M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour une fois, je ne partage pas l’avis de M. le rapporteur et je me rallierai assez volontiers à la proposition du sénateur de Belenet.

L’article 1183 du code civil permet à une partie qui a connaissance d’une cause de nullité affectant le contrat et dont pourrait se prévaloir un jour l’autre partie de lui demander de prendre position afin de régler, sans attendre, le sort du contrat.

Ce texte permet de sécuriser la transaction : l’autre partie disposera en effet d’un délai de six mois soit pour confirmer le contrat, c’est-à-dire renoncer à l’action en nullité, soit pour agir en nullité. L’exigence selon laquelle la cause de nullité doit avoir cessé visait à empêcher que le contractant toujours sous l’emprise de la violence ou qui n’aurait pas connaissance de son erreur puisse se voir imposer la confirmation du contrat.

Comme le relève M. de Belenet, cette condition peut toutefois être mal comprise pour certaines causes de nullité, telles que le non-respect d’un formalisme protecteur ou le caractère dérisoire de la prestation de l’autre partie. Elle doit, en réalité, être lue à la lumière de l’article 1182 du code civil, qui définit ce qu’est la confirmation : celle-ci n’est admise que si celui qui pourrait se prévaloir de la nullité agit en connaissance de la cause de nullité et, en cas de violence, si celle-ci a cessé.

Il va de soi que le texte n’exige pas que le contrat soit régularisé, mais seulement que le contractant que la loi vise à protéger ait eu pleinement connaissance de la cause de nullité affectant le contrat.

L’adoption de l’amendement déposé par M. de Belenet, en supprimant cette condition, permettrait de lever toute ambiguïté sur la portée du texte. En application de l’article 1182, la confirmation n’est de toute façon possible que si la cause de nullité est connue et, en cas de violence, si celle-ci a cessé.

J’invite donc le Sénat à adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 7
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Article 9 (nouveau)

Article 8 (nouveau)

I. – La seconde phrase du second alinéa de l’article 1195 du code civil est ainsi modifiée :

1° Les mots : « réviser le contrat ou y » sont supprimés ;

2° Après les mots : « mettre fin », sont insérés les mots : « au contrat ».

II. – Le paragraphe 3 de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code monétaire et financier est complété par un article L. 211-40-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-40-1. – Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent des I à III de l’article L. 211-1 du présent code, se prévaloir de l’article 1195 du code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence. »

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. de Belenet, est ainsi libellé :

I. – Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 1195 du code civil, sont insérés les mots : « sauf clause contraire ».

II. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après les mots : « partie, », sont insérés les mots : « prononcer la réalisation du contrat sans indemnité, » ;

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - La première phrase du premier alinéa de l’article 1195 du code civil est ainsi modifiée :

1° Les mots : « rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie » sont remplacés par les mots « prive de cause l’engagement d’une des parties » ;

2° Après les mots : « le risque », sont insérés les mots : « , de sorte que cette partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes si elle avait prévu ce changement de circonstances ».

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Le nouvel article 1195 du code civil introduit en droit positif la théorie de l’imprévision, qui permet de réviser les conditions convenues, en particulier le prix, en cas de changement de circonstances imprévisible.

La proposition de la commission des lois de supprimer le pouvoir de révision du juge en cas d’imprévision va dans le bon sens. Cependant, la commission des lois n’a pas proposé de modifier les conditions de l’imprévision pour les encadrer davantage. Or la consécration de la théorie de l’imprévision a pour effet d’affaiblir la portée de l’accord des parties et la sécurité juridique qui y est attachée. L’utilité pratique de cette disposition apparaît discutable, dans la mesure où les contrats entre professionnels prévoient quasi systématiquement que l’une des parties assume le risque d’un changement de circonstances imprévisible et où les contrats de consommation sont assortis d’un droit de résiliation unilatérale d’ordre public en faveur du consommateur. Il convient dès lors d’encadrer strictement la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise implicitement, voire expressément, à rétablir la notion de cause, sur laquelle nous nous sommes exprimés tout à l’heure. Les mêmes causes produisant les mêmes effets (Sourires.), je vous demanderai, ma chère collègue, de bien vouloir procéder au retrait de votre amendement, non sans vous avoir au préalable remerciée d’avoir déjà accédé à plusieurs reprises à de telles demandes, ce qui est souvent un signe d’esprit de responsabilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 12 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L'amendement n° 19 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. J’ai peur que nous ne soyons taxés d’irresponsabilité, puisque nous ne retirerons pas nos amendements ! (Sourires.)

