M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 104.

M. Nicolas Hulot, ministre d’État. J’aimerais d’abord répondre, si vous me le permettez, monsieur le président, au cri du cœur lancé par Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Votre appel à l’aide, madame la présidente de la commission, je vous le renvoie en écho : je vous demanderai moi aussi, en temps utile, de m’aider pour que, dans notre façon d’aborder ces problèmes, nous changions d’échelle. J’en suis intimement convaincu – si je ne l’étais pas, honnêtement, je serais beaucoup plus mal à l’aise que je ne le suis pour défendre le présent texte –, il y a dans la transition énergétique un potentiel économique et un potentiel de gisements d’emplois qui sont énormes. Mais, pour les exploiter, il va falloir voir les choses en grand. Le saupoudrage ne changera pas grand-chose.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au Président de la République de m’autoriser à travailler, non pas simplement dans les limites de mon ministère, mais avec l’ensemble des ministères concernés – le ministère du travail, le ministère de l’économie, le ministère de la recherche… – sur un grand plan, afin de changer totalement d’échelle. C’est à mon sens la seule manière de convaincre. Cela va donc prendre quelques mois.

Je présenterai ce plan au premier trimestre de 2018. Il va falloir que nous soyons ingénieux, créatifs ; que nous utilisions le grand plan d’investissement ; que nous voyions ce que nous pouvons faire avec la Caisse des dépôts et consignations, avec Bpifrance, avec le plan Juncker, et même au-delà.

Dans ce domaine, ce n’est pas simplement de la dépense ; c’est de l’investissement. Cela a été dit, l’énergie qu’on ne dépense pas, c’est de l’argent que l’on économise ; l’énergie qu’on n’importe pas également.

Je n’ai pas la prétention de dire que je vais arriver tout seul à faire cette démonstration ; c’est un travail collectif pour lequel, à un moment ou un autre, nous aurons besoin de votre soutien. Merci, donc, madame la présidente de la commission, pour votre approche très constructive.

J’en viens à l’amendement n° 104.

Les dispositions adoptées en commission des affaires économiques du Sénat visent à exclure du projet de loi le cas des hydrocarbures utilisés pour un usage non énergétique. Or le code minier ne prévoit pas la notion d’usage lorsqu’il délivre une autorisation d’extraction d’une substance. De notre point de vue, cette disposition serait donc très difficile à mettre en œuvre. Par voie de conséquence, elle pourrait même détourner tout l’esprit du texte.

Par ailleurs, au-delà des évolutions prévisibles vers une économie circulaire et vers des bioplastiques, il serait nécessaire de faire préalablement le bilan des émissions de gaz à effet de serre pour ces usages non énergétiques, qui, contrairement à ce qu’on croit, ne sont pas totalement nulles, loin de là.

Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 11

Supprimer les mots :

, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique

II. - Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel

par les mots :

le préalable indispensable à la valorisation des substances sur lesquelles

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement tend à rétablir la rédaction du projet de loi votée à l’Assemblée nationale en ce qui concerne la possibilité de continuer à exploiter les hydrocarbures liquides ou gazeux connexes à un gisement de substances non énergétiques faisant l’objet d’un titre d’exploitation de mines. La commission des affaires économiques du Sénat a élargi cette dérogation à l’exploitation des hydrocarbures connexes à d’autres usages du sous-sol.

Nous considérons que l’extension de la dérogation réduirait considérablement l’ambition première du projet de loi. Cet amendement vise donc à circonscrire la dérogation aux seules substances non énergétiques, à l’exclusion des autres usages du sous-sol.

M. le président. L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

1° Première phrase

Remplacer les mots :

indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel porte le titre d’exploitation

par les mots :

le préalable indispensable à la valorisation des substances

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

Pour les hydrocarbures ainsi extraits, la valorisation éventuelle …

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Le dispositif de cet amendement s’articule avec celui de l’amendement n° 57 rectifié bis défendu par Roland Courteau. Nous souhaitons en effet rétablir la rédaction adoptée par les députés, qui prévoyait des dérogations permettant de poursuivre l’exploitation de gisements de substances connexes non énergétiques contenues dans les hydrocarbures liquides ou gazeux.

