M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui sur l’initiative de nos collègues du groupe de l’UDI-UC, que je tiens à remercier.

La lutte contre les déserts médicaux est un sujet très important qui doit susciter non pas des querelles idéologiques, mais plutôt la recherche de solutions pragmatiques. Nous en sommes, je pense, tous d’accord. Le Sénat s’est d’ailleurs emparé de ce sujet encore récemment. La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a confié à nos collègues Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny la rédaction d’un rapport sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées. Nous attendons les résultats de leurs travaux avec beaucoup d’intérêt.

En tant qu’élus locaux et nationaux, nous sommes confrontés quotidiennement aux effets de la désertification médicale et à l’inquiétude de nos concitoyens face au départ à la retraite du médecin du village qui ne comptait pas ses heures et ses jours au chevet de ses patients. Sera-t-il même remplacé ?

De plus, on constate une interdépendance entre les professionnels de santé dans les zones sous-dotées. Lorsque le médecin généraliste disparaît du terrain, ce sont les professionnels paramédicaux qui suivent. Telle est la réalité. Le pharmacien est souvent le dernier rempart auprès des citoyens en tant que personnel de santé, mais, à moyen terme, il finit aussi par partir.

La France compte actuellement 220 000 médecins, soit deux fois plus qu’en 1980. La densité moyenne est de 334 praticiens pour 100 000 habitants, mais des disparités existent entre les départements. On compte ainsi 798 médecins pour 100 000 habitants à Paris, qui va d’ailleurs devenir un désert médical en médecine générale, contre seulement 180 médecins pour 100 000 habitants dans l’Eure.

Durant de nombreuses années, nous n’avons pas anticipé le changement des attentes des médecins concernant l’évolution de leurs pratiques professionnelles.

Le modèle du médecin au service de ses patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, c’est terminé. Aujourd'hui, les médecins, tant les femmes que les hommes, et sans doute pour des raisons différentes, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, ont des attentes en termes de qualité de vie pour s’installer, en particulier dans des zones sous-dotées.

Contrairement aux idées reçues, la jeune génération des internes est très motivée pour s’installer dans les zones sous-dotées – les trois quarts des internes en médecine générale déclarent en effet vouloir s’installer en milieu rural ou semi-rural –, mais les médecins ont désormais besoin de coopération médicale avec d’autres professionnels de santé afin de répondre toujours mieux aux attentes des patients. La fin du modèle du médecin omniscient, exerçant seul, se confirme. La demande de dialogue et d’échanges est dorénavant très forte chez les médecins, tant avec les acteurs du monde libéral qu’avec ceux du monde hospitalier.

Depuis 2012, le Gouvernement a pris en compte ces évolutions et mené une politique volontariste de lutte contre les déserts médicaux. Je veux rappeler les dispositifs mis en place pour les nouvelles générations de médecins, le médecin généraliste étant, ne l’oublions pas, l’élément activateur, structurant de la médecine libérale.

Dès 2012, le Gouvernement a instauré le pacte territoire-santé afin d’encourager les jeunes médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés. Les jeunes générations de médecins sont particulièrement demandeuses d’échanges, de travail en équipe. C’est la raison pour laquelle les maisons de santé pluriprofessionnelles sont en constant développement, un soutien financier leur étant apporté en fonction du nombre de professionnels y travaillant. Les professionnels paramédicaux y ont un rôle très important à jouer dans la prévention, l’accompagnement, le soin, la rééducation du patient.

Ces maisons de santé pluriprofessionnelles forment un véritable maillage territorial : alors qu’on n’en dénombrait que 150 en 2012, on en compte 1 200 en 2017. Ces maisons sont incontestablement une bonne mesure puisque tous les candidats à l’élection présidentielle prévoient d’en augmenter le nombre.

Pour lutter contre les déserts médicaux, il est primordial d’agir sur la formation des médecins. Il faut ainsi augmenter le nombre de maîtres de stages universitaires recrutés parmi les professionnels de santé de terrain, tant en milieu rural qu’en milieu urbain et dans les banlieues. Il faut également mettre en place des contrats d’engagement de service public. Des bourses de 1 200 euros bruts par mois devraient être versées aux étudiants volontaires décidant de s’installer dans une région manquant de médecins. À ce jour, 1 800 jeunes médecins ont souscrit un tel contrat et s’installeront bientôt dans des territoires sous-dotés.