Le présent amendement vise à revenir sur la suppression, décidée par la commission, du régime de l’imprévision, qui constitue l’une des nouveautés du texte.

L’une des idées fondamentales ayant guidé cette réforme est de rétablir une équité de situation entre les contractants. En l’espèce, le déséquilibre tient à la survenue, pour des raisons tout à fait imprévisibles, d’événements extérieurs qui changent les conditions dans lesquelles le contrat avait été conclu.

Nous pensons qu’il y a tout intérêt, pour les situations d’imprévision, à rétablir la rédaction initiale de l’ordonnance pour l’article 1195. Il nous paraît pour le moins excessif de prétendre qu’elle fait du juge une troisième partie au contrat.

J’ajoute que l’amendement du rapporteur visant à modifier le texte de l’ordonnance prévoyait aussi l’exclusion du régime de l’imprévision des contrats relatifs aux instruments financiers. Je m’en étais d’abord ému, ne voyant pas pourquoi ces contrats devraient faire l’objet d’une telle exclusion. Toutefois, à la réflexion, il m’est apparu que le rapporteur avait raison : il s’agit là de contrats tout à fait particuliers, dans la mesure où les spéculateurs jouent sur l’imprévisibilité pour obtenir un certain bénéfice.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 19.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’ordonnance pour l’article 1195 du code civil, qui introduit effectivement la révision pour imprévision dans le droit français des contrats. C’est sans doute l’une des dispositions les plus emblématiques de l’ordonnance du 10 février 2016.

La France était en effet l’un des derniers pays européens à ne pas admettre la théorie de l’imprévision, qui était d’ailleurs déjà mise en œuvre par le juge administratif.

L’objectif de cette innovation est de permettre le rétablissement de l’économie générale du contrat telle que voulue par les parties, en cas de bouleversement de celle-ci, en cours d’exécution du contrat, par des circonstances exceptionnelles.

Il n’est en effet pas équitable de maintenir, au nom de la force obligatoire du contrat, les parties dans une situation contractuelle déséquilibrée – en raison d’un changement de circonstances indépendant de leur volonté et qu’elles n’avaient donc pu prévoir – par rapport à leur volonté exprimée lors de la conclusion du contrat.

La possibilité de révision du contrat en cas d’imprévision est toutefois très encadrée, et elle ne constitue qu’une dérogation exceptionnelle au principe de l’intangibilité du contrat.

Tout d’abord, le changement de circonstances devait être imprévisible lors de la conclusion du contrat.

Ensuite, l’exécution du contrat doit devenir excessivement onéreuse pour la partie lésée par le déséquilibre, ce qui exclut l’hypothèse du seul surcoût.

Enfin, la partie lésée ne doit pas avoir accepté contractuellement d’assumer le risque d’un tel changement de circonstances.

Des inquiétudes nées du pouvoir ainsi conféré au juge saisi par une seule partie ont sans doute motivé le dépôt de l’amendement de la commission, sur l’adoption duquel je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir.

Il faut en effet relativiser l’atteinte portée à la force obligatoire du contrat et à la liberté contractuelle.

D’une part, l’article 1195 est supplétif de volonté : les parties sont libres d’en écarter l’application, totalement ou partiellement, et de prévoir qu’elles assumeront tout ou partie des conséquences des changements de circonstances modifiant l’équilibre du contrat.

D’autre part, les pouvoirs du juge sont strictement encadrés par les principes de procédure civile. Le juge ne pourra d’office procéder à la révision du contrat et il sera, au surplus, lié par les demandes des parties quant à l’objet de la demande et aux modalités de révision du contrat.

Enfin, conditionner la révision du contrat par le juge à une demande en ce sens de toutes les parties au contrat réduirait considérablement l’effectivité du texte. Il est en effet très peu probable que des parties qui ne se sont pas entendues sur les termes de la renégociation de leur contrat, voire sur la nécessité même de le renégocier, s’accordent finalement pour en confier la révision au juge. Seule la résolution judiciaire du contrat serait alors possible, tandis que sa révision aurait pourtant permis sa survie, ce qui, bien entendu, présenterait assurément plus d’intérêt économique.

