain Bertrand. … un élu local chevronné, un élu de la montagne, mais aussi médecin et chirurgien, que je me rallie à l’amendement de ce dernier adopté en commission, lequel visait à une nouvelle rédaction de l’article unique du présent texte pour rendre possible et plus efficace la gestion mutualisée des hélicoptères.

Notre demande de mettre en place une nouvelle stratégie nationale d’utilisation du transport sanitaire héliporté est-elle donc fondée ? Cela revient à poser cette question : devons-nous adopter cette proposition de loi ? La réponse est oui, à plusieurs titres.

Il n’y a d’abord aucune raison de maltraiter une partie de notre territoire. Je le répète, tous les territoires, 6 millions de nos concitoyens sont concernés.

Chacun sait, en outre, que selon l’environnement ou le contexte géographique et démographique, le gros problème médical français vient de la disparité de la qualité de la prise en charge, notamment pour ce qui est de la médecine spécialisée : les accidents vasculaires cérébraux, les AVC, l’accidentologie routière, par exemple. Cette disparité n’est pas justifiée.

J’ajoute que les moyens mis en œuvre par la France sont importants. J’ai évoqué voilà un instant les flottes d’hélicoptères disponibles. La mobilisation de ces moyens est un impératif national. Nous dépensons beaucoup d’argent : autant bien l’utiliser !

De nombreux territoires sont, de surcroît, concernés. Il s’agit donc non pas d’une mesure spécifique destinée à certains territoires, voire au mien seul, mais d’une mesure pour tout le pays, d’une proposition de loi de portée nationale.

Bien sûr, notre demande est aussi fondée sur les principes d’équité et d’égalité républicaine, qui nous sont chers à tous.

Enfin, les carences et les dépassements de tous les protocoles, dans certains territoires, entraînent des séquelles, des invalidités, des infirmités, pour un coût très élevé.

Pour mieux vous expliquer encore l’importance de cette proposition de loi, je prendrai un exemple que je connais bien, et qui concerne le centre hospitalier de Mende, que je préside.

J’ai demandé aux médecins de l’hôpital de rédiger une note sur le sujet qui nous intéresse. Ils y relèvent qu’une seule équipe de structure mobile d’urgence et de réanimation, ou SMUR, basée à Mende, est affectée pour la totalité du territoire de santé. Cette situation entraîne des délais d’intervention déjà très longs en intervention primaire qui deviennent intolérables en cas d’intervention secondaire dans le cas d’un transfert direct vers le CHU de Montpellier, par exemple, lequel peut dépasser cinq heures aller-retour. Tous les protocoles normalement prévus se trouvent donc mis à mal !

Hors les filières de prise en charge actuelles, qu’il s’agisse du syndrome coronarien aigu, des traumatismes sévères ou de l’AVC, nous sommes face à des impossibilités de réponse optimisée, dès lors que nous devons dépendre d’un vecteur héliporté d’un autre département, dont l’engagement peut être aléatoire et les délais de mise en route et d’acheminement longs. La situation est encore pire lorsque le transfert doit être réalisé par la route vers les CHU avoisinants. Il s’agit clairement, en l’espèce, d’une perte de chance pour le patient. Je n’évoque même pas la double peine qu’il pourrait éprouver si la seule équipe SMUR du département devait être mobilisée par une autre urgence vitale, survenant lors de son transfert vers le CHU.

Pour la majorité des cas de transport primaire, les temps de trajet aller-retour dépassent les deux heures. La situation est encore pire en cas de transport secondaire.

Je conclurai par deux remarques, mes chers collègues.

Avec ce texte, nous parlons de rendre plus efficients les moyens existants, afin de parvenir, pour le patient, à plus de chances de survie, à moins de souffrance, à moins de séquelles, à moins d’infirmités. C’est donc un sujet grave, majeur, transversal, qui peut et doit faire l’unanimité.

Ensemble, nous pouvons soit choisir d’apporter une réponse à ce problème, soit convenir du moyen de ne rien faire, prenant prétexte de quelque argutie administrative, légale ou fonctionnelle. Ce ne serait pas à l’honneur de la Haute Assemblée ni à la hauteur de chacun d’entre nous.

Je demande par conséquent l’unanimité sur cette proposition de loi indispensable à tout notre pays.

