M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. J’ai déjà eu, à de multiples reprises, l’occasion de donner la position, d’ailleurs constante, du Gouvernement sur ce sujet.

Le texte, dans sa version initiale, avait pour ambition de clarifier et d’harmoniser le régime général du droit de la prescription en matière pénale. Le sujet qui nous occupe actuellement est donc incident.

De ce point de vue, il est dommage que le cœur du travail parlementaire absolument remarquable qui a été conduit sur ce texte, mais aussi l’esprit de rassemblement ayant animé les deux assemblées tout au long de son examen, s’efface aujourd’hui au profit de cet élément, certes important.

Je répète donc que le Gouvernement est hostile à la modification un peu rapide d’un texte qui est un modèle de subtilité et de complexité.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression des alinéas 2 et 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je formulerai quelques observations.

Je constate tout d’abord que David Assouline admet lui-même qu’un problème se pose avec les évolutions numériques. En revanche, il n’y apporte pas de solution !

Ensuite, l’évolution qui pose problème est d’ordre technique, pour ne pas dire technologique. C’est pour la presse papier, qui continue d’exister, que le texte de 1881 a été rédigé. Or l’apparition d’un nouveau support, numérique, modifie la façon dont l’information est diffusée.

Dans ces conditions, qui voulons-nous protéger : les journalistes ou les victimes éventuelles de leurs articles ? Le différentiel de prescription n’est pas dirigé contre les journalistes : il doit seulement permettre à ceux qui se prétendent les victimes d’une infraction commise via un article de presse, par exemple, et publiée sur ce vecteur nouveau qu’est internet, dont la diffusion est à la fois rapide et large, puissent agir dans un délai suffisant. Voilà toute la discussion que nous devons avoir.

Par conséquent, la commission, sans surprise, émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je serai bref, monsieur le président, même s’il me semble que s’exprimer deux minutes trente sur ce sujet fondamental n’est pas de trop !

Bien sûr, monsieur le rapporteur, je reconnais qu’une révolution numérique est à l’œuvre. Toutefois, chaque fois que nous l’avons admis dans cet hémicycle, nous avons dans le même temps défendu le principe de la neutralité des supports. Nous n’avons jamais affirmé qu’il y avait deux presses : nous avons au contraire voulu que la presse numérique, pour être reconnue en tant que telle, s’aligne sur tous les standards de la presse papier, y compris pour ce qui est des devoirs des journalistes. Les journalistes n’ont pas que des droits.

Les mêmes dispositions juridiques doivent donc s’appliquer à la presse papier comme à la presse numérique, sans toucher, de grâce, à une loi aussi sensible. On ne peut pas modifier – encore moins écorner, comme tend à le faire cet article 3 – les dispositions de lois fondatrices – la loi de 1881 ou la loi de 1905, par exemple – sans débat approfondi ni consensus, en catimini, au détour d’un texte qui ne porte pas sur ces questions.

Aux États-Unis, certains journaux de presse papier ont d’ores et déjà basculé au tout-numérique. Nous connaîtrons ces processus en France, où la presse joue encore sur les deux supports. La différence dans les délais de prescription ne peut donc pas tenir d’un point de vue fonctionnel, les articles sur support numérique pouvant se retrouver également sur support papier.

Je reconnais néanmoins que la situation est différente pour tous ceux qui ne sont pas assujettis à la déontologie journalistique : les journalistes autoproclamés et les vengeurs en tous genres, qui passent leur temps à insulter tout le monde. Toutefois, pourquoi dans ce cas n’avoir pas proposé de solutions concrètes pour faire face à leurs agissements ?

C’est un sujet complexe, qui requerrait que nous ouvrions des débats. Je sais d’ailleurs que la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Catherine Morin-Desailly, souhaiterait que nous réfléchissions aux moyens d’empêcher que tout et n’importe quoi ne soit dit sur internet, sans aucun contrôle.

Au lieu de s’attaquer à la presse et aux journalistes, il faudrait plutôt s’intéresser aux réseaux sociaux, car c’est en leur sein que réside le problème. Facebook et Twitter s’en lavent les mains ; ils prétendent n’avoir aucune responsabilité en la matière. Or, à mon sens, la responsabilité de ces hébergeurs doit être engagée ; c’est sur point que la régulation doit peser. Ce sera l’objet d’autres débats, j’en suis certain.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. En tout cas, mes chers collègues, pas touche à la liberté de la presse, surtout en ce moment, avec ce qui se passe aux États-Unis ! (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il est important de débattre sereinement de ce sujet, dans le respect du travail approfondi déjà mené par la commission des lois : comment protéger les victimes de propos haineux, discriminatoires, injurieux sur internet ? Il s'agit d’une véritable préoccupation, à laquelle je souscris.

