M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous avez extrêmement bien posé le problème et je vous remercie de votre engagement. Que pouvons-nous faire ? C’est une vraie question. Les femmes parlent, mais cela ne suffit pas, car encore faut-il que la société les entende et que les pouvoirs publics leur répondent.

C’est pour leur répondre que le Président de la République a décidé que l’égalité entre les femmes et les hommes serait la grande cause nationale de son quinquennat. C’est pour leur répondre que nous augmentons le budget des droits des femmes pour 2018 et que nous le sanctuarisons pour l’ensemble du quinquennat. C’est pour leur répondre que le Premier ministre a lancé, le 4 octobre dernier, le Tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les ateliers et les consultations conduits dans le cadre de ce dernier m’amèneront à présenter en 2018, avec la garde des sceaux, Nicole Belloubet, une première grande loi citoyenne dont la préparation associera les parlementaires, les territoires, les experts, les victimes, les femmes, les associations. Elle nous permettra d’assurer une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexistes et sexuelles.

Si je partage pleinement, madame la sénatrice, votre engagement sur le fond, je me permettrai d’émettre une petite réserve sur la forme : je pense qu’il s’agit ici non pas de morale, mais de droit. « Il n’y a pas de phénomènes moraux, rien qu’une interprétation morale des phénomènes » disait Nietzsche. C’est pourquoi nous devons faire évoluer notre droit. Je compte sur les sénatrices et les sénateurs pour cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement. Je remercie M. le Premier ministre et l’ensemble des ministres.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 26 octobre 2017 et seront retransmises sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Article 5 (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Article 6 (nouveau)

Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 6.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Article 7 (nouveau)

Article 6 (nouveau)

La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :

1° Au second alinéa de l’article 1145, les mots : « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, » sont supprimés ;

2° Au premier alinéa de l’article 1158, les mots : « qu’il fixe et qui doit être raisonnable » sont remplacés par les mots : « de deux mois » ;

3° Au début du premier alinéa de l’article 1161, les mots : « Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat » sont remplacés par les mots : « En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 28, présenté par M. de Belenet, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 1145, le mot : « physique » est supprimé ;

II. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

…° Le second alinéa de l’article 1145 est supprimé ;

Cet amendement a été précédemment retiré.

L’amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au second alinéa de l’article 1145, les mots : « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des » sont remplacés par les mots : « par les » ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous partageons la position de la commission sur la nécessité de préciser la définition de la capacité des personnes morales. Le Gouvernement n’avait aucunement souhaité, en consacrant la capacité des personnes morales dans le code civil, modifier le droit positif. La référence aux actes utiles à la réalisation de l’objet statutaire ne visait nullement à exiger une appréciation en opportunité de l’acte au regard de l’intérêt social. De la même manière, le Gouvernement n’entendait pas, par ce texte, remettre en cause les solutions propres à chaque forme de personne morale.

J’ai entendu toutefois les craintes émises par les praticiens sur la portée qui pourrait être donnée à ce texte. Le récrire pour poser le principe de capacité limitée des personnes morales et renvoyer aux textes propres à chaque personne morale me semble donc opportun.

Je vous soumets donc un amendement de nature purement rédactionnelle visant à préciser le renvoi opéré aux règles spéciales en prévoyant que « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Le Gouvernement reconnaît au travers de cet amendement, au moins implicitement, que la rédaction de l’ordonnance posait de graves difficultés. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé à la commission, après un échange avec les services de la Chancellerie, de la corriger.

Dans ces conditions, je dois avouer que je ne comprends pas bien pourquoi notre rédaction ne convient pas ou plus, d’autant que celle qui est proposée par le Gouvernement me paraît quelque peu restrictive.

Dire que « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles » suppose qu’il existe bien des règles claires, écrites, ce qui n’est pas évident en droit des sociétés, contrairement au droit des associations.

La formulation retenue par la commission – « dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles » – me semble plus large, plus adaptée à la diversité des droits spéciaux. Selon moi, elle est un peu plus ciselée !

Pour autant, madame la garde des sceaux, il ne m’apparaît pas que votre proposition soit de nature à constituer une écharde dans nos relations ! (Sourires.) Pour cette raison, j’émettrai un avis de sagesse positive.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(L’article 6 est adopté.)