La rédaction adoptée à l’Assemblée nationale prévoyait que les hydrocarbures ainsi extraits seraient strictement limités à un usage local, sans pouvoir être injectés dans des réseaux de transport ou de liquéfaction. La version issue des travaux de l’Assemblée nationale donnait la possibilité aux titulaires d’une concession d’hydrocarbures exploitant un gisement connexe aux hydrocarbures, ou valorisant un produit non hydrocarbure – le soufre du site de Lacq, par exemple –, de faire une demande de conversion de sa concession d’hydrocarbures en concession portant sur une substance non énergétique. Dans ce cas, le titulaire du titre minier devait faire la démonstration à l’autorité administrative de la connexité des deux ressources et de la viabilité économique de l’exploitation du gisement de l’autre ressource.

Les dérogations à l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures étaient donc strictement encadrées. Or la commission des affaires économiques a nettement élargi le champ des dérogations en permettant d’intégrer ce type d’hydrocarbures dans un processus industriel et en limitant aux seuls hydrocarbures gazeux la stricte valorisation locale. Le présent amendement vise à revenir sur l’extension des dérogations possibles et à maintenir un encadrement strict de ces dernières.

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 13, seconde phrase

Supprimer les mots :

Pour les hydrocarbures gazeux,

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. La commission des affaires économiques du Sénat a limité l’obligation de la valorisation locale des hydrocarbures connexes aux seuls hydrocarbures gazeux.

Il convient de limiter l’exploitation des hydrocarbures connexes, qu’ils soient liquides ou gazeux, à une valorisation strictement locale, afin de préserver l’esprit du projet de loi, qui vise à mettre fin progressivement à l’exploitation des hydrocarbures. Le présent amendement tend donc à revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Lorsqu’ils sont utilisés comme matière première, les hydrocarbures n’ont pas d’impact sur le réchauffement climatique, puisque l’utilisation finale du produit dans lequel ils sont incorporés ne suppose pas de combustion et donc n’émet pas de gaz à effet de serre.

Les exemples de débouchés sont très nombreux, je n’y reviendrai pas. Je rappelle seulement qu’en 2016 la pétrochimie a consommé, en France métropolitaine, environ 11 % de l’ensemble des produits pétroliers en tant que matière première.

Le Gouvernement avance deux objections.

La première est que le code minier n’examine pas l’usage d’une substance lorsqu’il en autorise l’extraction ; cette disposition serait par conséquent très difficile à mettre en œuvre. Sur le premier argument, c’est une évidence : le code minier n’examine pas les usages tant que le législateur n’en décide pas autrement, ce que nous faisons ici. Quant à la difficulté pratique, elle est parfaitement surmontable.

D’une part, il est des cas où l’usage non énergétique peut être attesté sans aucune difficulté en raison de la nature même de l’hydrocarbure ; c’est notamment le cas de certains champs pétroliers pour lesquels le brut est assez lourd et sera essentiellement dédié à la fabrication de bitumes.

D’autre part, pour les cas où la nature de l’hydrocarbure n’en restreindrait pas l’usage à des finalités non énergétiques, une traçabilité pourrait être organisée sans difficulté par la filière, par exemple via un système de certification ou de labellisation.

La seconde objection du Gouvernement consiste, d’une part, à laisser penser que les progrès de l’économie circulaire et des bioplastiques permettraient de nous passer de tous les sous-produits du pétrole à l’horizon de 2040, ce qui me paraît utopique, et, d’autre part, à plaider pour une évaluation préalable du bilan carbone de ces usages non énergétiques. Or ces usages ne sont pas plus émetteurs de gaz à effet de serre que d’autres activités de transformation industrielle. Dès lors, faudrait-il renoncer à toute activité industrielle ?

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 58 rectifié bis et 104.

Le dispositif de l’amendement n° 42 rectifié confond plusieurs notions introduites ou clarifiées dans le texte de la commission.

Son premier alinéa supprime l’une des références, mais une seule, aux hydrocarbures à finalité non énergétique, quand son deuxième rétablit en partie la rédaction de l’Assemblée nationale en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux connexes.

