M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai en faveur de ces amendements de suppression.

Plusieurs des sujets ont déjà été évoqués.

En dépit de ce que vous avez pu en dire, madame la ministre, je reste convaincue que la définition d’un barème objectif applicable aux prud’hommes est un danger absolu, parce que cela met en cause les principes du droit.

Le droit du travail et le droit pénal ne peuvent pas poser de principes différenciés. Le principe du droit, en France, c’est l’individualisation de la peine, du dédommagement, la prise en compte des situations.

Je vous rappelle, mes chers collègues, les débats extrêmement importants que nous avons pu avoir sur divers thèmes relatifs au droit pénal, notamment sur les peines planchers automatiques.

Certains d’entre vous défendent peut-être cette conception. Pour ma part, je considère qu’il n’existe pas de barème aujourd'hui. C’est l’arbitrage du juge, en l’occurrence des juges prud’homaux, qui doit être déterminant.

Par ailleurs, la réduction du délai de recours pour les licenciements est une fragilité supplémentaire. On nous explique que ce délai ne doit pas être très long, pour ne pas faire peur aux chefs d’entreprise.

Mais je vous rappelle que, d’après une étude de l’INSEE, pour les chefs d’entreprise, le droit du travail et les conditions de licenciement comptent pour peu de chose dans la décision de recruter, au contraire de ce qu’ils appellent « l’incertitude économique », à savoir la capacité d’avoir du travail.

Pour recruter, les patrons doivent aussi trouver des salariés compétents pour les tâches qu’ils demandent. Or il ne faut pas s’étonner qu’un certain nombre de salariés compétents ne cherchent plus à occuper certains emplois quand ces derniers sont extrêmement fragilisés, pénibles et ne sont pas valorisés ! Et, quand on regarde de près les emplois qui ne sont pas pourvus, on se rend compte qu’il s’agit, pour une large part, d’emplois précaires, pénibles ou mal rémunérés, qui imposent aux salariés des conditions de travail inacceptables. On peut toujours nous dire que les salariés sont des feignants…

Je me souviens du débat que nous avons eu dans cette enceinte au moment de l’examen de l’accord national interprofessionnel, l’ANI. On a alors entendu de grandes théories sur les avantages de la flexibilité et sur les mécanismes de négociation qui allaient diminuer le nombre de contrats courts… Pour ma part, j’observe que, chaque fois que l’on nous présente des outils pour réduire la durée des CDD, c’est l’inverse qui se produit !

Les chiffres du chômage sont absolument dramatiques aujourd’hui en France.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

M. Philippe Mouiller. Oui ! Cela suffit !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé ce mois-ci, celui des CDD de quelques jours a, lui, explosé.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Un partisan du libéralisme…

M. Olivier Cadic. L’article 3 aborde largement l’épineuse question des licenciements économiques.

Mme la ministre nous assure qu’elle compte en revoir les modalités, notamment la question du périmètre d’appréciation des difficultés économiques.

La commission des affaires sociales a réécrit cet article d’une façon qui me convient. J’espère qu’un compromis sera trouvé, car il faut à tout prix simplifier les règles.

Le juge ne doit pas être en capacité d’apprécier la décision de mettre en œuvre des licenciements économiques autrement qu’au travers de cette question du périmètre.

L’article 3 habilite par ailleurs le Gouvernement à développer le recours à certaines formes particulières de travail. Ce faisant, il est proposé de favoriser le travail, l’adaptation des contrats temporaires ou des CDD et le recours aux CDI de chantier, comme Mme la ministre l’a expliqué.

Le droit du travail, notamment les types de contrats, doit s’adapter aux activités, qui évoluent beaucoup plus rapidement que notre droit, de manière à favoriser les embauches.

Toutes ces mesures vont dans le sens d’une plus grande flexibilité. Je répète que cette souplesse permettra des embauches, car les entreprises sauront que le droit du travail leur permet de s’adapter aux réalités de leur marché. (M. Pierre Laurent proteste.)