L’article 3, néanmoins, pose problème. Je m’en suis d'ailleurs déjà ouverte à plusieurs de nos collègues. Selon moi, en effet, les dispositions qu’il contient introduisent une discrimination injustifiée entre la presse imprimée et la presse numérique, entre les deux supports d’un même éditeur.

Je précise à ce titre que le directeur de la publication, que l’édition soit papier ou numérique, est toujours responsable pénalement de l’ensemble des textes publiés. Il ne saurait en aller autrement.

Il est prévu dans cet article que la durée du délai valable pour le support numérique ne s’applique pas si le contenu est également diffusé sur un support papier. C’est méconnaître la réalité du travail des journalistes et des rédactions modernes, qui tendent à publier de manière indifférenciée sur les deux supports. Les publications se font d’ailleurs, de plus en plus, sur un seul support, le numérique, pour des raisons ayant trait au modèle économique suivi. Je crains donc que cette mesure ne porte atteinte à la sécurité juridique, voire éditoriale, des entreprises de presse.

Je voudrais partager avec vous, mes chers collègues, une autre préoccupation, qui est peut-être la principale. La discrimination dans la durée de prescription est justifiée, selon ses défenseurs, par la nécessité de garantir aux victimes un délai plus long pour agir en justice, au motif que les textes restent plus longtemps sur internet.

Je voudrais appeler votre attention sur un point : grâce aux moteurs de recherche et aux algorithmes, il est possible de suivre, heure par heure, les textes vous mentionnant. Le résultat de vos recherches est beaucoup plus rapide qu’en feuilletant patiemment les quotidiens de la presse papier. Vous pouvez savoir plus vite si vous faites l’objet de discriminations, d’injures ou de propos haineux. Introduire un délai différencié ne me semble donc pas justifié.

Derrière ces questions, il y a celle de la neutralité d’internet et du droit à l’oubli. L’enjeu se situe donc à l’échelle des hébergeurs et des plateformes, dont je regrette que la loi pour une République numérique n’ait pas traité. Si les textes discriminatoires, haineux ou injurieux perdurent en ligne, s’ils se démultiplient même, c’est parce que l’écosystème des plateformes et autres hébergeurs le permet.

Le problème, selon moi, n’est donc pas tant celui du délai de prescription de tels propos que la nécessité de traiter en amont, de manière efficace, leur persistance sur internet. C’est un sujet complexe, qui exige que l’on se penche sur lui avec l’attention la plus grande.

Je voulais insister sur ce point, mes chers collègues, car j’ai moi aussi l’impression que l’on confond les corbeaux de l’internet avec la presse officielle, qui travaille en principe avec rigueur et déontologie.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly. L’article 3 pose un véritable problème : prenons le temps d’en débattre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Claudine Lepage et M. David Assouline applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Ce débat est très intéressant, mais il est surréaliste ! En effet, il n’a jamais été question, pour moi comme pour tous les collègues qui ont travaillé avec moi sur ce sujet à la commission des lois, qu’ils appartiennent au groupe socialiste et républicain, au groupe communiste ou au RDSE – nous avons tous soutenu la même position ! –, de nuire à la liberté la presse ou à la liberté d’expression.

Chers collègues, vous ne défendez pas du tout la liberté d’expression en défendant le droit à l’injure ou à la diffamation. Car tel est précisément ce que nous entendons combattre !

M. David Assouline. Nous défendons les journalistes !

M. François Pillet. Avez-vous déjà rencontré dans vos permanences des gens simples, qui ne disposent pas d’une bordée d’avocats pour les défendre, qui ont été accusés, diffamés sur internet, au point de devoir cesser leur activité d’artisan ou de fermer leur entreprise, au point de voir leur vie de famille complètement bousculée ? Nous voulons protéger ces gens-là, sans attenter à la liberté d’expression, dès lors que celle-ci est respectée par des journalistes et des internautes responsables. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié, 2 rectifié et 3.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 94 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l’adoption 118
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 3.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 95 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l’adoption 203
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour être logique avec les votes qu’il a exprimés sur les amendements identiques, ainsi que sur l’article 3, et pour cette seule et unique raison, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur l’ensemble du texte.