Nous avons décidé en commission d’étendre cette rédaction pour qu’elle puisse trouver à s’appliquer aux hydrocarbures liquides connexes, et pas seulement au gaz de Lacq. Nous l’avons fait, en outre, en visant l’exploitation du gîte plutôt que la seule valorisation des substances, cela afin d’ouvrir la dérogation à des activités de géothermie. Je m’étonne, sur ce dernier point, que les auteurs de l’amendement ne soient pas favorables au développement de la géothermie.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements nos 60 rectifié bis et 43 rectifié, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Le Gouvernement est évidemment favorable à l’amendement n° 58 rectifié bis, qui est identique à son amendement n° 104.

Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° 42 rectifié, pour des raisons déjà évoquées. Je voudrais seulement ajouter que la fabrication des plastiques vierges à partir de pétrole est, contrairement aux idées reçues, fortement consommatrice d’énergie. Elle génère également des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc préférable de recourir au recyclage. Pour vous donner un ordre de grandeur : une tonne de plastique recyclé, ce sont 2,5 tonnes de CO2 économisées.

Le Gouvernement est favorable, sur le fond, à l’amendement n° 60 rectifié bis. Nous préférerions néanmoins qu’il soit retiré au profit de l’amendement n° 42 rectifié, qui nous semble mieux rédigé.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 43 rectifié, pour des raisons déjà évoquées.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Les cinq amendements en discussion visent à revenir sur les dérogations prévues par l’article 1er. Ces dérogations, M. le ministre d’État l’a dit, tendent à affaiblir la portée du présent texte.

Mme la rapporteur a mobilisé à l’appui de sa démonstration l’exemple d’une réalisation à venir dans le bassin d’Arcachon. Étant élue de la Gironde, je connais bien la commune de La Teste-de-Buch. Or ce projet d’écoquartier est en réalité encore dans les cartons.

M. le ministre d’État l’a dit, l’un des objectifs du présent texte est d’ouvrir les imaginations, de proposer des réponses plus innovantes. Ne pas multiplier les dérogations à son application permettra de trouver des solutions plus innovantes pour le chauffage de cet écoquartier encore en gestation que la sempiternelle extraction d’hydrocarbures. C’est ainsi que ce projet prendra place de manière encore plus évidente dans notre lutte contre le réchauffement climatique.

Je voterai donc ces amendements, qui redonnent du sens à la loi voulue par M. le ministre d’État.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je persiste et signe : les dérogations aux dispositions de l’article 1er doivent être limitées au gaz sulfuré de Lacq. Si ces dérogations devaient devenir la règle, la portée et l’ambition de ce texte seraient particulièrement réduites.

À quoi bon légiférer si c’est pour ne rien changer ? Si c’est pour poursuivre la recherche des hydrocarbures dans notre sol ?

Bref, ne multiplions pas les coups de canif dans ce texte. C’est trop important !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Notre groupe votera ces amendements.

Il est toujours bon de replacer nos discussions dans leur contexte. Je ne reviendrai pas sur l’urgence climatique, qui a été longuement exposée au cours de la discussion générale. Si nous voulons limiter le réchauffement climatique, on sait qu’il faut laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. Ce n’est pas la seule solution, mais, sans elle, nous n’y arriverons pas.

Pour notre groupe, l’échéance de 2040 – dans vingt-deux ans ! – est déjà trop tardive. Avec le texte tel qu’issu des travaux de la commission, on multiplie, en plus, les dérogations à son application. Nous devrions tout mettre en œuvre, collectivement, pour définir une date à partir de laquelle tout doit changer, pour investir massivement, pour imaginer demain.

Ceux qui ne défendent pas ce projet de loi le considèrent comme symbolique. Tel qu’il a été modifié, il l’est en effet : les hydrocarbures pourront continuer d’être exploités au-delà de 2040 pour des usages non énergétiques ; nous allons même examiner des amendements pour en repousser l’application à 2050 !

Notre groupe votera donc les amendements en discussion commune. Il faut toujours garder en tête notre objectif pour le futur ; et avec ce texte en l’état, nous ne l’atteindrons pas.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je suis très gêné par ce projet de loi. Françoise Férat l’a rappelé, nous sommes élus d’un territoire où les pompes sont présentes partout : nous vivons entourés, en pleine campagne, de puits de pétrole, et ce depuis plus de trente ans.