Par ailleurs, 650 médecins ont signé un contrat de praticien territorial de médecine générale. En contrepartie de leur installation, ils bénéficient de nouvelles garanties, en particulier d’une protection sociale améliorée.

Le numerus clausus, cela a été dit, a été adapté par le Gouvernement afin de mieux prendre en compte les besoins des territoires. Il a été augmenté de manière ciblée en novembre 2015 : 131 places ont été créées pour 10 régions en manque de médecins. Pour le concours 2017, ce sont 478 places supplémentaires qui seront débloquées dans 22 facultés. La question de l’augmentation du numerus clausus reste ouverte compte tenu des changements des modes d’exercice. À cet égard, la majorité des candidats à l’élection présidentielle ont sur ce sujet également fait des propositions.

Toutes ces mesures incitatives commencent à avoir des résultats et continueront à en produire si elles sont maintenues.

Après avoir évoqué les outils de lutte contre la désertification médicale, j’aborderai plus spécifiquement maintenant le rôle des professions paramédicales dans la lutte contre les déserts médicaux. Ce rôle, cela a été dit, est éminent dans le cadre des maisons pluriprofessionnelles de santé.

Je suis convaincue, en tant que professionnelle de santé, de l’importance des coopérations médicales interprofessionnelles. Il est nécessaire de lutter contre les corporatismes qui s’expriment encore fortement, osons le dire, mais également de valoriser la qualité des métiers et leurs évolutions possibles. Je n’ignore pas qu’un certain nombre de malaises s’expriment au sein des professions paramédicales comme chez les infirmiers et les aides-soignants, mais aussi chez les étudiants orthophonistes, qui ont récemment réclamé certes des revalorisations salariales, mais surtout de meilleures conditions de travail et une reconnaissance de leur activité.

Aussi le Gouvernement a-t-il apporté des réponses tant aux infirmiers qu’aux orthophonistes : le grade de licence a été donné au diplôme d’infirmier, les orthophonistes ont vu leur formation passer de quatre à cinq ans et ont obtenu le grade de master.

Pour les infirmiers, la loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé le nouveau métier d’infirmier clinicien de pratique avancée pour les titulaires d’un bac+5, nouveau témoignage de reconnaissance de l’importance des infirmiers dans notre système de santé, cette qualification d’infirmier clinicien étant la porte ouverte aux coopérations interprofessionnelles.

Par ailleurs, les conditions de prise en charge de nos concitoyens, en médecine et en chirurgie ambulatoire par exemple, vont entraîner tant pour les médecins que pour les personnels paramédicaux des coopérations beaucoup plus abouties qu’aujourd’hui entre l’hôpital et la ville. Le parcours de santé de nos concitoyens sera pris en compte de manière plus globale. Ainsi, les auxiliaires médicaux formés à assumer des pratiques avancées doivent exercer dans des équipes de soins en lien avec le médecin traitant afin d’améliorer la réponse aux besoins des patients chroniques.

Les domaines d’intervention des paramédicaux en pratique avancée comprennent tout d’abord des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage, ensuite des actes d’évaluation clinique, de diagnostic, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique, enfin des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d’examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales. Dans ce cadre, les sages-femmes, profession médicale rappelons-le, ont vu leurs responsabilités reconnues dans le suivi des grossesses normales.

Les professionnels paramédicaux dans leur ensemble se plaignent des difficultés de leurs conditions de travail. Pour répondre à ce malaise, le Gouvernement a présenté en décembre 2016 une stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail devant permettre la définition de bonnes conditions de vie au travail et la détection des risques psychosociaux.

Avant de terminer mon propos, il me semble fondamental d’intégrer dans nos réflexions les innovations radicales dont va bénéficier notre système de santé : les nanotechnologies, les biotechnologies, les capacités informatiques, les sciences cognitives. Les avancées réalisées en télésanté, en intelligence artificielle et en génétique vont modifier considérablement la médecine de demain, ainsi que son enseignement.