M. Jean-François Husson. C’est dommage !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale
 

9

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, lors du scrutin n° 95, les membres du groupe écologiste souhaitaient voter contre l’article 3.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera ainsi dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

10

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain
Discussion générale (suite)

Statut de Paris et aménagement métropolitain

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (projet n° 315, résultat des travaux de la commission n° 350, rapport n° 349).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 7 novembre 2016, le Sénat a commencé l’examen en première lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

Je veux rappeler brièvement combien ce projet est important, et ce à plus d’un titre.

Tout d’abord, il simplifie et rationalise la gestion municipale, en fusionnant le département et la commune de Paris, deux entités institutionnelles aujourd’hui distinctes sur un territoire identique.

Ensuite, il amplifie la décentralisation, en rapprochant la commune de Paris du droit commun municipal en matière de police municipale, et améliore la déconcentration au profit des maires d’arrondissement, en leur accordant des compétences supplémentaires.

En outre, il renforce la démocratie électorale des quatre premiers arrondissements, démographiquement déséquilibrés par rapport aux autres, en les fusionnant.

Enfin, il propose de nouveaux instruments d’aménagement spécifiques à l’Île-de-France et autorise la création de sept nouvelles métropoles, afin de répondre à une forte demande et à un maillage plus complet du territoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi s’inscrit ainsi dans l’ensemble des lois du quinquennat qui ont concerné les collectivités, avec l’objectif majeur de rendre plus performante et plus lisible l’action publique dans un contexte de raréfaction des ressources.

Le 9 novembre dernier, en dépit de nombreuses heures de discussion, y compris la nuit, le Sénat avait visiblement décidé de choisir une posture d’opposition systématique. Certains orateurs répétaient dans les mêmes termes les discours tenus lors de la concertation engagée par la Ville de Paris, prouvant qu’ils étaient peu réceptifs à toute tentative d’argumentation.

M. Philippe Dallier. Vous n’aviez pas d’arguments !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ainsi, fidèle à ce postulat, le Sénat a supprimé les avancées du projet de loi que je viens de rappeler, à l’exception de la fusion entre la commune et le département de Paris et du renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement.

Le 14 décembre dernier, l’Assemblée nationale a examiné à son tour le projet de loi et a rétabli, souvent en les améliorant je dois le dire, les dispositions initialement contenues dans le projet du Gouvernement.

Je précise néanmoins que certaines améliorations apportées par le Sénat ont été reprises par l’Assemblée nationale. Ont été ainsi rétablies les dispositions permettant la création d’un secteur électoral unique formé des quatre premiers arrondissements, le renforcement des pouvoirs de police du maire, en les rapprochant du droit commun tout en maintenant le rôle du préfet de police, détenteur du pouvoir de police générale, ainsi que la création des nouvelles métropoles.

Le 21 décembre dernier, la commission mixte paritaire s’est réunie, toujours afin de trouver un terrain d’entente acceptable pour les deux chambres. Hélas, sans grande surprise, suis-je tenté de dire, le Sénat n’a pas souhaité se départir de sa posture initiale, et la CMP n’a pas été en mesure d’aboutir à un accord.

Le texte est donc revenu en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 17 janvier dernier. Ce nouveau temps de débat a été mis à profit pour améliorer encore la rédaction de certains articles, notamment ceux qui sont relatifs aux cercles de jeux ou à certains outils d’aménagement métropolitain.

Il est donc prévu aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, de discuter une dernière fois de ce texte, et je ne désespère pas – car je ne désespère finalement jamais ! – de trouver, même in extremis, une entente, au moins sur les grands objectifs.

Il semblerait cependant que vous pourriez – d’après ce que l’on me dit –, si vous suiviez votre commission, adopter une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Philippe Dallier. C’est possible !...

M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait funeste !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si tel était le choix majoritaire de votre assemblée, cela mettrait – vous le savez et c’est d'ailleurs ce que vous souhaitez – un terme définitif à nos débats.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait dommage !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ne serait alors pas discuté, comme cela s’est d'ailleurs déjà passé ici, s’agissant du projet de loi de finances pour 2017,…

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. … qui, lui non plus, n’a pas été discuté dans votre assemblée, pour des raisons – du moins est-ce mon impression – du même ordre, c’est-à-dire uniquement politiques.