J’en termine en citant le rapporteur Gilbert Barbier, selon lequel il n’y a pas de honte à demander ce qui est juste. C’est ce que nous faisons ce soir ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après la verve de l’orateur précédent, je vais essayer de trouver les arguments pour faire avancer la présente proposition de loi.

De manière un peu poétique, mais aussi très pratique, le professeur Pierre Carli, médecin-chef du SAMU de Paris, m’a confié lors de son audition que chaque hélicoptère du SAMU avait son histoire.

Nous le savons, dans nos collectivités, le financement par les hôpitaux de rattachement des SMUR, qui sont les équipes d’intervention des SAMU, permet rarement la location d’un hélicoptère dédié. Ce sont donc les collectivités territoriales – les villes, les départements, les régions –, parfois plusieurs d’entre elles, parfois une seule, car un maire ou un président est particulièrement impliqué, qui permettent de mettre en place le financement nécessaire pour que l’équipe d’urgence dispose de moyens héliportés.

Cela a été dit, en France, à l’heure actuelle, 45 hélicoptères sont affectés aux SAMU. Ils interviennent pour deux types de missions. Les missions dites de soins primaires, d’abord, qui impliquent de se rendre sur le lieu de la prise en charge des personnes malades ou blessées pour assurer le transport de celles-ci vers les services d’urgence. Les missions dites secondaires, ou plus exactement de second temps, ensuite, à savoir le transport des patients entre hôpitaux pour permettre la prise en charge la plus adéquate. Ces transports secondaires ne sont pas nécessairement urgents ; ils peuvent être programmés.

La distinction entre ces deux missions doit être relativisée, car certains patients sont d’abord dirigés vers l’hôpital le plus proche pour y être stabilisés, diagnostiqués, avant d’être éventuellement orientés par hélicoptère, en fonction de l’urgence, vers l’établissement disposant du plateau technique adapté à leur état.

Incontestablement, le double impératif de qualité optimale des soins prodigués et de sécurité entraîne la concentration des plateaux techniques très spécialisés sur quelques hôpitaux universitaires ou généraux, et par là même renforce le besoin en moyens de transport médicalisés et rapides. L’attractivité de l’hélicoptère est donc forte.

Les moyens en hélicoptères sont cependant mal répartis et le mode de financement des Héli-SMUR rend la gestion de ces derniers complexe. Les appareils sont loués à des entreprises qui assurent l’entretien technique et emploient les pilotes. Les possibilités techniques de ces appareils ainsi que le niveau d’habilitation des pilotes restreignent souvent l’usage qui peut en être fait.

Les médecins régulateurs des SAMU, les seuls à pouvoir décider d’une intervention médicale d’urgence, ont donc régulièrement recours aux autres hélicoptères de secours disponibles, essentiellement ceux de la sécurité civile. Les hélicoptères de la gendarmerie n’interviennent en effet pour les secours à personne que dans le cadre historiquement délimité du secours en haute montagne.

La question qui se pose est donc essentiellement celle de l’articulation entre les Héli-SMUR et les hélicoptères de la sécurité civile. On estime effectivement que près de la moitié des hélicoptères de la sécurité civile sont en pratique employés pour des activités de transport sanitaire. Ce sont des appareils plus polyvalents, dont les pilotes sont hautement entraînés et habilités notamment au vol de nuit, ce qui n’est pas le cas des Héli-SMUR.

M. Gilbert Barbier, rapporteur. Si le SAMU peut faire appel aux hélicoptères de la sécurité civile, il ne peut cependant en disposer à sa guise. Les appareils ne sont pas forcément basés à proximité des hôpitaux. Surtout, ils sont prioritairement affectés aux missions de sécurité civile pour lesquelles ils ont été créés, et ne sont donc pas toujours disponibles.

Logiquement, du côté tant des SMUR que de la sécurité civile, on appelle à une rationalisation de l’implantation et de l’emploi des hélicoptères en matière sanitaire. L’important travail sur l’aide à la personne que Catherine Troendlé et Pierre-Yves Collombat ont fait pour la commission des lois plaide en ce sens.

C’est aussi l’objet de la proposition de loi déposée par Alain Bertrand, Jacques Mézard et les membres du groupe du RDSE, dont nous sommes saisis aujourd’hui.