Mais, comprenez-moi bien, mes chers collègues, tout cela doit être équilibré par des mesures de sécurité.

Nous avons une différence avec nos collègues communistes et socialistes : contrairement à certains d’entre nous, ils n’ont pas passé leur vie à développer des entreprises. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Qu’en savez-vous ?

M. Olivier Cadic. S’ils avaient créé des entreprises, risqué leurs biens pour les faire naître, pour les faire vivre, ils ne considéreraient pas que la multiplicité des règles, des instances, des représentants et des procédures est une sécurité pour les salariés. Bien au contraire, cela alourdit le droit, est source d’insécurités et empêche des créations d’emploi, pourtant nécessaires à l’activité économique.

Mme Annie Guillemot. Et les retraites chapeau ? Et les parachutes dorés ?

M. Olivier Cadic. Nous voterons donc contre ces amendements. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention.

Par principe, les membres du RDSE ne sont pas très favorables aux suppressions d’article qui, selon nous, empêchent la discussion. Cependant, à titre personnel, et je suis ravi d’être là ce soir pour l’exprimer, je suis tenté de voter en faveur de ces amendements, et je vais vous dire pourquoi.

Monsieur Cadic, j’ai bien compris que vous défendiez une certaine partie du projet de loi.

Il se trouve que j’ai eu la chance d’appartenir aux deux mondes : après avoir été très longtemps salarié, je suis, à un moment de ma vie, devenu chef d’entreprise. Mais, intrinsèquement, j’ai la fibre salariée.

Il me semble que sous les présidences de MM. Hollande, Sarkozy, Chirac et Mitterrand – je n’inclus pas, pour le moment, les gouvernants qui viennent d’accéder au pouvoir –, les discussions sur le monde du travail se sont toujours faites au détriment des salariés. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.) Je ne connais pas d’exemple où l’on a tordu la main aux chefs d’entreprise pour favoriser l’embauche.

J’ai la faiblesse de croire, madame la ministre, que, demain, vous aurez trouvé des remèdes miracles. Je le souhaite ! Je comprends très bien qu’il faille simplifier le droit du travail qui, aujourd'hui, est compliqué. Mais, de grâce, n’attaquons pas à tout bout de champ des acquis qui ont été obtenus de haute lutte !

Je parie que, dans deux ans – je serai encore là pour m’en rendre compte, puisque mon mandat se termine en 2020 –, la courbe du chômage ne se sera pas inversée. Je me demande ce que vous viendrez nous dire encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je peux comprendre et je respecte les inquiétudes de mes collègues qui ont déposé ces amendements de suppression de l’article 3.

Il est toujours très délicat de supprimer un article, raison pour laquelle je me rallierai à l’avis du rapporteur.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos pédagogiques, madame la ministre.

Je crois qu’il ne faut pas opposer les salariés et les patrons. De nombreux patrons, quelle que soit la taille de leur entreprise, se sacrifient pour créer et maintenir des emplois. La situation est ce qu’elle est, mais, s’il n’y avait plus de patrons qui veulent vraiment s’engager pour leurs salariés, les difficultés seraient encore bien plus grandes.

M. Loïc Hervé. Il faut le dire !

M. Marc Laménie. Dès lors, je crois que le respect doit être mutuel.

Cela dit, on sait que les CDD ne sont pas la solution.

Mme Annie David. Les CDI de chantier et les CCD de trois jours indéfiniment renouvelables non plus !

M. Marc Laménie. L’intérim n’est pas non plus la solution idéale.

Il faut essayer de trouver les meilleures solutions pour que l’économie puisse tout de même fonctionner.

C’est pour cela que j’irai dans le sens de la commission des affaires sociales, en remerciant M. le rapporteur de son engagement. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je pensais que l’on allait arriver, à l’orée de la soirée, à « objectiviser » ce débat. Il semble que ce ne sera pas le cas. (Mme Annie David s’exclame.)

J’entends bien les arguments des uns et des autres.

