Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Bataille et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Après le sixième alinéa de l’article L. 143-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le droit de préemption mentionné au sixième alinéa ne peut s’exercer lorsque l’acquisition partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole concourt à la réalisation des objectifs de l’article L. 143-2. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Cet amendement vise à exclure de la préemption des SAFER les cessions partielles de parts ou d’actions de sociétés dont l’objet principal est la propriété agricole et qui, par ailleurs, respectent les objectifs légaux des SAFER.

En effet, certaines sociétés, tant du fait de la nature de leur actionnariat ou de leurs associés que de par leur statut et leur nature juridiques, ont des objectifs identiques à ceux qui sont énoncés à l’article L.143-2 du code rural et de la pêche maritime : installation, réinstallation ou maintien des agriculteurs, consolidation d'exploitations constituent ainsi autant de politiques foncières pratiquées par d’autres acteurs du monde agricole.

Il arrive, par exemple, que les coopératives, dans le respect des prescriptions du Haut Conseil de la coopération agricole, organisent des opérations de portage de foncier afin de permettre à des coopérateurs soit de s’installer, soit de consolider leurs exploitations.

Si ce texte était adopté, ces opérations devraient être structurées, faisant porter le foncier par une société dont l’objet principal est la propriété agricole, ce que nous ne contestons pas.

Toutefois, lorsque le débouclage de ces opérations de portage se réalise par une cession progressive à l’exploitant des droits de la société ayant pour objet principal la propriété agricole, il ne nous semble pas souhaitable que l’opération soit compromise en cours de réalisation par le droit de préemption de la SAFER, alors même que les objectifs de l’opération sont exactement ceux qui autoriseraient la SAFER à préempter.

Exclure ces opérations de portage du champ de préemption des SAFER contribuerait à une meilleure efficience des politiques foncières au service de l’agriculture, et cela à moindre coût.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Monsieur Courteau, j’ai été sensibilisé à ce sujet lors de nos travaux en commission et j’ai été attentif à l’avis de beaucoup d’organisations.

M. Roland Courteau. Je le sais, monsieur le rapporteur.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. J’ai ainsi découvert que certaines coopératives, notamment dans le secteur de la viticulture, favorisaient l’installation en étant porteuses de foncier.

La commission est toutefois défavorable à votre amendement, dont la rédaction risque de compliquer encore le système dans lequel nous allons nous inscrire.

Vous avez eu la sagesse de reconnaître que la constitution d’une société à part n’était pas le problème. La question est plutôt d’avoir la certitude que le travail de stockage réalisé par les coopératives va bien atteindre son objectif, à savoir favoriser l’installation d’un jeune agriculteur.

Or il me semble qu’il s’agit d’un risque virtuel : on ne va pas voir une SAFER intervenir contre une coopérative faisant du portage pour l’installation d’un jeune. Je parle sous le contrôle de personnes bien plus expertes que moi : dans la plupart des schémas départementaux – régionaux maintenant – des structures, l’installation est la priorité, cas dans lequel on ne peut pas préempter.

Il me semble donc que la loi protège déjà le jeune agriculteur contre la SAFER. Votre souhait, que je partage, est donc complètement satisfait. L’adoption de votre amendement, monsieur Courteau, risquerait de poser plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je comprends votre préoccupation, monsieur Courteau.

Toutefois, une question plus générale se pose : les SAFER préemptent en tant que délégataires de service public. Si l’on instaure des dérogations, il y aura d’autres délégataires de service public en matière de foncier, sujet éminemment sensible.

Or, le fait que les collectivités territoriales et les associations aient intégré les conseils d’administration des SAFER, dont la gouvernance a été modifiée par la loi d’avenir pour l’agriculture, garantit que l’intérêt général prévaudra.

Dès lors, pourquoi faire des dérogations et accepter de déléguer à d’autres institutions ou établissements que les SAFER, même si je ne conteste pas qu’ils pourront favoriser l’installation, notamment par le biais de groupements fonciers agricoles ? Comment savoir où s’arrêter ? Il faut rester extrêmement prudent.

Le Gouvernement, comme la commission, est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. L’amendement de M. Courteau n’est pas inintéressant en ce qu’il permet de donner un peu d’oxygène et de souplesse au transfert de propriété des terres agricoles d’une société vers une autre, tout en restant dans l’esprit du fonctionnement des SAFER, ce qui est une garantie essentielle.