La commission des affaires sociales a estimé que ce texte posait une vraie question et appelait une réponse du législateur. Elle a cependant considéré qu’il était nécessaire de se garder de plusieurs risques.

En effet, il ne faut pas céder à la tentation d’un « hélicentrisme » exagéré. Tous les acteurs en sont d’accord, l’hélicoptère n’est qu’un moyen parmi d’autres pour le transport sanitaire et, même dans les cas d’urgence, il n’est pas toujours le plus approprié. Accessoirement, il est relativement coûteux.

Entre le moment où le médecin régulateur des urgences reçoit l’appel et celui où l’hélicoptère peut arriver sur les lieux, plusieurs retards peuvent se cumuler. Il faut d’abord savoir où se trouve l’hélicoptère du SAMU ou celui de la sécurité civile, calculer le temps qu’il lui faudra pour embarquer une équipe SMUR, et vérifier que les conditions météorologiques et la situation géographique lui permettront de voler et de se poser.

Par rapport aux véhicules terrestres, l’avantage n’est donc pas toujours établi. De nuit, quand les routes sont dégagées, le transport par un véhicule du SMUR peut aller plus vite que le transport par un hélicoptère pas forcément disponible immédiatement.

Il faut donc utiliser l’hélicoptère quand il présente un avantage évident. On ne peut l’envisager indépendamment des transports sanitaires terrestres. Inversement, si l’engagement pris de permettre partout sur le territoire l’accès aux soins urgents en moins d’une demi-heure fait sens en termes sanitaires, il n’est pas pertinent pour tous les déplacements programmés entre hôpitaux.

Comment parvenir à la gestion optimale des moyens héliportés ? La solution préconisée par le texte initial de la proposition de loi, la gestion des transports sanitaires héliportés par les agences régionales de santé dans le cadre d’un contrat national, aboutissait de fait à transférer une part importante des hélicoptères de la sécurité civile aux SAMU. Cette solution avait certes le mérite de la cohérence sur le plan sanitaire, mais elle a paru à la commission difficilement applicable sur le terrain.

Par conséquent, la commission a adopté, sur mon initiative, un amendement tendant à reprendre la solution préconisée par Catherine Troendlé et Pierre-Yves Collombat dans leur rapport. Il s’agit de prévoir la mutualisation de tous les hélicoptères par un service rattaché au Premier ministre, un service ne dépendant donc ni du ministère de l’intérieur ni de celui de la santé.

M. Gilbert Barbier, rapporteur. Ce service serait chargé de l’implantation des appareils. La gestion de ceux-ci serait faite à l’échelon le plus adéquat, peut-être la région. Les objectifs assignés à ce service seraient ainsi d’assurer le maillage territorial et de garantir l’accès aux urgences en moins de trente minutes.

Il me semble que cette mesure, qui n’entrave pas les solutions déjà trouvées sur le terrain et ne préjuge pas du mode de gestion territorial le plus adéquat, peut être un point d’équilibre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde une question essentiellement opérationnelle : l’aide médicale urgente réalisée par Héli-SMUR et les interventions réalisées par les hélicoptères d’État de la sécurité civile, notamment dans le cadre du secours à personne. Elle a pour objet de demander la mise en place d’une gestion mutualisée de ces deux flottes d’appareils.

En ce qu’ils contribuent à garantir l’accès aux soins urgents de la population en moins de trente minutes, comme s’y était engagé le Président de la République en 2012, les hélicoptères d’État et les hélicoptères des établissements de santé représentent un enjeu majeur pour l’accès aux soins urgents sur le territoire national.

Il est en effet nécessaire d’optimiser l’utilisation du vecteur héliporté, afin d’améliorer la complémentarité, la cohérence et l’efficacité du recours aux différentes flottes.

Cette initiative parlementaire du groupe du RDSE rejoint une ambition de l’État : donner au service public héliporté un cadre toujours plus adapté aux enjeux actuels.

Avant toutes choses, je souhaite rappeler que le secours à personne et l’aide médicale urgente recouvrent des champs distincts, mais complémentaires.

L’aide médicale urgente et le secours à personne sont en effet des missions de service public différentes par leur objet ; néanmoins, elles se complètent dans leur finalité : le service des mêmes usagers, patients ou victimes.