D’ailleurs, le pouvoir de révision judiciaire accentue l’aspect préventif du texte, le risque de révision du contrat, en plus de celui de son anéantissement, devant inciter les parties à renégocier, et donc à maintenir le contrat.

Je vous demande de revenir à la rédaction initialement prévue pour l’article 1195 et de restaurer la possibilité, pour une seule partie au contrat, d’en solliciter la révision par le juge.

En revanche, le Gouvernement ne s’opposera pas à l’exclusion, proposée par la commission au II de l’article 8, de l’application du régime de l’imprévision aux contrats sur instruments financiers. En effet, les risques induits par une telle option paraissent plus forts que les gains espérés. Les opérations sur titres financiers et sur contrats financiers ont par nature pour objectif d’intégrer le risque dans leur valorisation et dans les caractéristiques retenues pour l’opération.

C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas opposé à la rédaction adoptée par la commission sur ce point, dans le triple objectif de clarifier l’application du régime de l’imprévision aux instruments financiers en excluant explicitement les titres et les contrats financiers, de sécuriser les transactions futures sur ces contrats et de contribuer, par ces deux actions, au renforcement de l’attractivité juridique de la place de Paris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Monsieur le président, les deux amendements sur lesquels je dois me prononcer sont certes identiques, mais puis-je considérer que je dispose de quatre minutes de temps de parole ? (Sourires.)

Que l’on me permette tout d’abord de saluer la lucidité dont fait preuve notre collègue Pierre-Yves Collombat lorsqu’il estime que, quelquefois, le rapporteur peut avoir raison ! (Nouveaux sourires.)

Sur le fond, mon argumentation s’articulera en quatre points.

Premièrement, il me semble que le Gouvernement a excédé le champ de l’habilitation législative consentie par le Parlement sur ce point, puisque la loi d’habilitation prévoyait la possibilité pour les parties, et non pour une seule d’entre elles, d’adapter le contrat en cas de changement imprévisible de circonstances.

Deuxièmement, si j’ai suggéré à la commission, qui m’a suivi, de ne pas approuver la modification du rôle du juge prévue par le texte initial de l’ordonnance, c’est parce qu’il s’agissait là d’une évolution radicale.

Le juge a pour rôle d’interpréter un contrat au regard des lois et règles existantes, d’analyser comment il doit être exécuté et de trancher un litige qui, souvent, est né dans le passé. Le travail du juge ne consiste pas à refaire le contrat. Sinon, le juge devient économiste, sociologue, fiscaliste au besoin, et il entre alors dans un champ d’activité qui n’est pas le sien.

Je vais prendre un exemple tiré du droit administratif pour faire sentir ce que pourrait être la responsabilité du juge. Pendant très longtemps, sous l’influence de différents commissaires du Gouvernement, il a toujours été indiqué que les juges administratifs devaient se montrer très prudents pour décider qu’il y avait acte anormal de gestion, parce que ce faisant ils s’immisçaient dans l’exploitation et les décisions de l’entreprise et endossaient une responsabilité qui n’était pas la leur. C’est pourquoi je pense pour ma part qu’il ne faut pas confier ce rôle très nouveau au juge.

Troisièmement, si elles sont adoptées, ces dispositions nuiront gravement à l’attractivité du droit français. L’imprévision n’est franchement pas une théorie que les Anglo-Saxons adorent ! Quand ils apprendront que, de surcroît, l’imprévision pourra être évoquée devant la justice, qu’un juge pourra refaire le contrat, soyez certains que le droit suisse l’emportera sur le droit français… Le dispositif initial de l’ordonnance va donc à l’encontre de l’objectif de renforcer l’attractivité de notre droit.

Quatrièmement, si nous adoptons les dispositions sur l’imprévision prévues par le texte initial de l’ordonnance, je vous garantis que tous les contrats rédigés par des professionnels du droit écarteront que les parties puissent y recourir, puisqu’elles sont supplétives. Votre texte, madame la garde des sceaux, se trouvera donc vidé de toute portée.

Voilà les quatre raisons pour lesquelles nous ne devons pas, à mon avis, modifier le rôle joué par le juge dans notre système judiciaire.