Article 6 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Article additionnel après l'article 7

Article 7 (nouveau)

La sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :

1° L’article 1165 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase est supprimée ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. » ;

2° À l’article 1166, les mots : « aux attentes légitimes des parties » sont remplacés par les mots : « à ce que pouvait raisonnablement attendre le créancier » ;

3° Au premier alinéa de l’article 1171, après le mot : « clause », sont insérés les mots : « non négociable, unilatéralement déterminée à l’avance par l’une des parties, ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

I. – Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article 1128 du code civil est ainsi modifié :

1° Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« …° Une cause licite dans l’obligation. »

II. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’article 1162, les mots : « ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » sont remplacés par les mots : « ni par son objet, ni par sa cause, que celle-ci ait été connue ou non de toutes les parties » ;

III. – Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 1167, il est inséré un article 1167-… ainsi rédigé :

« Art. 1167-… – Toute obligation doit avoir une cause et la cause du contrat elle-même doit être licite. La cause de l’obligation réside dans la contre-prestation, dans l’intérêt recherché ou dans le mobile déterminant entré dans le champ contractuel. Tous les autres mobiles relèvent de la cause du contrat. » ;

IV. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L’article 1171 est abrogé.

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Le nouvel article 1128 du code civil supprime la référence à la cause et à l’objet du contrat, remplacés par la notion de « contenu du contrat ». Les nouveaux articles 1162 à 1171 du code civil déclinent cette notion, en reprenant une partie des différentes fonctions que la jurisprudence avait assignées à la cause et à l’objet.

Il s’agit de concepts précis, définis par une abondante jurisprudence, mais également de notions suffisamment flexibles pour permettre au juge de prendre en compte l’apparition de nouveaux risques contractuels et de nouvelles situations.

Or l’ordonnance remplace ces concepts tout à la fois précis et souples par une notion floue et incertaine, celle de « contenu du contrat », qui ne manquera pas d’engendrer un abondant contentieux.

Il convient par ailleurs de souligner que la référence à la cause a été supprimée sous le faux prétexte que son maintien aurait nui à l’attractivité du droit français. Or aucune entreprise étrangère ni aucune entreprise française dans ses rapports avec des partenaires étrangers n’a jamais refusé l’application du droit français afin d’échapper à la cause.

Il convient dès lors de rétablir les notions d’objet et de cause à la place de celle de contenu du contrat. Le nouvel article 1162 du code civil doit également être modifié pour faire référence à l’objet et à la cause du contrat.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L’article 1171 est abrogé.

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. de Belenet et Richard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 1171 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet article n’est pas applicable aux relations entre professionnels et consommateurs, ni aux relations avec un partenaire commercial au sens du code de commerce. »

Cet amendement a été précédemment retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié, qui vise à rétablir la notion de cause dans le droit des contrats, relève en quelque sorte d’une « séquence nostalgie »… (Sourires.) Certes, d’aucuns peuvent regretter la disparition de cette notion, en particulier les juristes de ma génération, même si je serais prêt à confesser que, au bout d’une dizaine d’années d’études, ses contours ne m’étaient toujours pas complètement clairs ! (Nouveaux sourires.)

Les représentants de certains systèmes juridiques étrangers très inspirés par notre code civil, notamment en Amérique latine ou au Liban, déplorent eux aussi cette suppression.

Toutefois, la doctrine a, majoritairement me semble-t-il, validé cette évolution, que certains qualifieront de modernisation.

Surtout, si la notion de cause a disparu, il me semble que les éléments constitutifs en sont toujours présents. L’article 1128 du code civil prévoit ainsi que le contrat doit avoir un contenu licite et certain pour être valide et, aux termes de l’article 1162 du même code, il ne peut pas déroger à l’ordre public par son but. Le contenu et le but renvoient aux fonctions de la cause, de sorte que la jurisprudence ne se trouvera pas bouleversée. Pour reprendre l’image, peut-être un peu légère, que j’ai utilisée ce matin en commission, si la cause est sortie côté jardin, elle est rentrée côté cour ! Cela ne mérite peut-être pas que l’on modifie l’ordonnance sur ce point.

Je rappelle la ligne générale de la commission : si le Sénat était hostile à la mise en œuvre par ordonnance d’une aussi importante réforme de notre droit civil, nous devons faire preuve de responsabilité maintenant que cette réforme est en vigueur depuis plus d’un an et ne pas en remettre en cause les grandes options, en l’espèce la suppression de la notion de cause. Les praticiens ne le comprendraient pas.