Cela crée beaucoup d’activités : nous voyons les camions passer, les améliorations apportées au pipeline allant jusqu’à Nangis et y transportant les produits extraits du sol. Tout cela se passe en bonne intelligence et fait vivre une économie locale.

Dans notre département, c’est une entreprise de plus de 75 emplois qui peut être détruite, alors que vous venez seulement de lancer un grand plan d’investissement pour la transition. Pour l’heure, il s’agit pour nos territoires d’une innovation plus destructrice que créatrice…

C’est là où ce projet de loi me gêne. Nous l’aurions examiné après avoir lancé des investissements pour le XXIe siècle, nous aurions pu l’expliquer à nos concitoyens. Mais, dans l’ordre retenu, nous allons devoir dire aux habitants de la Marne que des emplois, tous situés en milieu rural, où il est dur de trouver du travail, vont être détruits.

J’appelle votre attention sur ce point particulier, monsieur le ministre d’État, car la question se posera bientôt pour les méthaniseurs. Les projets actuels de méthaniseurs sont le fait de financiers, et non pas d’agriculteurs locaux, qui n’ont pas les moyens de se les offrir. Il faudra revoir le dispositif pour que la méthanisation offre des débouchés à ces derniers.

Vous parlez enfin des bioplastiques. En 2040, on ne recourra non plus à la pétrochimie, mais à la biochimie pour fabriquer ces plastiques. Notre territoire est au cœur du dispositif, grâce à son pôle mondial de compétitivité organisé autour de la bioéconomie. Or, soyez-y attentif, monsieur le ministre d’État, le projet de loi de finances pour 2018, suivant les recommandations de Bruxelles, remet en cause le taux d’incorporation du biogazole ou du diester dans le diesel, tout en malmenant la fiscalité sur ce dernier. Or c’est grâce aux engagements pris par les gouvernements précédents que le modèle économique tient, que des recherches peuvent être menées sur des carburants de future génération, que des débouchés peuvent être trouvés pour le bioplastique. Je vois donc une incohérence entre ce projet de loi et les dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2018.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je le répète, les dispositions de ce texte seront applicables dans vingt-deux ans. Il n’est pas nécessaire de les durcir au maximum dès aujourd’hui. On pourra toujours le faire plus tard, si on s’aperçoit que c’est nécessaire. On a le temps : on a vingt-deux ans devant nous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Le texte ne s’appliquera pas demain !

Mme Cécile Cukierman. Dans vingt-deux ans, il sera trop tard !

M. Jean Louis Masson. Contentons-nous de fixer les principes ; il sera toujours temps de préciser les choses ensuite.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 rectifié bis et 104.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Courteau, le Gouvernement vous a invité à retirer l’amendement n° 60 rectifié bis au profit de l’amendement n° 42 rectifié. Que décidez-vous ?

M. Roland Courteau. Je vais le retirer au profit de l’amendement n° 42 rectifié… (Sourires.)

M. le président. … qui vient d’être rejeté. (Nouveaux sourires.)

L’amendement n° 60 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 59 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 107 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 11

Supprimer les mots :

et de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers

II. - Alinéa 17

Après la référence :

L. 111-6

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié bis.

M. Roland Courteau. La commission des affaires économiques a prévu une dérogation à l’arrêt des activités de recherche sur les hydrocarbures. Nous nous interrogeons sur la réelle portée de ces dispositions.

Force est de souligner que les dérogations précédentes introduites par la commission permettent déjà la poursuite des activités de recherche concernant « les hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique ».

Permettre de poursuivre la recherche en présentant cela comme une rare exception fortement encadrée, au sens où cette recherche doit se réaliser « sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers », nous laisse particulièrement perplexes.

On nous présente les choses comme si l’arrêt de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures allait sonner la fin de la recherche scientifique en France. Mais cette recherche scientifique publique n’existe-t-elle pas déjà aujourd’hui ? Serait-elle le monopole des compagnies pétrolières ? Devrait-elle disparaître du fait de l’arrêt progressif, à l’horizon de 2040, de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures par ces mêmes compagnies ?

Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas hostiles à la recherche, et à la recherche scientifique en particulier, évidemment. Mais nous nous interrogeons sur le sens et la portée de cette dérogation nouvelle.

