M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. On ne peut que saluer la volonté d’améliorer la rédaction de l’article 2 des auteurs de l’amendement n° 10. Mais il faut aussi prendre un peu de recul et, comme l’ont fait dans leurs interventions plusieurs de nos collègues, rappeler que nous essayons maintenant d’être toujours plus efficaces et de simplifier les choses.

M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État ont exposé la notion de seuil avec une certaine pédagogie : il s’agit de procédures souvent complexes, et les 5 millions d’euros, hors taxes ou non, doivent être examinés selon les projets et les donneurs d’ordre. Nous nous efforçons de prendre des mesures cohérentes sur le plan de l’activité économique.

Il faut également faire confiance à la commission : M. le rapporteur s’est bien exprimé sur ce sujet. Même si – reconnaissons-le également – il n’est pas toujours simple de séparer ce qui est du domaine du règlement de ce qui est du domaine de la loi, pour ma part, j’irai dans le sens de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

– le II du même article L. 121-19 est ainsi rédigé :

« II. – Le représentant de l’État informe sans délai le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable de l’élaboration du plan ou du programme et, si elle est distincte, l’autorité compétente pour autoriser le projet ou approuver le plan ou programme. Il apprécie la recevabilité de la demande au regard des critères énoncés au I.

« Si la recevabilité est avérée, le représentant de l’État organise une concertation préalable selon les modalités des articles L. 121-16 et L. 121-16-1 et, dans ce cas, fixe la durée et l’échelle territoriale de la participation qui sera mise en œuvre au regard des principaux impacts environnementaux et des retombées socioéconomiques attendus.

« Sa décision est motivée et rendue publique dans un délai maximum d’un mois à compter de la réception de la demande. » ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous proposons de rendre plus efficace le droit d’initiative citoyenne créé par l’ordonnance du 3 août 2016.

Ce droit est lourd à mettre en œuvre, car il doit fédérer un nombre de résidents dans le périmètre de la déclaration d’intention égal à 20 % de la population recensée dans les communes de ce périmètre ou 10 % de la population recensée dans le ou les départements concernés.

Nous avons déjà dit que nous trouvions ce seuil difficile à atteindre – la marche risque de se révéler souvent trop haute. Nous estimons dès lors que, si 20 % de la population concernée exprimait clairement sa volonté de concertation à propos d’un projet sur son territoire, cela serait le signe d’une réelle volonté de dialogue, mais, dans la plupart des cas, cela témoignerait aussi d’une forte crainte.

Donner au préfet un droit d’appréciation sur l’opportunité d’engager ou non une concertation préalable ne nous semble pas pertinent. Celui-ci est en effet disqualifié de fait pour exercer cette compétence, car il est juge et partie.

Nous considérons qu’à moins de confier le rôle de filtre à une autre entité, comme la Commission nationale du débat public, possibilité qui a été présentée dans le rapport Richard, il n’y aura pas de filtre.

Nous proposons donc de limiter le rôle du préfet à l’examen de la recevabilité de la demande et du respect des critères fixés par la loi, sans l’étendre à des éléments d’opportunité.

Tel est le sens de cet amendement qui aurait pour effet de rendre automatique la mise en œuvre d’une concertation préalable dès lors que 20 % de la population du territoire concerné la demande.

Voilà qui donnerait corps à ce nouveau droit qui va dans le sens de la démocratisation du dialogue environnemental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fouché, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de supprimer le pouvoir d’appréciation donné au préfet quand il reçoit une demande de concertation dans le cadre du nouveau droit d’initiative.

Le principe de la validation de la demande par le préfet est un élément important du dispositif, qui a été recommandé, après un important travail de concertation, dans le rapport de la commission présidée par notre collègue Alain Richard, rapport qui a largement inspiré le contenu de l’ordonnance relatif à la participation du public.

Les préfets sont les représentants de l’État, ils sont objectifs, ils ont l’habitude de travailler sur ce genre de dossier et ils méritent toute notre confiance dans ce domaine.

Le représentant de l’État appréciera la pertinence de l’organisation d’une concertation au regard des impacts environnementaux et des enjeux socioéconomiques.

