M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l'article.

M. Joël Labbé. L’article 6 vise à mieux encadrer les biocarburants, que je vais appeler « agrocarburants » parce qu’ils devraient s’appeler ainsi, des carburants issus de terres agricoles, notamment pour ce qui concerne les critères de durabilité auxquels ils sont soumis et les moyens de contrôle mis en œuvre afin de faire respecter ces dispositions.

Monsieur le ministre d’État, nous partageons avec vous la nécessité de porter un regard large, transversal et à long terme sur ces sujets intimement liés, à savoir l’énergie, les productions alimentaires, le respect de la biodiversité et les équilibres climatiques.

Je proposerai tout à l’heure un amendement visant à mieux prendre en compte le changement d’affectation des terres permettant de produire des agrocarburants, plutôt que de nourrir des humains.

Les agrocarburants, il faut le dire, sont en concurrence avec les productions vivrières dans un certain nombre de pays, et ce du fait du scandaleux accaparement des terres, que ce soit par des pays ou par des sociétés multinationales. Ils sont aussi en concurrence avec la forêt primaire, que l’on continue de déforester très souvent pour ces productions. Aussi, je suggère que l’on engage une réflexion, dans un proche avenir, de manière un peu plus large, sur les évolutions techniques existantes, afin d’éviter, à l’avenir, que des terres cultivables nourricières ne servent à remplir nos réservoirs.

Peut-on un jour – le plus tôt possible ! – interdire l’incorporation d’agrocarburants de première génération, qui font, eux, directement concurrence aux cultures alimentaires, et n’autoriser que l’incorporation d’agrocarburants de deuxième génération, qui ne consomment que des résidus et des déchets issus de l’agriculture, voire d'agrocarburants de troisième génération qui proviennent, pour leur part, de la culture d’algues ? C’est là une vraie question.

Mes chers collègues, les scientifiques estiment que le remplacement des carburants fossiles par les agrocarburants actuels correspondrait au moins à 22 % des productions végétales terrestres, augmentant ainsi de 50 % l’appropriation de cette ressource par l’homme, et contre l’homme, et pourrait compromettre la survie des autres espèces qui en dépendent.

Je m’éloigne un peu du sujet,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Joël Labbé. … mais pas tant que cela, en réalité !

On a parlé hier de loi fourre-tout…

M. le président. Monsieur Labbé, vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Joël Labbé. J’ai dit ce que j’avais à dire ! Je vous en remercie, monsieur le président. (M. Ronan Dantec applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13, présenté par MM. Cuypers et Bizet, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Milon, Poniatowski, Menonville, de Legge, Lefèvre et Meurant, Mme Micouleau, MM. Savary, D. Laurent et Mouiller, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Chaize et Pierre, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Raison, Gremillet, Daubresse, Duplomb, Revet et Panunzi et Mme Duranton, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer la date :

5 octobre 2015

par la date :

1er janvier 2008

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la fin du premier alinéa de l’article L. 661-4 du code de l’énergie, dans sa rédaction résultant du 2° du I du présent article, la date : « 1er janvier 2008 » est remplacée par la date : « 5 octobre 2015 ».

Le premier alinéa du présent paragraphe entre en vigueur le 30 juin 2019.

La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Comme je l’ai évoqué hier lors de la discussion générale, les biocarburants sont issus de la biomasse, et la déontologie communautaire a retenu ce nom dans tous les textes communautaires.

Les biocarburants français et européens subissent une concurrence déloyale des biocarburants importés à double titre. D’une part, les biocarburants importés sont plus facilement l’objet de fraudes aux critères de durabilité, et moins facilement soumis à des contrôles sur place. D’autre part, certains biocarburants importés bénéficient non seulement d’un dumping, mais aussi de subventions qui permettent à leurs exportateurs de les vendre à des prix inférieurs au coût des seules matières premières dans l’Union européenne.

Dans ce contexte, une plainte anti-subvention va prochainement être déposée à la Commission européenne pour dénoncer certaines de ces pratiques. Toutefois, le temps que cette plainte aboutisse à des mesures concrètes, l’afflux des biocarburants importés non durables et subventionnés aura considérablement affaibli les filières françaises et européennes des biocarburants. Cela conduirait à 60 % de pertes d’activité au niveau national.

Étant donné que les biocarburants non durables et subventionnés sont majoritairement produits dans les installations mises en service après le 1er janvier 2008, l’objet du présent amendement est de mettre en place des mesures provisoires de nature à relever le niveau d’exigence en termes de durabilité – je parle des émissions de CO2 –, le temps que la Commission prenne les mesures appropriées et nécessaires.