L’aide médicale urgente, mission de service public hospitalier, a pour objet d’assurer aux malades, blessés ou parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état.

Le secours à personne, quant à lui, est l’une des missions de sécurité civile assurée principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services départementaux d’incendie et de secours. Il vise notamment à assurer la mise en sécurité des victimes, à pratiquer les gestes de secourisme en équipe et à réaliser l’évacuation éventuelle de la victime vers un lieu d’accueil approprié.

Si les Héli-SMUR sont entièrement dédiés à l’aide médicale urgente, les missions remplies par les hélicoptères de la sécurité civile ne se bornent pas aux missions de secours à personne et d’aide médicale urgente. Elles englobent le champ plus vaste de la protection des personnes et des biens, avec des missions complémentaires telles que la lutte contre les feux de forêt, la projection d’équipes spécialisées, ou la participation à des missions de sécurité publique. La structure de commandement de ces moyens et leur cartographie d’implantation découlent d’ailleurs de cette pluralité de missions.

Je l’ai dit en introduction, nous partageons largement l’objectif de complémentarité des moyens héliportés ; c’est le sens du travail interministériel déjà engagé.

Si l’aide médicale urgente relève de la compétence du ministère de la santé, et si les missions de sécurité civile relèvent de celle du ministère de l’intérieur, la coordination des interventions, la complémentarité des moyens et, plus généralement, la coopération des services constituent un impératif. Cette coopération se réalise déjà au quotidien, à travers, notamment, la participation quotidienne des hélicoptères de la sécurité civile aux missions d’aide médicale urgente. Il est toutefois possible d’aller plus loin.

Le travail interministériel qui a déjà été engagé sur les Héli-SMUR et les hélicoptères de la sécurité civile traduit la volonté de renforcer la complémentarité de ces moyens. En effet, l’axe 2 de la feuille de route santé-intérieur de 2014 a fixé comme objectif de « renforcer les outils permettant d’assurer la complémentarité des moyens humains et matériels, tant terrestres qu’héliportés. » Dans cette optique, un comité de pilotage interministériel dédié précisément à la complémentarité des moyens héliportés utilisés dans le cadre du secours à personne et de l’aide médicale urgente a été mis en place.

La direction générale de l’offre de soins, la DGOS, et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la DGSCGC, finalisent actuellement une instruction interministérielle relative à la complémentarité des Héli-SMUR et des hélicoptères d’État.

Ce document identifiera des principes partagés de complémentarité, de cohérence, d’efficience, de transparence, ainsi que des indicateurs communs d’activité des moyens héliportés.

Il détaillera également les modalités d’implantation et de fonctionnement des bases, ainsi que les principes de mise en œuvre opérationnelle des moyens, c’est-à-dire, concrètement, l’emploi de l’hélicoptère le plus adapté à la mission et disponible dans les délais compatibles avec l’état du patient.

Enfin, cette instruction interministérielle posera les principes de gouvernance à l’échelon national comme territorial.

Mais, sur le terrain, les avancées sont d'ores et déjà notables dans plusieurs régions, avec un engagement fort des directeurs généraux des agences régionales de santé et des préfets, dans la droite ligne de la feuille de route santé-intérieur. En plus de l’interconnexion déjà existante entre le 15 et le 18, l’objectif de complémentarité des moyens héliportés est retenu, en vue de la couverture de l’accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes et de l’élaboration d’une doctrine d’emploi d’une ressource en réalité rare et précieuse.

Dans certaines régions, l’articulation des deux flottes Héli-SMUR et sécurité civile est déjà active pour la période nocturne, ce qui permet la couverture d’anciennes zones blanches.

Pour aller encore plus loin sur ce sujet, le Gouvernement a également souhaité qu’une revue des dépenses soit conduite au mois de mai 2016 sur le thème des hélicoptères de service public, par une mission inter-inspections réunissant l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration, l’Inspection générale des affaires sociales et le contrôleur général des armées.

La mission a salué le travail interministériel conduit par les ministères de la santé et de l’intérieur pour améliorer la cohérence d’emploi des hélicoptères, ainsi que la complémentarité de l’utilisation des moyens.

Si les recommandations de la mission font actuellement l’objet d’une réflexion approfondie et partagée entre les administrations, il est intéressant de relever qu’elles comprennent non pas la mutualisation des flottes, mais l’amélioration de la coordination des moyens.