Cette validation a pour objectif d’éviter les procédures abusives, nourries par une simple volonté de blocage et déconnectées des enjeux véritables du projet.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

D’abord, le filtre du préfet est nécessaire, ne serait-ce que pour donner un caractère réel au droit d’initiative citoyenne. S’il serait excessif d’aller jusqu’à dire que trop de concertation tue la concertation, celle-ci doit être bien organisée. Si elle se déclenche trop systématiquement, elle videra, par définition, le droit de son sens.

Je vous invite à auditionner, par exemple, le président de la Commission nationale du débat public et tous ceux dont c’est le métier d’organiser des concertations dans notre pays. Ils vous diront qu’il faut du temps et des moyens pour les mener à bien. Nous reviendrons, en outre, sur la question des garants. Ce n’est pas seulement une question d’argent ; il importe que la concertation soit réelle.

Ensuite, je fais personnellement confiance aux préfets. Ils subissent les pressions du corps social, la critique éventuelle des médias locaux, les saisines de Mmes et MM. les parlementaires, et on voit mal un préfet faire fi d’un environnement local.

Mme Éliane Assassi. Oh là là !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. C’est peut-être une question de culture, madame Assassi, mais, moi, je fais confiance au corps préfectoral ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Il s’agit en effet d’un des sujets qui ont été débattus entre les différents partenaires et ce sont principalement les porteurs de projets, entreprises ou collectivités territoriales, qui ont considéré que ce rôle revenait plutôt au préfet, parce qu’il comporte une part d’appréciation d’opportunité.

En effet, l’exercice du droit d’initiative peut en partie avoir été guidé par une information incomplète. Il importe donc parfois tout simplement de dire aux acteurs concernés que le projet sur lequel ils exercent ce droit diffère de celui qui est effectivement étudié. Les services du préfet instruisant ces dossiers, il me semble que cette compétence doit lui revenir.

Je profite de ce débat pour livrer une grille de lecture des dispositions qui résultent de l’ordonnance. En ce qui concerne la concertation préalable, ce texte s’applique à 90 % à des collectivités territoriales. Elles ont donc en principe la faculté de lancer ou non une concertation. Or, le moyen de sécuriser un projet sans perdre de temps, c’est de lancer la concertation sans attendre qu’on la demande.

C’est pour cette raison d’ailleurs que je trouve dommageable le délai de quatre mois durant lequel on est obligé d’attendre que quelqu’un demande, ou non, une concertation préalable. Il existe toutefois une façon très simple de l’éviter : il suffit de lancer ce processus de sa propre initiative, dans un délai global de trois mois, en pilotant son opération en dialoguant avec un garant. Le dispositif de procédure peut donc, selon moi, être allégé en pratique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Bonnecarrère, Cabanel, Raison, Mandelli et Kern, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Au début de la section V du chapitre Ier, sont insérés deux articles L. 121-… et L. 121-… ainsi rédigés :

« Art. L. 121-… – Les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux projets, plans et programmes ayant fait l’objet d’un débat public ou d’une concertation préalable en application du présent chapitre.

« Art. L. 121-… – Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un projet, un plan ou un programme estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de ce projet est susceptible d’être régularisé par une décision modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle décision modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » ;

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement nous permettra, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vérifier la réalité à la fois du souci affiché de simplification et de la convergence annoncée entre le code de l’environnement et le code de l’urbanisme.

Le premier point de l’amendement concerne la simplification.

L’idée portée par les ordonnances est de favoriser la concertation en amont et de trouver des moyens d’allégement en aval, ce qui nous semble pouvoir être fait, s’agissant de l’aval, pour les dossiers qui auront fait l’objet de concertations préalables forcément très organisées et, nous le savons, assez longues dans la pratique.

Sans mettre en cause le droit au recours non plus que le double degré de juridiction, et sans aller jusqu’à la saisine directe du Conseil d’État, nous proposons que, comme en matière d’aménagement commercial, le porteur de projet qui a fait l’effort de participer à un débat public devant la CNDP ou à une concertation préalable, voire a lancé volontairement celle-ci, bénéficie en légitime contrepartie de cet effort d’une réduction des délais de recours tout simplement en prévoyant que les recours seront portés non pas devant les tribunaux administratifs, mais directement devant les cours administratives d’appel.

Le second volet de notre amendement concerne la régularisation formelle.