Le caractère provisoire de cette mesure garantit un juste équilibre entre la nécessité, d’une part, de lutter contre la concurrence des biocarburants importés lorsqu’elle est déloyale et, d’autre part, de se conformer pleinement au droit de l’Union européenne et de l’OMC.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 40 est présenté par M. Bizet.

L'amendement n° 76 rectifié ter est présenté par MM. Guillaume, Courteau, Bérit-Débat et Cabanel, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

Remplacer la date :

5 octobre 2015

par la date :

1er janvier 2008

II. – Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 30 juin 2019, la date retenue pour la mise en service des installations est fixée au 5 octobre 2015.

La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 40.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous épargnerai les considérants de cet amendement, parce qu’ils sont rigoureusement identiques à ceux que vient d’évoquer mon collègue Pierre Cuypers.

Il s’agit là d’un sujet extrêmement délicat, parce qu’il « emporte » la pérennité de 20 000 emplois dans le nord de la France. La production de tourteaux et, à partir de là, de protéines végétales nous permet d’importer beaucoup moins de protéines végétales d’Amérique du Nord.

J’insiste sur la qualité de cet amendement. Il importe également de souligner l’importance de la durabilité des politiques pour sécuriser les filières, ainsi que les considérables investissements financiers inhérents.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié ter.

M. Henri Cabanel. La Commission européenne a décidé de baisser les taxes à l’importation de biocarburants, taxes antidumping, établies en 2013. Cette décision combinée en une nouvelle réglementation en baissant le taux d’incorporation de diester dans la composition du biodiesel que cet article vise à transposer a pour effet de soumettre la filière à une concurrence accrue.

Or, tout comme en 2013, cette concurrence est toujours déloyale. Je pense – cela vient d’être dit – notamment aux subventions massives dont bénéficient les biocarburants argentins ou indonésiens par exemple. Certains producteurs eux-mêmes sont épinglés par les « Paradise papers », qui font l’actualité, comme le groupe Louis-Dreyfus. Les acteurs nationaux de la filière sont en train de déposer des recours auprès de la Commission européenne. Je pense également aux problèmes de durabilité que posent ces biocarburants importés et élaborés pour la plupart sur des sites ouverts après 2008.

Concrètement, ces amendements doivent permettre de suspendre la décision de la Commission européenne le temps que les recours aboutissent, afin d’éviter des importations que nous jugeons déloyales et litigieuses pendant la durée d’examen du recours. Les enjeux sont importants, avec un impact direct sur l’emploi.

Concernant ma région, la présidente de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée nous a alertés sur ce problème : le groupe Avril, leader français de la filière, est totalement impacté par ces décisions, notamment au travers de sa filiale Saipol, qui exploite une importante usine de trituration sur le port de Sète, à Frontignan, dans l’Hérault. Mes collègues Roland Courteau et Gisèle Jourda m’ont signalé qu’une usine pouvait aussi être concernée dans l’Aude.

Le groupe Avril vient d’annoncer la réduction de son activité, qui se traduit par une mise à l’arrêt temporaire du site à compter du mois de février 2018. Cette décision concerne 88 emplois directs et représente une dégradation de 20 % du chiffre d’affaires du port.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 37 rectifié quinquies est présenté par Mme Bruguière, MM. Longuet, Détraigne, Pointereau, Decool et Savary, Mme Férat, MM. Navarro, Kern, Chaize, Schmitz, Ginesta, Meurant et Grand, Mmes Garriaud-Maylam et Bories et MM. Bignon, Bouchet et Laménie.

L'amendement n° 39 rectifié est présenté par M. Bizet.

L'amendement n° 41 rectifié quater est présenté par M. Cuypers, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Milon, Poniatowski, Menonville, de Legge et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. D. Laurent et Mouiller, Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli et Pierre, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Raison, Gremillet, Daubresse, Duplomb et Revet, Mme Duranton et M. Panunzi.

L'amendement n° 77 rectifié quater est présenté par MM. Guillaume, Courteau, Bérit-Débat et Cabanel, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

sur le territoire de l’Union européenne et après le 1er janvier 2008 pour les installations situées sur le territoire d’un État tiers

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 661-4 du code de l’énergie, dans sa rédaction résultant du 2° du I du présent article, les mots : « sur le territoire de l’Union européenne et après le 1er janvier 2008 pour les installations situées sur le territoire d’un État tiers » sont supprimés.