Au-delà de la connaissance des progrès de la science et de leur déclinaison dans la pratique, par exemple l’apprentissage de l’utilisation d’un robot chirurgical, les sciences humaines doivent occuper une large part dans tous les métiers qui concernent la santé.

À titre d’exemple, j’évoquerai les visio-consultations. On peut imaginer qu’à un horizon prochain, dans une dizaine d’années sans doute, elles constituent la principale porte d’entrée des parcours de soins. Elles existeront au domicile des patients ou non, avec l’assistance probable d’infirmières. Elles pourraient être réalisées au sein de pharmacies équipées.

Enfin, la question de la démocratie sanitaire, qui n’a pas été évoquée, devra être approfondie, les citoyens devenant de plus en plus acteurs. Les professionnels paramédicaux, dont je veux ici saluer une nouvelle fois l’engagement total de proximité, au quotidien, auprès de nos concitoyens, expriment parfois un certain mécontentement : leur reconnaissance statutaire n’est pas totale, elle ne va pas assez vite, leurs conditions de travail sont difficiles. J’ai tout à fait conscience de tout cela, mais je souhaite que ces professionnels fassent des propositions aux candidats à l’élection présidentielle. Nous avons reçu les uns et les autres les propositions des masseurs-kinésithérapeutes, qui, entre autres revendications, souhaitent pouvoir bénéficier d’un accès direct pour une liste prédéfinie de pathologies. Nous devons, les uns et les autres, prendre position sur cette question, qui est régulièrement soulevée depuis longtemps.

Voici quelques-unes de nos réflexions, non exhaustives, dans le cadre du débat proposé par nos collègues du groupe de l’UDI-UC. J’espère que ces enjeux très importants seront à juste titre au cœur des débats démocratiques des prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question posée par nos collègues du groupe de l’UDI-UC sur le rôle que les professions paramédicales pourraient jouer dans la lutte contre les déserts médicaux fait écho à un rapport d’information sur la coopération entre professionnels de santé que j’ai présenté, avec notre collègue Catherine Génisson, au nom de la commission des affaires sociales en 2014. Cette question fait également écho à un débat qui s’est tenu lors de la discussion de la loi de modernisation de notre système de santé, dont l’une des mesures vise à créer un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales.

Permettez-moi de revenir rapidement sur ce qui existe déjà en matière de coopération entre professionnels de santé et pratique avancée pour les professions paramédicales.

Dès le début des années 2000, de nombreux travaux et rapports, je pense notamment à ceux du professeur Yvon Berland, ont pointé le retard de la France en matière de ce que l’on désignait alors sous le nom de « transferts de tâches », alors même qu’il existait une réelle volonté de certains acteurs médicaux et paramédicaux de l’organiser.

La loi a ensuite prévu la mise en œuvre de protocoles expérimentaux de coopération entre professionnels. Je fais référence à l’article 51 de la loi HPST de 2009. Cette mesure a contribué à faire évoluer les esprits.

Les enseignements tirés de la mise en œuvre de ces protocoles montrent qu’une évolution structurelle des métiers de la santé est souhaitable, à la fois pour une meilleure efficacité pour les patients et pour une plus grande satisfaction des professionnels de santé.

Force est de constater que la répartition des compétences entre les différentes professions de santé est trop rigide. Elle freine ainsi la continuité entre les compétences et les niveaux de responsabilité reconnus aux médecins, d’une part, et aux autres professions de santé, d’autre part.

Cette situation est fortement préjudiciable à l’attractivité des métiers de santé : tandis que les jeunes générations de médecins aspirent à organiser différemment le temps médical, les autres professions médicales et paramédicales réclament davantage de reconnaissance, d’autonomie et de possibilités d’évolution de carrière.

Nous avions clairement identifié, lors de l’élaboration du rapport d’information de 2014, les effets néfastes qu’une telle situation provoque, à savoir une frustration professionnelle, d’une part, et une déperdition de compétences, d’autre part.