En droit de l’urbanisme s’applique depuis 2011 la jurisprudence Danthony, codifiée à l’article 600-5 du code de l’urbanisme, selon laquelle, si une imperfection est purement formelle, le juge administratif n’a pas l’obligation d’annuler le projet et peut demander à son porteur de le régulariser lorsque cela est possible.

Nous demandons, suivant le principe de convergence du code de l’urbanisme et du code de l’environnement, l’application de la jurisprudence Danthony au code de l’environnement.

Si une autorisation environnementale dite « unique » était susceptible de faire l’objet d’une observation purement formelle, ne mettant donc pas en cause le fond, le juge administratif aurait ainsi la possibilité, comme en droit de l’urbanisme, de demander au porteur du projet de régulariser en fixant un délai.

Cela nous semble aller dans le sens de la simplification comme de la convergence des droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement s’inspire des conclusions de la mission commune d’information sur la démocratie, dont vous avez été le rapporteur, mon cher collègue, et dont je tiens ici à saluer le travail.

À titre personnel, exerçant, comme vous, la profession, d’avocat, je suis réservé quant à l’introduction de telles modifications – cet amendement vise en effet à passer par-dessus une juridiction… – dans le texte de ratification que nous examinons, même si je partage l’objectif d’une unification des procédures. Je sais que le recours direct à la cour d’appel administrative se fait déjà en matière commerciale, mais ce n’est pas forcément une réussite !

Compte tenu de son impact sur le droit au recours, une concertation spécifique sur cette proposition, qui inclurait la juridiction administrative, me semblerait préférable.

Toutefois, j’ai noté qu’il s’agissait d’une proposition de la mission commune d’information sur la démocratie, laquelle a rendu son rapport en mai dernier, et que certains de nos collègues y étaient très attachés.

C’est la raison pour laquelle notre commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, je vais être direct : la philosophie de cet amendement me semble particulièrement intéressante et je compte bien, si vous m’y autorisez, en reprendre une partie à mon compte dans le cadre du groupe de travail sur les énergies renouvelables. Il est clair que, si nous n’arrivons pas à avancer sur les énergies renouvelables, c’est parce que les procédures sont très lourdes, et vous le savez aussi bien que moi. Nous devons donc parvenir à introduire un peu de liberté.

Malheureusement, je suis juridiquement contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement qui s’éloigne trop du champ d’habilitation de l’ordonnance.

Monsieur le sénateur, imaginez que le mauvais coucheur contre lequel vous me mettiez en garde il y a quelques instants vienne contester telle ou telle disposition. (M. Philippe Bonnecarrère sourit.) Cela poserait une difficulté.

Vous sentez dans la tonalité de mon propos que sa philosophie m’a séduit, mais cet amendement constitue tout de même un grand soir juridique.

Je ne suis pas avocat, monsieur le rapporteur, mais j’ai eu le bonheur de faire des études de droit. Ce grand soir juridique serait mené sans coordination particulière avec la garde des sceaux non plus qu’avec les juridictions administratives.

Je me dois donc d’émettre un avis défavorable.

Je redis cependant, monsieur Bonnecarrère, que je compte bien m’inspirer, si vous m’y autorisez, de la philosophie qui sous-tend vos propositions dans les préconisations sur les énergies renouvelables en général et, peut-être, sur l’éolien en particulier qu’émettra le groupe de travail que nous avons installé, dans les Ardennes, voilà quelques jours. Nous serons à ce propos vendredi à Saint-Nazaire pour l’inauguration de la première éolienne sur flotteur, qui constitue une grande avancée en France.

Néanmoins, j’en suis désolé, l’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Si M. le secrétaire d’État prenait l’engagement d’examiner ces dispositions à l’occasion d’un futur texte de simplification, et il y en aura forcément, nous pourrions accepter de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas passer à côté de cette occasion d’exprimer mon engagement ! (Sourires.)

Le projet de loi sur le droit à l’erreur, dont le calendrier reste à valider, sera l’occasion de revenir sur ces points ; le Gouvernement pourrait coconstruire en amont quelque chose avec vous.