Le premier alinéa du présent paragraphe entre en vigueur le 30 juin 2019.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié quinquies.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Près de cent ouvriers renvoyés chez eux pour dix mois, 25 % de l’activité du principal port de pêche en Méditerranée mis à mal… Voilà les premières conséquences de l’annonce, le 13 octobre 2017, par le groupe alimentaire Avril, des mesures de chômage partiel pour 2018 dans les usines de sa filiale Saipol, en raison de la « menace » que fait peser la réouverture du marché européen au biodiesel argentin.

Ce dispositif, qui court sur six mois renouvelables à compter de février 2018, concerne environ 250 des 600 salariés de Saipol, répartis dans l’ensemble des cinq usines d’estérification de la filiale en France, dont l’une est située, je le rappelle, à Sète.

La raison invoquée est que l’Union européenne a rouvert ses portes, à la fin de septembre 2017, aux importations en provenance d’Argentine, après avoir érigé en 2013 contre les biocarburants en provenance de ce pays une barrière douanière qui a été désavouée par l’Organisation mondiale du commerce. En effet, les subventions permettent aux exportateurs argentins de vendre du biodiesel à un prix inférieur au coût des seules matières premières dans l’Union européenne.

L’Association des producteurs de biodiesel européens a annoncé, en septembre 2017, son intention de déposer une plainte auprès de la Commission européenne contre les importations argentines. En l’absence de contre-mesure efficace de l’Union européenne, les conséquences pour cette filiale seraient sans appel, et des centaines d’emplois seraient concernés.

Je me réjouis de voir que la prise de conscience est commune, puisque cet amendement, cosigné par des représentants de l’ensemble des groupes de la majorité sénatoriale, est aussi présenté par d’autres groupes de cette assemblée.

Étant donné que les biocarburants non durables et subventionnés sont majoritairement produits dans des installations mises en service après le 1er janvier 2008, l’objet de cet amendement est de mettre en place des mesures provisoires visant à relever le niveau d’exigence en termes de durabilité – émissions de CO2 – le temps que la Commission prenne les mesures appropriées.

Le caractère provisoire de cette mesure garantit un juste équilibre entre la nécessité, d’une part, de lutter contre la concurrence des biocarburants importés lorsque celle-ci est déloyale et, d’autre part, de se conformer pleinement au droit de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 39 rectifié.

M. Jean Bizet. Cet amendement étant identique au précédent, je vous épargne les commentaires que j’ai formulés dans l’objet.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l'amendement n° 41 rectifié quater.

M. Pierre Cuypers. Cela a été rappelé par l’ensemble de mes collègues, le contexte dans lequel se trouvent les filières française et européenne de biocarburants est aujourd'hui plus qu’alarmant.

En septembre dernier, l’Union européenne a pris la décision de réduire significativement les droits antidumping appliqués au biodiesel argentin réalisé à partir de soja. Telle est la concurrence déloyale qui va être installée grâce au gouvernement français, si rien n’est entrepris !

Une hausse massive des importations de ce carburant fait craindre des effets désastreux non seulement sur l’environnement, mais aussi sur un secteur de l’économie performant, qui verra ses emplois sacrifiés. Au total, près de 20 000 emplois seront concernés, avec une perte d’activité de 60 % de nos entreprises, comme je l’ai dit précédemment.

Ainsi, la filière va subir la concurrence d’un biodiesel étranger, notamment argentin, puis, demain, indonésien avec l’huile de palme, massivement subventionné par leur pays d’origine et soumis à des critères de durabilité moindres qu’en Europe.

Force est de constater que la crise engendrera des effets pervers : avec l’importation de 1 million de tonnes de biodiesel argentin, 1,2 million d’hectares de colza mis en terre aujourd’hui ne trouveront pas de débouchés en 2018 – il faut bien prendre en compte cette donnée. C’est une crise qui se rajoutera à la crise agricole, avec, bien évidemment, des effets boomerang sur l’ensemble de toutes les filières, en amont et en aval.

Cet amendement tend à relever le niveau d’exigence en termes de durabilité, c’est-à-dire en termes d’émission de gaz à effet de serre pour tous les biocarburants importés sans exception. Il a pour objet d’éviter à la filière des biocarburants français de se trouver broyée par la concurrence internationale.

Cette mesure garantit un juste équilibre entre la nécessité, d’une part, de lutter contre la concurrence des biocarburants importés lorsque celle-ci est déloyale et, d’autre part, de se conformer pleinement au droit de l’Union européenne et de l’OMC.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 77 rectifié quater.