Je veux le dire pour avoir longtemps siégé dans cette assemblée, il serait regrettable de voir que sur l’un des derniers textes concernant les collectivités, le Sénat se départisse de son rôle de législateur. J’aurai, je le pense, l’occasion de m’expliquer tout à l’heure sur ce sujet. (M. Jean-Claude Requier applaudit. – Quelques sénateurs du groupe socialiste et républicain applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous abordons par conséquent cette nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain à partir du texte voté par l’Assemblée nationale.

Qu’il me soit permis, au préalable, de faire trois remarques, que j’avais déjà eu l’occasion de formuler lors de la discussion générale en première lecture.

Tout d’abord, nous avons regretté l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte, qui nous semblait pourtant important, voire essentiel. Il traite en effet de l’avenir de la ville-capitale, du statut de Paris et de la création de nouvelles métropoles, question centrale en matière d’aménagement du territoire.

Ensuite, ce texte est déséquilibré. Il comporte, en effet, toute une série, voire la quasi-exclusivité des dispositions sur le statut de Paris – ce seul point aurait dû occuper l’ensemble du texte, telle était d'ailleurs sa vocation. Et il contient aussi un article 41, initial, qui traite d’un important sujet, la création de nouvelles métropoles et l’aménagement métropolitain.

Enfin, vous me permettrez de regretter à nouveau que l’examen à l’Assemblée nationale ait donné l’occasion tant au Gouvernement qu’aux députés d’introduire dans le projet de loi nombre de dispositions et d’articles qui sont, en réalité, des cavaliers.

Je veux toutefois souligner, après M. le ministre, les dispositions sur lesquelles nos deux assemblées ont pu s’accorder. Je pense notamment à la fusion du département et de la commune de Paris en une collectivité territoriale unique. Cette évolution, objet de l’article 1er, était nécessaire pour des raisons de lisibilité et de cohérence budgétaire.

Nous nous sommes également mis d’accord sur des dispositions introduites par l’Assemblée nationale au bénéfice des mairies d’arrondissement : des espaces verts de proximité parmi les équipements de proximité qu’elles gèrent, la faculté de financer, via leur dotation d’investissement, des dépenses de petits équipements assimilés à des fournitures par le code des marchés publics. Autre terrain d’entente, les modalités de transfert de certaines polices spéciales et des agents de la préfecture vers la mairie de Paris. Enfin, les députés ont accepté un amendement introduit par notre collègue Vincent Capo-Canellas relatif au pouvoir de police dans les aéroports. Il permet notamment au préfet de police de devenir responsable de l’aéroport d’Orly à une date fixée par décret, au plus tard dans trois ans.

Toutefois, sur le statut de Paris, point essentiel de ce texte, des divergences très importantes subsistent. Ainsi, nous regrettons que l’Assemblée nationale ait supprimé le volet ajouté par le Sénat, qui avait adopté un certain nombre d’amendements de notre collègue Pierre Charon visant à renforcer les pouvoirs du maire d’arrondissement. Nous déplorons aussi que l’Assemblée nationale ait réintroduit la création d’un secteur électoral regroupant les quatre premiers arrondissements de Paris. Nous l’avions supprimée, car nous considérions que l’étude d’impact n’était pas suffisamment explicite et que d’autres paramètres méritaient certainement d’être pris en compte avant de se prononcer.

S’agissant du pouvoir de police générale, nous proposions de confier davantage de prérogatives au maire de Paris, en s’inspirant du régime applicable dans la petite couronne, et de lui permettre de constituer une véritable police municipale.

Enfin, sur l’initiative de notre collègue Roger Karoutchi, le Sénat proposait également une gestion « régionalisée » des voies sur berge.

Vous en conviendrez donc, le Sénat a fait œuvre utile. Il a joué pleinement son rôle en essayant d’expertiser les mesures proposées et en tentant de compléter utilement ce texte.

J’en viens désormais au deuxième volet, maigre volet puisqu’il s’agissait du seul article 41, mais quel article 41 !

M. Jean-Pierre Sueur. Sept métropoles, ce n’est pas maigre !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. On parle effectivement, cher collègue, de la création de sept métropoles.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas maigre !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Encore faut-il rappeler l’histoire et la genèse de leur création. Il en existait quatre, dont deux qui s’inspiraient du régime en vigueur, et deux, celles d’Orléans et Dijon, qui venaient compléter les quinze métropoles existantes sur un système dérogatoire.