J’espère, madame Mélot, vous avoir au moins rassurée sur le fait que, dans l’ombre, la cause existe encore, et je vous invite en conséquence à retirer l’amendement n° 10 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 9 rectifié, on peut comprendre la critique émise par ses auteurs, d’autant que le mécanisme n’a pas vocation à s’appliquer dans les champs déjà couverts par des dispositifs comparables en droit de la consommation et en droit des relations commerciales. L’exemple du droit allemand peut légitimement nourrir cette critique. On peut aussi critiquer ce dispositif au motif que le droit commun des contrats postule l’égalité entre les parties, les déséquilibres structurels étant traités par les droits spéciaux.

Toutefois, là encore, par esprit de responsabilité, la commission n’a pas remis en cause le choix du Gouvernement, qui semble admis – certes sans grand enthousiasme – par les milieux économiques dans le périmètre circonscrit des contrats d’adhésion, dont la commission a revu la définition à l’article 1111.

Je vous suggère de retirer cet amendement, madame Mélot, tout en reconnaissant la réalité et le sérieux de sa motivation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis sur les deux amendements.

M. le président. Madame Mélot, les amendements nos 10 rectifié et 9 rectifié sont-ils maintenus ?

Mme Colette Mélot. Non, monsieur le président. Je remercie M. le rapporteur pour toutes les précisions qu’il a apportées. N’étant pas membre de la commission des lois, je n’avais pas eu l’occasion d’entendre ces arguments.

Je retire les deux amendements.

M. le président. Les amendements nos 10 rectifié et 9 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Fouché, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 1164, les mots : « l’une des parties » sont remplacés par les mots : « le fournisseur de biens ou le prestataire de services » ;

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Afin d’éviter toute ambiguïté relative à l’identité du cocontractant qui peut se voir octroyer une prérogative de fixation unilatérale du prix, il convient de préciser que, dans les contrats-cadres, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par le fournisseur de biens ou le prestataire de services.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. La logique de l’article 1164 du code civil est bien que ce soit le débiteur de l’obligation qui puisse fixer unilatéralement le prix. L’inverse est sans doute un cas d’école, une hypothèse assez rare. Cet amendement donne l’occasion de clarifier cette interprétation, sans modifier le texte.

En outre, l’article 1164 précise que les parties peuvent en disposer ainsi, c’est-à-dire qu’elles peuvent en disposer autrement. C’est une disposition supplétive de volonté. En d’autres termes, laissons les parties décider librement qui peut fixer le prix dans un contrat-cadre, que ce soit le débiteur ou, exceptionnellement, le créancier.

Je sollicite également le retrait de cet amendement, madame Mélot.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, monsieur le président. À la suite de la clarification apportée par M. le rapporteur, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, le mot : « créancier » est remplacé par les mots : « prestataire de services » ;

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Je persiste et signe ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. La logique de l’article 1165 du code civil veut que ce soit le créancier du prix qui puisse, si les parties en ont disposé ainsi, fixer unilatéralement le prix. L’inverse n’aurait pas de sens, comme je l’indique très clairement à la page 56 de mon rapport.

Cet amendement donne l’occasion de clarifier l’interprétation à faire de cette disposition : dont acte. Il n’y a pas lieu, dès lors, de modifier le texte.

Je demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement.

M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l’article 1166 du code civil, telle qu’issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Ce texte permet de fixer le degré de qualité de la prestation attendue dans un contrat lorsqu’aucune clause ne la détermine ni ne permet de la déterminer. L’ordonnance s’inspire d’ailleurs sur ce point des projets européens d’harmonisation du droit, qui renvoient aux attentes légitimes des parties, c’est-à-dire de toutes les parties au contrat.

En effet, la qualité de la prestation doit être appréciée au regard non seulement de ce que le créancier pouvait espérer recevoir, mais également de ce que le débiteur s’attendait de son côté à devoir fournir.

La présentation qui a été faite par le rapport au Président de la République était destinée à illustrer l’intérêt de ce texte. Elle ne doit donc pas être interprétée comme limitative lorsqu’elle ne renvoie qu’à la qualité attendue par le créancier.

Les attentes du créancier ne constituent pas le seul élément d’appréciation de la qualité de la prestation, qui doit être effectivement recherchée dans la commune intention des parties au regard du type de contrat en cause, selon les circonstances de sa conclusion et les usages.

C’est à une mise en balance des attentes respectives des parties qu’invite à procéder le texte. D’ailleurs, en visant « les attentes légitimes des parties », l’article 1166 entendait se démarquer de l’ancien article 1246 du code civil, qui ne renvoyait, lui, qu’à la seule situation du débiteur.