Nous constatons trop souvent que des SAFER se comportent soit comme des agences immobilières, soit comme des marchands de biens : elles achètent, elles font leur marge, elles revendent… Au final, on peut se demander où est l’intérêt de l’agriculteur.

Je ne dis pas que toutes les SAFER agissent de cette façon, mais nous avons tous de tels exemples en tête…

Nous n’avons pas l’assurance que les SAFER resteront dans leur rôle à l’avenir. Il est plus que temps, monsieur le ministre, que le Gouvernement mette son nez dans le bon fonctionnement de ces sociétés. Certaines d’entre elles vont jusqu’à demander la somme de 110 euros pour rendre un avis avant la fin du délai de deux mois ! Une SAFER, qui doit remplir une mission de service public, est-elle dans son rôle en adoptant un tel comportement ? À cet égard aussi, l’amendement de M. Courteau me semble intéressant.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. J’ai présidé pendant vingt ans une coopérative qui achetait des terres pour y installer de jeunes agriculteurs. D’autres coopératives faisaient de même. Cela fonctionnait très bien, et la SAFER n’y voyait aucun inconvénient.

L’amendement de M. Courteau me paraît donc satisfait et, en accord avec M. le rapporteur, je pense qu’il peut être retiré.

Mme la présidente. Monsieur Courteau, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. de Nicolaÿ, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Mon amendement est devenu sans objet, le rapporteur ayant proposé, et notre assemblée accepté, le report de six mois de l’entrée en vigueur des articles 2 à 5.

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 8 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

L’article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S’il s’agit d’un apport en société et que la condition suspensive est satisfaite, l’apporteur doit s’engager à conserver la totalité de ses droits sociaux reçus en contrepartie pendant au moins cinq ans à compter de la date de l’apport. Cet engagement doit être joint à la notification préalable de l’opération d’apport. En cas de méconnaissance de l’engagement ainsi souscrit et sauf accord exprès de sa part, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en a eu connaissance, demander l’annulation de l’apport au président du tribunal de grande instance. » – (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

L’article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant la même période transitoire, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont également autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes mentionnées notamment aux articles L. 322-1, L. 323-1 et L. 324-1, à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable en application du 3° du II de l’article L. 141-1 ou après exercice du droit de préemption en application de l’article L. 143-1. » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

(Non modifié)

La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi modifié :

a) Le mot : « répertoire » est remplacé par le mot : « barème » ;

b) Après le mot : « valeur », il est inséré le mot : « vénale » ;

2° L’article L. 312-3 est abrogé ;

3° L’article L. 312-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-4. – Un barème de la valeur vénale moyenne des terres agricoles est publié chaque année par décision du ministre chargé de l’agriculture.

« Ce barème est établi pour chaque département, par région naturelle et nature de culture, en tenant compte notamment des valeurs retenues à l’occasion des mutations intervenues au cours de l’année précédente et, au besoin, au cours des cinq dernières années.

« Les informations figurant au barème de la valeur vénale des terres agricoles constituent un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres.

« Les modalités d’établissement du barème prévu au présent article sont fixées par décret. » – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 bis

Article 7

(Non modifié)

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, lorsque les terres concédées sont à usage agricole, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant un préavis :

« 1° Soit d’un an au moins, dès lors qu’une indemnisation à l’exploitant est prévue au contrat de concession en cas de destruction de la culture avant la récolte ;

« 2° Soit de trois mois avant la levée de récolte ;

« 3° Soit de trois mois avant la fin de l’année culturale. » – (Adopté.)

Article 7
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Article additionnel après l'article 7 bis

Article 7 bis

(Supprimé)

Article 7 bis
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Article 8 A (nouveau)

Article additionnel après l'article 7 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Revet, Chaize et Mayet, est ainsi libellé :

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre IV du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 451-2 est supprimé ;

2° L’article L. 451-12 est abrogé ;

3° L’article L. 471-5 est abrogé.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement tend à procéder à une simplification des textes en abrogeant diverses mesures obsolètes liées aux modes de location des terrains agricoles.