Le relèvement des indemnités de licenciement en cas de contentieux a été annoncé très tôt par Mme la ministre au cours de la discussion, ce qui a satisfait toutes les organisations syndicales. De fait, compte tenu de leur faible montant par rapport à celles qui peuvent exister chez nos voisins européens, il importait de relever leur niveau.

Reste le problème des dommages et intérêts.

Je rappelle que nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen de l’article 83 de la loi Macron. Après y avoir consacré beaucoup d’heures, en commission comme en séance, nous étions parvenus à un barème indicatif. Il ne faut donc pas dire qu’il n’y a pas de barème. Il existe un référentiel, qui, du reste, ne sort pas de nulle part : il tient compte de la jurisprudence.

Il existera désormais un barème prescriptif. Le problème est de savoir quels en seront le plafond et le plancher. Cependant, le juge continuera à exercer son droit de regard et à trancher.

Pour ce qui concerne ce que l’on appelle, par facilité, les « contrats de chantier », je rappelle qu’ils sont le fruit d’une expérimentation lancée à partir de l’adoption de la loi de 2008. Ils ne datent donc pas d’hier ! Ils ont été pérennisés par la loi de simplification de 2014 dans des secteurs importants – je pense notamment aux contrats de recherche, utilisés dans les universités – et rendent bien service.

Nous en sommes arrivés aux contrats de chantier dans le bâtiment. Un verrou très utile a été prévu. Nous demandons que ce soient les branches qui déterminent les secteurs d’activité qui en ont besoin. On sait très bien que ceux de la chimie ou de la métallurgie, par exemple, n’ont pas besoin de tels contrats et que ces derniers ne sont pas non plus la tradition dans le secteur de l’automobile. En revanche, les contrats de chantier sont utiles dans d’autres secteurs, où ils représentent un progrès, en termes de visibilité, pour les salariés et les entreprises. S’il est vrai que le nombre de CDD explose, il vaut mieux que l’objet des contrats soit défini.

Je considère donc que l’on nous propose en l’espèce de donner notre accord à un progrès. La loi de ratification en définira les contours plus précisément. Au reste, on n’achète pas un lapin dans un sac ! (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Un certain nombre d’engagements ont été pris, et des discussions ont eu lieu avec les organisations syndicales.

Je ne suis par conséquent pas du tout favorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je veux évoquer les banques, qui ont annoncé qu’elles allaient supprimer de nombreux emplois.

La Société Générale, par exemple, compte 136 filiales dans des paradis fiscaux, où elle investit 30 % de ses bénéfices. Elle a créé 1 005 sociétés offshore. Elle est citée je ne sais combien de fois dans l’affaire des « Panama papers ».

M. Philippe Mouiller. Cela n’a rien à voir !

M. François-Noël Buffet. Ce n’est pas le sujet !

M. Martial Bourquin. Pensez-vous, chers collègues, qu’il ne faut pas s’attaquer à ce problème ?

On évoque les causes des suppressions d’emploi pour nous proposer une flexibilité plus importante. On s’attaque à notre protection sociale et au travail salarié, mais le vrai problème de la France, c’est que l’évasion fiscale lui coûte très cher, de 60 à 80 milliards d’euros par an. Tout le monde se taira sur ce sujet, mais pas nous !

M. Martial Bourquin. En effet, ma chère collègue.

Le « verrou » de Bercy a été maintenu.

M. Bruno Retailleau. Pas par le Sénat !

M. Martial Bourquin. De fait, le petit artisan va subir un redressement, quand Google pourra discuter…

J’ai l’impression que les choses se font à sens unique. On veut régler les problèmes de la France en s’attaquant au travail salarié, en le flexibilisant et en le maltraitant. Non, cela ne réglera pas tout !

Pour ce qui nous concerne, nous faisons un autre choix. Nous pensons qu’une autre société est possible, une société où l’on essaiera de réduire les inégalités, qui sont le problème numéro un de la France et des pays développés. Le creusement des inégalités conduit à une croissance molle et explique nos difficultés.