Et puis, au fil des auditions et des débats, nous avons vu émerger d’autres métropoles, ce qui est pour nous l’objet d’un regret assez fort, sur lequel nous nous sommes déjà expliqués ici. Point central en matière d’aménagement, la création de métropoles n’est pas quelque chose de neutre. Elle induit en effet une question centrale, nous amenant à nous interroger sur ce que nous souhaitons en matière d’aménagement et de développement du territoire. Ce seul sujet aurait, à mon sens, nécessité un texte plein et entier.

Enfin, nous avons regretté que ce texte évoque de nouveau la question du scrutin distinct pour l’élection des conseillers métropolitains.

J’en arrive aux dispositions nouvelles introduites par l’Assemblée nationale. Un ensemble de mesures concernent la métropole d’Aix-Marseille-Provence : il en va ainsi de la proposition du report du 1er janvier 2018 au 1er janvier 2021 du transfert obligatoire de la compétence communale voirie à la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Autre nouveauté, l’élargissement des délégations d’attribution du conseil municipal au maire. On peut s’interroger sur l’absence de lien, même indirect, de cette disposition avec la nature du texte initial.

Mes chers collègues, voilà pourquoi nous considérons que le travail fourni ici au Sénat aurait mérité meilleur sort. Certes, j’en conviens tout à fait, monsieur le ministre, certaines des dispositions que nous avons adoptées ont eu un écho à l’Assemblée nationale, mais cet écho est resté beaucoup trop faible.

Je veux rappeler avec force à cette tribune que ce texte concerne les collectivités territoriales. Dès lors, le refus par l’Assemblée nationale de prendre suffisamment en considération le travail que nous avons fait me paraît en soi légitimer la démarche que je vais expliciter.

L’Assemblée nationale a rejeté quasiment en bloc l’apport réalisé par le Sénat. Ce faisant, elle a aggravé les effets néfastes du texte en poursuivant la fuite en avant vers une métropolisation de nos grandes villes.

Monsieur le ministre, ce projet de loi restera donc comme une occasion manquée pour Paris, mais aussi pour l’équilibre de nos territoires en général.

Prenant acte de ce refus clairement exprimé par l’Assemblée nationale d’entrer dans un processus constructif qui aurait permis d’aboutir à un texte de compromis, la commission des lois a pris la décision d’adopter le principe d’une motion tendant à opposer la question préalable,…

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … que j’aurai l’honneur de défendre à l’issue de la discussion générale. Il convient en effet ici, mes chers collègues, de défendre une certaine vision du bicamérisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le bicamérisme est malade quand le Sénat refuse de dialoguer, monsieur le rapporteur !

M. le président. Mes chers collègues, avant que nous ne poursuivions la discussion générale, je vous propose de prolonger la séance au-delà de vingt heures. Si les temps de parole sont respectés – ce à quoi je vous incite ! –, nous pourrions ainsi terminer nos travaux vers vingt et une heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat examine ce soir, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Ce texte, déposé sur le bureau de notre assemblée en août 2016, a fait l’objet d’un débat riche en première lecture. À cette occasion, la majorité sénatoriale a pu faire adopter la vision qu’elle se faisait du statut de Paris, statut qui, rappelons-le, n’avait pas connu de modification depuis l’adoption de la loi PML en 1982.

L’examen par l’Assemblée nationale ayant permis de revenir à un texte plus équilibré, ce projet de loi a fait l’objet d’une commission mixte paritaire qui s’est conclue par un désaccord. C’est donc tout naturellement que ce texte revient au Sénat.

Le choix opéré par la majorité sénatoriale – rappelé par notre rapporteur – de refuser le débat en opposant une question préalable me paraît incompréhensible, voire dangereux.

En effet, alors que notre institution est attaquée de toutes parts, je considère que la majorité sénatoriale donne du grain à moudre aux détracteurs de notre assemblée. Après un débat nourri en première lecture, je ne comprends pas pourquoi vous décidez aujourd'hui de ne pas échanger avec nous des arguments politiques, renonçant à amender ce texte, au motif qu’il n’y aurait pas de temps pour statuer.

Avec cette procédure, la majorité sénatoriale pratique la politique de la chaise vide. Or nous avons vu, à travers l’histoire, que cette attitude n’apporte aucun avantage ni bénéfice. En opposant ce soir une question préalable à ce texte au motif que le temps imparti ne serait pas suffisant pour rapprocher nos points de vue, vous considérez que le Sénat n’a pas à jouer son rôle dans un texte qui concerne les collectivités territoriales.

Je rappellerai quand même que notre assemblée est celle qui représente ces collectivités territoriales.