COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Philippe Madrelle

président d’âge

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Installation du bureau d’âge

M. le président. J’invite les six plus jeunes sénateurs présents à venir siéger au Bureau pour y remplir les fonctions de secrétaire d’âge :

- Mme Christine Lavarde, sénatrice des Hauts-de-Seine ; (Applaudissements.)

- M. Fabien Gay, sénateur de la Seine-Saint-Denis ; (Applaudissements.)

- M. Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine ; (Applaudissements.)

- M. Cyril Pellevat, sénateur de la Haute-Savoie ; (Applaudissements.)

- M. Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie ; (Applaudissements.)

- M. Ronan Le Gleut, sénateur représentant les Français établis hors de France. (Applaudissements.)

2

Ouverture de la session ordinaire de 2017-2018

M. le président. En application de l’article 28 de la Constitution, la session ordinaire de 2017-2018 est ouverte.

3

Liste des sénateurs proclamés élus

M. le président. M. le président du Sénat a reçu communication de la liste des sénateurs proclamés élus le 24 septembre 2017.

Acte est donné de cette communication.

4

Élection d’une sénatrice

M. le président. En application des articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 24 septembre 2017, Mme Martine Berthet a été proclamée élue sénatrice de la Savoie.

5

Démission et remplacement de sénateurs

M. le président. M. le président du Sénat a pris acte des démissions :

- à compter du jeudi 21 septembre 2017, à minuit, de M. Hubert Falco, sénateur du Var ;

- à compter du vendredi 22 septembre 2017, à minuit, de M. Jean-Claude Gaudin, sénateur des Bouches-du-Rhône, et de Mme Christiane Hummel, sénateur du Var ;

- à compter du dimanche 24 septembre 2017, à minuit, de MM. Jean-Paul Fournier, sénateur du Gard, et François Marc, sénateur du Finistère ;

- et à compter du samedi 30 septembre 2017, à minuit, de :

M. Alain Anziani, sénateur de la Gironde ;

M. Jean Claude Boulard, sénateur de la Sarthe ;

M. Gérard César, sénateur de la Gironde ;

M. François Commeinhes, sénateur de l’Hérault ;

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sénateur de la Gironde ;

M. Jean-Léonce Dupont, sénateur du Calvados ;

M. Michel Mercier, sénateur du Rhône ;

M. Louis Nègre, sénateur des Alpes-Maritimes ;

M. Xavier Pintat, sénateur de la Gironde ;

M. David Rachline, sénateur du Var ;

et M. Max Roustan, sénateur du Gard.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, ils ont été respectivement remplacés :

- à compter du vendredi 22 septembre 2017, à zéro heure, par M. Jordi Ginesta, sénateur du Var ;

- à compter du samedi 23 septembre 2017, à zéro heure, par Mmes Anne-Marie Bertrand, sénatrice des Bouches-du-Rhône, et Christine Lanfranchi Dorgal, sénatrice du Var ;

- à compter du lundi 25 septembre 2017, à zéro heure, par MM. Max Roustan, sénateur du Gard, et Jean Luc Fichet, sénateur du Finistère ;

- à compter du dimanche 1er octobre 2017, à zéro heure, par :

Mme Laurence Harribey, sénatrice de la Gironde ;

Mme Nadine Grelet-Certenais, sénatrice de la Sarthe ;

Mme Florence Lassarade, sénatrice de la Gironde ;

Mme Marie-Thérèse Bruguière, sénatrice de l’Hérault ;

M. Alain Cazabonne, sénateur de la Gironde ;

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice du Calvados ;

Mme Michèle Vullien, sénatrice du Rhône ;

M. Henri Leroy, sénateur des Alpes-Maritimes ;

Mme Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde ;

Mme Claudine Kauffmann, sénatrice du Var ;

Mme Pascale Bories, sénatrice du Gard.

M. le président du Sénat a pris acte des démissions, à compter du samedi 30 septembre 2017, à minuit, de MM. François Baroin, sénateur de l’Aube, et Henri de Raincourt, sénateur de l’Yonne.