Madame la garde des sceaux, vous avez bien noté que nous n’avons pas voulu faire la réforme de la réforme. Nous n’avons adopté que très peu d’amendements et, même si nous avons été amenés à refuser la plupart des vôtres, je souhaiterais ouvrir une piste de réflexion : si le juge devait être autorisé à modifier le contrat, cela ne pourrait se concevoir, selon moi, qu’avec l’accord des deux parties. En effet, si la révision du contrat n’est demandée que par l’une d’elles, le désaccord sera d’emblée tel que la décision rendue par le juge ne sera pas suivie d’effet…

Ce sont donc des raisons de pure pratique et de cohérence juridiques qui m’amènent à maintenir la position de la commission, tout en reconnaissant qu’il y a peut-être une réflexion à mener, à condition de partir du principe que le juge ne pourra être saisi qu’à la demande des deux parties.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Il faut savoir ce que l’on veut ! Voulons-nous introduire la notion d’imprévision et en tenir compte, ou pas ? Je pense que ce serait plutôt utile dans la mesure où cela permettrait de rétablir l’équité entre les parties quand un changement de circonstances imprévisible est survenu. Sinon, c’est la loi du plus fort qui prévaudra.

Je ne vois donc pas ce que notre proposition peut avoir de scandaleux. Le juge ne fera pas n’importe quoi, monsieur le rapporteur ! Je pense au contraire qu’il veillera à bien caractériser l’imprévisibilité, en écartant les changements de circonstances mineurs.

En conclusion, il me semble souhaitable de confier ce rôle au juge. Quant à recueillir le consentement des deux parties, il ne faut tout de même pas s’attendre à ce que celle qui gagne au changement intervenu soit favorable à une révision du contrat…

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il me semble que la version initiale du texte est assez équilibrée. Je ne partage pas votre sentiment, monsieur le rapporteur, selon lequel cette rédaction paralysera finalement l’application du texte et le videra de son effectivité. Il me semble au contraire que c’est requérir l’accord des deux parties pour la révision du contrat, comme vous le proposez, qui aboutirait à ce résultat. Qu’une seule des parties au contrat puisse demander au juge d’intervenir constituera un puissant levier pour la négociation, que ce soit d’ailleurs au moment de la conclusion du contrat ou en cas d’inexécution liée à l’imprévision. Il s’agira là d’une riposte graduée. Si ce mécanisme était aussi inefficace que vous le suggérez, monsieur le rapporteur, un pays comme l’Allemagne ne l’aurait sans doute pas adopté…

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je soutiens la position du rapporteur, non seulement par nostalgie du droit des contrats tel que je l’ai appris, sous l’égide de Philippe Malaurie et de Philippe Malinvaud, mais surtout parce qu’on ne voit pas très bien comment le juge pourrait intervenir dans ces matières. Compte-t-on combler définitivement le canal de Craponne au moyen de ce dispositif ? (Sourires.)

Je pense que la position du rapporteur est tout à fait fondée, surtout au regard de la surcharge des tribunaux et de la difficulté pour le juge d’arbitrer dans ce type de dossiers.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. Madame la ministre, le texte de la commission constitue déjà un très grand progrès au regard de la situation actuelle, où l’imprévision ne peut être évoquée. Le juge pourra prononcer la résolution et allouer des dommages et intérêts, ce qu’il n’aurait jamais pu faire auparavant.

Ce que je conteste, c’est que l’on attribue au juge le pouvoir d’intervenir – avec les responsabilités afférentes – sans l’accord d’une des parties au contrat. C’est pourquoi je me suis déclaré ouvert à l’engagement d’une réflexion sur un tel élargissement du rôle du juge à la condition que l’on parte du principe que l’accord des deux parties sera requis. Le juge ressemblerait alors fortement à un arbitre.

En l’état, je maintiens donc ma position, même si certains peuvent penser qu’elle est boiteuse, ce que pour ma part je ne crois pas ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 19.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

des

par les mots :

d’opérations sur les titres et contrats financiers mentionnés aux

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. C’est un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(L’article 8 est adopté.)

Article 8 (nouveau)
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Article 10 (nouveau)

Article 9 (nouveau)

La section 5 du chapitre II du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :

1° Au début du quatrième alinéa de l’article 1217, le mot : « solliciter » est remplacé par le mot : « obtenir » ;

2° À l’article 1221, après le mot : « débiteur », sont insérés les mots : « de bonne foi » ;

3° Le premier alinéa de l’article 1223 est ainsi rédigé :

« En cas d’exécution imparfaite du contrat, le créancier de l’obligation peut, après mise en demeure du débiteur, décider une réduction proportionnelle du prix. »

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’article 1221, après les mots : « disproportion manifeste », sont insérés les mots : « et déraisonnable » ;

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Dans sa rédaction issue de l’ordonnance, l’article 1221 nouveau du code civil consacre le droit à l’exécution forcée en nature d’une obligation. Ce droit est cependant limité en cas d’impossibilité d’exécution ou de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

La proposition de la commission des lois de limiter la condition de disproportion manifeste au cas où le débiteur est de bonne foi va dans le bon sens.