J’en viens maintenant au contenu de la proposition de loi que nous examinons.

Tout d’abord, je tiens à saluer la cohérence de la commission des affaires sociales, dont le Gouvernement souscrit pleinement à l’analyse concernant le contenu de la version initiale du présent texte.

En effet, le Gouvernement l’avait déjà exprimé lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ou à l’occasion de l’examen de la loi Montagne, le dispositif contenu dans la proposition de loi initiale relevait essentiellement du domaine réglementaire, ce qui n’était pas sans poser certaines difficultés.

En réécrivant l’article unique de ce texte, la commission des affaires sociales, par la voix de son rapporteur, a proposé la création d’un service placé auprès du Premier ministre, service qui serait chargé de la gestion mutualisée des hélicoptères.

Cette proposition pose, selon nous, d’autres difficultés. Davantage qu’une nouvelle structure qui viendrait se superposer aux structures ministérielles existantes, mieux vaudrait mettre en place des instances de coordination et de concertation à l’échelon tant national que territorial qui sont à notre avis nécessaires pour renforcer la cohérence et l’efficience du système.

C’est la direction préconisée par les travaux menés conjointement par la DGOS et par la DGSCGC, et sur lesquels la revue de dépenses s’est en partie fondée.

Par ailleurs, vous avez vous-même soulevé lors de l’examen en commission le risque d’« hélicentrisme », puisque la proposition de loi que nous examinons semble inciter à faire reposer l’accès aux soins d’urgence prioritairement sur le vecteur héliporté, sans aborder la complémentarité avec les autres vecteurs terrestres et maritimes.

Actuellement, si l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes est assuré pour quasiment 100 % de la population – 98,5 % exactement –, c’est parce que nous prenons en compte l’ensemble des services d’urgence, SMUR, médecins correspondants du SAMU, Héli-SMUR et hélicoptères de la sécurité civile. Ce résultat montre bien que les hélicoptères sont des vecteurs complémentaires des vecteurs terrestres de l’aide médicale urgente.

Il ne faut pas oublier que ces derniers ont leurs propres contraintes, notamment le respect des conditions minimales de vol et de la réglementation aérienne. J’ajoute que le texte que nous examinons, en prévoyant une gestion mutualisée des Héli-SMUR et des hélicoptères de la sécurité civile sous l’angle unique de l’accès aux soins d’urgence, apporte une réponse incomplète à la problématique globale des hélicoptères de service public.

En effet, les hélicoptères de la sécurité civile ne sont pas les seuls hélicoptères d’État à participer aux missions de secours à personne et d’aide médicale urgente. C’est aussi le cas d’une partie de la flotte de la gendarmerie nationale, notamment en zone de montagne et en outre-mer, mais aussi d’une partie de la flotte de la marine nationale et de l’armée de l’air.

Ces flottes ont en commun d’avoir des missions qui ne sont pas limitées au secours à personne et à l’aide médicale urgente. Leur localisation et leurs chaînes de commandement répondent à la diversité de ces missions, dans des logiques d’articulation avec d’autres moyens qui sont propres à chaque service.

Enfin, une régulation de l’offre des vecteurs héliportés, telle qu’elle est inscrite dans la proposition de loi à un niveau central, serait en décalage avec les missions déléguées aux ARS dans l’organisation et la régulation de l’offre de soins, je pense en particulier à l’attribution et au renouvellement des autorisations d’activité des structures d’urgence.

Le principe de subsidiarité en faveur des représentants de l’État en région – les préfets et les directeurs généraux des ARS – doit prévaloir avec l’appui de chaque ministère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de coordination que vous appelez de vos vœux avance et va se poursuivre, avec la publication prochaine de l’instruction interministérielle que j’ai annoncée.

Si le Gouvernement partage la volonté de mieux coordonner encore les moyens aériens pour mieux couvrir nos territoires, les outils législatifs ou réglementaires qui seraient nécessaires ne peuvent précéder la fin des travaux actuellement menés entre les acteurs opérationnels.

Vous l’aurez donc compris, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cette proposition de loi qui pourrait compromettre l’ensemble des travaux engagés par le ministère de la santé et par le ministère de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)