Qui plus est, comme cela est souligné dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, identique au nôtre, « la recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. La délivrance d’autorisations de travaux à des fins de développement de la connaissance restera autorisée, indépendamment des dispositions de ce projet de loi ».

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer les dispositions introduites par la commission des affaires économiques, qui ne nous paraissent pas utiles.

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 107.

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. En France, la filière du sous-sol comporte de nombreuses entités publiques qui sont engagées dans la recherche sur ce thème : le BRGM, l’IFREMER, l’IFPEN, l’INERIS. Leurs missions couvrent largement la connaissance géologique et la compréhension des phénomènes liés au sol et au sous-sol. Ces entités interviennent en appui des politiques publiques.

Vous l’avez dit et nous en sommes d’accord, l’arrêt de l’activité de recherche et d’exploitation des hydrocarbures n’emportera pas l’arrêt de cette filière, qui s’est d’ailleurs orientée ces dernières années vers la géothermie et le stockage d’énergie.

La recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. La délivrance d’autorisations de travaux à des fins de développement de la connaissance restera autorisée, indépendamment des dispositions de ce projet de loi.

A contrario, interdire la délivrance de nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures, quelle que soit la technique utilisée et quel que soit l’opérateur, est cohérent avec l’ensemble du projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 17

Remplacer les mots :

réalisée sous contrôle public

par le mot :

publique

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Le projet de loi prévoit la fin de l’exploration du sous-sol pour y chercher des hydrocarbures. À la suite de l’examen par la commission des affaires économiques, une exception pour la recherche y a été ajoutée.

S’il est logique que ce texte ne fasse pas entrave à la science, il prévoit une formule, que nous jugeons quelque peu alambiquée, de « recherche sous contrôle public », dont le but est l’amélioration de la connaissance géologique des sous-sols et la prévention des risques miniers. Une telle rédaction ménage des intérêts divergents et laisse la porte ouverte à des activités de recherche privées dont la finalité pourrait être déguisée. Pour des raisons de clarté, nous lui préférons les termes de « recherche publique », afin de garantir que toute future activité de sondage des sous-sols du territoire national soit seulement guidée par les besoins de la science et l’intérêt général.

Confier l’exclusivité de la recherche géologique à la puissance publique correspond parfaitement à la philosophie du présent projet de loi et permet d’éviter tout détournement de son objet. Nous pourrions faire le choix de supprimer cette disposition ; nous préférons l’encadrer.

M. le président. Le sous-amendement n° 109, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Amendement n° 17, alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

par les mots :

publique réalisée

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ce sous-amendement est rédactionnel.

Je rappelle la ligne retenue par la commission : il s’agit de ne pas insulter l’avenir en renonçant à l’acquisition de connaissances qui pourraient contribuer au développement de filières d’avenir et accompagner la transition vers un nouveau modèle énergétique. La recherche ainsi autorisée ne pourra donner lieu ni à l’attribution d’une concession ni à l’utilisation des techniques dites « non conventionnelles ». D’ailleurs, pour lever toute ambiguïté sur le caractère nécessairement public de la recherche, je vous propose d’adopter l’amendement n° 17 rectifié du groupe CRCE, modifié par le sous-amendement n° 109 de la commission.

Pourquoi se lierait-on aujourd’hui les mains ? En effet, nos chercheurs pourraient trouver dans quelques années – sait-on jamais – un intérêt à étudier de nouveau les réservoirs et les champs d’hydrocarbures pour avancer dans la connaissance de sujets tels que le stockage géologique du CO2 ou de l’hydrogène. Rien ne justifie, à mon sens, que l’on se prive de cette possibilité.

L’avis de la commission est donc défavorable sur les amendements identiques nos 59 rectifié bis et 107.

L’avis est favorable, en revanche, sur l’amendement n° 17 rectifié présenté par M. Gay, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement n° 109.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. La poursuite de la recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, qui est nécessaire, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. Je demande donc le retrait de l’amendement n° 17 rectifié, au profit des amendements identiques nos 59 rectifié bis et 107, qui sont plus précis. À défaut, l’avis sera défavorable.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 109.