Par ailleurs, nous avions souligné qu’un maillon de la chaîne des compétences en matière de soins manquait, celui des qualifications intermédiaires. Entre les médecins formés de neuf à dix ans après le baccalauréat et les auxiliaires médicaux formés de deux à trois ans, parmi les professions paramédicales, il n’existe que très peu de métiers de santé sanctionnés par un niveau d’études de cinq ans. Il existe des infirmiers spécialisés en anesthésie et en chirurgie, dont le diplôme d’État est équivalent à un grade de niveau master, mais peu de professions intermédiaires.

Or les enjeux attachés à une évolution de cette structuration sont d’importance. Cependant, contrairement à une idée reçue, les protocoles de coopération entre professionnels de santé n’ont pas comme objectif premier de remédier aux difficultés posées par la démographie médicale.

Si une nouvelle répartition des compétences entre médecins et autres professionnels médicaux ou paramédicaux peut effectivement aboutir à dégager du temps médical, elle ne saurait compenser qu’à la marge l’absence de professionnels dans les zones sous-denses.

Par ailleurs, il serait erroné de réduire la question des coopérations à un débat entre médecins d’un côté et autres professionnels de santé de l’autre. La question de la répartition des actes se pose pour l’ensemble des professions de santé, quel que soit le niveau de formation initial requis.

Plus récemment, comme je le rappelais au début de mon intervention, l’article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé a créé un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales. Nous avions approuvé cette mesure puisqu’elle était la traduction législative de la sixième proposition formulée dans le rapport d’information de la commission des affaires sociales. En ma qualité de rapporteur, j’avais cependant regretté que cet article se limite à un toilettage du statut de certaines professions paramédicales alors qu’il aurait pu être l’occasion d’une remise à plat des métiers socles.

En l’état actuel, pour chaque auxiliaire médical, des mesures réglementaires doivent définir les domaines d’intervention en pratique avancée, les activités pouvant être accomplies dans chacun de ces domaines d’intervention et les types d’actes pouvant être réalisés.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement de ces mesures ? La mise en œuvre effective de l’article 119 est en effet essentielle puisqu’il s’agit aussi d’améliorer la qualité des soins en confiant davantage de compétences aux professionnels paramédicaux que sont notamment les infirmiers.

Avec le développement des affections chroniques, notamment les cancers et les maladies cardio-vasculaires, et la progression des pathologies liées au vieillissement, les besoins des malades évoluent vers une prise en charge plus globale et de plus grande proximité. À Lille, par exemple, il existe un protocole de soins de suite en cancérologie reposant sur les infirmières libérales.

Il faut donc développer ces coopérations dont l’apport est double. D’une part, elles tendent à améliorer la qualité des soins en offrant une prise en charge plus adaptée aux besoins des patients, en apportant le plus souvent des innovations en matière de prise en charge, en impliquant par exemple la création de nouveaux actes ou de nouvelles formes de prise en charge. D’autre part, elles offrent à tous les professionnels une perspective d’évolution de leur rôle en matière de soins, ainsi qu’un enrichissement de leurs tâches susceptible de renforcer leur motivation et leurs perspectives de carrière.

Pour conclure, j’indique qu’il est nécessaire de développer le rôle des professions paramédicales dans un système de santé qui doit s’adapter pour répondre aux nouveaux enjeux de ce début du XXIe siècle que sont les transitions démographique, épidémiologique et technologique, comme l’a dit Catherine Génisson. Il importe aussi d’encourager davantage, d’une manière forte et volontaire, l’e-santé, dont le développement dans les pays voisins de la France montre qu’elle est efficace, complémentaire de l’humain. Elle permettra rapidement de rationaliser l’offre de soins sur nos territoires puisque certains pensent, et l’ont écrit, que 80 % des diagnostics pourraient être faits par celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat organisé à la demande du groupe de l’UDI-UC porte sur le rôle des professions paramédicales dans la lutte contre les déserts médicaux, sujet que nous n’avons pas l’habitude d’aborder sous cet angle. En effet, nous parlons davantage du manque de médecins, de sages-femmes, de dentistes ou de pharmaciens, c’est-à-dire des professions médicales, dans les territoires et des mesures incitatives ou contraignantes pour combattre les déserts médicaux. Je remercie donc le groupe de l’UDI-UC d’ouvrir ce débat aux professions paramédicales que je connais bien, étant moi-même orthophoniste.