Les sièges détenus par ces derniers sont vacants depuis le dimanche 1er octobre 2017, à zéro heure, et seront pourvus, selon les termes de l’article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle organisée dans les trois mois suivant la vacance.

6

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Eugène Boyer, qui fut sénateur de la Haute-Garonne de 1988 à 1989.

7

Allocution de M. le président d’âge

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est pour moi un grand honneur de présider cette séance d’ouverture de la session consécutive au renouvellement du Sénat. Ce qu’il est convenu d’appeler « le privilège de l’âge » me confère le grand honneur de vous accueillir et m’autorise à m’exprimer devant vous en cette circonstance. Je ne peux le faire sans une profonde émotion, à l’issue d’un demi-siècle de vie parlementaire, dont quelque trente-sept années au sein de notre assemblée.

Mes premiers mots seront pour présenter mes plus sincères et chaleureuses félicitations à l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui viennent d’être élus ou réélus. Je souhaite tout particulièrement une cordiale bienvenue à toutes celles et à tous ceux, très nombreux cette année, qui font pour la première fois leur entrée au Sénat.

J’ai aussi une pensée particulière pour toutes celles et tous ceux qui ne siègeront plus sur nos travées, soit parce qu’ils n’ont pas souhaité se représenter, soit parce que le sort des urnes ne leur a pas été favorable. Tous, à leur manière, se sont beaucoup investis dans les travaux du Sénat, et nous garderons en mémoire la qualité du travail accompli ici.

Je tiens également à rendre hommage aux présidents que j’ai vus se succéder à la tête de notre assemblée, et à saluer tout spécialement les actions entreprises au cours de ces dernières années, tant par le président Jean-Pierre Bel que par le président Gérard Larcher, pour moderniser l’image du Sénat, renforcer l’efficacité de ses méthodes de travail et améliorer sa communication en direction des citoyens.

L’institution parlementaire, que je pratique depuis si longtemps, est aujourd’hui en pleine mutation.

C’est à la lumière de l’expérience accumulée au cours d’une vie entière d’engagement politique, de l’exercice de différents mandats locaux et de près de cinquante années de vie parlementaire que je m’adresse à vous aujourd’hui.

Je suis entré très tôt dans la vie politique, où m’ont entraîné tant mes inclinations personnelles qu’une solide tradition de militantisme familial.

Après avoir siégé à l’Assemblée nationale de 1968 à 1980, je suis entré au Sénat, où j’ai été ensuite réélu à cinq reprises.

J’ai exercé en parallèle d’importants mandats exécutifs locaux, qui m’ont permis de donner une réalité concrète, sur le terrain, aux lois de décentralisation de François Mitterrand et de Gaston Defferre, en me confortant dans l’idée du caractère essentiel du rôle des territoires dans notre pays.

Un tel parcours ne sera bientôt plus possible. Nous nous trouvons en effet aujourd’hui dans une période charnière et nous abordons une nouvelle époque de la vie politique. Le Sénat, comme les autres institutions, entre dans l’ère du non-cumul.

Les nouvelles limitations apportées au cumul des mandats ne permettront plus d’exercer concomitamment plusieurs responsabilités comme je l’ai fait.

Je forme néanmoins le vœu que le Sénat, tribune de nos territoires, puisse continuer à relayer efficacement les préoccupations de nos collectivités locales.

M. le président. Tout au long de l’exercice de mes différents mandats, j’ai pu apprécier l’excellence du travail effectué par tous ces élus locaux, en particulier les maires, qui, par leur dévouement et leur compétence, dans un contexte de rigueur toujours plus accentué, servent au quotidien les idéaux de la République.

Dans le cadre de la révision constitutionnelle envisagée par le Président de la République, il est aussi question de limiter le cumul des mandats dans le temps ; sans doute ne sera-t-il plus possible, à l’avenir, de s’exprimer avec le recul de cinquante années de vie parlementaire comme je le fais aujourd’hui… (Sourires.)

Cette conjonction, désormais révolue, de responsabilités nationales et locales a trouvé historiquement son expression particulière dans cette assemblée investie par les élus locaux et scrupuleusement attentive à son enracinement dans les territoires et les institutions locales de notre République. L’abolition du cumul des mandats, qui était une attente légitime des Français,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Pas sûr !