M. Henri Cabanel. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ces sept amendements ont le même objet, celui de durcir de façon transitoire les critères de durabilité des biocarburants pour lutter contre la concurrence déloyale de certains biocarburants importés. En effet, comme l’ont relevé nos collègues, ce sont plusieurs milliers de tonnes de biocarburants qui vont venir saturer le marché français et évincer la production locale, sans respecter les règles du jeu.

D’ores et déjà, une plainte a été déposée auprès de la Commission européenne, mais, avant qu’elle n’aboutisse, la filière pourrait être en très grande difficulté. C’est pourquoi il nous faut agir dès à présent, tout en évaluant les risques juridiques de chacune des solutions proposées.

La première série d’amendements – les amendements nos 13, 40 et 76 rectifié ter – retiendrait, pour toutes les installations, qu’elles soient françaises, européennes ou d’un autre État tiers, la même date à partir de laquelle les critères de durabilité seraient durcis. Il n’y aurait pas de discrimination selon l’origine des biocarburants, mais on risquerait alors des effets de bord.

La seconde série d’amendements – les amendements identiques nos 37 rectifié quinquies, 39 rectifié, 41 rectifié quater et 77 rectifié quater – n’avancerait la date à partir de laquelle les critères seraient durcis que pour les installations situées hors de l’Union européenne. Le risque d’effet de bord serait alors levé, mais un contentieux pourrait naître devant l’Organisation mondiale du commerce. La France pourrait cependant faire valoir, d’une part, qu’il s’agit là de répondre en urgence à une pratique anticoncurrentielle dont elle est la victime, et, d’autre part, que la réponse est strictement proportionnée, car limitée dans le temps, jusqu’au 30 juin 2019.

Le risque d’une condamnation semblant dès lors mesuré, et, surtout, sans commune mesure avec celui qui consisterait à ne pas agir pour préserver une filière d’excellence française, la commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 37 rectifié quinquies, 39 rectifié, 41 rectifié quater et 77 rectifié quater et demande le retrait des autres amendements en discussion commune.

M. Charles Revet. Très bien ! C’est important !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Permettez-moi au préalable de rebondir sur les propos de M. Labbé.

Quelles que soient les inquiétudes, largement justifiées, que nous partageons et que nous allons nous atteler à lever, vous avez raison de rappeler qu’il convient d’aborder la question des biocarburants avec une certaine délicatesse. Oui, il faut garder un principe : la priorité de l’usage des sols est de nourrir nos concitoyens. Cela n’empêche évidemment en rien de s’intéresser à cette filière, mais il importe de le rappeler.

J’en viens maintenant aux sept amendements en discussion commune.

Les amendements nos 13, 40 et 76 rectifié ter, qui tendent à modifier les dispositions de la directive de 2015, visent à faire en sorte que toutes les installations mises en service depuis le 1er janvier 2008 produisent des biocarburants présentant un niveau de réduction de gaz à effet de serre de 60 % par rapport aux mêmes émissions générées par des carburants fossiles, et ce à partir du 30 juin 2019. Une telle décision, de notre point de vue, pénaliserait justement fortement les installations mises en service en France depuis le 1er janvier 2008.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

En revanche, les amendements identiques nos 37 rectifié quinquies, 39 rectifié, 41 rectifié quater et 77 rectifié quater visent à imposer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus élevé pour les biocarburants produits hors de l’Union européenne que pour ceux qui sont fabriqués à l’intérieur de l’Union européenne. Cette proposition ne pénalisera pas de fait les sites de production française mis en service avant le 5 octobre 2015 et devrait restreindre fortement, selon nous, l’importation du biodiesel argentin.

La conformité de cette proposition au droit de l’Organisation mondiale du commerce, il faut bien l’avouer, est en cours d’examen, et les contacts engagés avec la Commission européenne pour le traitement rapide de la plainte déposée par les producteurs de biodiesel qui a été évoquée tout à l’heure permettent d’avancer conformément au droit de l’OMC.

En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat pour ces amendements identiques.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Monsieur Cuypers, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?

M. Pierre Cuypers. Je rejoins la position de Mme la rapporteur et je le retire, monsieur le président, puisque les dispositions de l’amendement n° 41 rectifié quater répondront à notre attente.

M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.