En outre, le recours à la notion d’attentes légitimes des parties permet d’objectiver l’appréciation de la qualité de la prestation en l’absence de stipulations contractuelles sur ce point. Le contenu de cette notion d’attentes légitimes des parties sera notamment déterminé en considération de la nature de la prestation en cause, des usages dans le domaine considéré et de la contrepartie, c’est-à-dire, le plus souvent, du prix.

Il nous semble donc préférable, dans un souci d’équilibre, de ne pas s’attacher aux seules attentes du créancier.

Au bénéfice de ces explications, je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rétablir le texte initial de l’ordonnance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. J’ai un peu de mal à suivre le raisonnement du Gouvernement et à comprendre pourquoi il veut revenir à la rédaction initiale de l’ordonnance sur ce point…

Aux termes de l’ordonnance, lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en fonction du contrat, le débiteur de l’obligation doit fournir « une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties ». Je ne comprends pas quelle peut être l’attente légitime du débiteur de l’obligation en termes de qualité de prestation : il est le mieux placé pour savoir ce qu’il peut attendre de lui-même… C’est bien le créancier de l’obligation qui peut légitimement attendre un certain niveau de qualité, un certain type de prestation, tempéré par la nature de la prestation, les usages de la profession et le prix, trois critères d’objectivation mentionnés par le code civil qui guideront le juge si besoin est.

Devant la commission des lois, j’ai pris un exemple qui vaut ce qu’il vaut. Lorsque l’on commande son portrait à un peintre, il peut être plus ou moins ressemblant, et il est difficile de déterminer précisément la prestation dans le contrat : l’attente légitime est celle de celui qui commande le portrait, pas celle du peintre…

Je ne comprends donc pas la signification de la référence aux attentes légitimes des deux parties. Sur ma proposition, la commission a retenu une rédaction plus claire, me semble-t-il, sans recourir à la notion inusitée d’attentes légitimes et en se calant d’ailleurs au plus près de l’objectif énoncé sans ambiguïté dans le rapport au Président de la République, qui précise que la qualité de la prestation, laquelle ne peut être déterminée à l’avance, doit correspondre à « la qualité que le créancier pouvait raisonnablement espérer ».

C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement, madame la garde des sceaux. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Article 8 (nouveau)

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. de Belenet et Richard, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l’article 1183 du code civil est supprimée.

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. L’adoption de cet amendement ne bouleverserait que de façon très relative l’économie générale du texte…

L’amendement vise simplement à supprimer les mots « la cause de la nullité doit avoir cessé », cette mention étant superfétatoire. S’il s’agit d’une nullité subjective, c’est une évidence car sinon elle vicierait la confirmation – je pense à un vice du consentement tel que l’erreur, le dol ou la violence. S’il s’agit d’une nullité objective, l’acte est sans doute atteint et, en pratique, au regard de la jurisprudence, la confirmation de ce dernier se trouve interdite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Je dois dire que je me suis posé la même question que vous sur cette disposition, mon cher collègue. J’en ai fait part au Gouvernement, puis, après réflexion, j’ai renoncé à modifier le texte.

Le code prévoit ce que l’on appelle une action interpellative dans l’hypothèse où un contrat est entaché d’une cause de nullité. Une partie peut demander à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de six mois. Ce dispositif a pour but de purger le débat sur la nullité, pour sécuriser le contrat ou, le cas échéant, pour en demander l’annulation.

Pourquoi est-il logique de prévoir que la cause de nullité doit avoir cessé pour que cette action interpellative puisse être mise en œuvre ? Je précise que cela ne vaut que pour les cas de nullité relative, car on ne peut pas confirmer un contrat entaché d’une nullité absolue. L’objectif est de protéger la partie qui pourrait se prévaloir de la nullité pour faire annuler le contrat, pour éviter qu’elle ne soit atteinte par la forclusion de l’action en nullité, dans les six mois de l’interpellation, si l’autre partie, à l’origine de la nullité, l’interroge.

Par exemple, en cas de vice du consentement du fait de violences ou d’un dol qui demeure caché, si le contractant peut interroger le cocontractant toujours soumis à une situation de violence ou toujours ignorant du dol dont il est victime – c'est-à-dire dans une hypothèse où la cause de la nullité n’a pas cessé –, celui-ci pourrait être contraint de confirmer le contrat sans plus être en mesure de se prévaloir de sa nullité ultérieurement.

Voilà pourquoi, après avoir beaucoup réfléchi à cette question, j’ai renoncé à modifier le texte. J’en reste là, avec l’accord de la commission, et je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.