M. le président. … désormais entrée en vigueur depuis le début de cette année, ne doit pas distendre ce lien, mais être un gage d’approfondissement du travail de nos assemblées.

Plusieurs réformes majeures sont également annoncées, comme la réduction du nombre des parlementaires, à propos de laquelle il faudra s’interroger consciencieusement, pour garantir une représentation juste et cohérente de nos territoires, ou encore l’octroi d’une part plus grande aux débats en commission pour l’adoption de textes législatifs.

Par ailleurs, nos méthodes de travail évoluent. Les nouvelles technologies modifient profondément les conditions d’exercice du mandat parlementaire, et les citoyens expriment le souhait qu’elles soient utilisées davantage afin de mieux les associer aux travaux législatifs.

Notre assemblée représente nos territoires et tous les élus qui travaillent localement à leur équilibre. Lorsque j’étais à la tête du département de la Gironde, j’ai réalisé l’importance déterminante du rôle des politiques d’aménagement et de solidarité mises en place par des institutions de proximité comme le conseil départemental : il y va de la survie de nos territoires ruraux ! Et ce n’est pas un hasard si la Conférence nationale des territoires convoquée par le Président de la République le 17 juillet dernier s’est déroulée au Sénat et a suscité d’inévitables espérances au sein de notre assemblée. Il a été notamment question de « laisser respirer les territoires » : nous avons tous conscience qu’il y a urgence à prendre en compte la lassitude et les attentes des élus locaux, qui animent dans la proximité les cellules de base de la République et de notre démocratie représentative.

Dans notre monde globalisé, nous avons à faire face à des défis mondialisés immenses, accentués et aggravés par la crise de confiance envers la représentation parlementaire et le monde politique. Face à de tels défis, il faut savoir être « arbre et pirogue », comme disent les Africains, « ouvert aux vents du large et enraciné dans un terroir nourricier ».

En tant que Girondin, vous me permettrez de me référer à Montesquieu, pour qui le bicamérisme est une condition essentielle de l’équilibre des pouvoirs. Il ne faut pas oublier que, dans notre pays, le bicamérisme résulte d’une conquête révolutionnaire visant à s’opposer au pouvoir absolu ; c’est d’ailleurs la marque des régimes démocratiques !

Il est dans la nature des partis politiques et de la compétition électorale de chercher à enchaîner les victoires électorales et à concentrer le maximum de pouvoirs. Il doit être dans la sagesse des institutions de faciliter le pluralisme du débat et de l’expression politique.

De ce point de vue, depuis l’inversion du calendrier électoral, qui évite les cohabitations, mais assure, à l’Assemblée nationale, une majorité mécanique à l’exécutif, l’inertie des scrutins sénatoriaux, fondés sur un corps électoral déterminé par les élections locales antérieures, est devenue une précieuse garantie de pluralisme.

Cette année électorale, particulièrement riche en scrutins, ne s’est pas spécialement caractérisée par la routine, mais par un renouvellement spectaculaire, et profond, de l’Assemblée nationale qui a bousculé et rebattu les cartes du paysage politique national.

Dans un tel contexte, le Sénat de cette nouvelle mandature sera, fort de son expérience et d’un moindre renouvellement, un auxiliaire précieux et expérimenté de l’Assemblée nationale, plus que jamais garant d’une continuité républicaine constructive.

Cette assemblée n’est pas l’assemblée assoupie ou conservatrice que décrivent des détracteurs qui sont souvent ceux, alternatifs au gré des alternances, qui s’accommodent mal du partage du pouvoir.

Ce n’est pas l’assemblée courroie de transmission du Gouvernement, mais l’assemblée de l’approfondissement du travail législatif, qu’elle enrichit de son pouvoir d’amendement, de sa sagesse foncière et d’un sens primordial de l’intérêt public. Moins exposée aux sujétions politiques, moins contrainte par les disciplines partisanes, du fait que l’Assemblée nationale s’impose à elle en dernière instance, elle n’est pas un lieu de postures ou de témoignages, mais un lieu de travail serein et sincère, dont la valeur essentielle est le respect : respect des principes de la République, respect du Gouvernement, respect du pluralisme et de la diversité idéologique, et surtout respect des collègues et de leurs expressions ou opinions, en toutes circonstances.