Monsieur Bizet, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. Permettez-moi de souligner encore une fois l’intérêt d’avoir une politique durable et lisible pour les filières. Nous discutons précisément de la filière oléoprotéagineuse, qui a créé 20 000 emplois et qui produit, je le répète, des tourteaux dont nous avons besoin pour l’élevage français. S’il en va autrement, nous serons obligés de nous tourner vers l’importation de protéines végétales, du Brésil notamment.

Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Monsieur Cabanel, l'amendement n° 76 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 76 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je tiens à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté eu égard à mon intervention sur l’article : je maintiens mon propos sur la question de la dérégulation et de la concurrence déloyale par rapport aux productions françaises. Néanmoins, nous voterons évidemment ces amendements identiques, dont les dispositions conviennent au Gouvernement.

M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Et à la commission !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Le groupe socialiste et républicain votera également ces amendements identiques.

Il serait temps que la Commission européenne mette en place un système de traçabilité du puits à la roue obligatoire, afin d’éviter les fraudes de la part de ceux qui jouent sur la disparité entre les législations nationales.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. J’ai bien écouté ce qu’ont dit M. Labbé et M. le ministre d’État. Tout le monde en est d’accord, il ne s’agit pas d’opposer l’alimentaire au non-alimentaire.

Les surfaces consacrées à une transformation des plantes, notamment pour ce qui concerne la filière betterave ou la filière blé, représentent 2 % à 3 % des cultures. Il s’agit notamment de matières premières qui ne pourraient pas nourrir de façon correcte la population, parce que le taux de protéine est différent, le blé n’est pas panifiable, etc. Elles ne sont donc pas destinées à l’alimentation. C’est une question d’équilibre : c’est la transformation de la plante en entier.

La bioéconomie est vraiment une économie circulaire : avec le blé, on peut faire de la farine ; avec le blé non panifiable, on peut faire des produits cosmétologiques complètement naturels ; la paille, on la transforme en pâte à papier ou en tourteaux ; avec la lignine, on fera autre chose, et on transformera ce qui reste pour faire des colles biosourcées pour les bois collés ou autres matières. C’est complètement biologique, et la matière première est entièrement transformée. Enfin, ce qui reste constitue un amendement naturel pour le sol.

C’est grâce à la recherche-développement, avec l’investissement des agriculteurs et des industriels, que l’on est arrivé à mettre en place cette économie circulaire, mais le modèle économique est très fragile. Si le taux d’incorporation du diester dans le gazole ou de l’éthanol dans l’essence est modifié ou si la fiscalité change, le modèle économique tombe. Or il nous importe de trouver demain les carburants de deuxième génération. La première génération, c’était simplement l’apprentissage du métier. Mais tout cela va nécessiter des investissements terriblement lourds.

Si l’on n’envoie pas de bons signaux à la filière agricole, je ne suis pas sûr que celle-ci continue à réaliser ce type d’investissements. Or ces derniers s’inscrivent pourtant véritablement dans l’agronomie, le développement durable.

La concurrence devient déloyale et inacceptable. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai de façon très vigoureuse ces amendements identiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié quinquies, 39 rectifié, 41 rectifié quater et 77 rectifié quater.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les modalités de calcul de ce potentiel de réduction sont précisées par décret et prennent en compte les changements d'affectation des sols directs et indirects.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Nous proposons cet amendement à l’alinéa 4 de l’article 6 afin de prendre en compte la notion de changement d’affectation des sols indirect et de compléter, ce faisant, la méthodologie d’évaluation des biocarburants.

Si l’intention peut paraître louable, l’utilisation des biocarburants soulève des problèmes qu’il nous faut prendre en considération ; notre collègue Joël Labbé vient de le rappeler.

En France, quelque 75 % des biocarburants utilisés proviennent de l’huile de palme, dont l’exploitation a des conséquences sur le couvert forestier. Ainsi, le biogazole à base d’huile de palme aurait, selon une étude de la Commission européenne, un impact sur le climat trois fois pire que celui du gazole issu du pétrole.

L’évaluation de l’impact environnemental des biocarburants est aujourd’hui incomplète, en particulier parce que sa méthodologie ne prend pas en compte les changements d’affectation des sols indirects. C’est cette lacune que cet amendement vise à réparer.

Préconisée par les ONG, cette mesure est également cohérente avec le plan climat que vous avez vous-même présenté, monsieur le ministre d’État, le 6 juillet dernier, puisque ce plan prévoit explicitement une évolution réglementaire sur ce point. Nous proposons donc d’aller au bout des bases posées par le plan climat, en nous donnant les moyens d’évaluer au plus juste l’impact environnemental de nos pratiques.