Cette notion de « disproportion manifeste » devrait cependant être encore plus strictement encadrée. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter le qualificatif « déraisonnable ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. L’ajout d’un tel adjectif me paraît affaiblir le dispositif, en introduisant une redondance. Peut-être n’est-il pas utile que nous nous opposions sur un tel détail d’écriture ? Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, monsieur le président. Je souhaite souligner que toutes les propositions que j’ai formulées visaient à soutenir l’attractivité du droit français et de la place de Paris dans un contexte de concurrence internationale. Je remercie M. le rapporteur pour les réponses argumentées qu’il a apportées sur les différents amendements que j’ai présentés.

Je retire le présent amendement.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Mélot, je voudrais quant à moi vous remercier du travail que vous avez réalisé. Même si nous n’avons pas suivi vos propositions, il n’en reste pas moins qu’il est tout à fait essentiel de développer l’attractivité de notre droit. Le Gouvernement partage cet objectif avec vous.

L’amendement n° 20 a pour objet de rétablir l’article 1221 du code civil dans la rédaction initiale de l’ordonnance. Ce texte introduit en effet une modification importante du droit positif par rapport à l’ancien article 1142 du code civil, qui posait le principe selon lequel l’inexécution des obligations de faire se résout en dommages et intérêts. L’article 1221, dans la rédaction issue de l’ordonnance, consacre le principe inverse du droit à l’exécution forcée en nature du créancier d’une obligation.

Toutefois, comme tout droit dont l’exercice est susceptible de dégénérer en abus, le droit à exécution forcée doit connaître des limites. Outre l’impossibilité d’exécuter, l’article 1221 prévoit donc une exception au droit du créancier à l’exécution forcée en nature et détaille les conditions dans lesquelles l’exercice de ce droit serait constitutif d’un abus.

Ainsi, ne peuvent donner lieu à exécution forcée en nature les cas dans lesquels il existe une disproportion manifeste entre le coût de cette exécution forcée pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. Cette exception vise à mettre fin aux hypothèses d’abus qui ont pu être observées dans la jurisprudence. La Cour de cassation a, par exemple, eu à connaître de la construction d’une maison d’une hauteur inférieure de 33 centimètres en pignon à ce qui avait été convenu ou de celle d’une piscine dont l’escalier d’accès comptait une marche de moins que prévu : elle a ordonné l’exécution forcée en nature, sans intérêt pour le créancier mais impliquant la destruction totale de l’ouvrage, puis sa reconstruction, à la charge du débiteur.

L’objectif est donc de mettre fin à de telles situations. Il s’agit d’une déclinaison de l’abus de droit, formulé de façon plus précise pour encadrer l’appréciation du juge et offrir une sécurité juridique accrue.

La commission a proposé d’ajouter que l’application de ce texte serait soumise à la bonne foi du débiteur. Cette précision ne nous apparaît pas nécessairement utile, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la bonne foi est déjà prévue, à titre général, à l’article 1104. Elle est un devoir des parties durant toute la vie du contrat et fonde, tant techniquement que philosophiquement, l’ensemble de l’ordonnance.

De plus, la mauvaise foi éventuelle du débiteur est déjà sanctionnée, puisqu’il engage sa responsabilité au-delà du dommage prévisible – normalement seul réparable en matière contractuelle –, conformément à l’article 1231-3.

En outre, l’exigence de bonne foi s’applique tant au débiteur qu’au créancier, particulièrement dans l’usage que celui-ci fait des sanctions de l’inexécution prévues à l’article 1217.

La précision proposée par la commission devrait donc être apportée dans tous les textes relatifs aux parties aux contrats, tant pour le débiteur que pour le créancier, et cela impliquerait de distinguer les textes pour l’application desquels la mauvaise foi de la partie concernée serait indifférente, à l’instar de l’article 1218 relatif à la force majeure. Cela ne nous semble pas souhaitable. Je demande donc au Sénat de bien vouloir rétablir le texte initial de l’ordonnance.