Vous le savez, mes chers collègues, la permanence du Sénat a souvent été remise en cause, mais force est de constater que cette maison des équilibres des pouvoirs et des territoires est toujours là, et bien là !

Défenseur des collectivités territoriales, le Sénat a montré à maintes reprises son rôle d’approfondissement du travail parlementaire et de réflexion, notamment sur les grands textes de société et de défense des libertés publiques et individuelles.

Je repense avec beaucoup d’émotion à ce moment exceptionnel de la vie du Sénat où un ancien garde des sceaux, notre ancien collègue Robert Badinter, a réussi à convaincre la Haute Assemblée de faire adopter l’abolition de la peine de mort.

On peut également imaginer que le pouvoir d’amendement du Sénat va jouer un rôle non négligeable lors du prochain examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Les sénateurs relaient ces préoccupations tout en s’attachant à défendre la représentation des pluralismes.

Le Sénat, mes chers collègues, a toujours su faire la place à la confrontation et au respect des idées. Le Sénat est garant de notre démocratie ; l’existence du bicamérisme est un antidote à toute forme de populisme et d’extrémisme, ces maux qui, dans certains pays, menacent la cohésion sociale et la construction européenne.

Dans notre monde globalisé et en ce premier tiers du XXIe siècle, l’Europe n’a plus le choix ! Plus que jamais, elle doit s’unir pour exister et défendre les idéaux de ses Pères fondateurs, en réaffirmant son attachement à ces valeurs communes que sont la démocratie, la liberté et la paix !

Seule une Europe forte et souveraine pourra nous permettre de répondre aux défis que sont le changement climatique, la nécessaire protection des biens communs, une gestion humaine et solidaire des migrations, le progrès social, la sécurité de nos territoires. La vision prophétique de François Mitterrand est toujours d’actualité : « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir » !

Je ne doute pas que le Sénat saura, une fois de plus, relever ces défis, et je vous souhaite à toutes et à tous un plein succès dans l’exercice de votre mandat sénatorial. Je vous fais confiance, mes chers collègues, pour avoir à cœur, dans cet hémicycle, de « prendre la mesure des tremblements du monde », comme le dit si bien le poète-philosophe Édouard Glissant ! (Applaudissements.)

8

Élection du président du Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection du président du Sénat.

J’ai été saisi des candidatures de Mme Éliane Assassi, de M. Didier Guillaume et de M. Gérard Larcher.

Conformément à l’article 3 du règlement, cette élection a lieu au scrutin secret à la tribune.

Pour être élu au premier tour, un candidat à la présidence du Sénat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés.

Si la majorité absolue des suffrages exprimés n’a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, au troisième tour la majorité relative suffit.

Je vous rappelle que les délégations de vote sont admises, mais le délai limite pour la transmission des délégations de vote est expiré depuis treize heures quarante-cinq.

La liste des délégations de vote régulièrement adressées à la présidence a été remise à Mmes et MM. les secrétaires afin qu’ils puissent procéder au contrôle.

Les sénateurs qui ont reçu une délégation pourront venir voter à l’appel soit de leur nom, soit de celui du délégant.

Il va être procédé à l’appel nominal de nos collègues en appelant tout d’abord ceux dont le nom commence par une lettre tirée au sort.

M. Bruno Sido. La lettre « S » ! (Sourires.)

M. le président. Il sera ensuite procédé à un nouvel appel des sénateurs qui n’auront pas répondu au premier appel de leur nom.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.

(Le sort désigne la lettre H.)

M. le président. Mes chers collègues, lors de votre passage à la tribune, les bulletins devront être remis sous enveloppe au secrétaire qui tient l’urne.