D’une part, nous révisons certaines mesures relatives au bail emphytéotique. La suppression du troisième alinéa de l’article L. 451-2 du code rural et de la pêche maritime permet de tenir compte de la disparition complète du régime dotal, supprimé à la suite à la loi du 13 juillet 1965 réformant les régimes matrimoniaux, et qui avait été maintenu uniquement au profit des contrats de mariage antérieurs.

De même, l’article L. 451-12 n’a plus lieu d’être conservé, dès lors qu’il soumet les emphytéoses antérieures au 25 juin 1902 aux dispositions du code rural et de la pêche maritime. La durée maximale du bail emphytéotique ne pouvant excéder quatre-vingt-dix-neuf ans, cet article est devenu sans objet depuis plus de dix ans. Il est donc abrogé.

Enfin, l’article L. 471-5 soumettant les locations de jardins familiaux en cours au 1er novembre 1952 aux dispositions du code rural et de la pêche maritime n’est plus utile par l’effet de l’application de la loi dans le temps.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous ne pouvons pas commencer à faire le toilettage des dispositions obsolètes, même s'il est en effet nécessaire de le faire, dans le cadre de la présente proposition de loi.

J’entends vos arguments, monsieur Revet, mais n’agissons pas sans en avoir mesuré les conséquences. L’Assemblée nationale a, par exemple, supprimé un peu vite un article dont on a constaté sur le terrain qu’il trouvait encore à s’appliquer dans la moitié des départements. Certains trains arrivent encore à l’heure… (Sourires.)

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je ne suis pas contre ces simplifications, mais j’entends aussi les arguments du rapporteur. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Monsieur Revet, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Non, je vais le retirer, madame la présidente, non sans remercier le Gouvernement de son avis de sagesse !

J’ai bien compris le souhait du rapporteur d’examiner ces questions dans un texte plus global, ce qui me paraît également sage.

Je retire l’amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

TITRE II

DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE

Article additionnel après l'article 7 bis
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Article 8

Article 8 A (nouveau)

Après le III de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – Par exception aux II et III, l’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 est autorisée lorsque les produits mentionnés au IV ne permettent pas de lutter contre les dangers sanitaires mentionnés à l’article L. 201-1. »

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par MM. Labbé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet article, introduit par notre rapporteur en commission, crée une nouvelle dérogation à la loi dite Labbé, qui interdit les usages non agricoles des produits phytopharmaceutiques.

Cette loi ménage déjà des exceptions. Elle encourage en effet l'utilisation des produits de biocontrôle et les préparations naturelles peu préoccupantes en substitution des produits phytopharmaceutiques classiques.

De plus, la rédaction actuelle précise également que ces interdictions ne s'appliquent pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l'article L. 251-3 du code rural et de la pêche maritime, en application de l'article L. 251-8.

Il convient donc de supprimer la dérogation introduite en commission par l'article 8 A, déjà satisfaite par la rédaction actuelle de la loi.

Cet article a été introduit en commission pour répondre à une inquiétude concernant notre patrimoine historique et nos jardins à la française, souvent menacés par un certain nombre de maladies.

Je voudrais évoquer le cas du manoir d’Eyrignac et des jardins de Marqueyssac, deux sites extrêmement réputés et visités. Ces sites sont célèbres pour leurs buis, lesquels sont traités exclusivement avec des préparations naturelles peu préoccupantes.

Malgré le décret du ministère de l’agriculture autorisant une centaine de PNPP parmi une liste de 800 substances que nous avons soumise à l’ANSES, il reste à effectuer un gros travail de transition et de promotion des alternatives.

Ce n’est pas rendre service à l’environnement ou à notre patrimoine que d’étendre les dérogations à la loi Labbé. C’est ralentir les efforts vers le changement généralisé des pratiques, pourtant indispensable à la santé des populations, à notre environnement et à notre patrimoine.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir voter la suppression de cet article introduit en commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si nous avions une solution, monsieur Desessard, nous n’aurions pas introduit cet article en commission.

Nous sommes face à une situation de vide incroyable. S’il existe une solution de biocontrôle pour la pyrale, il n’en va pas de même pour le champignon qui est en train de détruire tous les buis de notre pays.

Dans ces situations exceptionnelles, nous voulons permettre aux collectivités territoriales de recourir aux produits phytopharmaceutiques. Dans l’agriculture biologique, lorsqu’on n’arrive plus à soigner les vaches de manière naturelle, on autorise l’emploi d’un antibiotique par an et par vache. Faisons preuve d’intelligence et permettons le recours aux produits phytopharmaceutiques pour sauver ces plantes. Il y va de la biodiversité, pour la protection de laquelle nous avons légiféré à plusieurs reprises.

La commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La loi Labbé fixe des interdictions en matière d’utilisation des « phytos » dès janvier 2017 pour les collectivités locales et en janvier 2019 pour les particuliers.

Sans alternative pour les collectivités, notamment sur la question des buis, dont M. de Nicolaÿ est devenu un spécialiste, il convient en effet d’introduire une dérogation dans la mesure où l’interdiction est entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

En revanche, les particuliers auront le temps de trouver d’autres solutions, puisque l’entrée en vigueur n’est qu’en 2019.

N’ayant pas eu le temps de procéder à un arbitrage, je vais m’en remettre à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour explication de vote.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je soutiens pour ma part la rédaction actuelle de l’article 8A. M. le rapporteur l’a souligné, le buis doit faire face à deux maladies : la pyrale, qui est à peu circonscrite et pour laquelle il existe aujourd'hui des solutions de biocontrôle, et les attaques par des champignons.

Le patrimoine historique ouvert au public dont le propriétaire est privé relève-t-il du domaine privé ou du domaine public ? Dans le second cas, l’interdiction des produits phytosanitaires intervient à compter du 1er janvier 2017. Il convient donc de retarder cette entrée en vigueur, dans la mesure où il n’existe pas de solution pour traiter les champignons en question. L’ANSES a reçu de nombreuses propositions visant à traiter en biocontrôle les buis et autres végétaux. Deux ou trois années au moins seront nécessaires pour étudier la qualité de ces solutions.

Dans le jardin d’Eyrignac, c’est la pyrale qui sévit. Toutefois, à Vaux-le-Vicomte et Villandry, notamment, on attend l’autorisation de poursuivre, en 2017 et 2018, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, malgré l’ouverture au public, jusqu’à ce que l’ANSES propose une solution.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Bataille, MM. M. Bourquin, Courteau, Daunis et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

aux II et III

par les mots :

au II

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. L'article 8 A, introduit en commission, vise à assouplir l’interdiction, adoptée dans le cadre de la loi Labbé, d'utilisation de produits phytopharmaceutiques pour les établissements publics et les non-professionnels.

Il permet l'utilisation de produits phytopharmaceutiques conventionnels lorsque l'application de produits de biocontrôle ou de préparations naturelles peu préoccupantes ne permet pas de lutter contre une maladie végétale connue. Il s’agit notamment de permettre le traitement des buis.

Selon les auteurs de cet amendement, il est nécessaire de répondre à la problématique spécifique des buis. Toutefois, la rédaction retenue en commission est trop large. D’une part, elle fait référence à toutes les maladies végétales connues et non pas seulement à celles qui s’attaquent aux buis. D’autre part, la dérogation prévue concerne également les particuliers, ce qui revient à remettre en cause l’objectif porté par la loi Labbé. En effet, je le rappelle, l’interdiction concernant les particuliers ne s’appliquera qu’à compter de 2019.

Au travers de cet amendement, il s’agit donc d’accorder une dérogation aux seules personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Sur ce sujet aussi, je souhaite rassurer M. le ministre, ainsi que les auteurs de cet amendement.

La commission propose que, face à des situations exceptionnelles, soient prises des décisions exceptionnelles. En 2019, soit dans moins de deux ans, s’il existe une solution de biocontrôle, la question ne se posera pas ! Pour la commission des affaires économiques, il n’est pas question d’autoriser le recours aux produits phytopharmaceutiques si une solution de biocontrôle existe. Toutefois, dans la mesure où cette dernière n’existe pas encore, il s’agit de permettre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques existant sur le marché.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour ma part, je suis plutôt favorable à cet amendement, dont les dispositions correspondent exactement à ce que j’ai expliqué précédemment.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de me reporter à la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques concernant le biocontrôle : « Par exception aux II et III, l’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 est autorisée lorsque les produits mentionnés au IV ne permettent pas de lutter contre les dangers sanitaires mentionnés à l’article L. 201-1. »

Il s’agit donc d’une disposition très large ! Or je ne voudrais pas que l’adoption de ce texte nous conduise à nous contenter d’une utilisation des produits phytosanitaires, alors qu’il nous faut développer des stratégies alternatives. C’est une tentation contre laquelle nous devons nous lutter : telle est ma préoccupation !