En France, selon les données de la DREES, au 1er janvier 2015, plus de 1 million de personnes exercent une profession paramédicale, soit près de 640 000 infirmiers, plus de 400 000 aides-soignants et 154 500 professionnels de la rééducation.

Les professionnels du secteur accompagnent, préparent, soignent, appareillent et rééduquent les patients selon leur spécialité : la diététique, la puériculture, les soins infirmiers, la kinésithérapie, l’orthophonie, etc.

Les professionnels du secteur paramédical sont majoritairement salariés, du secteur public, privé ou associatif. Ils travaillent dans les hôpitaux et les cliniques, les centres médico-sociaux, les centres de santé, les maisons de retraite, les cabinets médicaux, les centres d’imagerie médicale, etc.

Chaque année, certains secteurs comme la gériatrie ou la psychiatrie et certaines régions, rurales ou urbaines, je pense notamment à l’Ile-de-France, peinent à recruter et à fidéliser les professionnels du secteur. Pourtant, les besoins ne cessent de croître, les besoins en soins à domicile étant plus importants compte tenu du développement de l’ambulatoire et du vieillissement de la population.

France Stratégie a ainsi estimé à 233 000 le nombre de postes d’aide-soignant à pourvoir entre 2012 et 2022, à 219 000 le nombre de postes d’infirmier et à 134 000 le nombre des autres postes de professions paramédicales.

Le développement de l’hospitalisation à domicile et le maintien des personnes âgées chez elles le plus longtemps possible conduisent à la création de nouveaux métiers comme celui de responsable de service de soins à domicile.

Pour faire face à ces nouveaux besoins dans les territoires, il est indispensable de revoir la formation des professions paramédicales en donnant aux facultés les moyens de formation nécessaires pour accueillir davantage d’étudiants. Or de nombreuses écoles d’infirmiers ont, au contraire, été fermées par les pouvoirs publics. D’un côté, les besoins augmentent, de l’autre, les capacités d’accueil se réduisent pour les formations des paramédicaux.

À cela s’ajoute l’absence de reconnaissance de la formation paramédicale à son juste niveau.

Actuellement, la plupart des professions paramédicales nécessitent un cursus de trois à cinq ans après le bac qui ne fait pas l’objet d’une transposition dans le cadre universitaire LMD, ce qui est profondément injuste. Ainsi, les cursus paramédicaux de manipulateur en électroradiologie et de pédicure-podologue, le DST en imagerie médicale n’ont toujours pas été reconnus au grade de licence.

De même, le grade master 2 n’a toujours pas été accordé aux étudiants masseurs-kinésithérapeutes, malgré leurs cinq années de formation, soit une année universitaire, plus quatre années en institut de formation en masso-kinésithérapie. Un étudiant qui décide d’exercer son métier à l’issue de ses études de kinésithérapie ne pourra revendiquer qu’un master 1. Pour être reconnu master 2, il devra poursuivre des études à l’issue de sa formation en institut de formation en masso-kinésithérapie.

Ce problème de reconnaissance des qualifications touche également les orthophonistes, dont la formation a été reconnue bac+5 au grade master 2 depuis 2013 sans que cette reconnaissance se soit accompagnée d’une revalorisation salariale. Les orthophonistes restent rémunérés, dans les établissements publics, sur la base d’un niveau bac+2, entre 1 200 euros et 1 300 euros nets, soit à peine plus que le SMIC, en début de carrière. Ces mêmes professionnels sont soumis au numerus clausus, alors qu’on manque partout cruellement d’orthophonistes.

Aux difficultés de formation et de reconnaissance des qualifications que connaissent les professions paramédicales s’ajoutent des conditions de travail souvent tendues et difficiles. Ces professions subissent les réductions budgétaires imposées par l’État dans le domaine de la santé.