Pour vous permettre d’aller retirer les bulletins de vote, le dispositif traditionnel a été mis en place dans la salle des conférences : c’est là que les bulletins ont été déposés et sont désormais à votre disposition. Des isoloirs ont également été installés.

La séance est suspendue pour dix minutes.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Le scrutin pour l’élection du président du Sénat est ouvert.

Il sera clos quelques instants après la fin de l’appel nominal.

Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.

(Il est procédé à l’appel nominal.)

(À l’appel de son nom, M. Gérard Larcher est applaudi sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé.

Il va être procédé au nouvel appel.

(Le nouvel appel a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires d’âge à se rendre en salle des conférences pour procéder au dépouillement public du scrutin.

La séance est suspendue pendant l’opération de dépouillement du scrutin.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du premier tour du scrutin pour l’élection du président du Sénat :

Nombre de votants : 343

Bulletins blancs : 24

Bulletins nuls : 2

Nombre de suffrages exprimés : 317

Majorité absolue : 159

Ont obtenu :

M. Gérard Larcher : 223 voix ; (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du RDSE et du groupe La République en marche se lèvent et applaudissent longuement. – Des sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC se lèvent et applaudissent également.)

M. Didier Guillaume : 79 voix ; (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Éliane Assassi : 15 voix. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Gérard Larcher ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, je le proclame président du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Conformément à l’article 1er du règlement, j’invite M. Gérard Larcher à venir prendre place au fauteuil de la présidence. Je lui adresse mes chaleureuses félicitations et remercie les secrétaires d’âge pour leur participation aux opérations de vote, ainsi que le personnel du Sénat pour son professionnalisme et sa bienveillance. (Applaudissements.)

(M. Gérard Larcher remplace M. Philippe Madrelle au fauteuil de la présidence.) – (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du RDSE et du groupe La République en marche, ainsi que des sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, se lèvent et applaudissent longuement.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

9

Allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, en votre nom à tous, saluer notre doyen, Philippe Madrelle, qui a présidé notre première séance, et le remercier de ses propos. Je souhaite également remercier nos secrétaires d’âge, benjamins de notre assemblée : c’est une fonction sympathique, mais qui passe toujours trop rapidement ! (Sourires.)

Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues. Nous sommes heureux de les accueillir dans cet hémicycle du Sénat de la République. Ils entrent dans une assemblée où le respect mutuel est une tradition, la dignité des débats une règle et la liberté de penser, de s’exprimer, notre nature.

Permettez-moi de vous faire part de ma nostalgie de ne pas revoir sur ces travées certains visages de collègues qui nous auront beaucoup apporté par leur présence, leur engagement, leur attachement à cette assemblée.

J’ai aussi une pensée particulière pour Nicole Bricq, à qui nous rendrons hommage la semaine prochaine.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui, dans leur diversité, m’ont accordé très largement leur confiance. Je veux dire à mes collègues qui ont fait un autre choix que je serai le président de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs : on le dit toujours ; moi, je souhaite le faire très concrètement.

Je voudrais saluer Éliane Assassi et Didier Guillaume, qui ont été candidats à cette élection. Je ne doute pas que nous continuerons à travailler ensemble comme nous l’avons fait par le passé.

Permettez-moi d’exprimer la solidarité de notre assemblée à nos collègues ultramarins et, à travers eux, à nos compatriotes durement touchés par la violence du cyclone Irma.

Je pense aussi à Marseille où, hier, le terrorisme a de nouveau frappé, à l’horreur de l’assassinat de deux jeunes femmes, dans cette guerre sournoise que nous livre l’État islamique. Jamais nous ne pourrons nous habituer à cette liste qui s’allonge, jamais nous ne pourrons oublier.

Je veux, au nom du Sénat tout entier, témoigner notre soutien aux membres des forces de sécurité qui assument, parfois au péril de leur vie, leur mission de protection de nos compatriotes, ainsi que notre solidarité aux familles endeuillées.

Il y a trois ans, je prononçais ici même mon discours de président de la nouvelle assemblée élue et j’utilisais ces mots : « Il faut relever le Sénat pour faire vivre le bicamérisme. C’est l’esprit de la feuille de route que je vous propose de suivre ensemble, nous, les 348 sénateurs. »

Nous avons, ces trois dernières années, beaucoup œuvré, tous ensemble, pour mieux faire la loi, mieux contrôler l’action du Gouvernement, mieux gérer et clarifier nos règles de fonctionnement interne.