Je le répéterai aussi souvent qu’il le faut : une entreprise qui embauche est une entreprise qui a reçu des commandes. Je le constate bien dans mon département.

Ce n’est pas en flexibilisant le travail, comme on le fait depuis je ne sais combien d’années, que l’on règle les problèmes des entreprises. C’est avec des commandes et de la croissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je ne voterai pas en faveur de ces amendements.

L’article 3 prévoit un barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Il répond par là même à une demande de sécurité extrêmement forte de la part des petites et moyennes entreprises, surtout des petites.

Une entreprise qui se retrouve aujourd’hui aux prud’hommes se heurte à l’inconnu (Protestations sur les travées du groupe CRC.), puisque les indemnités du licenciement peuvent aller du simple au quadruple.

M. Martial Bourquin. C’est le juge qui décide !

M. Daniel Chasseing. Le texte prévoit l’application, par le juge, d’un plancher et d’un plafond établis en fonction de l’ancienneté du salarié. Je trouve que ce n’est pas du tout précariser les salariés ; c’est tout à fait les respecter ! Je ne vois pas où est le problème.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Évelyne Yonnet. Dans ce débat compliqué sur les contrats de chantier, je veux rappeler que chaque Président de la République a cherché à marquer son territoire dans la lutte contre le chômage.

Mme Nicole Bricq. Le Président de la République n’est pas un chat ! (Sourires.)

Mme Évelyne Yonnet. Je pense à tout ce que la gauche a pu mettre en place : les travaux d’utilité collective – les TUC –, les contrats d’avenir, les contrats de génération, les CDD, la réduction du temps de travail…

Les contrats de chantier, qui sont des CDD déguisés, puisque leurs titulaires seront payés à la mission – cela permet une rupture du contrat quand la mission est finie –, me paraissent problématiques. On voit bien la perversion qui a conduit à la généralisation des CDD, qui avaient été assortis de charges sociales allégées pour favoriser l’embauche. L’humain est ainsi fait, qui pervertit tout ce qu’il peut toucher… Je crains qu’il ne se passe exactement la même chose pour les contrats de chantier. Certains collègues ont cité des chiffres qui montrent bien que les CDD sont quasiment plus nombreux que les CDI.

Mme Nicole Bricq. Pas du tout ! Il y a 85 % de CDI !

M. Bruno Retailleau. Et 10 % de CDD !

Mme Évelyne Yonnet. Les contrats de chantier sont des CDI. Dès lors, pourquoi ne pas parler de simple CDI, sans faire référence à une mission ? On sait bien comment cela va se terminer.

Le problème de l’article 3, c’est qu’il définit de nouveaux contrats, de nouvelles règles en matière de prud’hommes, de travail de nuit… Il touche en même temps à plein d’aspects de la protection des salariés. On ne peut pas demander au législateur de valider un ensemble de mesures restrictives, qui vont à rebours du progrès social.

Je pense que, malgré toute la bonne volonté que peut y mettre Mme la ministre, la relance des contrats de chantier ne résoudra pas le problème du chômage de façon définitive, quand bien même elle permettra certainement de le faire baisser momentanément, pendant un ou deux mois.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. De quoi parle-t-on ? De femmes et d’hommes victimes de licenciements économiques abusifs et d’entrepreneurs qu’il faut sanctionner pour avoir utilisé ce moyen pour faire plus de profits. (M. Daniel Chasseing s’exclame.)

On veut nous faire pleurer sur les difficultés des entreprises qui seront sanctionnées, alors qu’il s’agit parfois de grands groupes, mais on méprise complètement celles et ceux qui sont licenciés. Arrêtez donc de mélanger les choses et de ne pas parler des humains !

Vous pensez, en dépit du taux de chômage, qu’être licencié aujourd’hui n’est pas un problème. Vous nous proposez des mesures qui réduiront encore les possibilités de ces femmes et de ces hommes qui sont jetés à la rue. Va-t-on raboter des indemnités, alors que certains se mettent des stock-options plein les poches ? On marche sur la tête !