Cette précarité touche aujourd’hui majoritairement des femmes, puisqu’une quinzaine de métiers du secteur paramédical sont exercés à plus de 80 % par des femmes. Mal vécue à juste titre, cette précarité peut être à l’origine d’une reconversion. C’est ainsi que, en 2011, près de 10 % des infirmières ont quitté l’hôpital public et changé de métier.

On le constate, il s’agit donc non seulement de revoir les formations, mais de revaloriser toutes ces professions paramédicales en leur accordant un statut correspondant aux missions accomplies avec des salaires nettement réévalués, d’autant que la tendance est de vouloir décharger les professions médicales de certains actes en attribuant ces derniers aux professions paramédicales, avec la mise en œuvre des pratiques avancées.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen pensent que, pour s’assurer de la présence des professionnels paramédicaux partout avec un véritable maillage territorial, il faut instaurer un service public des soins de premiers recours. Ceux-ci doivent pouvoir s’exercer en lien avec des centres de santé – je parle bien de « centres de santé », non de « maisons de santé ». C’est pourquoi nous proposons que chaque bassin de vie soit pourvu d’un centre de santé regroupant des professionnels médicaux et des professionnels paramédicaux, d’où l’importance d’une action volontariste de l’État en termes de moyens.

À la différence des maisons de santé, les centres de santé permettent un accès à toutes et tous avec une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale grâce à la pratique du tiers payant et au respect des conventions en secteur 1.

Nous sommes convaincus que ces structures répondent non seulement aux besoins des populations sur les territoires qui aspirent à pouvoir faire appel à des professionnels paramédicaux, mais également aux aspirations des professionnels paramédicaux qui souhaitent travailler en équipe. Cette pratique facilite coopération et coordination pluriprofessionnelle, ce qui simplifie le suivi global du patient et permet de développer des actions de prévention et d’éducation.

Un autre argument qui plaide en faveur des centres de santé, c’est, comme pour les professions médicales, la volonté des jeunes praticiens de concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Je conclurai mon propos en soulignant que les professionnels de santé ont tendance à s’installer, à juste titre, dans le périmètre de structures hospitalières. La fermeture de ces structures ou leur fusion en groupements hospitaliers de territoire, GHT, n’entraînent donc pas une réduction des déserts médicaux, tout au contraire, devrais-je dire. Ce qui est vrai pour les professions médicales l’est d’autant plus pour les membres des professions paramédicales qui travaillent sur prescription médicale !

Le problème posé en l’espèce est par conséquent bien celui de mener une autre politique de santé que celle qui est conduite depuis des décennies et, fâcheusement, depuis la loi Bachelot amplifiée par la loi Touraine que le Sénat comme l’Assemblée nationale ont, hélas, votée à l’exception de mon groupe, faut-il le rappeler ?

La colère des personnels de santé est forte, et ils seront nombreux le 7 mars prochain à Paris pour le dire. Je serai à leurs côtés, ainsi que l’ensemble de mon groupe, et je regrette que Marisol Touraine soit, une nouvelle fois, absente de ce débat, comme elle l’a d’ailleurs été lors du débat concernant l’avenir de l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du RDSE.

M. Alain Bertrand. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, lorsque l’on parle de déserts médicaux, de quoi s’agit-il exactement ? De tout espace touché par une sous-densité médicale remarquable. À cet égard, le phénomène peut affecter des espaces aussi bien ruraux que périurbains. Ainsi, à trente ou quarante kilomètres de Paris – cela a été dit –, dans certaines banlieues, on peut être autant en difficulté médicale qu’en Lozère tant à l’hôpital qu’en secteur libéral.

Toutefois, dans les zones périurbaines, on peut avoir rapidement accès, grâce aux transports, à un territoire mieux équipé en matière de santé, comme la ville ou la métropole, tandis que, dans les territoires hyper-ruraux, c’est beaucoup plus compliqué à cause de l’éloignement. Il faut donc trouver un moyen de remédier sur place à la pénurie médicale.