Nous avons su faire mieux entendre – ce point est essentiel pour nous – la voix des territoires.

Nous avons collectivement restauré la pleine légitimité de notre assemblée et sa place dans le fonctionnement des institutions de la République.

Je vous remercie pour tout cela.

Le bicamérisme est un atout pour notre démocratie. Monsieur le doyen, vous l’avez souligné dans vos propos en faisant référence à Montesquieu. Le projet que je vous ai proposé repose sur deux principes qui me paraissent devoir structurer notre rôle : être garants de l’équilibre des pouvoirs, être garants de l’équilibre des territoires.

L’« horloge démocratique » de nos institutions ne peut être réduite à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, que suit l’élection des députés, laquelle n’est, depuis la réforme du quinquennat, que la « réplique sismique » de l’élection présidentielle.

L’équilibre des pouvoirs, indispensable au fonctionnement démocratique de la République, a besoin d’une voix différente : celle du Sénat. Parmi les sources qui fondent la légitimité de notre assemblée dans la Ve République, on peut citer ces mots prononcés par Charles de Gaulle lors de son discours de Bayeux : « Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits. »

Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion.

C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France.

La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de « l’ombre à la lumière », soit de « l’ancien monde au nouveau monde » !

Ce qu’il nous faut collectivement incarner, c’est l’efficacité au service de la France, le respect que nous devons aux élus locaux qui s’engagent chaque jour au service de nos compatriotes. C’est la vérité que nous devons aux Français, le redressement concret de notre pays, pour lequel, je le crois, nous serons toujours tous au rendez-vous.

Nous avons une responsabilité constitutionnelle spécifique.

Nous sommes les représentants des collectivités territoriales, les représentants des élus locaux.

Nous sommes les représentants de la France de la proximité, de la France du concret, de la vie quotidienne des Français dans chacune de leurs communes. Je n’oublie pas nos compatriotes établis hors de France, qui sont aux avant-postes pour incarner notre pays.

Le développement équilibré de nos territoires, que ce soit en métropole ou dans nos outre-mer, est indissociable de l’idée que nous nous faisons de la Nation et de son unité.

Nous ne pouvons accepter que des parcelles de France se sentent aujourd’hui oubliées, « à côté », que certains de nos compatriotes aient le sentiment de ne plus compter, et donc de ne plus être concernés. Mes chers collègues, vous le savez, la fracture territoriale est un poison lent qui mine notre pays et fissure notre modèle républicain.

Oui, nous devons réconcilier la France avec tous ses territoires. Et qui est mieux placé que nous, sénateurs, pour contribuer à l’atteinte de cet objectif ?

J’ai la conviction que le maillage territorial que représentent les élus locaux peut seul nous permettre de « reconnecter » tous les territoires à la République.

La fin du cumul des mandats, monsieur le doyen, est un défi. Par construction, elle fragilise le lien qui unissait le sénateur aux élus locaux. C’est ce lien direct qui contribuait d’ailleurs à en faire un législateur avisé et un contrôleur vigilant.

Je le dis très clairement, le sénateur d’octobre 2017 n’est plus le sénateur de juin 2017. Il va donc nous falloir exercer notre fonction de manière différente, pour prendre en compte les attentes des élus locaux avant comme après le vote de la loi et consolider ce lien de proximité, les consulter davantage et, pour ce faire, mettre en place ici un outil numérique de consultation permanente des élus locaux.