Par ailleurs, je ne veux pas parler à la place de Gérald Darmanin, mais je peux dire, en ce qui concerne le ministère de la transition écologique et solidaire, qu’il n’est pas exclu que, lorsque nous aurons accouché de notre plan de simplification et de choc sur les ENR, nous soyons obligés de repasser par la loi. Nous pourrons alors peut-être coproduire des dispositifs de manière intelligente et positive, tous ensemble, en partant d’ailleurs peut-être plutôt du Sénat que de l’Assemblée nationale, puisque l’on touche de près aux relations avec les collectivités territoriales. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 1 rectifié bis est-il retiré ?

M. Philippe Bonnecarrère. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 11, présenté par Mme Tocqueville, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Préville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 45

Rétablir le 3° du I dans la rédaction suivante :

3° À l’article L. 121-22, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six » ;

La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement vise à rétablir l’allongement du délai pendant lequel une illégalité pour vice de forme en matière de débat public peut être invoquée.

L’Assemblée nationale avait porté ce délai à six mois, permettant ainsi de rendre plus effectif ce droit de recours.

En outre, cela permettait de s’aligner sur les dispositions du code de l’urbanisme, lequel prévoit qu’une illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme peut être invoquée dans un délai de six mois.

Nous proposons donc le rétablissement de la rédaction issue de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir à six mois le délai permettant d’invoquer par voie d’exception des vices de forme ou de procédure au titre de la participation du public lors d’un recours contre une décision sur un projet.

En commission, nous avons souhaité revenir à quatre mois, c’est-à-dire à l’équilibre défini par l’ordonnance. Invoquer pour seul motif une harmonisation par le haut avec le code de l’urbanisme nous semble insuffisant pour justifier la fixation de ce délai à six mois.

Par définition, les dispositions de cette ordonnance vont créer de nouveaux risques juridiques pour les porteurs de projet. Par pitié, n’en créons pas davantage en augmentant ce délai sans disposer d’un premier retour d’expérience. Nous devons limiter les risques de recours contentieux.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. J’émets moi un avis très favorable, et je vais m’en expliquer devant vous.

C’est davantage l’ancien président du conseil départemental de l’Eure qui s’exprime par cet avis. Il ne s’agit pas d’un simple nivellement par le haut pour coller au code de l’urbanisme. On sait bien que le porter à connaissance d’un projet est parfois beaucoup plus compliqué et plus long, pour les élus locaux, pour les agriculteurs, pour les associations, en territoire rural qu’en territoire urbain, la couverture presse ou numérique n’y étant à l’évidence pas la même. Laisser du temps pour permettre à des acteurs locaux ruraux de bonne foi de prendre connaissance des projets me semble de bon aloi.

Je n’irai pas plus loin, mais deux sénateurs de l’Eure sont présents qui ont, comme moi, un projet très concret en tête !

Le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée nationale parce que cet amendement nous semblait pertinent. Nos amis de la Commission nationale du débat public y avaient d’ailleurs souscrit.

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. Je suis un des sénateurs de l’Eure cités par M. le secrétaire d’État. (Sourires.)

Chers collègues qui avez déposé cet amendement, je ne suis absolument pas convaincu par l’argument relatif à l’alignement du code de l’urbanisme et du code de l’environnement que vous évoquez dans votre exposé des motifs, notamment en ce qui concerne ce genre d’équipement. Je suis désolé de le dire, mais les sujets traités diffèrent souvent totalement, les assiettes, notamment financières, sont sans rapport, les dimensions géographiques n’ont rien à voir.

Pourtant je vais soutenir votre amendement, et je vais le soutenir complètement pour la raison développée par M. le secrétaire d’État : la nécessité de tenir compte du monde rural.

Je sais de quoi je parle. Je suis président d’un syndicat d’électricité. J’étais le rapporteur, ici, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et j’ai donné, dans ce texte, notamment aux syndicats d’électricité, mais aussi aux grandes communautés de communes, le pouvoir de devenir des acteurs importants pour tout ce qui concerne les énergies renouvelables, ce qui est le cas du projet qu’évoquait à l’instant M. le secrétaire d’État.

Or ces projets ne seront pas situés dans les villes, mais bien dans les campagnes ! Les éoliennes, les gros projets photovoltaïques ou les centrales biomasse ne seront pas installés en ville, à Paris ou à Toulouse, mais en milieu rural. Il faut tenir compte de la réalité du monde rural, des distances, du manque d’équipements modernes dans ces zones.