Depuis le début, cette discussion nourrit une vision des choses complètement faussée. On ne voit pas la réalité du chômage, on ne voit pas les difficultés des gens, on ne voit pas que le pouvoir d’achat est en berne et on ne veut pas voir, finalement, que les taux de profit des grands groupes sont énormes – on pourrait pourtant citer des exemples.

Mes chers collègues, je vous appelle à réfléchir à ce que l’on nous propose de voter : il s’agit bien d’adapter les règles de procédure et de motivation des licenciements et de réduire les délais de recours.

Au final, ce sont toujours les mêmes qui trinquent et on nous dit, avec le sourire : « Faites-nous confiance ! » Vraiment, on marche sur la tête ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56, 75 rectifié ter et 155 rectifié quinquies.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 103
Contre 232

Le Sénat n’a pas adopté.

L'amendement n° 134 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.

« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Il s’agit de compléter l’article L. 1233-2 du code du travail par les deux alinéas suivants :

« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.

« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement vise à interdire les licenciements économiques dits « boursiers », dont l’unique objectif est l’augmentation de la rentabilité financière de l’entreprise.

Cet amendement est issu d’une proposition de loi de 2011 dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Nous avons au moins le mérite de la cohérence et de la continuité dans la défense des valeurs de gauche.

Chacun dans cet hémicycle connaît des exemples emblématiques de licenciement boursier dans son département. Il ne tient qu’à nous de limiter ces pratiques insupportables en votant des garde-fous logiques et sensés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. Watrin ne dit pas qu’il faut interdire les licenciements, même dans les entreprises qui ont réalisé des bénéfices les deux années précédentes ou dans celles qui ont distribué de généreux dividendes à leurs actionnaires.

J’aurais pu comprendre votre position, madame la ministre, s’il s’était agi d’interdire les licenciements et donc de porter atteinte à l’organisation d’une entreprise pour les années à venir. Or il s’agit simplement, lorsqu’une entreprise a fait des bénéfices ou distribué d’importants dividendes, d’interdire le recours au motif du licenciement économique.

Cela me semble logique : on parle de licenciement économique quand il y a un problème économique. Vous auriez pu, par exemple, dans le cadre de ces ordonnances qui vont tout changer, proposer des « licenciements d’organisation » ou des « licenciements stratégiques ».

Encore une fois, il s’agit non pas d’interdire les licenciements, mais de refuser d’appeler « économiques » des licenciements qui n’ont aucun fondement économique.

Mme Laurence Cohen. Exactement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 135 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-3. – Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.

« L’entreprise doit avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.

« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.

« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.

« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivant, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement, très important à nos yeux, vise à prendre le contre-pied de l’évolution du droit du travail en matière de licenciement, et plus précisément de licenciement économique.

Madame la ministre, vous affichez la volonté d’améliorer le dialogue social. Comment vous y prendrez-vous, alors que la réalité vécue par les salariés est celle d’une détérioration continue des conditions de licenciement ?

Depuis la loi dite « El Khomri », une entreprise peut enclencher des licenciements économiques dès lors que ses commandes ou son chiffre d’affaires affichent une baisse. Seule exigence, un critère temporel : cette baisse doit être constatée au moins sur un trimestre pour une entreprise de 11 salariés et, au maximum, sur quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Fait crucial, le juge n’a plus le pouvoir de juger du motif économique, même si ce dernier reste encadré par la loi.

Votre projet, madame la ministre, va donc plus loin. Vous proposez, par exemple, de rendre négociable, au niveau de l’entreprise, et donc en amont, la motivation économique des licenciements. Pour notre part, nous ne voulons pas que le salarié devienne la variable d’ajustement des fluctuants mouvements d’activité de l’entreprise.

Nous proposons tout d’abord de préciser les motifs économiques en rétablissant le pouvoir d’appréciation du juge.

Mme Nicole Bricq. Cela n’a rien à voir avec le texte !