Or, plus on est précis, plus on est sûr d’aller dans le sens souhaité. Si des solutions alternatives sont disponibles, elles doivent être utilisées ! Une fois que vous aurez légiféré – vous devez être attentifs à ce point, mesdames, messieurs les sénateurs –, les dispositions que vous aurez adoptées seront appliquées !

S’agissant des espaces privés qui se transforment en espaces publics, le problème se pose dès 2017, puisqu’aucune solution de rechange n’existe. Il conviendrait donc que la dérogation prévue concerne également ces espaces. Combien de fois ai-je visité dans la Sarthe des jardins privés d’exception, ouverts au public et concernés par les maladies du buis ?

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Comprenons-nous bien. La rédaction adoptée par la commission des affaires économiques n’est pas la porte ouverte à n’importe quoi ! Je vous le rappelle, mes chers collègues, l’ANSES reste maîtresse du jeu, par le biais des autorisations. En outre, c’est le ministère qui accorde les dérogations.

Si un produit de biocontrôle existe, il n’y a pas de dérogation possible. Je tiens donc à vous rassurer : nous ne sommes pas en train de faire n’importe quoi ! L’encouragement à la recherche et au développement de solutions de biocontrôle subsiste. Simplement, dans le cas du champignon du buis, notamment, la recherche n’ayant pas permis de trouver des produits agréés, on pourra utiliser exceptionnellement des produits phytopharmaceutiques.

Il s’agit donc de sécuriser le dispositif et de faire en sorte de ne pas perdre de biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. L’argument auquel vient d’avoir recours M. le rapporteur est imparable. L’opinion publique aurait en effet du mal à comprendre que l’on puisse accorder des dérogations uniquement aux collectivités, sur des espaces publics. Tant que nous ne disposons pas de dispositifs de substitution, la dérogation doit s’appliquer à tous, sur l’ensemble du territoire national.

Je profite de cette discussion pour vous interpeller, monsieur le ministre. Le Gouvernement ne se donne-t-il pas ainsi la possibilité, par voie réglementaire, d’aller au-delà de l’esprit de la loi ?

En effet, j’ai entendu voilà peu de temps Mme Royal déclarer que l’utilisation du glyphosate par les particuliers serait désormais interdite. En revanche, elle serait autorisée pour les autres utilisateurs ! Mme Royal peut-elle prendre une mesure réglementaire non conforme à la loi que nous avons votée ? S’agit-il ici du domaine réglementaire ou du domaine législatif ? On finit par ne plus s’y retrouver !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je soutiens bien évidemment l’amendement n° 5.

J’estime toutefois qu’il convient d’examiner la situation que nous rencontrons sur le territoire. Les espaces publics comme privés sont aujourd'hui dévastés. Dans certaines parties très touristiques de mon département, il n’y a absolument plus rien ! Partant de ce constat, mais connaissant la loi Labbé, certaines positions me semblent quelque peu dogmatiques. Lorsqu’il n’y aura plus un buis et que tout aura disparu, il n’y aura plus de tourisme ni d’aménagement du territoire ! Telle est la réalité.

Selon moi, nous avons besoin d’apporter des garanties en matière de solutions alternatives, et c’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement de mon collègue. Néanmoins, le dispositif ne me paraît pas satisfaisant s’agissant des personnes privées. Mes chers collègues, je vous engage à cet égard à visiter les territoires concernés, où les buis sont totalement dévastés et brûlés. On ne sait pas comment faire pour s’en sortir ; je veux en témoigner, comme je l’ai déjà fait dans le cadre d’une question orale.

Il y a des choses que l’on apprend dans les livres, de façon idéologique, et d’autres que l’on apprend dans la vie quotidienne, de façon concrète…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Si je prends la parole, c’est parce que vous m’avez regardé, monsieur Guillaume, en utilisant le terme de « dogmatisme ». Faisiez-vous allusion à l’amendement précédent ou à l’amendement défendu par M. Montaugé ? Je ne comprends pas.

Je n’ai pas bien compris non plus votre argumentaire. Si vous semblez soutenir l’amendement n° 5, vous émettez malgré tout de nombreuses réserves.