Le Président de la République souhaite, par ailleurs, réduire le nombre de parlementaires siégeant dans chaque assemblée. Pour ma part, je n’y suis pas a priori opposé, à une condition : le Sénat devra incarner, par sa composition, l’équilibre territorial et la diversité qui cimentent une nation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

La diminution du nombre de sénateurs, qui doit être à due proportion de celle du nombre de députés, ne doit pas réduire au quasi-silence les territoires à faible démographie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe CRC.) Permettez-moi, mes chers collègues, d’emprunter à mon illustre prédécesseur Gaston Monnerville quelques propos tirés de son discours du 5 octobre 1965, que vous saurez replacer dans le contexte de l’époque : « Si l’Assemblée nationale est le reflet de la démographie du pays, le Sénat est le reflet de sa terre et de sa géographie. »

En ce qui concerne la réforme constitutionnelle, qui est pour nous une responsabilité majeure, je vous proposerai d’en examiner le contenu sans parti pris ni arrière-pensées, mais, je le dis clairement, le Sénat comptera dans cette révision ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe La République en marche et du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, pour que le pays avance – il en a besoin, eu égard à la désespérance et au chômage de masse que nous connaissons depuis tant d’années –, il faut que l’intérêt de la France prime toute autre considération, notamment dans les relations entre l’exécutif et le Parlement, particulièrement le Sénat.

Les Français demandent plus de liberté, moins de contraintes, moins de réglementations.

Les élus, que vous avez sentis usés, fatigués, parfois désespérés – je pense à ceux d’entre vous qui les ont rencontrés au long de ces dernières semaines –, veulent plus de stabilité. Ils demandent de l’autonomie et de la prévisibilité. Ils attendent que l’on fasse confiance à ce qu’a construit depuis trente-cinq ans la décentralisation, qu’il faut préserver et fortifier. C’est aussi l’une de nos responsabilités dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE.)

Mes chers collègues, il faut rétablir une relation de confiance entre l’exécutif et les élus locaux. C’est indispensable pour redresser notre pays. Le Sénat doit être un facilitateur, un pont, pour que confiance et respect – ce sont les mots que j’employais le 17 juillet dernier – nous permettent d’instaurer des relations apaisées, positives.

Nous aurons enfin, ces trois prochaines années, une tâche immense à accomplir : réconcilier les citoyens avec le Parlement. C’est une responsabilité que nous devons assumer.

Nous avons, nous, parlementaires, un devoir d’exemplarité. Beaucoup a été fait ici et nous poursuivrons les réformes engagées, mais il faut cesser d’affaiblir le Parlement. Le populisme s’est toujours nourri de l’antiparlementarisme. Prenons garde de ne pas abîmer la démocratie parlementaire : c’est notre bien commun, il nous faut la protéger. La dignité de chaque parlementaire, c’est, pour le président que je suis, une exigence, et un engagement que je prends devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du RDSE.)

Mes chers collègues, cette élection à la présidence du Sénat m’honore et m’oblige. Et je n’ignore pas les contours et la diversité de ceux d’entre vous qui m’ont témoigné leur confiance, pas plus que je n’ignore les contours et la diversité de ceux qui ont fait un autre choix : tous appartiennent à cette assemblée que j’ai l’honneur de présider.

Oui, cette élection m’honore et m’oblige.

Je suis et je resterai fidèle à mes convictions, fidèle à mon attachement aux institutions de la Ve République, au rôle du Parlement, au bicamérisme et à la séparation des pouvoirs, que je protégerai avec fermeté, car cela est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du RDSE, du groupe La République en marche et du groupe CRC.)

Je resterai attaché, comme vous, à un Sénat ouvert, respectueux des droits et des libertés de chaque groupe, attentif aussi aux libertés individuelles et collectives : c’est là la marque profonde de la tradition et de l’héritage de notre assemblée.

Le Sénat a su, depuis trois ans, dans les moments importants, soutenir le Gouvernement chaque fois que l’intérêt de la France l’exigeait. Il a aussi su dire « non » chaque fois que, en conscience, il en ressentait la nécessité.

L’indépendance du Sénat, la liberté des sénateurs, telle est notre différence. Je resterai le garant de cette différence sénatoriale, que certains brocardent ou nous reprochent parfois, mais qu’au fond beaucoup nous envient.

Mes chers collègues, comme vous, quelle que soit votre sensibilité, c’est la France que j’ai au cœur. Vive le Sénat, vive la République, vive la France ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, se lèvent pour la plupart et applaudissent longuement.)