Pour réagir, il faut avoir accès à l’information, par exemple à un bon débit internet. Même la téléphonie mobile est nettement en retard en milieu rural !

Deux mois supplémentaires pour tenir compte de la réalité, ce n’est pas énorme, au regard des enjeux de certains de ces projets. C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement sans hésitation, et j’invite les élus ruraux à penser à certains projets dans leurs départements respectifs.

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour explication de vote.

Mme Nelly Tocqueville. Je souhaite rebondir sur les propos de M. le secrétaire d’État, étant également élue d’une commune rurale.

L’esprit du texte est précisément d’associer le public en amont, en lui permettant de s’exprimer pour éviter des conflits et des drames. Permettre à tous les territoires de disposer du temps de s’exprimer, c’est aussi garantir leur égalité devant les projets proposés.

Un grand nombre d’entre eux concernent des territoires ruraux parce qu’il faut de l’espace pour les réaliser. Comme M. le secrétaire d’État, je souhaite insister sur le fait qu’il est plus difficile d’attirer l’attention de nos populations, non parce qu’elles se désintéresseraient des projets, mais parce qu’elles ne disposent pas toujours de tous les outils de communication nécessaires pour participer à la discussion.

Les élus des territoires ruraux doivent aller au-devant des publics, ils doivent organiser des réunions, parfois très modestement, mais chaque réunion, aussi modeste soit-elle, compte. Il me semble donc que ce délai supplémentaire de deux mois n’est pas excessif et garantit l’égalité des territoires au regard des différents projets.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Fouché, rapporteur. Je veux réagir aux propos que je viens d’entendre : nous ne sommes tout de même plus au Moyen-Âge en France !

Je suis un élu de la ruralité. J’ai présidé comme vous, monsieur le secrétaire d’État, un conseil général durant plusieurs années, dans un département rural, dont la ville principale, Poitiers, compte 80 000 habitants. Il y a aujourd’hui des moyens de communication dans la ruralité, des journaux à internet, et nous communiquons tous. Je le répète, on n’est plus au Moyen-Âge !

Quatre mois, c’est déjà long pour les élus locaux. Si ce délai était porté à six mois, cela permettrait à de nombreuses associations environnementales de créer beaucoup de contentieux. C’est tout, et le choix que nous devons faire est là !

La commission, naturellement, maintient son avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 46

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… ) Au premier alinéa du II de l’article L. 122-1, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement, qui a déjà été présenté à l’Assemblée nationale par les députés des groupes GDR et France insoumise, vise à créer une « clause-filet ».

Il s’appuie sur une jurisprudence bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle indique que la marge d’appréciation laissée aux États membres pour fixer des seuils trouve sa limite dans l’obligation qu’un projet fasse l’objet d’une étude d’impact dès lors qu’il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

En outre, selon cette jurisprudence, la fixation de seuils ne permet jamais de prendre en considération le critère du cumul d’effets avec d’autres projets, lequel ne peut s’analyser qu’une fois ces projets réalisés.

Ces considérations avaient conduit le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’environnement, présidé par Jacques Vernier, à proposer l’introduction d’une clause-filet ouvrant la possibilité de soumettre à évaluation environnementale un petit projet, non visé par le régime de l’examen au cas par cas, mais situé dans un milieu récepteur sensible ou fragile.

L’objet de cet amendement est donc de mettre notre législation en conformité avec le droit de l’Union européenne, selon lequel les seuils ne sont qu’indicatifs, et d’ouvrir la possibilité au pouvoir exécutif de mettre rapidement en œuvre cette clause-filet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement a le même objet que le suivant, l’amendement n° 16 rectifié bis, avec de petites différences : ils visent à étendre aux projets le dispositif de la clause de rattrapage, ou clause-filet, que l’ordonnance prévoit pour les plans et programmes en application de la directive européenne.

L’amendement n°9 tend à mettre en œuvre cette clause en prévoyant que les projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement font l’objet soit d’une évaluation environnementale obligatoire s’ils remplissent certains critères et dépassent certains seuils, soit d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, sans condition de seuil de critères.

Tout cela revient à dire que la procédure de cas par cas concernera tous les projets et que les maîtres d’ouvrage devront chaque fois saisir l’autorité environnementale, laquelle décidera si une étude d’impact est nécessaire ou non.

L’avis est donc défavorable.